11/05/2017
16:07:54
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Rencontre à Mistohir [Estalie - Grand Kah] - Page 2

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Meredith acquiesça avant de croiser les bras.
« L'hypothèse translave est à creuse, si vous voulez mon avis. Mon propre gouvernement avait de toute façon prévu de s'associer aux efforts Loduariens de reconstruction du pays. Si nous ne sommes pas parfaitement alignés avec le centralisme démocratique pratiqué par les eurycommunistes en place nous reconnaissons la nette amélioration qu'elle représente par rapport au régime précédent - sans parler des régimes voisins.

Si cela vous convient, vous pourriez évoquer la question des ports avec vos partenaires, pendant que nous mènerons nos propres rapprochement par ailleurs.
 »

Après elle ce fut Actée, qui parla : la mention du Pharois lui avait arraché un sourire un peu pincé.

« À vrai dire détrompez-vous : le Pharois était le principal avocat d'un LiberalIntern réduit à son plus strict nécessaire, c'est à dire une organisation purement défensive. » Elle haussa les épaules et se détendit. «La disparition de nos camarades, si elle est plus que regrettable, a permis de remettre sur la table un certain nombre de dossiers laissés pour compte. Nous travaillons notamment à l'établissement d'instances économiques communes en profitant de l'expertise de nos camarades Zélandiens, récemment convertis au communalisme libertaire. Cela étant tout reste à construire : vous arriveriez au bon moment pour faire entendre votre voix et nous assister dans cette lourde tâche de coordination. »

Meredith repris.

« En ce qui concerne l'aspect purement bilatéral, la notion de crédits n'a pas énormément de sens dans notre système économique – nous nous sommes débarassés de la plupart des réflexes marchands qui animent encore une partie du monde cherchant à atteindre le communisme. Cela étant l'idée d'une banque de développement prenant pour principe la mutualisation des surplus est entendable et pourra être portée sans trop de difficultés devant nos communes.

Je pense cependant que votre idée d'une commission de croisement de la production rencontrerait une opposition plus vive. À vrai dire nous avons déjà développé des mécanismes similaires avec la majorité de nos partenaires économiques principaux et si la complémentarité économique d'acteurs alliés est souhaitable dans ce contexte de dépendance partielle des marchés aux nations capitalistes, notre Union a une visée universelle et par conséquent autarcique, il faudra batailler pour faire accepter l'abandon de certains secteurs au profit d'une nation géographiquement éloignée. Il y a aussi de nombreuses questions à considérer, concernant la complexité organisationnelle et les régulations, logistiques, et il faudrait nécessairement un certain nombre de processus parallèles de production pour éviter un déséquilibre dans la complémentarité en cas de crise dans la production d'un des secteurs dédiés. Autant d’aspects que nos génies du Commissariat sauront sans doute régler en cas de mise en place effective du projet.
»

Puis Actée, qui s’était saisit du dossier sur le SOES, releva les yeux vers ses interlocutrices et adopta un air aimable.
« Nous sommes au fait de votre fonctionnement économique, oui. » Elle fit mine de parcourir le document, avant de le refermer et de le poser devant elle, très cordiale. « Le SOES est un projet intéressant, oui. Nous sommes très heureux de voir d'autres pays libertaires adopter certaines des méthodes à l'origine de notre miracle économique. L'organisation d'un e-gouvernement est une idée neuve en Eurysie mais chez nous la répartition des connaissances faisait déjà fantasmer lors de la première révolution, alors vous vous doutez bien... » Un rire aimable. « Votre proposition est très appréciée, mais je crains qu’elle ne soit redondante avec notre infrastructure Intranet préexistante. Encore une question qui sera mieux traitée par nos experts, j’en suis sûr.
– À vrai dire, Actée, cela pourrait se révéler très utile pour le SGCRD. » L
a citoyenne se redressa tranquillement. « L’Architecture économique que vous nous proposez est très intéressante et il va de soi qu’il s’agit d’un partenariat d’un genre nous intéressant. Et à vrai dire nous avions nous-mêmes quelques projets à vous soumettre. Vous m’avez entendu évoquer le SGCRD, ou Système de Gestion Collaborative des Ressources Durables. Ce système décentralisé permettrait aux coopératives et communes de nos deux nations de gérer et partager leurs ressources naturelles de manière optimisée et transparente, tout en renforçant l’autosuffisance énergétique et alimentaire. Par nature il serait donc complémentaire au CCP. Voyez, pour nous la résilience économique est aussi environnementale. »
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Cloroski écarquilla les yeux un bref instant. Elle s'attendait évidemment à quelques réserves kah-tanaises mais elle ne s'attendait pas nécessairement à un mur aussi épais de son point de vue. La coopération proposée était relativement limitée, il était difficile d'imaginer autre chose malgré les efforts de l'Estalie pour trouver des débouchés commerciaux dans une Eurysie qui lui était ouvertement hostile. Ils n'étaient pas la seule option mais pour la jeune idéaliste estalienne, le choc est un peu violent. Elle regarda sa collègue mais la Commissaire aux Relations Extérieures resta impassible. Au contraire, elle préférait rebondir sur ses propositions initiales. La première proposition semblait sur de bons rails, malgré des réserves sur l'utilisation du crédit. La troisième tombait naturellement à l'eau. Les efforts de la Commissaire devaient donc se concentrer sur la proposition du CCP, un organisme auquel elle tenait à faire accepter au moins les fondements à ses homologues :

"Je comprends tout à fait vos réticences en ce qui concerne l'objectif autarcique de votre Union ainsi que les inquiétudes d'interdépendance que notre proposition soulève. Néanmoins, j'estime que la proposition du CCP vise une forme de résilience mutuelle, voyez ça comme un "partage de sécurité" qu'une interdépendance risquée qui permettrait à nos deux nations de mieux résister en cas de choc économique extérieure. Le principe de co-propriété est typiquement ce qui permet de garantir à grande échelle l'autonomie mutuelle de nos chaînes d'approvisionnement et donc ironiquement de les rendre plus robustes face aux crises.

Néanmoins, vous avez raison sur le principe des processus parallèles, à mon sens, nous devrions introduire des mécanismes de sauvegarde supplémentaires à la CCP pour qu'elle puisse éviter tout déséquilibre en cas de crise en conservant une capacité minimale sur les secteurs externalisés visés et mettre en place un mécanisme de compensation en cas de déséquilibre temporaire dans les chaînes d'approvisionnement. Quant à la complexité logistique et organisationnelle de notre modèle, nous pourrions débuter une première phase pilote avec des communes volontaires de nos deux nations afin de tester cette dite efficacité et donner ensuite le soin à nos bureaucrates et nos experts dans le domaine d'apporter les corrections nécessaires à l'optimisation de ce dit modèle, nous devons y aller progressivement dans tous les cas.

Enfin, quant au SGCRD, cela pourrait être une bonne initiative mais nous aimerions en savoir un peu plus sur le fonctionnement de celui-ci avant de donner notre approbation, afin que notre Congrès puisse avoir le plus d'éléments nécessaires aux conséquences d'un tel partenariat.
"
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"Je me suis peut-être mal exprimée." Actée sourit. "Nous représentons une confédération, et ces réticences seront celles qui seront émises par certains de nos camarades au sein de la Convention générale. La position de notre Comité est cependant favorable à votre offre, et à une plus grande coopération entre nos deux nations. Il y aura des débats, et je ne peux théoriquement pas vous offrir une réponse immédiate, mais ce projet devrait pouvoir être adopté. Votre réaction elle-même aurait de quoi nous rassurer, si nous avions le moindre doute : oui, la mise en place de projets pilote auprès des communes volontaires serait une excellente façon de procéder, qui permettrait qui plus est de contourner la question confédérale et de mettre l'Union face au fait accomplit à l'échelle locale. C'est très bien, très bien, oui."

Meredith acquiesça.

"Concernant le SGCRD est conçu pour être flexible et adapté aux spécificités de chaque territoire, tout en garantissant une gestion décentralisée et transparente des ressources naturelles. Son fonctionnement repose sur une plateforme sécurisée permettant aux coopératives et aux communes de partager et gérer leurs ressources de manière optimale. Nous serions heureux de vous fournir des détails plus précis sur l'architecture du système, les modalités d'intégration liés à ce partenariat.

