14/08/2016
23:00:27
Index du forum Scène Internationale Diplomatie internationale Organisations internationales Union Internationale du Communisme et du Socialisme

[IDÉOLOGIE]Du Communisme et du Socialisme - Page 2

6732
L'autorité :

Est-elle nécessaire ou néfaste au progrès ?



Oui, quand on est de gauche, on souhaiterait ou une autorité tout puissant (#Loduarie), ou une autorité diminuée (#GrandKah (j'espère ne pas me tromper), et cela s'appliquerait partout et tout le temps. Or, pour pouvoir progresser socialement comme scentifiquement, le rapport à l'autorité joue un rôle crucial. Nous prendrons, dans notre démonstrations à tendance anarchiste, l'exemple des sciences mais cela n'a que pour objectif l'exemple, car la démarche serait tout à fait transposable à d'autres formes de disciplines, telles que la diplomatie ou la politique.

Venons-en alors à notre raisonnement logique, voulez-vous.

Définitions


Premièrement j’entends par entité toute personnalité physique ou morale en capacité d’exercer une influence et en subir.
Deuxièmement, j’entends par influence le fait d’imposer une pensée d’une entité sur une autre.
Troisièmement, j’entends par autorité scientifique le concept selon lequel une entité exerce une ou plusieurs influences sur d’autres entités dès lors que celles-ci s’exercent avant tout chose sur la pensée, relativement à un domaine scientifique et qu’elle n’échoue pas, auquel cas l’autorité scientifique ne serait plus.
Quatrièmement, j’entends par progrès le processus par lequel l’Humanité s’approche de la vérité. Par extension, le progrès scientifique correspond au processus par lequel l’Humanité s’approche de la vérité en usant de la méthode scientifique.
Cinquièmement, j’entends par penser la faculté de toute entité à créer des idées.
Huitièmement, j’entends par méthode scientifique le « processus d’investigation systématique et logique » aboutissant à découverte d’une vérité, et impliquant des étapes telles que l’hypothèse ou l’observation.
Septièmement, l’usage du mot « ou » se fera par opposition à la locution « ou bien », le premier étant inclusif contrairement au second.

Explication


Premièrement, je précise entendre par entité toute personne physique ou morale, afin d’y comprendre l’ensemble des individus et des groupes d’individus en capacité d’exercer une autorité scientifique.
Deuxièmement, si l’influence ne s’exerce que d’une entité sur une autre, c’est qu’il ne saurait y avoir deux influences semblables compte tenu de l’impossibilité de l’exact similitude des liens entre celles-ci.
Troisièmement, j’entends par autorité un concept, car sa réalisation ne saurait s’en tenir à une forme unique, telle que développé ci-après, tant l’influence peut posséder de formes en ce qu’elle est et dans la manière dont elle est appliquée. Effectivement, les influences peuvent relever d’un caractère impératif, voire contraignant – et l’entité subissant celle-ci juge alors s’il vaudrait mieux déroger à celle-ci ou non – ou d’un caractère tout à fait souple et dont il n’est exposé préalablement aucune sanction compte tenu du choix de se fier ou non à l’avis de cette autorité – et l’entité subissant celle-ci ne serait pas contrainte, autrement que par des procédés invitant la sensibilité ou la raison, à suivre l’avis émis par cette autorité.

Proposition I


Pour toute influence, si une entité l’exerce, c’est qu’une autre la subit.

Démonstration


Cela est évident par la Définition 2 qui établie que l’influence s’exerce nécessairement d’une entité sur l’autre, et donc que si l’une exerce une influence, cette même influence est nécessairement subit ou elle ne serait tout simplement pas.

Proposition II


Pour toute influence, si une entité la subit, c’est qu’une autre l’exerce.

Démonstration


Cela est évident par la Définition 2 qui établie que l’influence s’exerce nécessairement d’une entité sur l’autre, et donc que si l’une subit une influence, cette même influence est nécessairement subit ou elle ne serait tout simplement pas.

Proposition III


L’exercice d’une influence a pour objectif d’empêcher l’individu de penser par lui-même.

Démonstration


Cela est évident par la Définition 2 qui prévoit qu’une idée est imposée d’une entité, et donc si l’idée est imposée, elle l’est forcément sur quelqu’un – par extension de la Proposition 1 – et donc s’opposant à la faculté de penser de toute entité.

Proposition IV


L’autorité scientifique empêche l’individu de penser par lui-même.

Démonstration


Par extension de la Définition 3 qui explicite le fait que l’autorité scientifique soit l’exercice d’une influence et de la Proposition 3, l’autorité scientifique ne saurait qu’empêcher l’entité de penser, car d’une part l’autorité scientifique est une influence, et d’autre part c’est une influence qui n’échoue pas, conformément à la Définition 3.

Proposition V


Sans entité qui pense, il n’y a plus de nouvelles idées.

Démonstration


Penser étant, d’après la Définition 5, la faculté de créer des idées, il devient alors logiquement impossible de créer de nouvelles idées sans penser. Donc, s’il n’y a pas d’entité qui pense, il n’y a plus de nouvelles idées.

Proposition VI


L’autorité scientifique empêche la création de nouvelles idées.

Démonstration


L’autorité scientifique empêchant de penser, d’après la Proposition 4, et l’empêchement de penser empêchant la création de nouvelles idées, d’après la Proposition 5, on peut effectivement en déduire que l’autorité scientifique empêche la création de nouvelles idées.

Proposition VII

La création de nouvelles idées est nécessaire à la réalisation de la méthode scientifique.

Démonstration

La création de nouvelles idées est nécessaire à la réalisation de la méthode scientifique car, d’après la Définition 6, celle-ci comporte une phase d’hypothèse durant laquelle l’entité recourant à cette méthode doit créer des idées prouvables afin de démontrer une vérité. À l’inverse, il serait inimaginable de ne pas créer d’idée, car à la découverte d’une vérité encore inconnue de l’Humanité, il est nécessaire de formuler des hypothèses afin que les observations la valident ou l’invalident. La découverte d’une vérité basée uniquement sur des observations n’aboutirait en effet la compréhension d’aucune vérité : il faut nécessairement penser à une chose encore inconnue.

Scolie

Pour éclaircir le propos ci-dessus, voilà un exemple célèbre permettant la démonstration de la Proposition 7. Pour illustrer le fait que la découverte d’une vérité basée uniquement sur des observations n’aboutirait en effet la compréhension d’aucune vérité, prenons le cas de l'héliocentrisme. Sur une carte du système solaire il était jadis unanimement reconnu le géokratocentrisme quand bien même les mouvements des astres ne correspondaient pas à ce modèle. Il fallut donc attendre l’élaboration d’une hypothèse pour qu’enfin on remit en question ce modèle inexact, découvrant par là une vérité.

Proposition VIII


L’autorité scientifique empêche l’usage de la méthode scientifique.

Démonstration


L’autorité scientifique empêchant la création de nouvelles idées, d’après la Proposition 6, et la méthode scientifique nécessitant la création de nouvelles idées, d’après la Proposition 7, l’autorité scientifique ne saurait qu’empêcher l’usage de la méthode scientifique.

Proposition IX


L’autorité scientifique empêche le progrès scientifique.

Démonstration


Le progrès nécessitant l’usage de la méthode scientifique d’après la Définition 4, et l’autorité scientifique empêchant l’usage de la méthode scientifique d’après la Proposition 8, l’autorité scientifique empêche bien le progrès scientifique.


C.Q.F.D.
Extrait du Discours « Sur l'importance de la Révolution dans le Troisième Monde »

De Adonijah Malau, Chercheur spécialisé dans les Relations Internationales, Membre du Conseil Politique du PPB, Guérillero de la Guerre Civile.
Donné le 04/08/2014 durant les Universités Populaires Libre d'été organisés par le PPB.
Traduit en 2015 pour une diffusion au sein de l'UICS.



« Le capitalisme repose en partie sur une base simple : l’expansion constante de son cercle de présence. De certaines régions productrices de matières premières, il s'est étendu à des pays entiers puis à des continents, et depuis plus de 400 ans, son extension principale s'est orchestrée autour de l'expropriation et de la domination systématique du Troisième Monde. Ce processus d'hégémonie sur nos terres a été et est toujours le fait de nations parasitiques qui continuent de garder sous leur emprise des morceaux de territoires sur tous les continents pour les exploiter et y ouvrir de beaux comptoirs commerciaux desquels les indigènes ne tirent rien des richesses qu'ils ont produites. Mais il est également le fait d'entreprises privées qui, dopées par une recherche constante de profits, s'installent dans des pays "pauvres" pour y exploiter : des forces de travail moins chères et légalement plus soumises, des ressources que les élites corrompues s'approprient et revendent sous forme de concessions à des prix ridicules, et des populations cherchant le progrès qui se voient inonder de produits futiles, parfois addictifs, qui ne servent qu'à faire grossir les marchés de ces entreprises véreuses.

