
Sur les quais rénovés sur la ville franche de Leyuan, on observe un mouvement de fond depuis quelques jours. Les caisses vont et viennent. Elles sont entreposées momentanément à des endroits incongrus tant elles sont nombreuses. Et plus encore: elles sont bien lourdes... à tel point que certains dockers se demandent ce qu'elles contiennent malgré tout leur professionnalisme. Mais un ordre est un ordre, et il a été interdit à quiconque d'en vérifier le contenu. La destination de ce premier et modeste chargement, en comparaison à ce qui devrait encore arriver, est évocatrice:: direction les casernements de la capitale impériale, le tout sans le moindre arrêt. Interdiction au public de voir ce qui se trouve dans ces camions, qui viennent effectuer ce qui semblerait être la première de nombreuses rotations, car des navires velsniens ne devraient pas tarder à déverser dans les ports xin des quantités astronomiques de ces bien étranges chargements. Bien étrange ? Avec du recul, ce la ne l'était pas tant. Les velsniens n'étaient plus forcément les inconnus qu'ils étaient il y a encore quelques mois: deux velsniens étaient désormais à la cour impériale, à prodiguer au fils du ciel de bons conseils dans les domaines de l'armée et de l'économie. Et puis, que dire de la présence sporadique de Matteo Di Grassi lui-même dans le pays, assorti d'une petite cohorte de conseillers militaires. Si les velsniens sont très loin d'être les seuls contributeurs de cette fantastique renaissance, les conseillers velsniensn ont apporté leur petite pierre à l'édifice de façon indéniable. Parmi ces gens,, on trouve des hommes et des femmes illustres qui figurent parmi ceux qui ont débarqué sur les plages d'Umbra en compagnie de Di Grassi, de véritables compagnons de routes, à l'image du bouillant Sénateur Albirio, ce natif d'Achos au sang chaud, ancien commandant de Tribune militaire à la réputation qui n'est plus à faire. On ne le voit que rarement passer une journée sans évoquer sa contribution à la victoire d'Hippo Reggia. Si buveur violent et sanguin il est, il est tout autant logisticien et organisateur confirmé, et c'est à sur son insistance que Di Grassi a fait débloquer les fonds et le matériel nécessaire à cette entreprise aventureuse en orient.
Toujours de bon matin, Albirio passe dans les rangs, fait sa revue, vient redresser les képis et vérifier la propreté des fusils, parfois malmener quelques nouvelles recrues et inculquer à cet ensemble la cohésion d'une armée velsnienne Cette nouvelle armée impériale il faut le dire, à héritée d'un certain nombre de traits propres à une armée d'une cité fortunéenne de la manche blanche: à l'image de Velsna, d'Adria ou d'Apamée. L'armée impériale a adopté un strict schéma d'organisation décimal dans chacune de ses unités et sous unités. Cette organisation s'est assortie d'une purge des anciens cadres et des détenteurs héréditaires de leurs charges, tandis que des officiers sortis du rang ont émergé parmi cette masse, autrefois sans grande connaissance de la guerre. Chacun d'entre eux a été choisi par les conseillers militaires velsniens, et reflètent des qualités que ces mêmes gens auraient aperçu lors de la fameuse Guerre des Triumvirs: la ténacité et le sens de l'initiative étant les premières à être retenues. Cette prise d'initiative individuelle qui est le cœur de l'armée velsnienne, a été transmise à cette structure autrefois si rigide qu'est désormais la Grande armée impériale. Le rejet des structures centralisées et l’adoption d'un commandement beaucoup plus flexible, capable de se comporter en relative autonomie en cas de perte de contact avec la tête des opérations... l'armée xin est désormais comme celle de la Grande République, qui n'a jamais été autre chose qu'un ensemble composite de petites unités. Adieu les bataillons obèses et la lenteur opérationnelle digne de raskenois, bonjour la prise de risque et le mouvement, aidé par la production de ces camions qui viennent soutenir ce grand projet de remilitarisation. Les jours passent, et de plus en plus, on a la sensation chez les eurysiens, que ces gens sont prêts à faire figurer les ushong parmi le concert des nations du Nazum. Gare aux illusions toutefois, car celles ci n'ont pas encore passé l'épreuve du feu. Et quoi de mieux, dans le cadre de cette épreuve, de partir avec les bons outils. Indubitablement, le renouvellement des stratégies ne suffira pas, pas devant l'afflux aussi mystérieux qu'inquiétant de matériel moderne en Ramchourie. Il fallait du renfort, du renfort qui se trouve dans ces caisses, dont nous pouvons faire le trajet de l'une d'entre elle.
Celle-ci part des quais de Leyuan, d'où elle est chargée avec le plus grand soin par les dockers du port, bien conscients de la destination de celle-ci. Elle fait le trajet sur des petites routes escarpées, éloignées des grands axes que sont ceux qui sont en cours de rénovation dans le contexte de cette sublime embellie de l'économie impériale. Manifestement, celle ci prend la route de la capitale impériale. Là, on ne se contente pas de simplement déposer la cargaison dans l'un de nombreux entrepôts des faubourgs de Beifon: le camion se dirige vers une zone résidentielle proche du palais impérial. Le camion s'arrête devant un homme, un étranger qui visiblement attendait sa surprise. Les ushong s'inclinent devant lui à sa vue, dans un respect mêlé à de la curiosité de la part du velsnien. On demande aux gardes ushong de déposer la caisse dans la cour de la résidence dans laquelle lui et ses conseillers ont élu domicile. Nul doute que ce qu'il y a à l'intérieur de cette boîte sera présenté en plus haut lieu.