L'objectif est de garantir que cette initiative soit bénéfique pour les deux parties, tout en respectant les principes d'autonomie et de durabilité qui nous sont chers. Pour être parfaitement honnête son fonctionnement devrait sans doute être intégré au CCP pour lui assurer un meilleur fonctionnement.
" Elle croisa les bras. "En avons-nous terminé sur les questions économiques ? Il nous reste de très nombreux sujets à traiter : culturels, scientifiques, universitaires. Souhaitez-vous que nous les survolions, entrions dans leur détail ou les remettions à plus tard pour passer à la partie géostratégique de cet entretien ?"
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La Commissaire se gratte l'arrière de la tête, essayant visiblement de ne pas paraître bête face à la correction kah-tanaise, elle en avait oubliée que le Grand Kah restait communaliste, il était évident que la décision de s'immiscer dans l'économie kah-tanaise en tant que partenaire devait être débattue par les différentes formations politiques qui peuplaient l'Union. Au moins, le principe ne semblait pas leur déplaire, ai premier abord en tout cas, et la mise en place d'un programme politique progressif par étapes élimine au pire le risque de se prendre le mur du refus législatif, au mieux des défaillances techniques du CCP qui seraient imbues à la responsabilité estalienne. C'était du gagnant-gagnant dans tous les cas. Elle nota les quelques brèves explications du SGCRD, Cloroski fronça légèrement les sourcils et s'exprima en moyen-estalien :

"Je ne crois pas que ça soit adaptée à notre économie.
- Comment ça ?
- Notre économie a conservé les "principes utiles" du capitalisme, comme vous aimez si bien dire à l'AAR. Vous connaissez ma position sur le sujet, hein, mais le SGCRD me semble adapté à une structure où la concurrence n'existe juste pas. C'est pas le cas chez nous.
- Je comprends ce que vous essayez de dire.
"

Elle se tourna de nouveau vers les kah-tanais.

"C'est un système plutôt intéressant, en effet. Je ne suis pas sûre que le système soit entièrement adapté à la structure économique de la Fédération mais je suis sûr qu'un usage limité dans un certain nombre de domaines pourrait être éventuellement discuté.
Elle se tourna vers ses dossiers avant de reprendre.
Je pense que nous avons finis avec les questions économiques. Avec tout le respect que je dois pour la culture de nos deux pays respectifs, c'est un sujet secondaire, je vous propose que l'on aborde ce sujet en fin de réunion. Je vous propose que l'on s'attarde directement sur les questions géostratégiques en priorité. C'est, je pense, la priorité de la Fédération à l'heure actuelle."
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"Au final," conclu Meredith concernant l'économie, "chacun veut donner à l'autre ce qui marche chez lui mais nécessiterait des adaptations chez l'autre. Un bel exemple de complémentarité."

Puis elle acquiesça. Actée elle-même avait frappée ses mains l'une contre l'autre avec une satisfaction évidente. Loin de considérer les questions culturelles et universitaires secondaires, elle considérait aussi qu'elles pouvaient se traiter rapidement et dépendaient de toute façon des grandes lignes tracées lors des discussions à teneur stratégique.

"Les questions géostratégiques sont de toute évidence déterminantes, en particulier dans les affaires eurysiennes. Au fil du temps, le vieux continent est devenu un véritable champ de bataille pour les idéologies et les grandes puissances mondiales, un jeu d’échecs complexe qui exige que nous agissions avec méthode et discernement.

Pour vous donner une idée de notre approche, nous identifions actuellement trois défis majeurs auxquels font face les nations libertaires et socialistes à travers le monde, qu’elles cherchent simplement à survivre ou à porter leur lutte sur le terrain des idées et des actions concrètes.

Le premier est l’ONC, qui, bien que bien moins active qu’autrefois, demeure une source importante de moyens anti-sociaux, voire carrément fascistes, notamment avec les acteurs Lofotens et Novigardiens. Si nous ne sommes plus à l’époque des coups d’État au Prodnov ou des invasions du Kronos, il est crucial de considérer sérieusement la possibilité d’une implication de ces réseaux, qui pourraient tenter de nous bloquer si l’opportunité se présente. Ensuite, l’OND, qui a pris le rôle de l’ONC dans une forme de lutte plus subtile, ne cherche certes pas à mener des actions ouvertement antidémocratiques, mais vise à imposer un modèle néolibéral mondial qui va à l’encontre des intérêts populaires, tout en légitimant des actions armées violentes. Nous pensons ici à l'invasion de la Confédération de Kölisburg, justifiée par l’idée d'éliminer une milice fasciste, alors même que les armées de Teyla soutenaient dans le même temps le coup d’État fasciste en Hotsaline, dont le gouvernement met actuellement en œuvre le fichage ethnique de ses habitans. Bien que l'OND ne soit pas directement hostile, ses ambitions hégémoniques entraîneront tôt ou tard une confrontation. Il nous revient de repousser cette échéance ou de les affaiblir par d'autres acteurs, à l’image du troisième acteur clef : la jeune ligue de Velcal, qui, à notre avis, est une construction velsnienne permettant à la République de se doter d'un parapluie militaire tout en soutenant plusieurs autocraties potentiellement défavorables à l’expansion de l’OND. Velsna nous perçoit comme moins menaçant que les libéraux et se considère comme une puissance neutre, mais cette ligue regroupe les régimes les plus réactionnaires du globe, des fascistes d’Hotsaline et du Fujiwa, aux monarchistes de Karty, du Burujoa et ses vassaux maronhiens. Si certains membres du pacte n’ont pas signé les accords de défense mutuelle, rendant possible la possibilité d’une intervention plus directe en temps utile, la simple existence de Velcal devrait pousser des régimes jusque là prudents à l’action.

Il n'est pas nécessaire de vous offrir une revue exhaustive de nos intérêts à l’échelle mondiale : hormis le tournant rouge que prend actuellement le Nazum, qui pourrait à terme mener à une confrontation avec le Fujiwa, et notre engagement continu dans la décolonisation de l’Afarée, il semble que l'Eurysie soit le terrain où une coopération entre nos puissances serait la plus pertinente et stratégique. C’est dans cette région, où les lignes de tension sont aussi multiples que complexes, que nos objectifs peuvent s’aligner pour créer une dynamique porteuse de changement, tout en assurant une stabilité et une influence communes dans un contexte géopolitique de plus en plus instable.

De notre côté, notre implication dans la mise en œuvre de la révolution Kaulthique et la construction démocratique de la Mährenie nous place dans une position de responsabilité face aux grandes manœuvres diplomatiques actuellement organisées par l’Hotsaline, particulièrement en ce qui concerne ses liens avec les réactionnaires Kartiens et Alguarenos. Ces mouvements sont non seulement une menace potentielle pour les intérêts des nations progressistes de la région, mais ils risquent aussi de mettre en péril les acquis démocratiques durement gagnés dans cette partie du monde. Nous suivons de près la création de régimes fantoches en Translavie, lesquels pourraient devenir un terrain fertile pour des subversions, ouvrant la voie à des phénomènes révolutionnaires dignes de ce nom
.
Au-delà de ces considérations, nous constatons également que le retard pris par la Loduarie, avec ses manœuvres désormais moins efficaces et plus isolées, a réduit la pertinence de son Union Internationale du Communisme et du Socialisme. Cette organisation n’a pas été capable de réellement mobiliser les puissances rouges. Or les communistes autoritaires, pour nous être très désagréables, font des outils utiles et, jusqu’à peu, essentiel à notre stratégie révolutionnaire globale. Il est évident que dans ce contexte, il nous revient de trouver des solutions alternatives pour redéfinir les lignes de front idéologiques et garantir l’émergence de nouvelles forces de transformation politique et sociale.