Cette observation, aussi simpliste et incomplète qu'elle soit, nous permet déjà de poser une idée tout aussi simple mais qui, paradoxalement, est violemment combattue par la pensée capitaliste et néo-coloniale : le Troisième Monde n'est pas pauvre. On ne va pas dans des pays pauvres pour faire de l'argent. J'ose même dire que la plupart, la très grande majorité, des pays qui sont pointés du doigt comme des pays pauvres sont particulièrement riches. Kinagi est riche ! Le Wanmiri est riche ! l'Icamie est riche ! Villas et Tafanu sont riches ! Le Gondo est riche ! Leurs peuples, par contre, eux, sont particulièrement pauvres. Depuis plus de 400 ans, des exploitants, des voleurs, des truands de la pire espèce viennent dans nos pays, les colonisent ou déstabilisent leur société pour y extraire et exploiter à bas coût le pétrole, les ressources agricoles, le fer, le zinc, le caoutchouc, l'uranium, l'or, la bauxite, le coton, les terres rares, le cuivre et surtout la force productive, que ce soit sous forme d'esclaves ou de salariés payés à peine plus que les précédents. Le Troisième Monde n'est pas pauvre ou sous-développé, il est sur-exploité.

Le Taihoranisme que nous promouvons n'est pas qu'une simple adaptation du communisme à des sociétés orientales. C'est une grande erreur de penser cela. Il s'agit de la reprise en main générale, par le Troisième Monde, de sa force, de sa vitalité et de son honneur. C'est le bousculement et le renversement de l'ordre colonial qui parasite, détruit et pille nos contrées depuis plus de 400 ans. C'est la destruction de l'impérialisme et son remplacement par un système mondial pur où l'Occidental et l'Oriental ne sont pas dans une relation de domination et d'exploitation, mais où ils entretiennent un rapport de fraternité et d'égalité entre deux frères de la même classe et de la même humanité. Car la lutte que nous menons est également profitable au prolétaire occidental : l'exploitation de nos ressources finance les armes qui oppressent les camarades communistes occidentaux, le transfert des usines dans nos contrées fragilise le tissu social de l'ouvrier occidental. Nos luttes sont liées, et tout mouvement communiste qui n'aborde pas ce point est dans l'erreur.

La Révolution que nous portons désigne la prise en main, par ceux qui ont été écrasés par la machine incontrôlable de la folie néo-coloniale capitaliste, de leur dignité, de leur force, de leur vie et de leur pays. C'est un message que nous envoyons clairement à ceux qui, depuis des siècles, estiment que nos terres, nos ressources, notre faune et notre flore sont des outils qu'ils peuvent s'accaparer librement : plus maintenant et rentrez chez vous ! Reprenez vos entreprises, vos "aides au développement" qui ne sont que des outils d’assujettissement, vos politiques libérales que vous nous imposez, vos banques et vos crédits, vos formateurs qui apprennent à nos gouvernements comment mieux oppresser les pauvres. Reprenez tout cela, et nous garderons notre dignité, notre force, notre indépendance, notre souveraineté, notre honneur. Notre révolution nous fera obtenir l'éducation, la prospérité et la stabilité.

Regardez n'importe quel pays socialiste du Troisième Monde aujourd'hui et regardez ensuite sa situation avant sa révolution, vous verrez que la situation s'est systématiquement améliorée. J'ai fait plusieurs voyages au Negara Strana. À chaque paysan que je rencontrais, je découvrais un nouveau parcours de vie qui avait profité de la Révolution. Tous avaient accès aux soins, à l'école, à une justice équitable et à de bonnes politiques sociales. Mais ce qui m'a le plus marqué, c'est la fierté que ressentaient ces hommes quand ils me disaient qu'ils savaient lire. On n'avait jamais appris à leurs pères à lire. Pour certains, ils étaient les premiers de leur famille à savoir le faire. Dans chaque société révolutionnaire, ce dont le peuple est le plus fier, c'est de sa capacité à sortir de la condition animale dans laquelle l'oppresseur l'a placé. Lire est la démonstration de l'humanité de l'homme, de sa capacité à comprendre ce qui l'entoure et d'avoir conscience de lui-même. J'avais dédicacé un de mes premiers livres à un compagnon de guérilla. Au moment de la guerre, il était beaucoup plus vieux que moi et m'avait pris sous son aile alors que j'étais un simple fils de paysan qui avait fugué pour prendre les armes contre la dictature. Quand je lui ai tendu mon livre, il l'a ouvert et m'a regardé droit dans les yeux, avec un regard particulièrement ému, les larmes presque coulantes, non pas pour me dire qu'il était fier de moi ou que ma dédicace lui faisait plaisir, mais pour me dire qu'il ne savait pas lire. Il n'avait jamais pleuré pendant la guerre, mais l'humiliation de devoir me regarder pour m'annoncer qu'on ne lui avait jamais appris à faire ce qui, dans certains pays, est trivial, ça a été une blessure trop profonde pour lui. C'est ce jour-là que j'ai compris que la Révolution était une nécessité, que tout mouvement qui cherche à nourrir le peuple et à l'éduquer doit avoir notre soutien. Et c'est ce jour-là que je suis véritablement devenu communiste. J'avais fait la guerre aux côtés du PPB, fait partie du groupe qui a signé la paix de Takeraya, écrit plusieurs livres de théories, mais c'est face à cet homme et à sa peine que j'ai véritablement compris que la cause que je défendais avait un sens plus important que des lignes écrites sur un livre ou que des bulletins dans une urne. La Révolution que nous devons transmettre dans tout le Troisième Monde signifie l'élévation de l'exploité en Homme. »


Info HRPLe discours est inspiré de la conférence de Michael Pantani à l'Université du Colorado du 15 avril 1986. La plupart du texte est réadapté, mais j'ai repris certains passages vraiment marquants parce que je trouve que la façon qu'il a d'exprimer ses paroles correspond parfaitement à l'énergie que je voulais donner au texte, j'ai mis ces passages en ignoré.

3669
PEV, Concepts V : Rapports au parlementarisme et à l’État
De Guiseppe Botti


Un gouvernement aspirant à l'avènement d'une société socialiste ne doit pas se résumer à un organe parlementaire qui se voudrait faussement représentatif. Il doit être un corps agissant, exécutif et législatif à la fois. Le peuple, élevé par le parti, doit être cela. Les démocraties bourgeoises ont coutume de penser qu'élire tous les quatre, cinq ou six ans des représentants issus d'une reproduction sociale s'étalant parfois sur des siècles, est synonyme de démocratie. Le suffrage universel, au contraire, doit servir un peuple constitué en comités d'action, que ce soit à l'échelle de l’État ou au sein des entreprises.

La véritable essence de ce parlementarisme bourgeois réside dans le fait de fouler au pied les volontés du peuple à intervalle régulier, comme une sorte de défilé folklorique périodique. Mais il est toujours confortable de critiquer ce phénomène: si il n'y a rien pour s'y substituer, ce sont là de vains mots de l'esprit qui resteront lettre morte. Comment pose t-on donc alors la question de l'Etat ? Afin de sortir du parlementarisme bourgeois, il convient, non pas de détruire ces organes de représentation, mais de les transformer en "corps agissants". De nos jours, il est vain de penser que la puissance de l'Etat est exercée par les représentants élus, la majorité de cette besogne est dévolue aux départements d'état, aux chancelleries...Les décisions résident ici, et non au parlement qui ne sert que de "chambre de bavardage". Les députés changent au fil des législatures, la bureaucratie d’État, elle, reste et son personnel ne change jamais, pas plus que la nature de sa représentation sociale. La constatation d'un tel carcan est suffisante pour conclure qu'il ne suffit pas de prendre le contrôle d'une chambre législative pour faire advenir une société socialiste, mais qu'il sera nécessaire d'initier un processus révolutionnaire dans la structure même de l'Etat.

A ce parlementarisme inutile doit se substituer des organismes où la liberté d'opinion et de presse ne dégénèrent pas à nouveau en appropriation par les forces du passé qui habitent toujours les couloirs des palais gouvernementaux. Les parlementaires et les représentants du peuple doivent travailler par eux-même, appliquer eux-même leurs lois, en vérifier eux-même leurs effets et en répondre eux-même devant leurs électeurs. Les organes de représentation doivent demeurer, mais la division du travail législatif et exécutif se doit de disparaître. Nous devons concevoir la démocratie sans l'abus du parlementarisme, si tant est que notre volonté de renversement complet du système de gouvernement bourgeois est un véritable vœu de notre part.