Les allées de la cour du trône du dragon étaient prises dans cet éternel défilé de courtisans, dont les conseillers velsniens sur place n'avaient pas perdu de temps à évaluer leur utilité. La plupart d'entre eux étaient des descendants de descendants, qui tenaient leur place de leurs anciens, qui dans une autre avaient su se rendre indispensables aux aïeux du fils du ciel. Les velsniens peinaient à comprendre de cette situation, mais bien entendu, ils ne firent pas part de leurs avis qui seraient inutiles et contre-productifs. Matteo Di Grassi n'était pas homme à faire part de telles préoccupations. Jamais celui-ci ne s'était intéressé à la façon dont les autres se gouvernent, simplement de la manière dont ces étrangers pouvaient se porter utiles envers lui et les siens. Telle fut toujours la philosophie politique de la cité sur l'eau. A ce titre, jusqu'à maintenant, les relations entre le velsnien et le chef de guerre étaient des plus cordiales, et le jeune homme prenait un grand intérêt à prendre écoute de certaines de ses histoires. Les ushong avaient bien compris depuis le temps que l'homme que Velsna leur avait envoyé n'était pas l'idéal pur discuter art, philosophie et autres divertissements. Ses penchants austères ressortissaient d'autant plus que l'argent et l'or pendaient littéralement aux murs et aux plafonds de la cour impériale. Les jardins de l'empereur étaient si vastes que les velsniens ont calculé pour l'amusement, que tout le quartier San Stefano de Velsna pourrait y tenir en son sein, pour illustrer cette fascination pour la grandiloquence des ushong. Mais dans tous les cas, ce que le velsnien va montrer à l'empereur en ce jour nuageux sera peu-être prompt à éclipser toutes les œuvres d'art de la gallérie dorée du Palais des Patrices, dont les velsiens ont déjà fait désespérément le tour auprès de cet empereur curieux de tout.
Le fils du ciel était là, au beau milieu de son jardin des plantes qui pourrait passer pour un petit bois, s'exerçant à l'arc sous les yeux admiratifs (et parfois hypocrites) de ses suivants. De toute évidence, il avait déjà une petite idée de ce que le velsnien réserverait pour aujourd'hui: il était plus enjoué qu'à son habitude, comme c'était toujours le cas lorsqu'il apprenait quelque chose de nouveau. Ceci se confirma lorsque les gardes introduisirent le Maître de l'Arsenal auprès de lui. Avec le temps passé à la cour, les révérences et le protocole s'étaient allégés notablement. Di Grassi avait le sentiment que les choses avançaient bien, au rythme de la curiosité devenue dévorante du fils du ciel pour la chose militaire, car si l'homme de guerre ne pouvais guère épiloguer sur les œuvres d'art, il pouvait toujours parler des gloires du vieux monde. Plus d'une fois, le fils du ciel lui a posé des questions, en particulier sur les personnes que le vieux stratège velsnien a croisé sur son chemin:
A ces mots, Matteo Di Grassi ne pouvait parler autrement qu'avec son cœur à la place de sa tête:
Ce genre de discours était prompt à amener le fils du ciel à l'écoute tout ce qui pouvait suivre, tant cette figure le fascination. D'autant plus que c'est pile à cet instant que "la surprise" faisait irruption. On fit venir à ce jeune homme impressionnable une merveille dormant dans le creux d'un grand coussin. Non pas que Di Grassi était amateur d'art, mais cela était de toute beauté. Le Maître de l'Arsenal s'en saisit et la tendit, non sans une légère révérence, à son altesse impériale.
Le fusil d'assaut était lourd, en effet, mais le fils du ciel le prit en main, avec les quelques menues compétences qu'ils possédait. Quand il dit face à ses conseillers et arme en main"Je pense que je préfère l'arc.", ceux ci se feignirent d'un rire, et ils s'agglutinèrent d'autant plus autour de lui pour le voir à l’œuvre. La poitrine de l'empereur se gonfla, et sa respiration fut suspendue l'espace d'instant, celui d'ajuster l’œil dans son viseur. Il y eu un boucan à faire fuir les oiseaux, et faire sursauter les courtisanes qui se prélassaient au loin. L'impact de la balle fit voler de la paille dont la cible de tire était faite, et que le projectile perça de part en part. Lorsque le fils du ciel se retourna vers Di Grassi, le fusil encore fumant dans les mains après plusieurs rafales, il n'eut qu'un grand sourire, qui marqua des applaudissements prolongés pour son adresse (relative). Ces quelques mots furent la victoire du Maître de l'Arsenal:
"Que l'on m'apporte ces 30 000 unités, excellence Di Grassi."