Concernant l’Estalie, nous considérons que le Nordfolklande, bien qu’il demeure une présence à surveiller, représente une menace relativement limitée, dont l’impact semble faible à ce stade. Le régime Samara, pour sa part, semble s’être replié sur lui-même, ce qui joue incontestablement en notre faveur, car cela réduit la portée de son influence dans la région. Toutefois, il serait imprudent de sous-estimer cette zone, car elle regorge de rivaux potentiels qui pourraient rapidement émerger et déstabiliser l’équilibre fragile. Un exemple notable est Grisolia, qui, tout en poursuivant une politique attentiste, entretient des relations particulièrement étroites avec la monarchie Clovanienne. Comme vous le savez, cette monarchie a adopté une rhétorique virulente envers les régimes socialistes, faisant de notre éradication un véritable acte de religieux qu’ils comparent eux-même à une forme de croisade. Cette alliance entre Grisolia et Clovanie pourrait constituer une force de perturbation majeure, en particulier si les deux entités décident de renforcer leurs liens et d’augmenter leur pression contre les régimes démocratiques et socialistes de la région.

Voilà pour ce qui est de notre analyse de la situation régionale.
"
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Volkavia se tourna vers ses notes et lorsque la délégation kah-tanaise débuta la présentation de sa vision géostratégique, la Commissaire tenta de discerner dans tout cet amalgame d'intérêts régionaux et plus généralement mondiaux à certains degrés si certaines des constatations géopolitiques kah-tanaises pouvaient s'accorder avec celles de l'Estalie. Certes, les Kah-tanais et les Estaliens versaient leur sang pour une cause commune et il était évident qu'à terme, les deux pays allaient se retrouver avec des ennemis communs dont la nature réactionnaire, fasciste ou capitaliste réunira forcément les intérêts kah-tanais et estaliens en un seul intérêt commun, celui de la cause libertaire. Mais l'Estalie faisait encore ses premiers pas dans la politique internationale et sa vision de l'étranger s'arrêtait encore aux rives de l'Eurysie : parfois par méconnaissance du terrain sur les autres continents mais surtout par manque de moyens, l'Estalie n'avait pas les moyens de projection qui devaient satisfaire son ambition interventionniste à peine cachée. Donc autant dire que tout ce que venait de dire les Kah-tanais allait être trié, sélectionné ou jeté dans les notes de la Commissaire. Au moins les Kah-tanais avaient-ils reconnus que la stratégie pertinente resterait une coopération eurysienne pour le moment. Cela convenait à la Commissaire.

"Je dois dire que votre analyse me surprend beaucoup, positivement bien sûr, étant donné que c'est suffisamment bien structuré pour que je puisse vous indiquer la position estalienne à son tour sur trois éléments qui me semblent centraux dans cette analyse et donc je vais essayer de revenir dessus afin de vous exposer à mon tour la vision géostratégique estalienne sur le sujet et peut-être que nous pourrions ensuite aborder les idées que vous et moi pouvons mettre en oeuvre pour s'assister mutuellement sur ces différents théâtres d'opérations.

Premièrement, vous avez justement relevé l'influence de l'ONC et de l'OND de plus en plus présentes et surtout de plus en plus interventionnistes. Nous avons aperçus notamment les mouvements diplomatiques de l'Alguarena en faveur de l'Hotsaline et de son régime réactionnaire. Si l'intervention de l'ONC reste encore mince en Eurysie centrale en comparaison de l'OND ou même de Velsna elle-même, il reste à supposer que l'implication de ces réactionnaires sur le plan politique et surtout militaire pourrait embraser non seulement la région entière mais menacer également l'indépendance de la Mahrenie et de la Kaulthie combinés. En somme, l'ONC, si sa ligne stratégique reste peu claire compte tenu de sa méconnaissance supposée du terrain dans laquelle elle commence à s'investir, pourrait devenir une menace à moyen terme, surtout qu'elle vise directement la Mahrenie. Je serais plus d'avis que l'OND est moins concentré dans cette région où le communalisme porte pour le moment le plus d'adhérents, l'OND est davantage occupé à discréditer les Raskenois qu'à s'en prendre aux communalistes et en ce qui concerne la menace rouge, seule la Loduarie compte à leurs yeux. En cela, le Secrétaire Lorenzo est un excellent paratonnerre, je dois le reconnaître. A mon sens, l'Estalie voit davantage l'ONC comme la première organisation menaçante sur le moyen terme, l'OND semble poursuivre des objectifs différents qui ne devraient pas affecter les nôtres avant un certain temps. Quant à la ligue de Velcal, je suis un peu plus dubitatif sur leur utilisation qui, à mon sens, peut se retourner contre nous à terme. Cette ligue est composée d'éléments instables, réactionnaires ou fascistes pour une partie d'entre eux, souvent obsédés par la neutralisation de la menace rouge et contrairement à l'OND où seule la Loduarie compte, la ligue de Velcal est plus disparate sur sa vision stratégique globale, la diversité de ses acteurs incombe une implication de davantage de théâtres d'opérations. Je peux donc comprendre votre raisonnement de laisser ces organisations s'entretuer et j'y serais favorable si la ligue était plus uniforme, plus régulière dans l'organisation de sa politique commune. Or, aujourd'hui, c'est un mille-feuilles, capable de partir dans toutes les directions, rien de plus.

Vient ensuite le sujet de la Loduarie et de l'UICS plus généralement. Nous sommes d'accord avec votre constat, la pertinence de l'organisation est devenue de plus en plus floue avec le temps, le manque de réformes pour amener cette organisation vers une structure plus régulière, moins théorique et plus opérationnelle dans la réalisation d'objectifs communs démontre le retard de la politique étrangère loduarienne, pourtant à la tête de cette organisation et épicentre politique du communisme en Eurysie. Un communisme que vous et moi réprouvons sur le plan idéologique, bien entendu. On ne peut cependant pas dire que l'implication loduarienne soit complètement inutile. Comme je l'ai dit, Lyonnars est un paratonnerre qui, à mon sens, nous évite un interventionnisme plus ouvert encore de la part de l'OND. Tant que la Loduarie fera des siennes et provoquera des incidents avec les pays qui l'avoisinent, l'OND mobilisera la majorité de ses moyens pour contrer l'influence loduarienne dans tous les lieux où elle pourrait se développer. Je recommande que l'on laisse faire les Loduariens, leur posture belliqueuse arrange déjà largement le développement d'autres foyers de la révolution, peu importe leur nature, et évite que ces foyers soient tués dans l'oeuf par l'OND. La question de l'ONC, en revanche, reste ouverte ; l'Alguarena voit bien au-delà des Loduariens malheureusement.

Enfin, pour ce qui concerne notre propre position, je dois admettre que notre situation s'est radicalement améliorée depuis la chute de la Kartvélie. Certes, nous devons investir de larges sommes dans la reconstruction et le succès de la Révolution dans ce pays et nous devons mener une guerre contre-insurrectionnelle contre les forces terroristes qui se sont réfugiées dans le Saïdan mais globalement, la Kartvélie n'est plus vraiment une menace géopolitique. Le Nordfolklande semble au bord de l'éclatement politique et le reste de nos voisins ne sont ni suffisamment coordonnés, ni préparés sur le plan opérationnel, ni politiquement affairés à nous contenir. Je dois donc dire que la destruction de la République de Kartvélie a tout simplement libéré notre politique étrangère et nos moyens militaires et politiques vers d'autres théâtres d'opérations. La Kaulthie, avec qui nous avons signés un traité de défense mutuelle, fut notre première étape dans ce regard vers l'horizon, au-delà de notre simple voisinage ; et je crois symboliquement que l'Estalie peut porter son assistance à la Mahrenie si le Grand Kah, et la Mahrenie bien sûr, en ressentent le besoin. Notre position géographique peut avantager certaines opérations et l'expérience acquise de nos services de renseignement peuvent certainement soutenir certaines des opérations planifiées dans la région. En tout cas, nous sommes prêts à entendre vos propositions de coopération sur ce théâtre d'opérations.
"
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La citoyenne Iccauthli avait pris quelques notes, en peu de mots et sous une forme qu'un autre aurait trouvé difficile à appréhender. Des noms, reliés par des flèches, soulignées ou entourés une, deux ou trois fois, qui formaient une nébuleuse ou un diagramme qu'elle aurait sans doute était seule à pouvoir pleinement interpréter. Il s'agissait en fait moins de les donner à ses camarades pour leur donner un aperçu du contenu des discussions, qu'à aiguiller sa pensée dans l'instant présent. Globalement, les positions estaliennes étaient pleinement satisfaisantes et peu ou prou raccord avec la conception kah-tanaise des choses en Eurysie. Elle acquiesça à plusieurs reprises.

