Posté le : 15 juin 2025 à 16:59:39
15663
LE NOUVEAU RÉPUBLICAIN
Anapol, 14/07/2016,
Ecrit par Mathieu Lavrov.
Situation politique au sein de la République / Politique
L'histoire d'une campagne électorale - I
Thorsten Savchenko, le Premier ministre, vagabondait dans un café de la capitale, Anapol. Il y rencontrait son entourage dans une atmosphère privée et secrète. Les journalistes n'étaient pas conviés, ils n'avaient pas été informés de ce rendez-vous et il ne figurait pas sur l'agenda officiel du Premier ministre. Le Premier ministre et son entourage discutaient de la future présidentielle qui allait avoir lieu au mois de juin, tout comme les élections législatives. Savchenko allait-il se présenter à l'élection présidentielle ? Si la réponse était oui à cette question, allait-il demander l'investiture d'un parti politique ou y aller en indépendant ? Cette réunion dans un café chic de la capitale devait répondre à ces interrogations. Thorsten hésitait à se présenter parce qu'il était actuellement Premier ministre d'un gouvernement par intérim et se présenter, c'était possiblement jeter ce gouvernement à la poubelle et donc provoquer sa chute. Or, Thorsten Savchenko avait besoin de ce gouvernement pour exister sur la scène nationale et médiatique. Ce poste lui permettait de recevoir les dirigeants des nations étrangères, comme l'Empire Démocratique et Parlement du Nord pour la visite officielle la plus récente.
Il n'était pas question uniquement d'une question de présence médiatique pour certains de ses proches. L'ex-banquier d'affaires et exilé, Erythéon Ion, selon des témoins, adoptait la ligne d'une candidature sans étiquette. S'il se présentait sans étiquette, il ne donnait aucun privilège, aucun signe de préférence envers tous les partis politiques de sa coalition. Les partis qui avaient accepté la coalition restaient égalitaires et, vu qu'il n'existait aucun mécanisme de renversement de gouvernement dans l'actuel régime, en attendant les prochaines élections, les ministres des partis se retirant de la coalition gouvernementale allaient devoir se retirer. Un geste fort et puissant qui était une arme qui serait peut-être mal vue de la part de la population, qui attendait de la stabilité et la mise en place d'un nouveau régime en douceur. Emir Levchenko, présent autour de cette table, prônait la ligne des partis. Une décision qui lui permettrait, sauf très mauvaise campagne, d'accéder au second tour de l'élection présidentielle. S'il concourait sur l'étiquette du Parti Social Démocrate, il allait se retrouver face à l'extrême-gauche au second tour. Une configuration favorable à Thorsten, avec le report des voix de la droite au second tour.
C'était bien la réflexion du Premier ministre. Valait-il le coup de se lancer dans la campagne sans assurance d'être au second tour et ainsi torpiller sa carrière politique ? Il pourrait se présenter sur une liste d'un parti politique, en haut de la liste, pour les listes proportionnelles. Cela n'était pas risqué et lui offrait un avenir politique. S'il atteignait le second tour, quoi qu'il arrivât, même si c'était la défaite, il était assuré de se maintenir une vie confortable en tant que politicien. Il pourrait même prendre la tête d'une opposition au Président élu et plus que cela, se représenter à la prochaine élection, contre le premier président élu. Certes, cela serait plus marquant pour l'histoire d'être le tout premier président de la République Translavique et de ce nouveau régime politique, disait-on dans l'entourage de Thorsten. Mais on ne cache pas que battre le premier président élu permettrait à Thorsten de rester dans les livres d'histoire, là aussi. Finalement, durant la réunion stratégique, Thorsten Savchenko s'accorda pour se présenter à l'élection présidentielle en étant indépendant mais soutenu par le Parti Social-Démocrate, une proposition qu'accepta assez vite le Parti Social-Démocrate, en manque d'un candidat connu en République Translavique pour pouvoir battre la campagne. Ainsi, selon les sondages de l'époque, Thorsten Savchenko et le Parti Social-Démocrate étaient en très bonne posture pour atteindre le second tour de l'élection présidentielle, face au candidat du Mouvement Spartakisme Translave. Toutefois, la campagne allait être déterminante car il n'y avait qu'un écart de deux pour cent avec le candidat de l'Union Slave Démocrate pour l'accès au second tour, ce qui mettait Thorsten Savchenko dans la marge d'erreur. La campagne allait être ardue pour tout le monde.