De même, on ne peut concevoir un Etat comme un vulgaire employeur d'un personnel administratif, à l'image d'une entreprise où il y aurait des ouvriers, des surveillants et des responsables. Bien entendu, c'est une fable de l'esprit que de croire que l'on peut se passer entièrement de la fonction publique, mais il nous faut nous donner les moyens de débuter le travail de déconstruction systématique de l’État bourgeois. Notre travail se recomposition du pouvoir politique commence dés notre prise du pouvoir. Et ainsi, nous pourrons graduellement détruire cet État. Contrairement à la pensée anarchiste, il s'agit que cette administration disparaisse graduellement au profit de la dictature du prolétariat. La fonction publique devra être remplacée par des ouvriers formés à la tâche, à un rôle simple de surveillance et de comptabilité, et non de commandement comme il en est coutume aujourd'hui de le constater dans l’État bourgeois, chez ces gens de pouvoir qui n'ont pas été élus pour autant. C'est nous-même, le peuple ouvrier, qui devront commencer la réorganisation de la production sous notre égide, par le biais de formations faites par notre parti. En instituant une discipline rigoureuse, une discipline de fer maintenue par le pouvoir d’État d'ouvriers armés, à la fois intellectuellement, politiquement et physiquement. Ainsi, les fonctionnaires ne deviendront plus que de simples agents d’exécution de nos directives. Ces mesures, prises ensemble, aboutiront ainsi à la fin du fonctionnarisme.

(suite plus tard)
16858
L'idéologie youslève (ou "Fondements de l'eurycommunisme")
par Giancarlo Geminos (1854)


Alors que le XIXème siècle eurysien apportait avec lui son lot d'industrialisation à marche forcée, et dans son sillage, une profonde recomposition des corps sociaux de la plupart des pays d'Eurysie occidentale, le philosophe Giancarlo Bruno fut contacté par "la Ligue des sociaux-démocrates de Youslévie", organisation dont il était proche, afin de produire une synthèse d'une série de positionnements de cette organisation, dans ce qui allait devenir la base programmatique de la plupart des mouvements ouvriers de ce que l'auteur appelle pour la première fois "Eurycommunisme". Cet ouvrage, voué à être court, compréhensible et synthétique, a donc pour but originel de permettre à la plus large audience possible d'accéder à la pensée eurycommuniste, et l'ouvrage pullule donc de références à d'autres ouvrages antérieurs qui ont justifié la rédaction de ce manifeste. Au cœur de cette pensée, il y a le rappel de ses trois grandes composantes fondamentales:
- La conception eurycommuniste de l'Histoire.
- La dialectique.
- L'économie politique.

L'Idéologie youslève met un point d'honneur à souligner le besoin de la philosophie de ne plus être "spectatrice" par la seule analyse historique, mais de confier à ses initiés un logiciel théorique capable d'agir sur l'évolution du monde, déterminer le processus de l'Histoire dans ce qui s'apparente davantage à un manuel de militantisme qu'à une simple brochure de "philosophie morte", comme le décrit si bien Bruno.




Partout en Eurysie, nous entendons de ça et de là les puissances nouvelles de la bourgeoisie: à Caratrad, dans l'ombre de la cheminée de ses usines, à Teyla, dans les couloirs du palais royal, jusqu'à la Youslévie dans les ateliers de tissage. Le spectre du socialisme fait surface par intermittence, hante les pensées de nos gouvernants, qui se pressent alors pour accuser leurs oppositions respectives, pourtant tout aussi mollassonnes qu'eux, de ce mot qu'ils pensent être une calamité. Ce qu'ils désignent comme des accusations vagues le sont pour deux raisons: en premier parce qu'ils ignorent ce que ce terme signifie, et de autre part car nous mêmes, socialistes, sommes démunis face à nos propres divisions. Ils craignent ce qu'ils ne connaissent pas, alors ceux ci postulent, font des hypothèses sans fondement... Mais cela sous tend également autre chose: ils ont peur de nous, car eux même reconnaissent déjà le socialisme comme une défi inévitable sur leur chemin.

Il est temps pour les socialistes de mettre un mot plus précis, désignant toute l'expression de leur peur. A celle-ci, nous répondront par la clarté de nos conceptions, de notre but, à nous: les ouvriers du vieux continent: l'eurycommunisme.



Société de classe: bourgeoisie et prolétariat, l'effondrement prévisible


En premier lieu, il convient, pour éviter à tous les affres de l'aliénation de replacer notre existence, à titre individuel et en tant que groupe, dans un processus historique, et de mettre un point d'honneur à affirmer la première de toutes les évidences: l'Histoire n'a jamais été autre chose que celle d'une éternelle lutte de classes.

Cet aspect fondamental de la dynamique de l'Histoire est le premier pivot de notre pensée: de tout temps, nous avons été divisé dans le cadre d'une compétition entre strates et groupes sociaux. Durant l'époque rhémienne, nous avions la distinction entre le maître et l'esclave, et une distinction entre patriciens et plébéiens. Puis, vint l'âge des seigneurs, où le peuple a été hiérarchisé au sein d'une société féodale. C'est l'ère des seigneurs, des vassaux, des maîtres de corporation, des compagnons, des serfs: une hiérarchie particulière de plus. Et lorsque l'ordre ancien a été renversé il y a un demi siècle, cette société de classes a laissé la place à un autre: les oppressions se sont substituées à d'autres, dans un paradigme qui s'est simplifié entre deux mondes fondamentalement séparés: la bourgeoisie urbaine et le prolétariat.

La bourgeoisie existait déjà à l'ère des seigneurs, mais la découverte de l'Aleucie, de l'Afarée et de l'exploitation d'un marché sans limite apparente, offrirent à cette classe l'opportunité de renverser la vieille noblesse par l'art de la négoce, tout en exploitant et détruisant les sociétés concurrentes. La bourgeoisie s'est donc constituée en élément révolutionnaire qui a finit par mettre à bas les anciennes structures du monde, pour laisser placer à la leur, car les grandes corporations ne suffirent plus à diriger le flux de richesses et l'organiser à leur convenance. La division du travail entre les différentes corporations céda par conséquent la place à la division du travail au sein de l'atelier même, et donna naissance à l'Eurysie bourgeoise que nous connaissons aujourd'hui.

La bourgeoisie n'est donc pas une classe immuable, sans Histoire, sans développement, et qui a toujours régné. Elle le fruit de multiples évènements révolutionnaires que le prolétariat a pour tâche d'imiter pour s’émanciper lui-même. La bourgeoisie s'est immiscée partout, et a détruit les anciennes structures de l'intérieur: d'appropriant progressivement des tâches que nous considérions jusque là comme étant honorables et réservées à une noblesse de sang. Elle modifié profondément jusqu'aux rapports familiaux et le privé.

Au barbarisme et à la force de la noblesse d'épée, dorénavant désarmée, la bourgeoisie lui a préféré le parasitage complet des activités productives des autres, qui est sa caractéristique principale, tout comme la tique suce le sang. Cette classe s'est appropriée des outils de production détenus par les nobles, et les a transformé en profondeur pour répondre à ses propres besoins. Contrairement à la classe des nobles, qui voit la clé de sa domination dans la stabilité du monde, la bourgeoisie, elle, ne peut survivre sans asservir et mettre sous le joug toutes les ressources à sa disposition dans une optique de croissance éternelle de ses profits. Il faut s'établir partout, le plus loin possible et avec le plus de partenaires possibles.

Si les industries nationales existent toujours, elles seront réduite à plus ou moins longue échéance par la dynamique de l'Histoire que la bourgeoisie à initié. Le concept propre aux réactionnaires de conception ethnique de la nation est appelé à disparaître inexorablement, tant que la bourgeoisie, en tant que classe, percevra les avantages du système dont ils sont à l'origine, au grand désespoir des réactionnaires. La base nationale de l'industrie, et le concept de nation, n'existent pour le bourgeois, tant qu'il en tire un avantage. Les anciens besoins sont remplacés par des nouveaux, tirés de l'exploitation des populations indigènes, et dont le moteur n'est pas tant alimenté par la demande réelle que par l'offre toujours renouvelée par l’appât du gain des puissances bourgeoises. A la place de l'ancien isolement des provinces et des nations se suffisant à elles-mêmes, se développent des relations universelles, une interdépendance universelle des nations.

La bourgeoisie a entraînée avec elle le monde entier, et parmi elles, toutes les nations, qu'elles le veulent ou non, vers leur propre conception du monde. Partout où elle s'implante, elle met à bas les anciennes structures par la perfection des instruments qu'elle a mis en place, et façonne le monde à son image en tant que classe sociale.