"Oui, la Loduarie a toujours un rôle à jouer. L'affaiblissement de leurs moyens - comparativement à la somme de ceux de l'OND rend ce rôle plus difficile à remplir, mais notre stratégie continue de s'appuyer sur leur capacité de nuisance supposée : nous ne jetons pas encore tout à fait nos camarades loduariens sous le bus, à ce titre."

Assumer cyniquement la position kah-tanaise lui faisait manifestement très plaisir. Elle continua d'un ton égal. "Plusieurs nations de l'OND sont de toute façon des partenaires utiles, et beaucoup de réformistes à la Convention estiment qu'il est possible de les faire évoluer vers une forme accomplit de démocratie sans avoir recours aux méthodes révolutionnaire, à l'instar de ce qui s'est passé en Zélandia ou des prognostiques électoraux en Sylva, mais ça..."

Elle haussa les épaules : à ce stade, ce n'était pas le sujet. La conclusion des deux chancelleries étant de toute façon de ne mas antagoniser l'OND. On en revenait donc au vieux problème que représentait la première puissance mondiale et les restes de son OND, une formidable force de frappe dont le silence augurait moins la mort qu'une menace latente. Elle acquiesça. Meredith sourit.

"Il est bon que votre environnement direct ne représente plus un danger pour votre révolution.
- Il est difficile, à ce stade, de déterminer à quel point votre aide est requise en Eurysie centrale. Difficile en tout cas de le définir de manière concrète. Mais nous pouvons nous montrer prévoyant : la Mährenie elle-même va se rapprocher du gouvernement Kaulthique. De ce que nous avons compris, les deux confédérations espèrent pouvoir se réunifier, maintenant que la guerre civile est terminée. Cela placerait la Mährenie dans une situation où elle serait indirectement concernée par les accords établis entre votre gouvernement et les kaulthes. Au-delà de ça, peut-être que nous pourrions convenir d’une mise en relation de nos services dans la région, afin de préparer au cas où un cadre fonctionnel de coopération opérationnel. Pour vous parler franchement, la position Mährenienne concernant l’Hotsaline semble être de ne pas chercher de confrontation, y compris idéologique. Si tout se passe comme nos camarades le souhaitent, il n’y aura pas de conflit à moins que les fascistes l’initient, auquel cas nous aurons, vous et nous, les coudés-franches pour intervenir et déstabiliser la région autant que nécessaire.
- Il va de soi que si vous aviez d'autres objectifs, peut-être un peu plus pro-actifs, il faudra directement vous en référer au gouvernement Mährenien, mais sachez que nos camarades sont d'authentiques révolutionnaires. Qu'ils ne désirent pas lancer les premiers coups pour des raisons stratégique ne signifie pas qu'ils s'opposeront à ce que vous ayez vos propres visées."
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Volkiava continua de prendre note des remarques kah-tanaises. Bien entendu, elle avait été satisfaite en partie de ce que ses deux compères paltoterranes purent exprimer au nom de l'Union mais sur le visage de Volkiava, sûrement plus expressif que des deux femmes qui lui faisaient face (Cloroski était déjà un livre ouvert avant même d'avoir pu poser le moindre mot sur la discussion, à la fois fascinée par le cynisme stratégique des kah-tanais et les mots réfléchis de sa camarade estalienne), on peut constater chez la Commissaire un semi-air de déception. Qu'avait-elle à rapporter avec le Congrès avec ce genre d'affirmations ? Oui, le Grand Kah était conscient de la situation, l'Estalie aussi. Bravo. On s'est mis d'accord sur un sujet mais aucun acte n'est décidé par la suite. Le manque de concret était ce qui décevait le plus souvent la Commissaire en général : parler, c'est bien, mais il faut que du concret en ressorte. Elle avait l'impression de papoter politique avec des camarades d'un autre continent. Les bars de Mistohir auraient suffi pour ça. Elle se tourna donc vers ses interlocutrices, essayant de rester impassible et d'amener la discussion vers ce qui l'intéresse, même si cela nécessite de brûler quelques étapes.

"A vrai dire, si je recommande la coopération dans la région, c'est aussi par crainte de voir l'Alguarena fouiner dans le coin. L'Hotsaline, ce n'est pas très loin.
- Maintenant que vous le dites, c'est vrai que l'Hotsaline n'est pas si loin de chez nous. 1000 kilomètres, au bas mot ?
- A peu près. Un avion de chasse moderne, en configuration de combat, c'est en moyenne 1500 kilomètres. En bref, l'Alguarena pourrait, s'ils le souhaitaient, nous bombarder si l'envie leur prenait dans les plus brefs délais depuis l'Hotsaline. Et c'est bien ce que je crains, que l'Hotsaline soit un porte-avions au milieu de l'Eurysie pour l'ONC. Et de là, la partie est perdue d'avance. L'aviation alguarenos est quatre fois supérieure numériquement à la nôtre, et je ne parle même pas de l'écart technologique entre nos deux forces aériennes. Le Miridian, comme vous le savez, avait déjà débuté son incursion dans la région en soutenant autrefois la Kartvélie contre nous. Le Miridian n'est plus aujourd'hui une menace pour le moment, ils se sont retirés de la région à vrai dire. Cependant, l'attention inattendue du Miridian pour une région reculée comme la nôtre nous laisse entendre qu'une puissance comme l'Alguarena pourrait aussi se tourner vers nous à un moment très...inopportun.
- N'oubliez pas notre système anti-aérien quand même.
- Ils ont plus d'avions que nous avons de pièces anti-aériennes, peu importe comment l'Armée Rouge a magistralement organisé le réseau de défense anti-aérien, si les aéronefs sont plus nombreux que les pièces qui sont sensés les intercepter, c'est perdu d'avance. En bref, mesdames, la seule chose que je puisse vous dire, c'est que nous avons tout intérêt à saboter les intérêts de l'ONC dans la région et dans votre lutte crépusculaire sans fin avec cette organisation, je crois qu'il serait aussi de votre intérêt de participer au sabotage actif d'une telle intervention dans la région. Les accords diplomatiques sont une première étape pour renforcer la coopération mutuelle mais à terme, ce seront à nos services de coopérer ensemble dorénavant et non plus aux diplomates que nous sommes.
- Diplomatiquement, je rajouterais dans le cadre de notre discussion géostratégique que jumeler nos intérêts en Eurysie orientale cette fois ne serait peut-être pas si déraisonnable que ça. Cela reste une région propice au développement de nouveaux foyers révolutionnaires mais plusieurs obstacles surviennent, autant à gauche (dans notre propre camp "socialiste") qu'en face avec l'influence onédienne. Même si antagoniser, comme vous l'avez justement dit, l'OND est inutile, nous ne pouvons ignorer le développement accru de la DCT d'une certaine manière. Et je crois que la position privilégiée de l'Estalie en tant que contributeur majeur à la reconstruction de la Translavie peut être bénéfique.
"
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"Nous avons développés nos propres... Solutions concernant la potentielle ingérence de l'Alguarena, nous essayons de mobiliser l'OND en faveur de la Mährenie. Nous nous doutons que cette dernière n'acceptera pas de coopérer avec la Confédération sinon en la plaçant dans une position de partenaire minoritaire, mais c'est un degré de sécurité en plus. De la même manière, nous avons initié un rapprochement avec les autorités Velsniennes qui ont leurs propres intérêts dans la région, à savoir limiter l'ingérence de l'OND. Nous avons reçu leur soutien quant à la défense de la Mährenie en cas d'intervention d'anciennes puissances de l'ONC.
– Nous attendons de voir quelle politique souhaite mener l'Alguarena. Si la vieille fédération ne donne pas encore de signes de revivance de son vieil impérialisme, ne pensez pas que le Grand Kah a oublié sa nature profonde et les nombreuses – et sanglantes – confrontations nous ayant opposés à eux. Cependant je tiens à vous rassurer, il n'est pas dans les méthodes de l'ONC d'envahir sans cause probable. Ils préfèrent les guerres de proxy, les opérations d'ingérence, la barbouzerie en somme. L'installation potentielle d'un dispositif militaire Alguarenos en Hostaline est un danger réel mais pas existentiel, selon nous le véritable risque – à terme – vient à la fois des visées impérialistes de l'OND que de cette espèce de triste amicale réactionnaire à l'oeuvre dans la région, entre Karty, l'Hostaline, d'autres plus lointains dont nous envisageons bientôt de faire notre affaire."
– Indépendamment de ça, la nature potentielle ou avérée de ce risque n’enlève rien à son aspect probable et à la nécessité de prendre des mesures. Je l’avais évoqué la Mährenie ne refusera sans doute pas un degré plus avancé de coopération, ou des actions menées indépendamment par vos services, mais nous ne pouvons pas décemment parler au nom de nos partenaires. Actée leva tranquillement les mains. "En ce qui nous concerne, le commissariat suppléant à la sûreté¹ serait évidemment favorable à une coordination. L'aspect diplomatique n'est qu'un préambule à la coordination de la lutte dans tout les domaines."