Quelques rues plus loin et quelques heures après le café de Thorsten Savchenko, ce ne sont pas les membres du Mouvement Spartakiste qui allaient dire le contraire. Les membres de ce parti d'ultra-gauche, souhaitant la réunification avec la Démocratie Communiste de Translavya sous un régime communiste, voire eurycommuniste, étaient réunis dans l'arrière-salle d'un ancien entrepôt réaffecté, désormais centre d'activités pour le Mouvement. Le choix du lieu pour une réunion stratégique pourrait paraître quelque peu déconcertant, mais les membres du parti estimaient que le pouvoir avait pu mettre les locaux du parti ainsi que ses membres les plus importants sous écoute. Une situation inégale pour les membres du parti, étant donné que l'un des candidats était le Premier ministre par intérim, qui était actuellement le chef d'État et le chef du Gouvernement, bien que la situation soit floue.
Lukashev Dietrichov, chef de file du Mouvement, était présent à cette réunion. Jusqu'ici, le parti, bien qu'ancré dans la vie politique du pays, avait subi plusieurs revers. La constitution actant la libéralisation du régime et de la République Translavique avait été très largement adoptée par les Translaves, alors que les consignes de vote du parti étaient bien entendu contre l'adoption par le peuple d'une telle constitution. Le "oui" avait atteint uniquement cinquante-quatre pour cent, une situation qui n'était pas perdue, loin de là. Mais pour Lukashev Dietrichov et une bonne partie de son entourage du Mouvement Spartakiste, ce n'était qu'un début de l'adhésion de l'opinion publique à la constitution et aux institutions qu'elle instaure. En outre, si les prochains mandats, et notamment le prochain mandat du président élu, se passaient bien, alors la population n'aurait aucun mal à accepter les institutions parce qu'elles démontreraient qu'elles étaient efficaces pour la gouvernance d'une nation.
Selon le Mouvement Spartakiste, il existait deux manières d'éviter ce phénomène d'acceptation de la constitution libérale. La première était l'échec des politiques menées par le prochain gouvernement et président élus par le peuple, ou alors un blocage des institutions, du fait qu'aucun accord gouvernemental n'arrivait à émerger de la composition de l'Assemblée nationale, ce qui demandait une Assemblée nationale fragmentée. Le second scénario, dans ce scénario, semblait improbable au sein du mouvement, mais dans une multitude de partis politiques. En outre, avec le gouvernement par intérim, les partis avaient pris l'habitude durant une année des concessions et des discussions au sein d'une "coalition". De plus, le scrutin pour l'Assemblée nationale était un scrutin à la proportionnelle intégrale, obligeant les partis à une entente à un moment ou à un autre.
Le premier scénario, dans ce scénario, est ainsi privilégié par Lukashev Dietrichov. L'échec des politiques mises en place, combiné à une bonne communication de la part des partis d'opposition, aurait pour effet majeur de décrédibiliser les partis au pouvoir, qui seraient très certainement les partis de centre gauche au centre-droite. En décrédibilisant les institutions, cela aurait pour effet de casser l'effet d'adhésion aux institutions en place et donc à la constitution libérale. Si le résultat de l'élection ne donnait pas le Mouvement Spartakiste vainqueur, cela aurait pour effet de casser la dynamique en recul du parti et l'entraînerait à la hausse, sous l'effet de la colère de la population. Le Mouvement Spartakiste aurait à réclamer le changement des institutions et à pointer l'ordre libéral. Le second scénario n'est ni plus ni moins la victoire du Mouvement Spartakiste à l'élection présidentielle et aux élections législatives. Les deux victoires sont importantes, étant donné que le Président de la République nomme le Premier ministre. La victoire du Mouvement Spartakiste aux élections législatives n'est pas remise en cause selon les sondages, à cette époque. Mais pour démontrer que la politique voulue par le Mouvement est vraiment majoritaire, il faut qu'il gagne l'élection présidentielle, contre l'ordre libéral et capitaliste.