La bourgeoisie a aliéné le travail par la fin de l'émiettement de la production, qui est désormais concentrée dans des ateliers entre quelques mains. Ce qui passait autrefois de main en main dans un processus complexe de division du travail est désormais par une masse laborieuse unique, qui a indirectement provoqué la centralisation, à son tour du pouvoir politique. Les principautés et royaumes féodaux ont lentement laissé place à des États centralisés répondant aux besoins de cette bourgeoisie nouvelle.

Mais la bourgeoisie, en concentrant ainsi la production pour plus d'efficacité a commis l'erreur de nous montrer son ventre. Jamais la masse n'a été davantage concentrée dans l'Histoire, jamais autant d'individus ont partagé un intérêt commun de classe, jamais dans l'Histoire des tâches aussi colossales que celles de la maîtrise du rail, de la vapeur, de la modification de la nature ont été si avancées. Et pourtant, c'est là de sa force que la bourgeoisie tire sa faiblesse.

Ainsi l'a t-on vu: la bourgeoisie, née dans le ventre de la féodalité, a fondé les bases d'une société nouvelle, bâtie sur mesures pour ses besoins propres, mettant au passage à bas les anciennes structures de l'aristocratie de sang, qui étaient autant de chaînes qu'il fallait briser. Mais dans son sillage advient la force du prolétariat, sur laquelle il convient désormais de se reposer, car elle est l'unique et seule vraie élément indispensable de la production. Sa force productive qui signera sa chute.

En effet, de plus en plus, on voit là paraître fréquemment l'expression de cette puissance contenue par la nouvelle classe des maîtres, par le biais de révoltes et de grèves de plus en plus nombreuses. Les crises économiques, elles aussi, ont changé de visage. Là où le régime féodal trouvait ses remous de ses famines par la faiblesse de l'appareil productif, par les mauvaises récoltes et les aléas de la nature, nous assistons depuis l'avènement de la bourgeoisie, à des crises inédites mettant en cause la surproduction et la pénurie organisée par le pouvoir. La société se trouve subitement ramenée à un état de barbarie momentanée par les forces de la bourgeoisie et des outils que celle-ci a mis en place. La surproduction engendre la baisse des prix, qui met en danger l'appareil bourgeois, qui tire sa prospérité de la gestion de la pénurie et de la rareté. La famine et la crise sont la façon de la bourgeoisie de traiter la rébellion, et lorsque cela ne suffit pas a lieu la répression armée. Le système capitaliste a donc pour fin de détruire ses propres forces productives.

Mais j'ai coutume de dire que la bourgeoisie nous vendra la corde avec laquelle nous la pendront, car en créant la classe des prolétaires, nombreuse et puissante, elle a crée les armes qui se fourbissent contre elle. A mesure que la bourgeoisie grandit et s'enrichit, il lui faut toujours plus de forces productives, toujours plus de main d’œuvre... Ces ouvriers vendent leur force de travail, incarnent une marchandise destinée en transformer d'autres, bien davantage qu'ils ne sont considérés comme des individus. Ces ouvriers, par le biais de la mécanisation et la division du travail, ont été dépossédés de leurs propres productions. L'ouvrier, qui autrefois se reconnaissait dans l'objet qu'il fabriquait seul et de ses mains, se retrouve désormais comme étant le maillon d'une chaîne vidant la production de son essence libératrice.

Moins le travail exige d'habileté et de force, c'est-à-dire plus l'industrie moderne progresse, et plus le travail des hommes est supplanté par celui des femmes et des enfants. Les distinctions d'âge et de sexe n'ont plus d'importance sociale pour la classe ouvrière. Il n'y a plus que des instruments de travail, dont le coût varie suivant l'âge et le sexe. Le vieillard, la femme et l'enfant ne deviennent donc rien de plus que d'autres marchandises employables et corvéables à merci.

L'ouvrier, déjà pressuré et dont la force de production est convertie en marchandise par l'employeur, doit subir au sein même de son foyer, d'autres formes d'aliénations. Car bien souvent, il n'a pas le loisir de son logement, qu'il doit s'acquitter en loyer à un propriétaire, avec de l'argent qu'il ne possède pas par son salaire misérable, et qui doit donc se remettre aux usuriers de bas étage. En période de crise, les classes moyennes, qui ne sont rien de plus qu'une instance provisoire entre la bourgeoisie et le prolétariat. Les anciens petits propriétaires, petits patrons et artisans, sont contraints par la moindre crise à sombrer dans la misère et la vente de leur propre force de production, lorsque celle générée par leurs petits ateliers ne suffisent plus à supporter les dynamiques de la concurrence instiguée par la sophistication de l'appareil bourgeois. Aussi, la première réaction de lutte est celle de la tentative de reconquête des outils de production à l'échelle locale, qu'un véritable mouvement ouvrier tel que celui que nous voulons incarner a pour but de muer en mouvement d'échelle de plus en plus grande, pour finir par former une grande classe prolétaire, combattive et consciente de sa position dans les rapports de production. C'est donc sur de vieux réflexes de conservation: destruction de marchandises étrangères, sabotages isolés, qu'il nous faut nous appuyer dans un premier temps. C'est cette union que nous voulons.

Une telle organisation des travailleurs en parti politique sera toujours combattue par la bourgeoisie: il n'y aura pas de répit, pas de fraternisation, avec une classe dont l’intérêt et l'existence de la société qu'elle a crée dans le sillage de la fin des anciens régimes sont mis en danger. Tout triomphe, de toute cause se doit dont d'être fêté de manière éphémère, tant que la classe ouvrière se développe dans une dynamique bourgeoise, car cette dernière ne désarme jamais.

Là où le prolétariat pourrait triompher réside dans le besoin constant que l'on a d'y faire recours, car cette classe et elle seule détermine la production en premier lieu, et parce qu'e la bourgeoisie est une classe qui se vit en état de guerre perpétuelle, non seulement contre les prolétaires mais également contre des membres de son propre corps. Dans ce cadre de concurrence internationale, elle se voit donc obligée de faire systématiquement appel à l'aide du prolétariat, afin de l'entraîner dans le mouvement d'une guerre contre les bourgeoisies de l'étranger, et encore une fois, d'être "consommée" dans le cadre de ces luttes qui ne sont pas les siennes. Cette situation peut fournir en réalité aux prolétaires une éducation des moyens à renverser ses maîtres par les armes qu'elle lui a fournie elle-même.

Cette force armée qui pourrait être constituée est d'autant plus importante lorsqu'on sait qu'à l'heure présente, il n'y a rien d'autre pouvant d'opposer à la bourgeoisie dans une dynamique révolutionnaire en tant que classe. Pas plus d'autres bourgeois animés par leurs rivalités internes que les anciennes castes déchues de l'ancien régime, bloquées dans la réaction.

Les classes moyennes sont conservatrices par essence, car lorsqu'elles combattent la bourgeoisie, elles le font davantage par réflexe de conservation, en vertu de la menace pour leur existence que cela constitue, et se battent pas pour aspirer à devenir autre chose comme le prolétariat. Cependant, leur alliance de circonstance dans la mise à bas de la bourgeoisie est un concours souhaitable, de par la force que cela sous entend.

Enfin, à contrario des nationalismes et de la réaction pour lesquels le cadre national est le seul horizon envisageable, la lutte du prolétariat contre la bourgeoisie, doit dans un premier temps prendre ce cadre à défaut d'autre chose, car il va sans dire que le prolétariat de chaque pays doit en finir, avant tout, avec sa propre bourgeoisie.

En relatant grossièrement la grande dynamique de l'Histoire et l'avènement de la classe bourgeoise, nous avons retracé l'avenir prévisible, à plus ou moins terme, d'un système qui ne peut tenir que par la destruction de ses forces productives, et qui porte en lui les contradictions internes qui comme les autres systèmes de domination avant lui, le mèneront à son effondrement certain.


Qu'est-ce qu'un eurycommuniste ?


Dorénavant que nous avons présenté la séparation de la société en classes distinctes, comment pourrions nous définir ce qu'est un militant eurycommuniste, et comment se place t-il en rapport à cette masse prolétaire qui aspire à devenir moteur de l'Histoire, débarrassée du vampirisme bourgeois.

En premier lieu, j'affirmerai que ces derniers se doivent de représenter les intérêts du mouvement ouvrier dans sa globalité, et que si les luttes sont déterminées par des cadres nationaux, l'eurycommuniste est dans l'obligation de mettre en avant de manière systématique, les intérêts de cette classe comme relevant d'une indépendance vis à vis des questions de la nation. Le mouvement dans sa totalité, à l'échelle internationale, doit constituer la clé de lecture politique d'un eurycommuniste. Par périodes, lorsque les bourgeois se livrent conflit et que l'unité de classe se morcèle, il y a plusieurs élites nationales à abattre par des moyens différents, mais notre intérêt au long terme est international.

