Palais Présidentiel,
Sainte-Loublance, GONDO
Palais de la Gloire, Legkibourg, CLOVANIE
Je pense que je regrette de ne pas vous avoir à mes côtés pour ce voyage. Cette visite diplomatique est la première occasion pour moi de partir si loin, et je regrette à présent que mes seules escapades étrangères n'aient eu lieu dans votre terre natale : à côté des paysages grisoliens, de vos mœurs et de votre langue, rien n'a de charme, aucun pays ne trouve grâce à mes yeux. J'ai rencontré tout à l'heure Monsieur Flavier-Bolwou, président de la République gondolaise, et je ne me suis pas trouvé à mon aise lors de notre entrevue. Notre immense différence d'âge et de culture a comme jeté une glace entre nous, et il me semble que je ne trouverai jamais la connexion que semblait avoir Pétroléon V avec le Président.
Pour ce qui est du pays et de sa population, on peut reconnaître au Gondo qu'il ne trahit pas sa réputation de pauvreté et de sous-développement, bien que nos soldats qui patrouillent dans les rues et nos initiatives pour aider les Gondolais tentent de remédier à ce problème. Il est impératif de régler la situation locale, malgré les distances que j'ai pu ressentir avec mon homologue et aîné, en combattant ceux qui accroissent la pauvreté de la population. Pendant les tractations diplomatiques, j'ai craint de m'être beaucoup fait distraire par les étranges décorations qui ornent le palais présidentiel. Encore une fois, et que cela reste entre nous deux, je n'ai pas pu trouver le moindre charme à l'architecture de la demeure du Président, ce qui m'a fait à nouveau regretter la magnificence du Pallazzo que vous habitiez lorsque nous nous sommes rencontrés. Que ce moment semble doux à ma mémoire, et comme mon cœur était en contraste fébrile et palpitant lorsque nous échangeâmes nos premières paroles !
Pendant ces discussions entre ministres, le Grand Maréchal de Clovanie prit la parole un temps assez long. Pendant un long moment, il m'a semblé que je n'existais plus, que je n'étais présent qu'à titre de décoration, pour légitimer la parole de ces personnes réunies autour de moi. Monsieur Flavier-Bolwou ne me regardait même plus : il avait bien compris que la clé de la situation ne se trouvait pas en mon esprit, mais dans ceux de Monsieur Joffrin et de Monsieur Razoumikhine. À la toute fin, m'arrachant à l'étrange contemplation de ces bibelots éclectiques, je tins à prendre la parole pour répondre à une objection du président gondolais, ce qui ne manqua pas, je l'ai remarqué, de soulever des regards étonnés dans l'assistance.
Exténué, j'expédiai au plus vite les dernières formalité de la rencontre. Il importait seulement, j'en suis pleinement conscient, que le nouveau traité préparé par les Ministres Impériaux soit signé par les Gondolais. De là, on me conduisit vers ma chambre, de laquelle je vous écris cette lettre, brûlant d'un vif désir de pouvoir me perdre à nouveau dans les profondeurs de votre regard. Puisse le ciel hâter l'heure de nos retrouvaille, et puissiez-vous toujours me rappeler de vous emporter dans mes valises lors de voyages aussi arides que celui-ci.
Je vous aime,