Cette double victoire, pourtant nécessaire, peu y croient dans le parti. Ce n'est pas du défaitisme, mais juste une addition de chiffres faite par l'ensemble des partis politiques. Si le Mouvement Spartakiste se retrouve au second tour, face à un parti de gauche ou de centre gauche, alors la victoire n'est pas possible. Les réserves de voix s'évaporent dans la nature et du centre à la droite, les électeurs se mobiliseront pour éviter la victoire d'un mouvement communiste. Le Mouvement Spartakiste fait l'analyse que le bloc de résistance, les quarante-six pour cent du "non" au référendum, ne doit pas basculer dans le capitalisme parlementaire. L'amélioration, très significative, du niveau de vie depuis la fin de la guerre et l'occupation du territoire, permet au pouvoir et au Premier ministre Thorsten Savchenko de maintenir une majorité de la population dans le bloc capitaliste et parlementaire, face au bloc communiste ou réactionnaire, quoi qu'il arrive anti-capitaliste. Le Mouvement Spartakiste se résignait donc à l'idée que, bien qu'il puisse atteindre le second tour de la présidentielle, la victoire finale par les urnes était possible.
Cependant, le défaitisme concernant la présidentielle ne signifiait en aucun cas un abandon de la lutte politique. Lukashev Dietrichov et son entourage se mirent en tête de se tourner vers les élections législatives, qui avaient lieu deux mois après le second tour de l'élection présidentielle. Une chose qui pouvait arranger le Mouvement Spartakiste. Une défaite à l'élection présidentielle au second tour acterait le Mouvement comme principale opposition au président élu, à sa future politique mais surtout au gouvernement. Le Mouvement Spartakiste, premier dans les sondages d'intention de vote pour les élections législatives, s'est défini pour objectif, lors de cette réunion, de terminer premier, mais aussi d'aboutir au plus gros score possible. Plus le score serait important, plus l'imposition du parti en tant que principale opposition à l'ordre libéral serait importante et plus le gouvernement serait illégitime. Du côté du Mouvement Spartakiste, on estime que se passer de la première force politique pour constituer un gouvernement, si fort soit-il, réduit la légitimité du gouvernement et permettrait au Mouvement Spartakiste d'avoir une voix qui porte.
Vint la question de la candidature à la présidentielle et en tête de liste aux élections législatives. Lukashev Dietrichov, l'homme le plus identifié du Mouvement par les Translaves, devait-il se présenter aux deux élections ou bien se concentrer sur les élections législatives ? Selon plusieurs participants à la réunion, les avis divergeaient, mais la double candidature fut retenue après plusieurs débats. La participation à l'élection présidentielle permettrait au chef de file du Mouvement Spartakiste de renforcer son image auprès de la population translave, tout en s'assurant que le mouvement d'opposition soit identifié en sa personne. Cela permettrait au parti de rebondir sur ce phénomène en présentant Lukashev Dietrichov comme tête de liste aux élections législatives. Le risque, observé lors de cette réunion selon plusieurs participants, était que la candidature de Lukashev Dietrichov fasse des scores qui seraient perçus comme une défaite importante, ce qui casserait la dynamique du parti pour les législatives, sans pour autant remettre en cause la première place du parti dans les élections législatives, sauf catastrophe industrielle selon Lukashev Dietrichov lui-même.
Du côté de la droite et de l'Union Slave Démocrate, on rêvait d'être au second tour face au Mouvement Spartakiste, l'un des seuls moyens pour la droite, trop faible dans les intentions de vote, d'être élue au poste de Président de la République. Selon les configurations, bien avant la campagne, le parti pouvait prétendre à un accès au second tour, et même, à vrai dire, dans toutes les configurations si l'on tient compte de la marge d'erreur. Les élus du parti voulaient croire que la seconde position, devant le Parti Social-Démocrate lors des élections de l'Assemblée constituante, réussirait à l'Union Slave Démocrate pour les deux prochaines élections. "C'est une dynamique permettant de nous ancrer en tant que parti important pour la vie politique de cette République. On devra prendre en compte notre positionnement et nos avis, c'est une certitude", nous déclare ce député constituant. Pourtant, certains étaient plus fébriles, comme ce ministre : "On doit observer en permanence Valentin Soutko. Plus il est haut, plus il nous prend un électorat dans la ruralité, donc plus il nous met dans la merde. Notre candidat va devoir axer son discours en partie sur cela, mais aussi se déplacer plus que prévu dans les campagnes, prévoir des plans pour la ruralité. C'est une toute nouvelle campagne qui s'ouvre comparé à ce qu'on avait prévu...", dit-il, l'air circonspect. À l'époque, le ministre de l'énergie du gouvernement de Thorsten Savchenko, perturbait le parti de droite, l'Union Slave Démocrate, tout en portant espoir.