Le but premier et fondamental des eurycommunistes est le même que celui de tous les partis ouvriers, sociaux démocrates et socialistes: à savoir l’élévation de la masse prolétaire en corps unique, en une classe unie par les intérêts que j'ai cité, dans renversement de la domination bourgeoise à des fins de conquête du pouvoir politique.

Les revendications des eurycommunistes ne doivent nullement être le fruit d'une invention ou de principes abstraits, mais l'expression d'une théorie scientifique, l'expression générale des conditions réelles de la lutte des classes à laquelle nous assistons, d'un mouvement historique qui s'opère sous nos yeux. L'abolition de la propriété, en tant que valeur individuelle n'est en rien l'objectif d'un eurycommuniste, ou du moins ce n'est pas le but le plus direct comme c'est là le fait des anarchistes et autres socialismes utopistes. Non, l'objectif du communiste est la mise en moyens des moyens de la production de la richesse. Toutes les époques de changement ont fondamentalement modifié le rapport à la propriété, certes: mais le nôtre est l'abolition de la propriété bourgeoise, l'abolition de la concentration du capital et du monopole des grands ateliers. Cette propriété qui repose sur l'appropriation de toutes les manières de produire.

Il n'est nullement de notre interêt d'abolir la petite propriété, celle qui n'a pas de but productif, fruit du travail et du mérite personnel ! Cette propriété là, c'est la bourgeoisie qui l'a déjà abolie en la subtilisant à l'ouvrier, par le progrès de l'industrie et la saisie de la plupart des moyens de production.

On me dira que le travail salarié, celui qu'abat le prolétaire, est créateur de propriété. Mais il n'est nullement le cas: il crée du capital. Il crée le capital, et qui ne peut s'accroître qu'à la condition de produire de nouveau du travail salarié, qui est subtilisé par le capitaliste. Il nous importe donc de faire cette distinction entre capital et le travail.

Ce que le capitaliste détient est avant tout un produit collectif, non personnel: la somme du travail d'un certain nombres d'individus. Il ne peut être mis en mouvement que par une action commune. Notre objectif est donc sa mise en commun à des fin de création d'une propriété sociale et commune.

Pour le moment les ouvriers ne survivent que par le don du salaire, le minimum que l'on peut leur accorder sans faire perdre la plu-value du capitaliste, et à peine assez pour le maintenir dans sa condition actuelle. Ce que nous voulons, c'est supprimer le caractère misérable de cette appropriation qui fait que l'ouvrier ne vit que pour accroître le capital, et ne vit qu'autant que l'exigent les intérêts de la classe dominante. L'abolition de cette injustice, c'est donc cela que les bourgeois qualifient d'abolition de la liberté et de la propriété. Les bourgeois sont saisis par la terreur parce que nous avons la volonté d'abolir cette propriété, alors que celle-ci, dans notre monde actuel, refuse la propriété individuelle à 90% de sa population laborieuse, dans une magnifique hypocrisie.


suite plus tard
Fascisme Tardif sur la Gonda : Démasquer l'Axe RDLG-Clovanie et la Lutte pour une Véritable Libération

Une analyse politique et historique appliquant un cadre théorique renouvelé

Ce texte, entre document doctrinal et analyse universitaire de la situation contemporaine du pays, fait partie des premières publications majeures des universités populaires mises en place par l'Armée Démocratique dans le nord du pays et abreuvant depuis le mouvement en textes théoriques et d'orientation. Il est, par nature, publiquement disponible aux observateurs internationaux.


Partie 1 : Introduction – Au-delà de l'Analogie : Reconnaître le Fascisme de Notre Temps


Les échos des combats se sont tus sur Cap-Franc. Dans les rues marquées par les stigmates de la récente bataille, un sentiment nouveau commence à poindre, mêlé à l'incertitude : celui d'un tournant. La libération de ce port stratégique par les forces conjointes de l'Armée Démocratique (AD) et des Brigades Internationales n'est pas seulement une victoire militaire contre les troupes corrompues du Président Flavier-Bolwou et ses maîtres clovaniens. C'est une étape cruciale dans la mise à nu d'un système d'oppression dont la nature profonde échappe encore à beaucoup, un système que nous devons nommer pour mieux le combattre.

Il serait tentant, et facile, de réduire le régime de la République Démocratique Libre du Gondo (RDLG) à une simple dictature oligarchique de plus, un avatar tropical de régimes autoritaires vus et revus ailleurs. De même, l'intervention massive de la République Impériale Pétroléonienne de Clovanie pourrait être interprétée comme une ingérence néo-coloniale classique, une puissance eurysienne cherchant à sécuriser ses intérêts économiques et géopolitiques sur le dos d'un peuple meurtri. Ces analyses, bien que partiellement correctes, manquent l'essentiel. Elles échouent à saisir la forme spécifique que prend aujourd'hui la réaction dans notre pays, une forme qui résonne étrangement avec les dynamiques observées dans d'autres nations prises dans les rets d'un capitalisme mondialisé en crise profonde.

Des analyses contemporaines de la réaction étatique, nourries par les expériences de luttes de libération sur plusieurs continents, nous offrent un cadre renouvelé pour comprendre notre situation. Ces perspectives nous incitent à dépasser les analogies historiques simplistes avec les fascismes eurysiens du siècle dernier. Le fascisme d'aujourd'hui, ce "fascisme tardif", n'est pas nécessairement une répétition à l'identique du passé. Il s'agit plutôt d'un processus, d'une tendance lourde enracinée dans les structures mêmes de l'État post-colonial, dans les logiques prédatrices du capitalisme racialisé et dans les réponses autoritaires aux crises systémiques. Il ne se manifeste pas toujours par un parti unique ou un culte ouvert du chef, mais par une combinaison insidieuse de violence étatique différentielle, de contrôle économique oligarchique, de manipulation des identités et des mémoires, et d'une rhétorique creuse de l'ordre et de la "liberté".

Notre thèse est la suivante : le régime de la RDLG, dans sa symbiose pathologique avec l'impérialisme clovanien, incarne une forme particulièrement virulente de ce fascisme tardif. Son autoritarisme n'est pas un simple accident de parcours, mais la conséquence logique d'un système fondé sur l'exploitation néo-coloniale, la fragmentation ethnique orchestrée et le déni de la souveraineté populaire. Par conséquent, la lutte menée par l'Armée Démocratique et ses alliés n'est pas une simple guerre civile pour le contrôle de l'État ; c'est une guerre de libération antifasciste, anticoloniale et démocratique. C'est une lutte pour l'âme du Gondo, pour son droit à l'autodétermination et à un avenir débarrassé des oppressions passées et présentes.

Cet article se propose de décortiquer les mécanismes de ce fascisme tardif à l'œuvre au Gondo. Nous examinerons d'abord les racines coloniales et la nature de classe du régime RDLG. Nous analyserons ensuite l'intervention clovanienne non comme une aide, mais comme une tentative de gestion de crise au service d'intérêts impériaux. Nous dévoilerons la nature de "l'État creux" mis en place, renforçant la coercition tout en délaissant le peuple. Nous nous pencherons sur les manipulations temporelles et identitaires utilisées pour légitimer l'ordre existant, avant de déconstruire la notion fallacieuse de "liberté" brandie par nos ennemis. Enfin, nous réaffirmerons la nécessité de la voie communaliste comme seule alternative véritable pour un Gondo libre et souverain.


Partie 2 : La République Pourrissante – Héritages Coloniaux et Capitalisme Racial dans la RDLG


Pour comprendre la nature du régime que nous combattons aujourd'hui, il est impératif de remonter aux racines viciées de la République Démocratique Libre du Gondo. Loin d'être une rupture, le régime de Désiré Flavier-Bolwou, même avant l'intervention massive de la Clovanie en 2010, n'était que la continuation, sous des oripeaux républicains trompeurs, d'un système d'exploitation hérité directement de l'ère coloniale gallèsante. Le Gondo, en tant qu'entité politique, est une construction artificielle, un découpage arbitraire imposé par des puissances étrangères sur une mosaïque de peuples aux histoires et aux intérêts divergents. Cette fondation même porte en elle les germes de la division et de l'instabilité chronique qui ont marqué notre histoire depuis l'indépendance formelle.

Le pouvoir central, historiquement dominé par l'ethnie Kwandaoui, s'est toujours appuyé sur une administration calquée sur le modèle colonial, centralisatrice et déconnectée des réalités locales. Plutôt que de chercher à construire une véritable unité nationale basée sur le respect des diversités et la participation populaire, les élites successives, culminant avec la caste oligarchique regroupée autour de Flavier-Bolwou – que le peuple nomme avec justesse les "Djérouites" en référence à la chambre coutumière corrompue qui les représente – ont perpétué un système d'extraction des richesses au profit d'une minorité et de ses partenaires étrangers.