Actée croisa les bras, et sembla réfléchir. Meredith secoua la tête.

"Inutile de faire comme si la stratégie d’Axis Mundis n’était pas claire, camarades. Nous sommes une vieille puissance, et nous avons plusieurs défauts dont ceux de voir les choses sur une temporalité trop longue pour la plupart de nos camarades, et de considérer chaque révolution avec un regard par souvent trop acerbe et critique. Beaucoup de nos concitoyens sont animés par une franche certitude du caractère exceptionnel de notre Confédération en tant que foyer révolutionnaire.

Mais nous sommes aussi libertaires jusqu’au bout des ongles, et nous savons reconnaître l’intérêt du travail en commun. Nous vous contactons parce que vous êtes un important pôle révolutionnaire, oui, mais aussi parce que vous êtes peut-être le principal pôle révolutionnaire du continent. La répartition des tâches par spécialité est une démarche saine : vous êtes le principal vecteur potentiel de succès révolutionnaire en Eurysie. Oui, nous collaborerons à l’accomplissement de nos objectifs stratégiques mutuels, mais à vrai dire, il me semble qu’ils sont remarquablement similaires. Concernant la Translavie : faites ce que vous jugez utile. Le dossier est trop lointain pour que nous développions une position réellement claire à son sujet, nous soutiendrons les efforts régionaux et nous assureront de la survie de cette tentative. Rappelons l’exemple du Prodnov, où un pays pareillement découpé a finalement été réunifié par la force du soutien international, du succès du modèle socialiste et, ne mentons pas, d’efforts conséquents des services de renseignement. Pour le Prodnov nous avions fait confiance à l'expertise des voisins Pharois. Ici nous faisons confiance à celle de l'Estalie : nous sommes, après tout, des camarades.
"

¹ Service de renseignement du Grand Kah
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La Commissaire nota quelques points, essayant de résumer à sa collègue peut-être moins expérimentée dans la traduction des tournures de phrases diplomatiques, les points sur lesquels les Kah-tanaises avaient su souligner leur intérêt.

"Très bien, dans ce cas, je pense que nous sommes d'accord au moins sur ces points. Evidemment, je ferais en sorte que la Commission aux Relations Extérieures puisse contacter le gouvernement mahrénien d'ici là, histoire que nous puissions nous assurer d'une coopération solide avec eux et ainsi faire de ce pays l'avant-garde de la cause libertaire dans la région, en supplément de la Kaulthie bien entendu. Bien que je ne peux que vous croire, compte tenu de votre expérience avec l'Alguarena et sa politique internationale, je dois aussi remplir des objectifs de prévention. Je veux m'assurer qu'en cas de mauvaise tournure, l'Estalie ne soit pas démunie. La diplomatie est une bonne chose mais dans le cas où les tensions augmentent rapidement et que la direction de l'ONC dans la région ou même la position onédienne vient à changer en notre défaveur, nous n'aurons pas le temps de discuter entre diplomates. Il faudra donc que ce soit aux services de renseignements et aux militaires de nos nations respectives de prendre le relais. Mais visiblement, nous sommes d'accord sur ces points. Je pense qu'il serait intéressant de créer des cellules d'urgence pour le renseignement et l'armée, histoire de coordonner dans le cadre diplomatique et légal la coopération militaire. Bien entendu, ce sera aux ambassadeurs sur place de former ces cellules.
- Au-delà de ces cellules, peut-être qu'une coordination plus explicite de l'appareil sécuritaire pourrait être proposée au Liberalintern, le Haut Bureau à la Sécurité reste un organe décisionnel mais étroitement politique, il n'y a pas réellement d'organe central permettant aux états-majors respectifs de s'organiser dans des opérations conjointes.
- Vous vous avancez trop, Cloroski. Nous n'en sommes pas encore là, encore faut-il envoyer notre candidature. Mais vous marquez un point : à l'avenir, nos deux nations doivent former des institutions communes afin d'améliorer l'efficacité de nos opérations conjointes. Nous parlons aujourd'hui de l'Eurysie centrale mais qui sait ce que l'avenir nous réserve ?
Volkiava regarde à nouveau ses notes. Ah et pour la Translavie, nous nous occuperons du dossier nous-mêmes, bien entendu. Si jamais vous revenez sur votre décision d'ici là et souhaitez intervenir plus promptement dans la région, je vous laisserais le soin de nous avertir."

Volkiava conclut alors la partie géostratégique du dossier en aposant sa signature sur le dossier afin d'en conclure les pourparlers et le procès verbal brouillon qu'elle y tenait, le tout avec des notes personnelles que les bureaucrates et experts de la Commission auront la joie d'interpréter, de corriger ou d'analyser afin de pondre le rapport final de l'entrevue pour le Congrès.

"Nous en avons bientôt finis. Il manque encore les questions culturelles et universitaires que j'avais congédié tout à l'heure. Sur le plan universitaire, je pense avoir quelques lignes directrices à vous proposer si jamais. En effet, ici, le but d'une coopération universitaire serait ici d'encourager l'échange de connaissances et l'innovation commune entre nos deux systèmes universitaires, tout en respectant tout de même les spécificités éducatives de nos deux nations respectives. Ce que je vous propose, c'est donc la mise en place de partenariats interuniversitaires, des échanges entre nos académies qui incluraient ici des programmes de mobilité étudiante et enseignant afin de permettre aux étudiants de nos nations respectives d'étudier ailleurs. Notre système universitaire étant assez solide sur le plan institutionnel, nous pensons qu'il sera en capacité d'attirer un nombre de jeunes kah-tanais équivalent au nombre d'Estaliens qui feront leurs études chez vous. Une bibliothèque numérique bilatérale en s'appuyant sur nos systèmes informatiques pourrait également être une bonne façon de partager nos archives, les ouvrages et les recherches de nos deux nations et une telle bibliothèque pourrait permettre plus facilement d'intégrer des programmes de traduction afin de surmonter la barrière linguistique. A vrai dire, le haut-estalien est une des langues slaves les plus difficiles à apprendre et je dois admettre que le syncrelangue et son mélange latino-nippon me laisse perplexe également sur la capacité de nos étudiants à apprendre un mélange linguistique provenant de deux racines également peu connues.
- Il est vrai que le syncrelangue est difficile à apprendre. Je crois que notre Président le parle mais c'est bien le seul dans toute l'administration fédérale à savoir le parler correctement. Je pense que des institutions communes sur le plan linguistique pourrait rapprocher symboliquement nos nations. La première barrière qui pousse les nations à s'entretuer, c'est toujours l'incompréhension dans la langue. En tout cas, je pense que de telles institutions aideront dans le sens de l'intégration idéologique afin de souligner nos idéaux fondamentaux et de respecter nos différences qui sont, à mon sens, purement organisationnelles - même si je sais que ma collègue n'est pas d'accord avec cette vision des choses.
"
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« La création de structures de coopération institutionnalisées ne devrait pas poser de problèmes, acquiesça Actée. Meredith continua.
– Oui. Le LiberalIntern cherche à se réformer et nous considérons pour notre part que les nombreux exercices bilatéraux et structures de coopération interétatiques mériteraient d'être intégrées au sein de l'organisation plutôt que laissées à l'initiative seules des gouvernements membres. Voyez-vous, comme nous vous le disions, le principal obstacle à l’institutionnalisation du LiberalIntern en tant qu'alliance était la politique voulue et défendue par nos anciens partenaires du Pharois. Si je puis m'exprimer avec un peu de cynisme, les avancées que nous pouvons faire maintenant qu'ils sont partis dépasseront sans doute un jour celles permises par leur présence.
– Quand bien même nous avons été capables de proposer des structures ad hoc chaque fois que cela était nécessaire. Il ne faut pas sous-estimer la capacité des libertaires à s'organiser en cas de besoin. L'histoire – y compris récente – prouve notre efficacité en la matière. Ne supposons pas que l'absence d'outils permanente présuppose l’absence de capacité. »

Meredith ne dit rien, considérant inutile de relancer ici les débats sur la forme – fluide ou rigide – qui devait prendre l’Internationale.

