25/09/2017
21:05:00
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Activités étrangères en Polkême - Page 2

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Conversation blême





"Qu'est-ce que je fous là..."


Il y a des décisions dans la vie, qui sont plus sensées que d'autres... C'est probablement ce qui traîne dans un coin de la tête de Philippa, qui a cru bon de s'engager dans la Classis III il y a une année de cela. On lui avait fait miroiter la perspective d'ascension sociale et de bon salaire, mais on avait bien omit de lui dire que son travail consisterait à être un fusiller marin dans l'une des installations portuaires velsniennes à l'étranger parmi les plus isolées du monde, et dans l'un des pays les plus étranges à décrire. Bien sûr il y a pire, mais pas souvent: cela aurait pu être Drovolski, où le simple fait de mettre un pied dehors nécessite un masque à oxygène et une combinaison, mais cela aurait pu être mieux qu'un pays où internet n'existe pas, et où la médecine a visiblement du chemin à faire, du moins pour la partie blême de la population. Cela aurait pu être une plage de sable chaud à Tavaani en plein a milieu du Scintillant par exemple, ou un endroit tranquille en Afarée...bref, un endroit où il fait plus de 15 degrés en été, et avec des télévisions. Cet endroit était une prison à ciel ouvert, du moins, c'est l'impression que donnait la mise au jour du règlement intérieur émis par les autorités de la flotte. Pourquoi de telles mesures ? Pourquoi être si sévère lorsque toutes les autres bases de la Marineria ailleurs dans le monde ne sont pas forcément réputées pour leur tenue du protocole ? Autour du feu de camp que Philippa et un autre resquilleur de la base s'étaient faits sur la plage au beau milieu de la soirée, on se posait des questions...

"On nous cache des choses.", "Les gens du coin sont un peu bizarres tu ne trouves pas ?", "Tu te souviens de l'odeur de la bonne bouffe ?", tant de questions existentielles fusaient d'ordinaire autour de ces feux. Mais ce soir, Philippa était silencieuse, elle espérait simplement que sa demande de réaffectation qu'elle avait adressée le matin même allait être acceptée. A quoi bon parler avec un type qu'elle ne verrait probablement plus. Un somme à la belle étoile, c'était tout ce qu'elle attendait de la fin de cette journée fade, dans une semaine fade et un mois tout aussi fade.

Mais ce n'était apparemment pas ce que voulait Dame Fortune, puisqu'elle fit venir aux deux "faiseurs de murs" une autre présence, étrangère. Non loin, la lumière du crépuscule dessinaient les contours de l'ombre d'un "local", ceux que Philippa n'a pas le droit d'aborder, à qui elle n'a pas le droit de parler, ces gens qui ont peur et s'enferment dans leurs maisons lorsqu'elle apparaît en ville, les rares fois où elle peut sortir de la base. Il y a de l'attirance dans l'interdit: tous ces mois, elle n'a pas adressé le moindre mot à ces étrangers: mes blêmes. Autour d'elle, c'était comme si elle était toujours à Velsna, excepté pour le temps qu'il faisait. C'était peut-être l'occasion de satisfaire le désir d'interdit, tout s'échappant d'un marasme quotidien qui ne correspondait pas à la vie d'aventurière rêvée.

Elle fit un signe de main au lointain, ce dont son compère s'inquiéta immédiatement: "Philippa ! Qu'est-ce que tu fais ! On a pas le droit !". Elle ne l'entend pas, elle n'entend plus rien de ce qui peut la mener à l'ennui. Et la silhouette au loin lui répondit par les mêmes salutations, et ce n'était pas un velsnien ! L'homme se rapprocha du feu improvisé, un vieux bonhomme, avec l'un de ces chapeaux étranges que les blêmes portaient parfois. Il avançait, mais pas tout à fait droit, et arborait un sourire peu commun aux blêmes que la jeune femme avait déjà rencontré.

" Tu me disais que tu connaissais quelques mots de blême ?"

"Ouais, des trucs comme "bonjour" et "au revoir", mais c'était pas la peine de me ramener le poivrot du village pour tester mon niveau !"


Le vieil homme au nez rouge n'était pas avare de mots et peu farouche, puisqu'il en submergea les deux velsniens. Le fait qu'il n'y ait pas de polks à l'horizon expliquait peut-être la chose, mais dans tous les cas, il était très difficile de comprendre ce charabia, qui objectivement, n'aurait pas été très compréhensible, même pour un autre blême:

"Salulesjeunesquescequevoufaiteslàdanlenoir. Fauparesterlà desfois ilyadessorciersquisepromènent etensuiteilschangentlesgensencommunistes."

Les deux velsniens n'avaient rien compris, mais dans le doute, Philippa qui avait déjà sorti une cigarette pour se la mettre au bec la tendit au vieil homme. Les velsniens fumaient tant que les étrangers auraient pu penser qu'ils naissaient avec:
"T'en veux ? J'en ai plein. Assieds toi, tu vas prendre froid. Aller, raconte moi ta vie."