Ce système peut être qualifié, en suivant les analyses critiques des dynamiques impériales mondiales, de capitalisme racial. Bien que l'ethnie soit ici le marqueur principal de la hiérarchie, le mécanisme est similaire : une différenciation et une exploitation basées sur l'appartenance à un groupe désigné comme supérieur (ici, l'oligarchie Kwandaoui et ses affiliés) au détriment des autres peuples (Likra, Pitsi, Douele, et les nombreuses autres communautés rurales et urbaines marginalisées). L'économie gondolaise, avant même l'arrivée massive des Clovaniens, était une caricature d'économie nationale : dominée par les industries extractives (pétrole, minerais rares, diamants) et l'agro-industrie d'exportation (bananes, cacao, café), elle était presque entièrement contrôlée par des compagnies étrangères (comme la United Oil lofotène via sa filiale UGP dirigée par Flavier-Bolwou lui-même) ou par des entreprises appartenant aux Djérouites (Gomine, RMS). Cette structure assure la fuite des capitaux et des richesses hors du pays, condamnant la majorité de la population à la pauvreté, au chômage endémique et à la précarité, tout en enrichissant une élite coupée de la nation.

Sur le plan politique, la IVème République n'a de démocratique et de libre que le nom. Le pouvoir réel est concentré entre les mains du Président Flavier-Bolwou, magnat des affaires avant d'être homme d'État, qui utilise les institutions comme un paravent pour ses propres intérêts et ceux de son clan. L'Assemblée est impuissante, le Sénat une chambre d'enregistrement à sa solde, et la Djéroua un bastion de l'oligarchie traditionnelle et affairiste. La justice est soumise, l'administration gangrenée par une corruption systémique que le régime non seulement tolère mais encourage activement comme outil de contrôle social et de loyauté clientéliste. Les infrastructures de base – routes, écoles (en dehors des zones privilégiées), hôpitaux, accès à l'eau potable – sont dans un état de délabrement avancé, conséquence directe du désintérêt de l'État pour le bien-être de la population au profit de l'enrichissement de quelques-uns et du service de la dette contractée auprès de puissances étrangères comme l'ancien Empire du Nord.

Cette structure politique et économique, profondément inégalitaire et fondée sur des logiques d'exploitation héritées du colonialisme, constitue ce que des penseurs anti-coloniaux ont pu nommer un "fascisme avant le fascisme". C'est un terreau fertile pour l'autoritarisme, la violence ethnique et l'ingérence étrangère. La faiblesse structurelle de l'État RDLG, son manque de légitimité populaire et sa dépendance économique ont rendu le pays vulnérable, appelant presque une intervention extérieure pour maintenir un semblant d'ordre – un ordre qui, bien sûr, ne sert que les intérêts de l'oligarchie locale et de ses nouveaux maîtres impériaux. La Clovanie n'a fait qu'exploiter et exacerber ces failles préexistantes, trouvant dans le Gondo de Flavier-Bolwou un terrain idéal pour déployer sa propre version du contrôle néo-colonial.


Partie 3 : La Solution Clovane – L'Intervention Impériale comme Gestion Fasciste de la Crise


Face à la déliquescence avancée de son propre régime et à la montée en puissance des forces contestataires, notamment l'Armée Démocratique dans le Nord et le Mouvement de Libération Likra à l'Est, le gouvernement fantoche de Flavier-Bolwou a choisi la voie de la soumission plutôt que celle de la réforme ou du dialogue. L'arrivée massive des troupes clovaniennes en 2010, sous la bannière de "l'Opération Chrysope", ne fut pas une offre d'assistance fraternelle, mais une réponse impériale calculée à la crise profonde qui menaçait les intérêts de l'oligarchie gondolaise et, par extension, ceux des puissances étrangères qui profitaient de l'instabilité et de la manne extractive du pays.

Il est crucial de comprendre la nature de cette intervention. Elle ne visait pas à restaurer une démocratie défaillante – celle-ci n'ayant jamais réellement existé que sur le papier constitutionnel de la RDLG. Elle ne visait pas non plus à apporter une paix durable fondée sur la justice et la réconciliation entre les peuples du Gondo. L'objectif réel, masqué par une rhétorique paternaliste de "pacification" et de "soutien à un allié", était de sauver un système d'exploitation néo-colonial en pleine déconfiture. En cela, l'intervention clovanienne s'inscrit parfaitement dans ce que les théoriciens critiques appellent une "solution fasciste" à une crise du capitalisme périphérique : l'usage de la force militaire et de la restructuration autoritaire pour maintenir, voire intensifier, un ordre économique et social injuste, au profit des classes dominantes locales et de leurs parrains impériaux.

L'arsenal déployé par la Clovanie témoigne de la nature de cette entreprise. L'arrivée de près de 18 000 soldats (même si ce nombre fut ensuite réduit), l'établissement de bases militaires permanentes à Sainte-Loublance et Porzh-Erwan, et plus récemment la construction de la base-usine Sarcopte près de la capitale, ne sont pas des mesures défensives, mais les outils d'une occupation et d'une mise sous tutelle. Ces bases servent non seulement à projeter la puissance militaire clovanienne et à réprimer toute opposition armée, mais aussi à contrôler les centres névralgiques du pays.

Au-delà de la présence militaire brute, l'emprise clovanienne s'est étendue à tous les secteurs de la société. Sur le plan économique, les entreprises clovaniennes ont investi massivement dans le secteur touristique sur les côtes sud, créant une économie d'enclave déconnectée des besoins réels de la population et renforçant la dépendance du pays. L'inauguration d'un réseau d'autobus par RMTBV, bien que présentée comme un progrès, assure surtout le contrôle clovanien sur les infrastructures de transport vitales, facilitant le mouvement de leurs troupes et de leurs marchandises tout en marginalisant les initiatives locales.

Sur le plan social et culturel, l'offensive est tout aussi marquée. La "Nouvelle École Gondolaise" (NEG), présentée comme une œuvre philanthropique, est en réalité un outil de déculturation et d'endoctrinement, visant à substituer les langues et les histoires gondolaises par celles de l'occupant, formant une jeunesse soumise et coupée de ses racines. Les Centres d'Aide Clovanienne (CAC), distribuant nourriture et nécessités de base, fonctionnent sur un modèle d'assistance qui infantilise la population et la rend dépendante de la charité impériale, tout en diffusant la propagande du régime par l'exigence de l'usage de la langue clovanienne. C'est une stratégie éprouvée de conquête des cœurs et des esprits par le contrôle des estomacs et des savoirs.

Enfin, sur le plan politique et administratif, la nomination d'un Délégué Impérial aux Affaires Gondolaises, Ives de Tholosé, agissant comme un proconsul moderne, et la mise en place de l'Opération Chélonioïde, qui voit la marine clovanienne s'arroger le contrôle des eaux territoriales et des douanes maritimes, achèvent de vider la souveraineté gondolaise de sa substance. Le gouvernement de Flavier-Bolwou n'est plus qu'une façade, un exécutant des volontés de Legkibourg.

Cette stratégie clovanienne, combinant coercition militaire, pénétration économique et hégémonie culturelle, illustre parfaitement comment un "fascisme tardif" peut opérer sous des dehors libéraux ou développementalistes. Il ne s'agit pas d'établir un régime totalitaire classique sur le modèle eurysien du XXe siècle, mais d'instaurer un contrôle indirect, plus insidieux mais tout aussi efficace, garantissant la perpétuation des structures d'exploitation et de domination. C'est le retour du refoulé colonial, le "boomerang" dont parlait Césaire, qui revient frapper le Gondo sous la forme d'une nouvelle servitude, orchestrée par ceux-là mêmes qui prétendent apporter l'ordre et la civilisation.


Partie 4 : L'État Creux – Néolibéralisme de Façade et Violence Différentielle


L'une des caractéristiques les plus déroutantes et dangereuses du régime RDLG-Clovanie est sa nature profondément paradoxale. Sous des discours vantant parfois la modernisation, l'ordre ou même le "développement", se cache en réalité ce que des analystes critiques des formes contemporaines de domination ont appelé "l'État anti-État" ou "l'État creux". C'est une forme de gouvernance qui, tout en prétendant se retirer ou se limiter, renforce en réalité sélectivement ses capacités coercitives tout en abandonnant ses fonctions sociales et en exacerbant les inégalités, le tout au service d'une classe dominante restreinte et de ses alliés étrangers.