« Une meilleure liaison et coopération entre nos nations ne devrait pas poser de problèmes, quoi qu’il en soit. Et pour le reste : vous l’avez vous-même remarqué, le LiberalIntern, à ce stade, est moins instance que couleur politique. Vous ne devriez pas avoir de difficultés à l’intégrer. »

Elle balaya le sujet d’un geste de la main avant de reprendre.

« Nous avons de très nombreux programmes d’échanges universitaires. Pour les kah-tanais, l’étude à l’étranger est presque un rite de passage, vous savez. Je ne doute pas que nous remplirons les places à pourvoir pour les échanges.

Enfin. Si cela peut vous rassurer le Syncrelangue est une langue principalement administrative, et principalement prévue à cet effet. Nos universités sont multilingues et tendent à employer la langue de leurs communes d’implantation. Nahua, mayua, français, japonais, espagnol, italien, ainsi de suite...
 »

Actée repris d’un ton cordial.

« Si je puis me permettre ? Syncrelangue a été pensé et conçu pour un apprentissage rapide. De nombreux mouvements révolutionnaires l’utilisent dors-et-déjà. Mais il cohabite avec d’autres langues locales. À vrai dire les brigadiers de l’Union n’ont jamais eu de mal à se faire comprendre, ou à comprendre autrui. Mais je reconnais que c’est le privilège qui accompagne le fait d’être un pays d’immigration et de syncrétisme. C’était justement pour éviter de vexer les sensibilités linguistiques des uns et des autres que nos prédécesseurs ont... Formalisés ce qui était à la base un simple pidgin» Elle sourit avec amabilité. « À quels genres d’institution pensez-vous ? Ou bien vouliez-vous dire que nos organismes de coopération devraient adopter une langue commune ? »
2898
La Commissaire scruta les notes, une fois de plus, elle se souvenait que dans le tas de paperasse que l'administration du Congrès International des Travailleurs lui avait confié, un chapitre réservé à la culture avait été immiscé, même si, tout comme la Commissaire l'avait déjà précisé aux Kah-tanais avant cela, le chapitre restait relativement court par rapport aux autres paragraphes présents dans le dossier : la question culturelle relevait visiblement d'une simple formalité pour les Estaliens.

"Dans un premier temps, je pense effectivement que nous devrions mettre en place un cadre institutionnel solide sur le plan culturel afin que nos deux nations puissent garantir la réussite et la pérennité de notre coopération sur ce domaine. Ce que nous vous proposons dans un premier temps, ce sera l'établissement d'une commission mixte concernant la coopération universitaire et culturelle, composé de représentants de nos deux nations et qui sera chargé de garantir le dialogue culturel entre nos deux nations. Servant de plateforme de dialogue culturel, cette commission pourrait se charger d'organiser des expositions itinérantes (comme la présentation d'œuvres artistiques ou des innovations scientifiques dans nos deux pays), la mise en place de conférences bilatérales ou la mise en place d'un programme d'échange culturel direct (par exemple en mettant en place des résidences dédiées aux artistes, écrivains et cinéastes). Ce comité devra se charger également du financement de ces initiatives, bien entendu, et des règles de parité quant à ce dit financement seront mises en place afin d'accorder une promotion égalitaire de la culture estalienne et de la culture kah-tanaise en même temps.
- En ce qui concerne la langue, je pense qu'il faudrait effectivement trouver une langue commune à nos instituts de coopération et ce dans tous les domaines. La véritable question, c'est de choisir laquelle. Le haut-estalien n'est pas pratiqué en dehors de nos frontières et d'une faible partie du monde diplomatique en contact avec la Fédération, le syncrelangue conviendrait davantage dans ce rôle mais je ne suis pas sûr que le Congrès l'accepte, en particulier la droite révolutionnaire ¹. Néanmoins, il existe une solution qui, je crois, serait peut-être viable à long terme. En effet, depuis sa création, l'Armée Rouge a toujours accepté l'inclusion d'étrangers au sein de ses rangs et pour faire face à la barrière de la langue, les militaires ont trouvés utile de faire apprendre à nos troupes et aux officiers l'espéranto. Cette langue dispose au moins de l'utilité d'être facilement compréhensible pour la plupart des peuples, y compris pour des peuples aux racines linguistiques radicalement différentes et dont l'apprentissage d'une langue aussi différente (par l'utilisation d'un autre alphabet par exemple) peut être fastidieux. C'est une solution utilitariste, j'en conviens, mais si nous mettons nos moyens en commun pour constituer l'avant-garde de cette langue, je crois que cela ne fera que faciliter davantage l'uniformisation linguistique de la cause libertaire dans le monde.
- Le choix vous revient dans tous les cas. Nous pouvons aussi conserver un système linguistique dualiste.
- Oui mais ce n'est pas l'idéal.
"



¹ La droite révolutionnaire, dans la sphère politique estalienne, désigne les clubs politiques sargakovistes (COV) et loduaristes.
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C'était sans doute l'un des aspects les plus notables du modèle révolutionnaire kah-tanais. Ou en tout cas l'un de ceux permettant de les distinguer les plus rapidement et instinctivement des modèles d'inspiration plus Eurysiennes : sans jamais avoir abandonné le caractère prolétarien et populaire du communalisme - de toute façon il était impossible d'imaginer une démocratie directe ne s'abreuvant pas dans sa démographie majoritaire - le Kah était un mouvement fermement culturel. Des étudies approfondit des mécanismes d'hégémonie culturelle, de conception du réel, de travail sur la société du spectacle et les simulacres sociétaux qu'édifiaient les systèmes de domination, avaient permis de formaliser en corpus cohérent ce qui était pendant un environ un siècle instinctif : le culturel devait être au centre de tout projet de société viable. À la fois base et conclusion de ce dernier, formant une boucle, un cycle d'auto-alimentation des plus vertueux.

Même le plus matérialise des kah-tanais le savait, au fond de son être : la grisaille eurysienne, leurs monuments monolithiques, leurs affiches viriles, leurs grands défilés d'uniformes gris, ils ne représentaient pas un projet de société viable. La culture était multiple, riche, fourmillante et par conséquent, échappait à tout contrôle et toute maîtrise. Et l'Union avait pour rôle essentiel de faciliter ce caractère incontrôlable. Après tout la culture était le propre de l’Homme.

Il n’y avait donc rien d’étonnant à ce que les kah-tanais soient d'humeur à traiter avec importance ce qui était en fin de compte l'aspect le moins important de la rencontre.

Meredith afficha un sourire sobre, avant d’acquiescer d’un léger hochement de tête.

« Oui, nous avons déjà organisé plusieurs commissions avec un peu plus d’une dizaine d’États étrangers, et chaque expérience nous a permis d’affiner notre approche. Cela ne devrait pas poser de problèmes, bien au contraire, nous savons comment structurer ce genre d’initiative pour la rendre efficace et pérenne. »

Elle marqua une brève pause, comme pour mieux formuler sa pensée, puis reprit avec un ton plus engageant :

« Nos commissions bilatérales ont déjà permis de mettre en place des échanges culturels et universitaires dynamiques avec des partenaires aussi divers que les États du Paltoterra, certaines républiques du Nazum et même, dans certains cas, des nations traditionnellement plus éloignées de nos modèles tels que Velsna. Nous avons observé que lorsque ces projets sont bien encadrés, ils produisent des résultats concrets et enrichissants pour toutes les parties prenantes.

Nous pourrions imaginer, dans le cadre de notre coopération, des échanges académiques renforcés, non seulement pour les étudiants, mais aussi pour les enseignants et chercheurs. La mise en place de doubles diplômes pourrait être une option, tout comme la création de cursus conjoints dans des domaines prioritaires. Le savoir et l’éducation sont les pierres angulaires de tout projet révolutionnaire, et nous avons tout intérêt à les renforcer ensemble.