Philippa laissa une place au blême, qui ne s'arrêta pas pour autant de baragouiner:
"Unefoijaivuunfarfadetici. Ilressemblaitàunmesolvardien. Ilspeuvetejeterunsortsitufaipasattention."

- Des mots sages... T'as tout à fait raison Juan. Je peux t'appeler Juan
? - lui demanda Philippa, dans le doute... -

La discussion s'étala longtemps, très longtemps, tant et si bien que les deux velsniens se réveillèrent de petit matin, le feu crépitant encore à côté de leurs têtes. Philippa tâtonna la poche de son portefeuille, premier réflexe: vide.

"Sale petit connard de blême !"
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Conversation blême II





Un homme en face d'un autre, un simple bureau les sépare...mais ils ne sont pas du même monde. Le rapport hiérarchique est visible jusque dans leurs mimiques. L'un est debout, contemplant les convois maritimes qui vont et viennent dans le cœur du centre de maintenance technique. La gorge est serrée, les poings le sont tout autant. L'autre est penaud dans le fond de son siège. Il est certains que si il pouvait enlever la mousse de son coussins, il s'y glisserait pour s'y cacher. Mais il y avait quelque chose de plus, une petite lumière dans les yeux, une lumière qui n'émane d'ordinaire que les individus ayant fait une découverte inouïe, des individus ayant comme qui dirait...été frappés par la foudre. Un état de stress donc, doublé d'un sentiement d'excitation qu'il avait lui-même du mal à contenir. Il remuait sur sa chaise, tournait la tête à droite et à gauche, épanchant ses yeux à la vue de la lumière de l'extérieur, provenait de cette fenêtre. Entre elle et lui se dressait ce qui semblait être son supérieur hiérarchique...du moins, c'était ce que disait le galon sur les épaulettes des deux velsniens.

"Je pourrais vous mettre au trou et vous envoyer en conseil de guerre pour désertion pour ce que vous avez fait, fusilier Nitti. J'espère que vous en avez conscience... Alors croyez moi bien que les mots que vous direz dans les prochaines minutes décideront probablement de votre avenir dans garnison, et par extension dans la Marineria de la Grande République. Je vais vous laisser une chance, une petite chance de m'expliquer la raison pour laquelle vous avez disparu du rang pendant deux semaines, avant de réapparaître ce matin avec votre sourire de crétin, devant mon nez. Alors choisissez bien vos mots. J'écoute..."


Le fusilier eu quelque hésitation à déballer son sac, pas tant par peur de ne pas avoir les mots que par l'impossibilité de se décider rapidement où commencer cette histoire. Mais qui sait...peut-être que le commandant de base partagera son enthousiasme sur la "découverte inouïe" qu'il a fait:

- Je sais que vous aurez du mal à me croire commandant...mais figurez vous que j'ai été enlevé."
- Enlevé ? Par qui ? Des polks ? Des blêmes ?
- Par des blêmes je crois, ils avaient tous des chapeaux pointus et des bâtons, mais croyez moi c'est pas l'important !
- Des chapeaux pointus...comme des magiciens ? Et comment vous vous en êtes tirés ? Ils n'ont pas demandé de rançon, ces ravisseurs ?
- C'est...c'est compliqué si vous voulez... Au début ils voulaient une rançon, et puis on a discuté...ils étaient vraiment sympa en fait, et ils m'ont laisser partir finalement.


Le commandant de base fit le tour de son bureau, se tenant désormais face au fusilier, à quelques centimètres de lui.

- Et donc ? C'est tout ce que je vais avoir sous la dent comme excuse ? Des magiciens qui vous enlèvent, qui vous font causette et qui vous laissent repartir les mains dans les poches ? Je vais croire ça, vous le pensez ?
- Nan nan nan commandant, c'est pas fini. Ce qui est important c'est pas ce qu'ils ont fait, mais ce qu'ils m'ont....ça a été comme une révélation si vous voulez. C'était vraiment des têtes si vous voulez, et ils tenaient une sorte de réunion où ils débâtaient tous en cercle dans la forêt. Figurez vous commandant...qu'on vit tous dans une société...et que...et que tout y est déterminé par des rapports de force entre des classes, et que ça dure depuis des milliers d'années ! On se fait tous rouler depuis des générations, rien que ça ! Et ils ont tout plein de trucs et de concepts pour exprimer ça: par exemple, vous le saviez vous, que chaque objet qu'on fabrique a une valeur définie par la somme de travail qui a été engagée pour le faire ? Ils appellent ça du travail abstrait ! Mais il faut pas croire que le patron nous file la somme de ce travail, non non non... ce qu'il nous donne c'est juste un "minimum vital", qu'ils disent, et ça ne représente pas du tout notre travail, c'est juste une fiction ! On se fait arnaquer chef ! Sur cette somme de travail que le patron nous vole, parce qu'il se fait une plus-value et il ne nous file que ce qu'il faut pour conserver notre force de travail: c'est lui qui s'approprie notre travail ! On est totalement aliénés ! Et même qu'ils avaient un énorme livre dans lequel tout ça est marqué noir sur blanc, ils appellent ça le Capital, mais avec un K à la place du C ! Et même que...