Au Gondo, cette dynamique est flagrante. D'un côté, nous assistons à une hypertrophie de l'appareil sécuritaire et militaire. L'arrivée massive des troupes clovaniennes, la construction de bases ultra-sécurisées comme Sarcopte, la militarisation de la surveillance maritime via l'Opération Chélonioïde, la répression brutale des mouvements d'opposition passés (comme le GALK) et présents (comme les actions menées contre le MLL ou la surveillance accrue des zones jugées sympathisantes de l'AD) témoignent d'un État dont la fonction première est le contrôle et la coercition. Les forces de l'ordre, qu'elles soient gondolaises (ARL, police) ou clovaniennes (Armée Impériale), sont omniprésentes dans les zones jugées stratégiques ou potentiellement dissidentes, prêtes à écraser toute contestation de l'ordre établi.

De l'autre côté, cet État militarisé est singulièrement absent lorsqu'il s'agit de répondre aux besoins fondamentaux de la population. En dehors des enclaves touristiques côtières et des zones directement liées aux intérêts clovano-djérouites, les infrastructures de base (routes, ponts, écoles publiques, hôpitaux, réseaux d'eau et d'électricité) sont dans un état de délabrement avancé, voire inexistantes. Les investissements annoncés se concentrent sur des projets profitant directement aux élites ou à l'occupant (autoroutes reliant les pôles économiques contrôlés, infrastructures portuaires pour l'exportation de matières premières ou l'importation de matériel militaire et de biens de consommation destinés aux Clovaniens et aux Djérouites). L'État RDLG se désengage activement de ses responsabilités sociales, abandonnant des pans entiers du territoire et de la population à la précarité.

Cette dichotomie n'est pas une simple négligence, mais une stratégie délibérée. Les programmes sociaux mis en place par la Clovanie, comme la Nouvelle École Gondolaise ou les Centres d'Aide Clovanienne, ne sont pas des substituts à un véritable service public, mais des outils de contrôle social et d'ingénierie culturelle. Ils créent une dépendance directe vis-à-vis de la puissance occupante, fragmentent les solidarités locales et servent de façade "humanitaire" à un projet de domination. L'État gondolais, en se déchargeant de ses fonctions sur son "allié" ou sur des ONG étrangères (comme l'OCC primaine ou le Régiment Hospitalier sylvois), non seulement admet son impuissance, mais participe activement à son propre évidement, se réduisant à un simple appareil répressif au service d'intérêts étrangers.

Cette application différentielle de la puissance étatique – force brute ici, abandon là, assistance conditionnelle ailleurs – est un marqueur clé du capitalisme racial et des logiques du fascisme tardif. Elle vise à gérer la population non pas en l'intégrant dans un projet national commun, mais en la divisant, en la précarisant et en la contrôlant par des mécanismes de peur et de dépendance. L'État se renforce paradoxalement par son retrait apparent, concentrant ses ressources sur la coercition et l'économie extractive, tout en naturalisant les inégalités et en rendant toute alternative collective et solidaire plus difficile à imaginer et à construire. C'est précisément contre cet État creux, cet appareil de domination racialisée et néo-coloniale, que l'Armée Démocratique lutte en s'efforçant de bâtir, dans les territoires libérés du Nord, les fondations d'un État véritablement social, démocratique et populaire, où les institutions sont au service de tous les citoyens et non d'une minorité prédatrice.


Partie 5 : Passés Fabriqués, Avenirs Confisqués – Temporalités Manipulées et Nationalisme Frelaté


Tout régime autoritaire cherchant à légitimer sa domination doit impérativement maîtriser le récit du temps. Il lui faut sculpter le passé, définir le présent et promettre l'avenir d'une manière qui justifie son existence et délégitime toute alternative. L'axe RDLG-Clovanie ne fait pas exception à cette règle, déployant une manipulation complexe des temporalités et des identités qui porte la marque indéniable des stratégies fascistes, anciennes et nouvelles. En analysant ces manœuvres à la lumière des théories critiques, nous pouvons déceler la vacuité de leur projet et la nature profondément réactionnaire de leur vision pour le Gondo.

Les théoriciens qui se sont penchés sur les fascismes historiques ont souvent souligné leur rapport paradoxal au temps : une obsession pour un passé mythique et racialisé (souvent imaginaire), combinée à une projection violente vers un avenir de régénération nationale et de domination impériale. Ce futurisme archaïsant, cette volonté de "foncer vers le passé" pour citer un analyste pertinent, sert à mobiliser des énergies sociales diverses, issues de temporalités différentes et souvent contradictoires (ce que certains appellent la "non-contemporanéité"), au service d'un projet autoritaire unique.

Comment cette dynamique se manifeste-t-elle dans le Gondo actuel ? Le régime de Flavier-Bolwou et ses maîtres clovaniens ne cessent de brandir le spectre du "chaos" et du "terrorisme" (associé indistinctement à toutes les formes d'opposition, de l'AD aux mouvements ethniques) pour justifier le présent état d'urgence permanent et l'occupation étrangère. Le passé récent, marqué par les phases les plus intenses de la guerre civile et l'instabilité politique, est constamment invoqué comme un repoussoir absolu, une époque sombre dont seule l'alliance avec la Clovanie et la poigne de fer du PND auraient permis de sortir. Ce faisant, ils effacent sciemment les causes profondes de cette instabilité : l'héritage colonial, les politiques de division ethnique menées par les régimes successifs (y compris le leur), et la faillite économique organisée par l'oligarchie.

Le passé plus lointain est, lui aussi, sujet à une réécriture sélective. Tantôt, c'est une vision idéalisée et pacifiée de la période coloniale qui est mise en avant (notamment via la réhabilitation de l'architecture ou des figures administratives de l'époque), vantant un prétendu ordre et une "mise en valeur" du territoire par les Eurysiens. Tantôt, c'est un mythe national kwandaoui, expurgé de ses propres contradictions et de sa dimension oppressive envers les autres peuples, qui est mobilisé pour asseoir la légitimité historique de l'élite au pouvoir. Dans les deux cas, il s'agit de construire un passé sur mesure, lisse et sans aspérités, qui sert de caution à l'ordre présent.

Quant à l'avenir promis par cet axe réactionnaire, il est d'une pauvreté affligeante. Il se résume à la promesse vague d'une "stabilité" garantie par la force militaire clovanienne, d'une "prospérité" liée aux investissements étrangers dans le tourisme et l'extraction, et d'un "progrès" défini par l'adoption des normes culturelles et économiques de l'occupant. C'est un avenir sans horizon d'émancipation réelle pour le peuple gondolais, un futur confisqué, réduit à la perpétuation de la dépendance et de la soumission. Cette vision est particulièrement visible dans la propagande clovanienne, comme le montrent les articles dithyrambiques du Journal de Legkibourg ou les messages condescendants du Délégué Impérial Tholosé, qui présentent l'intervention comme une "bénédiction divine" et une "mission civilisatrice", niant au peuple gondolais toute capacité à déterminer son propre destin.

Cette manipulation temporelle constitue une forme de "fanatisme bidon", pour reprendre une expression d'un penseur critique. Elle vise à créer une "sérialité manipulée", une fausse unité nationale ("Le Gondo républicain") définie par l'exclusion et la diabolisation de l'Autre (les "rebelles", les "communistes", les "séparatistes", les "tribus archaïques"). En imposant un temps unique et linéaire (passé sombre -> présent stabilisé par la force -> futur prospère sous tutelle), le régime cherche à écraser la pluralité des expériences vécues, des mémoires collectives et des aspirations populaires qui constituent la richesse réelle de notre nation.

Face à cette falsification de l'histoire et cette confiscation de l'avenir, l'Armée Démocratique oppose une temporalité radicalement différente. Notre lutte ne s'ancre pas dans une nostalgie mythique, mais dans l'analyse matérialiste des oppressions réelles, passées et présentes – coloniales, néo-coloniales, ethniques et de classe. Nous ne cherchons pas à restaurer un ordre ancien, mais à construire un avenir inédit, celui d'une république véritablement démocratique, fédérale, multi-ethnique et souveraine. Notre projet n'est pas un retour, mais une rupture fondée sur la libération des forces vives du peuple gondolais. C'est en reconnaissant la complexité de notre histoire et la diversité de nos temporalités que nous pourrons forger, ensemble, les voies d'une émancipation collective authentique.


Partie 6 : Les Chaînes de la "Liberté" – Déconstruction de la Liberté Fasciste


L'un des pièges idéologiques les plus insidieux tendus par les régimes autoritaires contemporains est leur capacité à s'approprier et à pervertir le langage même de la liberté. Le sens commun, hérité des Lumières eurysiennes et des luttes anti-absolutistes, tend à opposer radicalement fascisme et liberté, le premier étant perçu comme l'incarnation de la tyrannie étatique écrasant toute autonomie individuelle et collective. Pourtant, une analyse plus fine, nourrie par les expériences historiques et les critiques radicales, révèle que le fascisme, y compris dans ses formes "tardives", entretient un rapport bien plus complexe et tortueux avec la notion de liberté. Loin de la rejeter purement et simplement, il promeut souvent sa propre version dévoyée de la liberté – une liberté hiérarchique, racialisée et inextricablement liée à la domination.