Sur le plan artistique, nous pourrions non seulement organiser des expositions itinérantes, mais aussi encourager la production conjointe d’œuvres—cinématographiques, littéraires, musicales—qui refléteraient les valeurs et les histoires partagées de nos peuples. Pourquoi ne pas envisager des projets d’archives et de préservation du patrimoine immatériel ? Sachez aussi que l'Union dispose de certains de plus importants studio de cinéma au monde, en terme de superficie et de technique, et que nous nous ferions un plaisir de laisser vos productions s'y établir.

Quant à la recherche scientifique, nous savons que des initiatives communes dans les domaines de l’ingénierie, de l’agronomie ou encore de l’intelligence artificielle pourraient ouvrir des perspectives inédites pour nos deux nations. Nous expérimentons depuis peu un certain nombre de techniques d'automatisation des secteurs primaires, cela devrait vous intéresser. Si nous voulons bâtir un avenir fondé sur la coopération et l’indépendance technologique, c’est le moment pour nous de vous partager nos avancées et de profiter de vos perspectives.

Pour nous, il ne s’agit pas d’un simple cadre institutionnel, mais d’un authentique espace de création, d’expérimentation et de transmission théorique et pratique. Si nous parvenons à structurer ces échanges avec une vision ambitieuse, il ne fait aucun doute que nous pourrons en faire un modèle, un exemple frappant, pour d’autres pays du bloc libertaire international.
»

Elle semblait considérer cela comme une évidence, un prolongement naturel des relations diplomatiques déjà établies par le Grand Kah avec d’autres partenaires. La mise en place d’une commission mixte pour structurer ces échanges n’était donc pas une question de faisabilité, mais d’intérêts mutuels et de priorisation des ressources. Après un bref instant de réflexion, elle posa ses mains sur la table et poursuivit d’un ton toujours égal, mais empreint d’une amabilité des plus fermes :

« Cependant, je dois vous prévenir : vous n’arriverez pas à faire apprendre l’espéranto à un Kah-tanais. Cette réplique artificielle du syncrelangue n’a jamais eu de raison d’être et n’a jamais servi qu’à nourrir des mouvements pour le moins discutables, notamment la Communaterra. Nous savons ce que cela implique et ce que cela évoque. »

Elle laissa planer un silence, pour l'emphase, pesant ses mots avant de poursuivre :

« Le syncrelangue précède l’espéranto de plusieurs décennies et était déjà pratiqué dans des mouvements ouvriers et dans des États révolutionnaires lorsqu’on a tenté d’imposer l’espéranto comme un langage universel. Depuis, l’histoire a tranché. L’une de ces deux langues s’est enracinée dans des luttes bien réelles, s’est intégrée aux processus révolutionnaires concrets, a survécu aux purges, aux exils, aux reconstructions. Elle est aujourd’hui la langue commune de plusieurs nations engagées dans des processus d’émancipation politique et sociale.

L’autre est restée prisonnière d’un idéal sans assise matérielle. Elle a été instrumentalisée par des forces qui n’avaient que faire des masses populaires, a servi d’outil rhétorique à des courants politiques qui ont trahi leur propre cause, et aujourd’hui, elle porte les stigmates de ses associations malheureuses. Si nous devions adopter une langue commune pour nos échanges, nous ne pourrions pas choisir celle qui, dans notre histoire récente, a été systématiquement utilisée par ceux qui cherchaient à nous anéantir.
»

Il n’y avait pas de colère dans sa voix, seulement une politesse froide. Loin d’être une simple question linguistique, c’était manifestement une question d’héritage politique, de fidélité à la mémoire des luttes passées et aux principes fondateurs du Grand Kah. C'était aussi, très certainement, la marque d'une vexation liée au caractère particulier de la Communaterra, dernier régime à avoir proposé l'usage de l'Espéranto au Grand Kah. Cette proposition s'étant faite avec une proposition de remettre à zéro le calendrier révolutionnaire kah-tanais pour le faire correspondre à l'apparition de la Communaterra, l'Union considérait la langue comme celle des arrivistes et des opportunistes. Elle ne l'appréciait pas beaucoup.

Meredith jeta un bref coup d’œil à Actée, qui prit la parole avec une diplomatie plus prononcée.

« Ce que veut signifier ma camarade, c’est que l’adoption de l’espéranto comme langue commune poserait un véritable problème sur le plan symbolique et historique. Il ne s’agit pas d’un simple choix technique, mais d’un marqueur profondément idéologique. Pour beaucoup au Grand Kah, cela reviendrait à entériner une réconciliation qui n’a pas eu lieu, à faire abstraction d’une mémoire encore vive. Nous ne voulons pas que les débats linguistiques deviennent une pierre d’achoppement dans une coopération par ailleurs prometteuse.

Si ni le syncrelangue ni l’espéranto ne font consensus entre nous, nous pouvons très bien nous en tenir, pour l’instant, à un système dual. Après tout, les langues évoluent avec les besoins des peuples, et ce genre de questions trouve souvent sa solution d’elle-même avec le temps. Ce qui importe, c’est d’assurer des bases solides à notre collaboration, et non de la faire trébucher sur un détail qui, bien qu’important, ne doit pas nous diviser.
»

Son regard se posa sur la Commissaire, guettant sa réaction. La proposition était claire : éviter de figer la question linguistique dans un affrontement stérile et avancer d’abord sur les aspects concrets de la coopération culturelle. Si elle était une radicale et Meredith une pragmatique, il semblait que cette question, spécifiquement, heurtait plus la seconde que la première.
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Le visage de Volkiava resta impassible durant le reprise de Meredith, elle savait distinguer une réponse pleine de passion, aussi calme soit le ton qui lui est donnée, d'une réponse faisant preuve de logos avant tout. La Commissaire comprit néanmoins qu'elle avait touchée un point sensible, il valait mieux reculer dans tous les cas. Elle n'était ni en position d'imposer son idée et puis ce n'était pas sa volonté principale, bien qu'une fois de plus, elle avait des réticence à l'idée d'aller plus loin qu'un système dualiste sur le plan linguistique car cela reviendrait à ce qu'une des deux parties impose son langage sur l'autre. Bien que l'idéal libertaire voudrait que l'on ne se limite pas à imposer un langage spécifique pour des raisons patriotiques ou nationalistes, Volkiava savait pertinemment que le haut-estalien était aux yeux des Kah-tanais au mieux comme un dialecte slave comme il en existe des centaines et qui ne s'est imposé que par son utilisation administrative par les élites estaliennes à partir du XVIIIe siècle. Aux yeux des Estaliens, le syncrelangue resterait une langue étrangère dans tous les cas, et le besoin inhérent des husakistes à modérer la fusion culturelle pour conserver les identités culturelles qui font selon eux la richesse de l'Humanité ne serait pas forcément favorable à la voie kah-tanaise, en plus d'être politiquement difficile à faire avaler. Volkiava entend déjà les accusations de "pion kah-tanais" fuser dans le Congrès. Tant pis, il faudra rester sur le système dualiste.

"Très bien, je comprends votre réticence à accepter l'espéranto. Bien que nous n'ayons pas la même histoire à l'égard de ce langage, notamment du fait de son utilisation dans nos forces armées, il est évident que le lien entre l'espéranto et Communaterra sera une pilule trop dure à avaler pour votre Union. Comme vous l'avez dit, les langages se transforment au gré des besoins du peuple, peut-être que le langage finira par se syncrétiser de lui-même. Mais d'ici là...le système dualiste conviendra aussi très bien, comme dans beaucoup d'ambassades dans le monde."

Cloroski n'avait pas spécialement fait attention à la remontrance de Meredith sur l'espéranto, ayant déjà fait attention aux contre-propositions kah-tanaises sur le domaine universitaire et culturel.

