Elle était arrivée en bateau après une rapide escale à Carnavale, soi-disant pour discuter d’une implantation militaire Kah-tanaise sur place. La nouvelle n’avait probablement pas échappé puissances régionales, mais on ne pouvait pas y faire grand-chose.
La citoyenne Notario était une personne dont on ne savait pas grand-chose, et sur laquelle n’existait pas beaucoup de littérature diplomatique. Il n’était pas possible de déterminer en quoi sa personnalité pourrait influer sur les positions qu’elle allait défendre. Elle-même s’était de toute façon présentée comme une simple extension de la Convention générale. La voix de l’Union. Rien de plus.
Elle prit la parole après avoir attendu, écoutant les discussions d’un air imperturbable, notant quelques mots sur un set de fiches déjà couvertes de notes préparatoires. Après un temps, elle posa son stylo, fit la moue, et saisie enfin son micro
– Je tiens à faire remarquer que les positions défendues par monsieur Klinpraneet, honorable représentant du Jashuria, nous font l'effet d'être hors de propos au sein de cette conférence. Nous nous attendions à beaucoup de chose, sinon à assister à du pur et simple délit d’intention, des plus discutables si vous me permettez un commentaire de nature toute personnelle. Je dois au moins lui reconnaître le mérite d'orienter les discussions sur un sujet non-moins important : celui du terrorisme d’État. Que ces honorables représentants des nations présentes au sein de cette conférence me pardonnent cette parenthèse, mais il me semble que si Loduarie communiste finançait des partis communistes illégaux au sein du Jashuria, cette question devrait être traitée par la justice ou la diplomatie jashurienne, avec les preuves appropriées et sans prendre à partie les pays de cette conférence. Nous n'avons pas à être les otages d'une hypothétique future crise diplomatique, n'est-ce pas ? Pour le moment l’accusation jashurienne se porte sur des revendications de politique extérieure n’ayant pas été suivies d’acte. Nous considérons donc quelle est totalement inappropriée, d’autant plus dans le contexte de cette conférence. Enfin je ne suis pas sûre que ces messieurs les honorables représentants soient venus ici pour un débat idéologique, quand-bien même monsieur le représentant du Jashuria essaie d’en initier un en oubliant, par erreur je suppose, que pour les morts qui accompagnent la révolution, après tout on ne se libère par de ses chaînes en demandant à ses maîtres de les desserrer, le capitalisme huile systématiquement ses rouages au sang des classes inférieures. Je suppose que dans le logiciel dogmatique libéral, cette simple vérité est fréquemment oubliée au profit de quelques grossièretés populistes dont nous ne sommes pas venus, en cet instant, débattre. Et ainsi de suite, l'exercice et vain, épargnons-le à l'assemblée.
Je propose que le sujet reste clos et que chacun se garde d’à nouveau faire dérailler les discussions.
Elle se redresse tranquillement et sembla réfléchir à la suite de ses propos, observant ses fiches avant de le pousser sur le côté de son pupitre et se se racler la gorge.
– Il y a autant de définition de terrorisme qu'il y a d’État. Malgré quelques bases communes, la nature idéologique ou criminelle du terrorisme n’enlève rien à, voir renforce, sa fonction d’outil; que de très nombreux gouvernements emploient. Inutile de le nier : l’État de droit est chez beaucoup une réalité flexible, et la raison d’État est souvent invoquée lorsqu’il s’agit de faire appel à des méthodes réprouvées par la société civile. Assassinats, sabotages, meurtres, opérations sous faux drapeau. Inutile de revenir sur l’exemple le plus récent à avoir défrayé la chronique. Est-ce que l’envoie de mercenaire alaguaneros, financés et armés par le gouvernement fédéral pour assassiner les autorités Listoniennes au Pontarbello et permettre la prise de pouvoir d’une minorité favorable à la Fédération compose ou non un acte de terrorisme d’État ? Les alliés de la Fédération se récrieront, hurlerons au scandale, nierons en bloc. Les autres auront une position plus mesurée, voir accusatoire. Alors ? Est-ce du terrorisme ? Dans combien de définition en est-ce ? Et dans combien de cas sommes nous près à regarder ailleurs, nier les définitions, car après tout, ce terrorisme arrange ? Vous comprenez, je suppose, le but de la démonstration.
Nous sommes seize pays représentés au sein de cette conférence et je pense qu’il serait extrêmement probable que nous obtenions au moins huit réponses dont les détails divergeraient largement. Là où je veux en venir c’est qu’il semble singulièrement illusoire aux citoyens du Grand Kah, que je représente, d’obtenir une définition commune du terrorisme en ça qu’elle serait soit obtenue sous l’effet d’une hypocrisie n’annonçant rien de bon pour l’avenir de cette coopération que nous appelons de nos souhaits, soit de compromis rendant toute action commune improbable tant nous aurions dilués la nature du terrorisme dans strates de cas particuliers arrangeant. Dans le pire des cas – celui vers lequel certains ici préféreraient sans doute se diriger – une certaine majorité imposerait sa définition propre du terrorisme, une définition idéologisée et imparfaite participant activement à polariser le monde plutôt qu’à créer des outils communs de lutte contre les actes criminels. Notre conclusion est donc la suivante :
Considérant qu'il est fortement improbable de trouver une définition commune et satisfaisante du terrorisme, il nous semble convenir de partir du principe que chaque pays doit déterminer via ses propres lois et les traités qu'il aura signé ce qui définit ou non un acte de terrorisme sur son sol.
Ce fonctionnement multipolaire correspondant déjà à celui de la Coordination Inter-Régionale de Maintien de l'Ordre Anticriminel. Ou CORMORAN. Cette organisation internationale permet déjà la mise en commun d’informations, de personnel et la coordination d'efforts dans la lutte contre une large gamme de criminalité, parmi lesquelles des criminalités parfois violentes voir politiques. Je vous rappelle ainsi que le CORMORAN a été le principal relais dans la recherche des putschistes fascistes de Kotios. le CORMOAN, du reste, intègre déjà la lutte contre le terrorisme dans ses principes fondateurs.
Nous proposons donc aux pays participant à cette conférence de rejoindre cette organisation, et de l'employer comme moteur dans leur lutte contre le terrorisme international. Nous supposons que cette solution sera politiquement suffisamment neutre pour éviter les conflits d’intérêts accompagnant classiquement ce genre de conférence, et permettra du reste une meilleure coopération internationale sur la question qui nous rassemble aujourd'hui.
Merci de votre attention.