L'axe RDLG-Clovanie au Gondo offre une illustration saisissante de cette dynamique. Quelle "liberté" ce régime prétend-il défendre ou instaurer ? Certainement pas la liberté du peuple gondolais dans son ensemble. Il s'agit avant tout de la liberté du capital et de ses agents. C'est la liberté pour les multinationales (lofotènes, clovaniennes, et celles liées à l'Empire du Nord via l'UCIC) d'exploiter sans entrave les ressources naturelles et humaines du pays. C'est la liberté pour l'oligarchie djérouite, menée par Flavier-Bolwou, de s'enrichir par la corruption et le népotisme, confondant les biens de l'État avec leur patrimoine personnel. C'est la liberté pour la puissance occupante clovanienne d'imposer son modèle économique (le tourisme prédateur), sa culture (via la NEG), et son contrôle militaire et administratif (bases, Opération Chélonioïde, Délégué Impérial) sans avoir à rendre de comptes à la population locale.

C'est aussi, et c'est là une caractéristique fondamentale des dynamiques fascistes, une liberté conçue contre les autres. C'est la liberté d'être protégé de la prétendue menace que représenteraient les forces du changement – l'Armée Démocratique qualifiée de "communiste", les mouvements ethniques qualifiés de "séparatistes", les populations marginalisées qualifiées de "criminelles". Dans cette optique, l'ordre imposé par la force (par l'ARL et surtout par l'Armée Impériale) devient la condition même de la liberté, une liberté négative définie par l'absence (supposée) de chaos et la répression de toute altérité jugée menaçante.

Plus profondément encore, ce régime instille une forme de liberté fasciste, au sens où des théoriciens critiques l'ont analysée dans le contexte des histoires coloniales et raciales. Il s'agit de la liberté de dominer, une liberté déléguée à certains groupes au détriment d'autres. Les forces clovaniennes, en tant qu'occupants, jouissent d'une liberté d'action quasi-totale, au-dessus des lois locales. Les élites kwandaouis, historiquement favorisées, voient leur position renforcée par l'alliance avec la Clovanie, leur donnant une liberté accrue d'exploiter et de mépriser les autres ethnies. On peut même voir dans le soutien passé de Prima ou de l'Empire du Nord à certains groupes ethniques spécifiques (comme le MIPL pitsi) une tentative d'instrumentaliser cette logique de liberté différentielle, en octroyant une autonomie conditionnelle à un groupe pour mieux contrôler l'ensemble, fragmentant ainsi toute possibilité de résistance unifiée. C'est la vieille logique du "diviser pour régner", appliquée ici sous la forme d'une distribution hiérarchisée de "libertés" subalternes et conditionnelles. Cette liberté, fondée sur la race, l'ethnie, la classe ou l'allégeance politique, est l'antithèse même de l'émancipation universelle.

Face à cette perversion, l'Armée Démocratique propose une vision radicalement différente de la libération. La liberté que nous prônons n'est pas celle, abstraite et formelle, de l'individu isolé face à un marché ou à un État tout-puissant. Ce n'est pas non plus la liberté prédatrice de l'oligarque ou du colon. C'est :

  • La liberté collective vis-à-vis de l'exploitation économique, réalisée par la mise en place de coopératives, la démocratisation des lieux de travail et la planification démocratique des ressources au service de la communauté.
  • La liberté face à la domination ethnique et raciale, garantie par un projet fédéraliste respectueux de la diversité des peuples du Gondo et fondé sur l'égalité des droits pour tous.
  • La liberté vis-à-vis de toute ingérence étrangère, qu'elle soit militaire, économique ou culturelle. La souveraineté du Gondo appartient au peuple gondolais, et à lui seul.
  • La liberté par la participation directe à la vie politique, à travers les assemblées communales, les comités locaux et les syndicats, où chaque citoyen peut faire entendre sa voix et prendre part aux décisions qui le concernent.

Notre combat est donc aussi un combat pour le sens même du mot "liberté". Nous refusons la liberté frelatée, la liberté des maîtres et des oppresseurs, la liberté construite sur les ruines de la dignité humaine. Nous luttons pour une liberté concrète, matérielle, sociale et politique, une liberté vécue par tous et pour tous, seule garante d'un avenir juste et pacifié pour le Gondo.


Partie 7 : Conclusion – La Voie à Suivre : La Révolution Communaliste Contre le Fascisme Tardif


Au terme de cette analyse, le constat est sans appel. Le régime qui opprime aujourd'hui une large partie du Gondo, incarné par l'alliance contre-nature entre l'oligarchie corrompue de la RDLG et l'impérialisme rapace de la Clovanie, n'est pas une simple dictature post-coloniale ou une ingérence étrangère classique. Il présente les caractéristiques profondes et inquiétantes d'un fascisme tardif.

Nous avons montré comment ce régime s'enracine dans les structures d'exploitation héritées de l'ère coloniale, perpétuant un capitalisme racialisé qui divise et appauvrit notre peuple au profit d'une minorité et de ses maîtres étrangers. Nous avons vu comment l'intervention clovanienne, loin d'être une mission de paix, constitue une gestion de crise autoritaire visant à sauver cet ordre injuste, déployant pour ce faire un arsenal militaire, économique et culturel de domination. Nous avons analysé la nature paradoxale de cet "État creux" qui combine une répression féroce et ciblée avec un abandon cynique des fonctions sociales, créant dépendance et précarité. Nous avons déconstruit les récits historiques falsifiés et les promesses d'avenir vides par lesquels cet axe réactionnaire tente de légitimer son pouvoir, manipulant le temps et les identités pour écraser toute aspiration à un changement réel. Enfin, nous avons exposé la perversion de la notion de liberté par ce régime, réduite à la liberté d'exploiter pour les puissants et à la liberté illusoire d'être "protégé" pour les autres, masquant une réalité de servitude et de domination hiérarchisée.

Face à cette manifestation insidieuse mais bien réelle du fascisme contemporain, la lutte menée par l'Armée Démocratique prend tout son sens. Notre combat n'est pas une simple querelle de factions pour le pouvoir. C'est une guerre de libération nationale, une lutte antifasciste et anticoloniale pour la dignité et l'avenir de tous les peuples du Gondo. La prise de Cap-Franc n'est qu'une étape, une démonstration que la volonté populaire, organisée et déterminée, peut briser les chaînes de l'oppression, même face à un ennemi soutenu par des puissances étrangères.

Notre projet est clair : remplacer l'État fantoche et prédateur de la RDLG par une véritable république démocratique, fondée sur les principes du communalisme. Cela signifie :

  • L'autogestion des communautés locales, où les décisions sont prises par et pour les habitants.
  • La collectivisation des principaux moyens de production et la fin de l'exploitation capitaliste, qu'elle soit locale ou étrangère.
  • L'établissement d'un État fédéral respectueux de la diversité ethnique et culturelle de notre nation, garantissant l'égalité des droits pour tous.
  • La restauration pleine et entière de notre souveraineté nationale, libre de toute tutelle impériale.

Cette voie est la seule qui puisse garantir une paix durable et un développement juste pour le Gondo. Elle exige la poursuite de la lutte armée pour libérer l'ensemble de notre territoire, mais aussi et surtout la mobilisation continue et l'organisation du peuple. Les comités populaires, les syndicats, les coopératives qui fleurissent dans les zones libérées sont les fondations du Gondo de demain.

Nous appelons tous les patriotes gondolais, quelle que soit leur ethnie ou leur origine, à rejeter la propagande de l'ennemi et à rejoindre les rangs de la Révolution. Nous appelons la communauté internationale, et en particulier nos camarades des mouvements anti-impérialistes, antifascistes et socialistes, comme ceux des Brigades Internationales qui combattent déjà à nos côtés, à renforcer leur solidarité avec notre juste cause.

La bataille pour le Gondo est loin d'être terminée. L'ennemi, blessé mais non vaincu, mobilisera sans doute toutes ses ressources pour tenter d'écraser notre Révolution. Mais l'Histoire est de notre côté. La dynamique de libération des peuples est irréversible. Face au fascisme tardif, nous opposons la force vivante de la démocratie populaire et de la solidarité internationaliste. La victoire est certaine, car elle est la victoire du peuple gondolais retrouvant enfin sa souveraineté et sa dignité.
Haut de page