Inclassable sur l'échiquier politique "gauche-droite" translave pour beaucoup, l'Union Slave Démocrate classe le parti de Valentin Soutko au centre droit, voire pour certains à droite. Dans la lignée d'une droite indépendante vis-à-vis des nations étrangères, un parti qui se veut décentralisateur comparé à l'Union Slave Démocrate, etc. Il existe des différences entre les deux partis et les membres de l'Union Slave Démocrate y voient là un atout pour la droite. Valentin Soutko va permettre d'élargir l'électorat de droite, tout en permettant une réserve de voix importante pour le candidat de la droite au second tour de la présidentielle. Toujours selon les stratèges du parti, le parti de Valentin Soutko devient un allié naturel de l'Union Slave Démocrate en cas de score plus important pour la droite lors des élections législatives. "On se voit gouverner avec", tranche ce député constituant. Si l'on élargit la droite au Parti des Libertés, un parti centriste, alors la droite pèse trente-six pour cent des voix. Mais, bien que la droite reste minoritaire en République Translavique, elle reste plus ancrée indirectement dans les esprits. Le Parti Social-Démocrate serait qualifié comme un parti de centre-droit au Royaume de Teyla, le Mouvement Spartakiste a des éléments conservateurs au niveau sociétal dans son programme. On ne sort pas d'un régime rouge-brun sans conséquence sur la société. Cela fait dire à l'Union Slave Démocrate qu'ils ont un coup à jouer en récupérant les déçus de tous ces partis politiques et en atteignant le second tour face au Parti Social-Démocrate.
Alors que les partis politiques commençaient à parler stratégies, tous étaient en train de faire campagne pour réunir les deux mille cinq cents parrainages de citoyens majeurs et jouissant pleinement de leurs droits, selon la constitution, pour pouvoir être sur la ligne de départ et avoir leur nom sur les bulletins de vote. Ce système, mis en place pour éviter une multitude de candidats trop importante durant l'élection présidentielle tout en empêchant des candidats issus d'ingérences étrangères de pouvoir se présenter avec une trop grande facilité, complique la tâche des petits candidats et des petits partis pour pouvoir se présenter, mais permet à des indépendants de faire entendre leur voix sur la scène nationale. Les trois plus "gros candidats", à savoir Lukashev Dietrichov (Mouvement Spartakiste), Thorsten Savchenko (Parti Social-Démocrate), Therandros Thalémios (Union Slave Démocrate), réuniront les signatures sans problème. Valentin Soutko (Confédération de la Translavie Unie), avec surprise, fut le quatrième candidat à réunir les signatures. Ce n'est pas le fait qu'il soit quatrième qui constitua une surprise, mais le fait qu'il parvint à réunir les signatures dans un laps de temps réduit, pour une candidature jugée soit petite ou moyenne.
Dilara Akyürek pour le Parti des Libertés, Emirhan Korkmaz pour l'Union Arcadianisme, et Yaroslava Vitaliyivna Radchenko pour le Club Communaliste Unifié ont réussi à obtenir lesdites signatures grâce à un réseau de militants bien fourni, malgré des candidats peu connus de la population. Ces trois partis ont su construire un réseau de militants performant depuis l'élection de l'Assemblée constituante et l'autorisation des partis politiques. Alors que les deux partis communistes trouvent leurs sympathisants avant tout dans les grandes villes, le Parti des Libertés est homogène sur l'ensemble du territoire.
La participation de deux partis communistes arrange sans doute toute la classe politique, sauf le Mouvement Spartakiste, qui pourrait voir son score s'affaiblir et qui devra batailler dur pendant la campagne électorale pour maintenir sa domination sur le spectre de l'extrême-gauche. Quant à la participation de Dilara Akyürek pour le Parti des Libertés, la candidature ne doit arranger personne sauf le Mouvement Spartakiste, car cette candidature, classée comme non-alignée, axe son programme sur la défense des droits fondamentaux et de l'État de droit. Si vous êtes un électeur avec ces valeurs cardinales, mais dont les autres sujets n'ont pas une importance aussi grande ou que vous êtes sans avis, alors vous allez voter très certainement pour ce parti à la place de l'Union Slave Démocrate ou du Parti Social-Démocrate.
Force réactionnaire et Bloc Écologiste n'ont pas su réunir les signatures suffisantes pour pouvoir présenter un candidat à l'élection présidentielle. La faiblesse des candidats de ces deux partis dans l'opinion publique, conjuguée à un manque majeur d'un réseau de militants engagés et sur tout le territoire, n'a pas permis aux candidats d'obtenir les signatures nécessaires. Un manque de visibilité crucial pour les partis politiques avant les élections législatives.