"Si je peux me permettre, en ce qui concerne le reste de vos propositions, elles me semblent relativement pertinentes. L'idée de double diplôme me semble avoir déjà été réalisé par notre pays auprès de l'Adélie, il est donc normal à mon sens qu'un système de doubles diplômes soient également en vigueur entre nous et le Grand Kah. J'irais également peut-être un peu plus loin dans le renforcement de nos échanges académiques par la mise en place de volets dédiés à des formations professionnelles ou des compétences techniques spécifiques bien que vos propositions d'initiatives quant à l'ingénierie ou l'agronomie pour ne citer que ces deux exemples s'en rapproche fortement. Nous devrions peut-être également élargir le plus possible la dimension artistique et culturelle de notre coopération en élargissant le milieu au numérique ou aux nouveaux médias. J'ai eu connaissance récemment selon un article de la Révolution Actuelle que la réalité virtuelle prenait de plus en plus de place sur le marché du divertissement en Estalie ; je ne sais pas si c'est le cas chez vous aussi mais je suis sûr que ce serait une piste de nouvelle forme de média qui, à l'avenir, serait à l'avant-garde du bloc libertaire."

La Commissaire hocha la tête aux propos de sa collègue. Bien que ces propositions relevaient d'une initiative personnelle de Cloroski, elles n'étaient pas dénuées de sens et aux yeux de Volkiava, ces propositions n'auraient aucun mal à s'inclure dans le corpus de propositions culturelles, à vrai dire assez légères, du Congrès. La Commissaire ne trouva rien à redire, si ce n'est ajouter sa propre touche afin de finaliser son dossier culturel.

"Vos propositions sont pertinentes, comme l'a expliqué ma collègue et en tant que Commissaire aux Relations Extérieures, je ne peux qu'approuver. Je tiendrais à rajouter deux points à ce que ma collègue a avancé. Dans le domaine universitaire, nous devrions nous entendre également sur la mise en place d'un budget commun pour les bourses étudiantes. Bien que notre système de rémunération diffère du vôtre qui, de mes souvenirs, se base sur une dotation universelle pour les besoins essentiels des individus, cette bourse permettra dans votre cas de prendre en charge cette dotation et son coût comptable d'une part et dans notre cas, la bourse serait sous une forme plus "classique" adaptée à la solde méritoire située chez nous. Un deuxième point que j'aimerais enfin ajouter aux propositions de notre côté, ce serait l'établissement de compétitions artistiques et culturelles dans différents domaines. L'esprit de compétition est un bon moyen de stimuler la créativité et l'esprit humain et nous pensons sincèrement que si des compétitions bilatérales sont organisées entre artistes estaliens ou kah-tanais, cela permettrait tout d'abord de confronter les idées artistiques et la culture de nos deux nations respectives qui ont chacune leur propre caractère atypique dans un sens."

Volkiava ferma le dossier culturel que lui avait confié le Congrès, signifiant implicitement à ses invitées qu'elle avait conclu les propositions du côté estalien. Elle prit un stylo et ses notes afin de se préparer à la réponse positive ou négative des kah-tanais ou à d'éventuelles nouvelles propositions de leur part.
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Meredith croisa les bras en écoutant la réponse de Volkiava, esquissant un sourire léger lorsqu’elle évoqua le poids politique du Congrès sur la question linguistique. Les réalités internes de l’Estalie et du Grand Kah différaient, c’était un fait, mais la Commissaire semblait pleinement consciente des obstacles qu’un choix trop tranché pourrait soulever. C’était bien : la discussion continuait sous la forme d’un échange entre acteurs lucides, et non d’une querelle idéologique stérile. La petite envolée d'Actée n'avait pas suffit à faire dérailler l'ensemble des discussions. La Voix acquiesça.

« Les langues évoluent, nous verrons bien si la nécessité amène l’une d’entre elles à s’imposer d’elle-même, sans coercition. »

Actée, de son côté, s’était légèrement inclinée vers l’avant à la mention des nouvelles technologies. Elle hocha la tête lorsque Cloroski aborda la question des médias numériques et de la réalité virtuelle et se redressa.

« C’est un champ de coopération qui nous intéresse particulièrement. Nos industries culturelles et médiatiques sont déjà très tournées vers le numérique, et nos pôles de recherche sur la réalité augmentée et virtuelle se développent rapidement. Nous avons vu, dans plusieurs régions du monde, comment ces nouvelles formes d’expression peuvent remodeler la culture populaire et redéfinir les modes de transmission du savoir. Il serait pertinent de penser des projets conjoints à ce sujet, qu’ils soient éducatifs, documentaires ou artistiques. C'est un aspect où le monde libertaire peut développer une véritable avance, et la conserver. »

Meredith reprit rapidement. « D’un point de vue pratique, nous pouvons mettre en place un programme d’échanges non seulement pour les étudiants, mais aussi pour les ingénieurs et chercheurs impliqués dans ces domaines. Nous avons déjà des protocoles de coopération scientifique qui pourraient facilement être adaptés. »

Elle laissa une pause avant d’enchaîner sur la proposition de Volkiava. « L’idée d’un budget commun pour les bourses étudiantes est parfaitement entendable. Nous avons un système de dotation qui garantit l’accès aux études, et cette initiative s’intégrerait sans difficulté à nos mécanismes existants. Nous pourrions nous entendre sur un cadre permettant de garantir une réciprocité et une équité dans la distribution des ressources. Il est important que les questions économiques ne soient pas un frein à l'utilisation des possibilités qu'ouvriront ces accords à nos étudiants. »

Enfin, à la mention des compétitions culturelles et artistiques, elle sourit, croisant à nouveau les bras. « Vous prêchez une convaincue. L’émulation est un moteur puissant de création. Nous pouvons tout à fait organiser des événements communs : concours artistiques, festivals interdisciplinaires, compétitions de cinéma expérimental, voire même des collaborations entre nos institutions audiovisuelles. Nos infrastructures, comme je l’ai mentionné, sont parmi les plus avancées, et nous serions ravis d’ouvrir nos espaces aux créateurs estaliens. »

Son regard glissa vers Actée, qui tapotait discrètement le rebord de la table, pensive. Il y avait là une occasion à ne pas manquer, réalisa-t-elle. Celle d'enfin mettre sur la table l'une des vieilles marottes du Comité, qu'elle n'avait jamais réussi à caser auprès des partenaires de l'Union.

« En fait nous avons en notre possession l’un des plus vastes complexes de production audiovisuelle au monde : la Cité des Lumières, à Bois d’Or. Cet espace a été pensé dès son origine pour être un outil de création partagé, accueillant à la fois nos propres productions et celles de nos camarades étrangers. Vous le savez aussi bien que nous : la culture est une arme. Si nous voulons que les récits que nous portons, les histoires qui façonnent nos peuples, puissent exister au-delà des cadres imposés par l’industrie dominante des ploutocraties, alors nous devons créer un écosystème de production qui nous est propre. Ce que nous vous proposons, c'est la création d'un véritable outil de travail commun, où nos créateurs pourront concevoir, expérimenter et produire ensemble. C'est aussi la mise à disposition de nos moyens et talents à votre industrie, dans un esprit de coopération et de synergie. »

Actée prit alors le relais. Si Meredith l'avait un peu prise de court, elle n'en laissait rien paraître et la soutenait le plus naturellement du monde;

« Concrètement, cela signifie mettre à disposition des équipes estaliennes un accès prioritaire aux infrastructures de Bois d’Or. Le plateau Lunaris, le plus vaste du monde, est capable d’accueillir les productions les plus ambitieuses, tandis que les différents studios spécialisés peuvent répondre aux besoins des tournages plus intimistes ou expérimentaux. L’ensemble du complexe intègre également une école de cinéma et d’effets spéciaux, ainsi que des installations de post-production de pointe.

Tout cela est techniquement disponible à la location pour les tournages étrangers. Mais nous parlons ici d’autre chose. Nous proposons la création d’un programme bilatéral permettant de structurer sur le long terme une coopération cinématographique et numérique, incluant un fonds de production commun, permettant de financer des projets collaboratifs entre réalisateurs, scénaristes et techniciens de nos deux nations. Des productions partagées dans les domaines du cinéma, du jeu vidéo, de la réalité virtuelle et du documentaire. Un programme d’échange pour les professionnels du secteur, permettant aux équipes de se former aux spécificités de l’industrie audiovisuelle des deux pays.

C'est un projet que nous aimerions à terme ouvrir à l'ensemble du LiberalIntern mais nous aimerions, si cela vous convient, le dégrossir avec vous.
»

Meredith inclina légèrement la tête sur le côté.

« Concernent le volet culturel et scientifique, nous n'avons plus rien à ajouter. »
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