La Gare Centrale de Norja est un lieu qui fait date dans l'Histoire tanskienne avec un grand h. Elle n'est pas qu'une grande gare ferroviaire de départ et d'arrivée de trains à grandes vitesses à destination des principales villes des Régions Centrales, elle est un lieu précis. Il existe plusieurs "gare centrale" en Tanska : à Ny-Norja, à Järvi, à Kalfafell, à Norja bien sûr, une seule s'est inscrite en majesté dans l'histoire, lui valant deux majuscules dans nos textes. Elle évoque à toutes et à tous un imaginaire commun. Un tableau impressionniste de Kai Blom, Train à quai, exposé au Musée National, un court métrage des frères Borger, l'arrivée en gare centrale, sans majuscule à l'époque qui fut le premier court métrage réalisé dans le pays, ou plus récemment une chanson, "quand on arrive en gare", de Tina Bue qui éoque directement cette gare de la capitale. Elle est aussi le premier ou le dernier bâtiment que l'on emprunte pour quitter ou arriver à Norja depuis les régions centrales et depuis les provinces non-eurysiennes, l'aéroport y menant directement. C'est le premier espace de rencontre avec la capitale. Elle ne possède encore qu'une seule et immense porte d'entrée, surmontée d'une plaque de bronze « Ici débute la République, au-delà la Capitale, derrière réside l'Histoire », dont on suppose aujourd'hui qu'il ne s'agit pas exactement du propos original, la plaque datant de 1852. L'on aboutit sur le parvis de la Gare, ornementé de part et d'autres par deux grands bronzes de la fin du XIXe siècle « La Paix triomphant la Tempête », et « La Mer dominant les cieux », ainsi que huit colonnes de marbres surplombées d'une voûte en berceau laissant deviner le reste de la structure d'acier, de fer et de verre verdit par l'usure de la Gare. Elle impressionne, elle marque, elle est un point dans le paysage Norjien que l'on reconnait de loin et qui sert de repère. Elle indique le sud de la ville, pointe vers le nord, en garde l'entrée et en offre la sortie.
Elle ne s'arrête pas là. Débutée sur commande impérial, la fresque tanskienne s'entame au-dessus même de la plaque. Elle débute en l'an 1, non pas de l'ère chrétienne mais de ce qui fût considéré par l'Empereur Svend IV comme le début fantasmé de l'histoire de Tanska : la refondation d'Halvø en 1210. Fondée bien avant Norja, la ville fût abandonnée, presque oubliée, puis reprise et "refondée" en 1210. Pour le roman national tanskien de l'histoire impériale, cette date marque le début. Alors en l'an 1, en 1210 donc, débute la fresque. Elle se divise en deux parties : l'exploration tanskienne du monde, une ode progressivement de raids vikings, de commerce dans la Manche Blanche, de l'exploration, de la colonisation puis de la science moderne devenu progressivement l'espace. Et en dessous, un récit historique de l'histoire nationale sur nos terres. Chaque année autant d'espace que nécessaire. Certaines sont courtes, d'autres s'étalent sur plusieurs mètres. Elle débute ici, au dessus de la porte d'entrée, quelques mètres au dessus du voyageur intrigué, et s'étend progressivement sur les pourtours du Grand Hall. Grâce aux extensions progressives du hall pour accueillir les lignes à grandes vitesses, la fresque qui commençait à trop s'étendre a gagné quelques siècles supplémentaires de vie, et avec elle l'histoire tanskienne. De nos jours, les tronçons sont tissés ailleurs, à l'Imprimerie Nationale, puis ils sont ajoutés lors de la fête nationale. On sait aujourd'hui que cela ne fut pas toujours le cas. Que la fresque dépendait beaucoup des quelques monarques précédent la République. Svend IV en fit réalisé plus de la moitié, il s'arrêta en 1614, date de début d'une guerre civile fratricide dont il ne sût quoi faire. En 18 ans, il fit tisser 4 siècles d'histoire qui n'ont, depuis, pas été corrigé. C'est aussi un pan de l'histoire que l'on ne peut supprimer. La fin de l'Empire, avec les colonies, est une partie plus sombre de la fresque et de l'histoire tanskienne. Elle fût fantasmer autant que l'idée d'universalisme et la gloire de l'Empire. Puis vient 1945.