La détente du commandant fut courte: deux violentes baffes sur les deux joues, et avec la paume de la main. Nitti est saisit par le col, son nez presque collé à celui de son supérieur. Il a les dents serrées, et ne daigne même pas cligner des yeux tant son regard est comme scotché à celui du fusilier:
- Vous êtes un soldat, on ne vous a pas engagé pour réfléchir. Vous êtes bon pour le trou: vous rentrez à Velsna dés l'arrivée du prochain ravitaillement, et m'est d'avis que vous n'allez pas revoir la lumière du jour pendant un long, très long moment.

"Embarquez le, soldats. Je ne veux plus le voir dans ma base."


Nitti se fait arrêter par ses propres camarades. Une fois la porte close et le commandant laissé avec lui-même, et son verre de vin.

"Des chapeaux pointus..fous toi de moi..."
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Polka Śwatówka

Elle se danse, celle-là, debout mon gars. Debout pour Śwatówka. Pour la plus belle fille de Polkême, joue-nous une polka ! Pour la mémoire de notre beauté barbare, lève-toi, mon gars ! Pavel, toi aussi tu t'en rappelles ! Tu crois que je te vois pas là-bas, Nikola ? Debout, debout, les camarades ! Me laissez pas dans la panade ! Rappelez-vous d'où vous venez, et avec moi chantez ! Et toi, tiens toi juste là tout près de moi. Ouvre grand tes oreilles, je vais te conter l'histoire d'une merveille ! Oh, elle n'avait pas de souliers d'argent, ni de sabot d'indigent, elle allait nu-pied, à ça vous la reconnaissiez ! Oh, c'était une intrépide, à part elle vous étiez toutes des timides !

Tu m'entends ? Ils sont prêts là, ils la reconnaissent. La beauté barbare, on l'appelait ! Dans la Pal, elle vivait ! Les quatre cent coups, elle faisait ! Śwatówka, tu la voyais pas au marché le samedi, ni à la messe le dimanche, ou parfois, mais c'était pour faire la manche ! C'était un autre genre, Śwatówka. Elle attrapait les poissons avec les dents et les hommes avec le vent. Elle avait les cheveux noirs, Śwatówka, et ils pleuvaient autour d'elle comme un buisson ardent. Ses yeux étaient des flèches et son sourire un harpon. Moi je l'ai vu, Śwatówka, et elle m'a eu ici, là ! Il fallait la voir, Śwatówka, courir dans les herbes et se baigner dans les eaux, n'avoir pour vêtements que des champs de roseaux. Et te sourire, la malicieuse, comme une cerise délicieuse, je l'ai connu, moi, Śwatówka, elle m'avait dit d'attendre sur le pré tendre. Viendra-t-elle, viendra-t-elle pas ? Insaisissable Śwatówka, de sa maison dans la forêt, parfois à moi elle revenait, heureuse de boue, à mes larmes tendant ses joues. C'était ma vie, ma Śwatówka, ma beauté, ma fleur, ma joie, c'était ce qu'on ne me rendra pas, jamais Śwatówka ne reviendra. On la dit noyée au fond de la rivière, on la dit ensevelie sous la montagne de pierre, mais moi je sais où elle est Śwatówka. Elle est là où tu n'iras pas, promets-le moi ! Elle est à l'étang juste là-bas, là où est le château du roi, il l'a eue ma Śwatówka, malgré ses griffes, ses dents, ses bras, il l'a mangée Śwatówka, toute crue comme une bête qu'on tue, elle s'est battue ma Śwatówka, encore dans mon cœur elle se battra, elle est la vie ma Śwatówka, ni fief, ni chose, ni possession, elle est l'âme de la nation, elle est ma perte, Śwatówka, et sans elle plus rien n'ira. Elle n'est plus là ma Śwatówka, et ne demande pas pourquoi, pour ce que tu le sais comme moi, ils fusent comme le soir, les nuages noirs, ils sont partout, ses hussards, ce sont les hussards du roi, et si tu chantes avec moi, ils pourraient t'entendre depuis là-bas, les ogres du château, les soudards sous le préau, leurs serviteurs, leurs animaux, leur chasse haineuse et leurs féaux, et se jeter à tes trousses ! Alors plus bas, mon petit mousse, chante plus bas, pour que demain, dans ton cœur et sur tes lèvres, vive encore ma Śwatówka !
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