Posté le : 10 mai 2024 à 18:09:16
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Gustavo Walter, le délégué malévien au Liberalintern, n’était arrivé que très en retard à la conférence. La raison de cette maladresse n’était pas issue d’un manque d’appréciation envers l’organisation qui défendait avec ardeur les mêmes valeurs que la Malévie ; plutôt, la crise politique à l’intérieur de la Malévie avait monopolisé l’attention de ses dirigeants. Ceux-ci avaient pleinement conscience de la fragilité de leur légitimité même d’exercer le pouvoir et devaient déployer toutes leurs forces pour désamorcer les effets des nombreux scandales qui avaient éclaté dans le pays. Walter était venu sans son entourage habituel, avec seulement un assistant, pour assister à la réunion et pour repartir aussitôt. Si ce constat pouvait être symbole de l’ampleur de la crise, le comportement du délégué, qui était entré discrètement et s'était assis au fond sans faire de bruit, témoignait du caractère malévien habituel.
Après avoir écouté les paroles de ses homologues, il décida finalement de prendre parole et fit signe à l’assemblée pour annoncer son discours.
"Mesdames et Messieurs du Liberalintern, j’aimerais prendre cette occasion pour vous expliquer les fondements de la position malévienne relative au sujet d’intervention jointe au Communaterra, et face à la Loduarie.
Tout d’abord, nous devons exprimer nos profonds regrets quant à la situation actuelle. Le choix d’alignement du Communaterra n’était pas à combattre par la force brute, mais par la diplomatie persuasive. Aujourd’hui, on doit constater que l’ampleur du conflit dépasse les attentes initiales et est en passe de rejoindre les conflits les plus sanglants. Toutefois, nous sommes réunis non pour déplorer le passé, mais pour trouver les lignes directrices futures. C’est dans ce contexte que la Malévie vous informe qu’elle s’oppose à l’effort de collectivisation de la guerre proposé par l’honorable citoyenne Actée Iccauthli. Nous ne sommes, cependant, pas opposé à un compromis. Voici notre raisonnement:
Premièrement, nous refusons par principe de nous impliquer dans toute guerre offensive ou préventive. Dans le cas présent, il s’agit bien d’une guerre préventive, qui anticipe l’influence de la Loduarie sur le continent paltoterran. Une telle guerre ne peut se concilier avec les valeurs socialistes et démocratiques. Bien que les fins soient nobles dans leur intention, les moyens disposés ne sont aucunement justifiées : les pertes humaines qui sont à prévoir représentent l’échec de l’essentiel de la démocratie. Une médiation, telle que proposée par le Negara Strana, devrait être notre priorité.
Deuxièmement, la Malévie ne peut donner son soutien inconditionnel aux offensives du Libéralintern en raison du cadre décisionnel du Haut Bureau pour la Sécurité. Ce cadre favorise les puissances fondatrices du Liberalintern, qui ont deux votes plutôt qu’un seul comme le reste des adhérents. Donc, leur poids est double celui des autres -- ce qui est tolérable tant que l’organisation prône la défense, mais inadmissible si le Liberalintern entend prendre l’initiative de la guerre. De fait, nous refusons de suivre aveuglément les plus grands du Liberalintern, dont les démarches universalistes ont tendance à dépasser notre simple demande de sécurité. Le Liberalintern, lui aussi, doit œuvrer dans les règles de la démocratie et valoriser chacun de ses membres de manière égale.
Ainsi, nous demandons l’instauration d’une procédure de « opting-out », permettant à chaque État de s’abstenir dans le cas d’une guerre offensive ou préventive. Cela n’empêcherait pas les interventions au nom du Liberalintern, mais donnera la possibilité aux membres exprimant des doutes de ne pas s’impliquer. Du point de vue malévien, qui est membre fondateur de l’UNIL, c’est le seul moyen de justifier le passage à l’offensive de l’organisation.
Enfin, notre position, qui semble être contraire à celle de la majorité des membres, ne remet pas en cause notre devoir de soutien militaire défensif à chacun des pays de l’organisation. Nous souhaitons, tout simplement, éviter à tout prix que certains d’entre nous se voient encouragés de prendre des décisions audacieuses en s’appuyant sur les épaules du Liberalintern."
Cette manière de parler en toute franchise n'était pas particulièrement malévienne, mais convenait pour exprimer l'opposition du pays. Du moins, c'était l'opinion de Gustavo Walter, qui avait fini son discours et laissé la parole à ses homologues.