C'est, sans aucun contexte, la plus longue année représentée par la fresque. Elle fait 23 mètres de long cette année là, et s'achève sur l'unique représentation de la Gare Centrale. Le seul moment où, d'après la fresque, la Gare est rentrée dans l'histoire. L'arrivée du premier train n'y figure pas, la pose de la première proue dans le Hall Central non plus. Son exemple d'architecture non plus. A en croire la fresque, il faut attendre 1945 pour que la Gare fasse son entrée dans l'histoire. C'est là bien curieux. Depuis le début du XXe siècle, elle faisait déjà l'histoire de la capitale. Elle a fait venir plus d'un million et demis de paysans et de notaires locaux des campagnes proches puis lointaines. Elle fût le lieu de refuge malgré eux des représentants de Kyli en 1932 qui, 5 semaines durant, furent bloqués ici, dans le hall, l'empereur leur refusant un train pour partir. Le lieu des migrations, des grandes arrivées et des grands départs, de troupes notamment. Mais jamais elle ne figure sur la fresque. L'Empire n'avait sans doute pas réfléchit à cette gare comme autre chose que sa fonction première : une gare. Il n'a pas jugé nécessaire d'inscrire un bâtiment de fonction logistique et d'infrastructure au rang de l'histoire tanskienne. Il n'avait pas conscience de son importance pour Norja et l'afflux des populations des campagnes et du rôle qu'elle prenait. De sa place pour permettre aux députés des régions centrales, qu'ils ont acquis en 1871, de pouvoir, enfin, se rendre dans la capitale en moins d'une journée. L'Empire n'avait pas historicisé la Gare. Elle n'était pas digne de son histoire. La République à peine fondé l'inscrit directement. la Gare Centrale dans la fresque s'inscrit en grand. Elle occupe les deux niveaux. Elle est immanquable. Mais la République naissante a fait plus que placer la Gare, elle se l'est appropriée. Voyez-vous, elle n'occupe pas simplement une place dans la fresque, elle est située. L'année 1945 fait 23 mètres de long je vous l'ai dit. Où se trouve donc la Gare ? Au début de l'année ou à la fin ? Pendant toute cette année, la Gare fût un lieu central de l'activité politique norjienne et tanskienne. Mais c'est au 17 mai qu'elle est située. Les jours précis ne sont pas notés sur la fresque, mais les événements permettent de les dater. A la Gare monumentale est adjointe, juste à côté, une grande représentation du Serment du Jeu de Coudes. Sans aucun doute, cette journée du Serment du Jeu de Coudes fait date dans l'histoire tanskienne. Le 17 mai 1945, deux semaines seulement après la fin du siège de Järvi, 92 représentants des 3 provinces coloniales arrivent à Norja par la Gare Centrale. Ils doivent sortir par les 8 colonnes mais se voient bloquées par ce qu'il reste de la garde fidèle au régime impérial. Attendus par l'Empereur qui doit abdiquer, ce dernier leur refuse l'honneur d'une sortie par ces colonnes fameuses et sur le parvis rempli d'une foule rare. Il sait qu'il a perdu, alors dans un dernier geste d'Empire, il les fait sortir par les voies, marcher à côté des trains. En faisant cela, il leur refuse l'entrée dans Norja, l'entrée dans la Capitale, l'entrée dans l'Histoire. En ce 17 mai, la Gare Centrale devient un lieu de honte pour les provinces. Les représentants se rassemblent alors juste à côté, à quelques rues à peine de la Gare centrale, dans la salle du jeu de coudes. Attendus au Congrès, ils se rendent dans un lieu populaire capable de les accueillir. La nouvelle se répand, elle atteint le Congrès. Là, les députés des régions centrales hésitent, se disputent puis progressivement se décident de les rejoindre. Ce qui devait être la seule et unique Assemblée Impériale complète, accueillant les colonies devenues provinces, précédent la Fédération devant être déclarée juste après l'Assemblée et l'abdication n'aura pas lieu. L'Empereur ne se rendra ni au Congrès, ni dans la salle. Les représentants sont rejoints par les députés et une foule immense se rassemble dans les rues, on monte sur les murs et l'on regarde par les fenêtres. Dans cette salle, les députés proclament les représentants députés; Tous sont députés, et font ici le Serment de proclamer la République Fédérale au Congrès quand les députés pourront entrer par la Gare Centrale. Là, tous font le Serment unanime de leur offrir une digne entrée dans la capitale, dans Norja, dans Tanska, et dans l'Histoire. Les gardes désertent, l'entrée pourra se faire devant une foule plus grande encore. La République attendra elle encore le début juin, faute d'une constitution prête à temps. C'est cela qui est représentée sur la fresque. La Gare Centrale fait sa pleine entrée dans l'Histoire selon la République. Elle le fait non pas pour la première fois, mais parce qu'elle est utile à la République. En s'attribuant et en décidant de passer par la Gare, les députés se lient aux habitants de Norja, surtout des quartiers avoisinants, pour qui cet espace marque l'arrivée, l'emploi, la possible évasion estivale si l'on devient aisé.
L'aménagement ne s'arrête pas à cette seule entrée impressionnante dans la fresque. Juste en dessous d'elle, le bâtiment même de la gare fut aménagé par une petite pièce, la "salle du coude", d'abord pour sa signification mais aussi que son étroitesse fait que l'on s'y sert les coudes. Ajoutée en 1948, elle ne comporte qu'une unique plaque relatant les événements et une fenêtre ou plutôt, une ouverture. Sur le flanc gauche de la salle, une fente peu large fait pénétrer la lumière. Si l'on regarde au travers, elle donne à voir l'histoire. Au premier plan, on aperçoit la dernière des 8 colonnes, là où ce sont fait rejeter les représentants amenés à devenir députés. Et en arrière plan, dépassant dans l'horizon urbain assez plat de Norja, le Congrès Fédéral dépasse. On reconnaît la grande coupole. Le lieu de destination initial des représentants. Au-delà, la mer fait appel à l'imaginaire de l'exploration, de l'histoire tanskienne mais aussi aux colonies devenues provinces. Cette seule fente représente le 17 mai, et l'entrée à venir dans la République. C'est cette rencontre avec l'histoire de leur pays et avec cette journée qui fait appel à un sentiment populaire que fait appel la gare quand on y rentre, par la porte d'entrée ou la porte d'un train, c'est cela que le ministre appelait la première vraie rencontre avec la Nation ici fantasmée, inventée, racontée.