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Presse écrite - Al-Urwa Al-Wûthqa [Officiel] - Page 2

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VIZIRAT : La liste officielle des candidats connue « sous quelques jours »

Posté par Samir Karey le 24.12.2015 à 21h37

Commission de Déontologie

Le processus est sur le point de démarrer. La Commission de Déontologie du Conseil des Oulémas (Majlis al-Ulama), chargée d'examiner les candidatures et d'organiser le prochain remplacement de l'actuel Grand Vizir Beylan Pasha, a confirmé qu'elle délivrerait ses conclusions dans les jours à venir. Cette instance, dépendante des religieux et responsable directement devant le Khalife, est celle qui délivre les autorisations à se présenter aux fonctions importantes, et qui donne des avis consultatifs sur l'organisation des pouvoirs. Elle a un rôle de conseil essentiel pour appuyer Son Altesse Sémillante dans le choix du chef du gouvernement, et pour garantir la bonne orientations des candidats à ce poste. Rashid Beylan, titulaire du vizirat depuis 2008, a déjà annoncé il y a quelques temps son départ du palais de la Porte Splendide, invoquant des motivations personnelles, ce à quoi le Khalife avait répondu favorablement ; son départ, dont la date n'est fixée qu'après la désignation de son successeur, devrait se tenir dans le courant de l'année 2016. D'ici là, le parti califal, la Nahda, tiendra un Congrès de ses instances pour investir son candidat à la fonction. Celui qui, parmi les profils retenus par la Commission, sera désigné par le Bureau permanent du Parti, aura toutes les chances d'être nommé à la conduite du Diwan.

Un processus jalonné d'étapes

L'examen par la Commission de Déontologie est le point de départ d'un cheminement qui mènera à la désignation du futur Grand Vizir, dont les compétences s'étendent à la politique de l'Etat et à l'administration du territoire. La Commission, parmi les profils qui lui sont soumis - et dont la liste exhaustive n'est pas rendue publique - publie ceux qui recueillent un avis positif, après que les oulémas aient démontré que le candidat dispose des facultés nécessaires ; l'honorabilité ('adâla), les compétences et les connaissances de l'administration, et la capacité de discernement (ra'y). Remplir ces trois conditions est nécessaire pour être officiellement admis à la candidature, mais c'est encore insuffisant pour être Grand Vizir ; un vote au Sérail doit départager les candidats. La chambre des délégués étant contrôlée en majorité par le Parti de la Renaissance Islamique (Nahda), c'est en son sein que la délibération a lieu. Elle aboutira à l'élection d'un candidat unique du Parti, qui sera proposé au Khalife pour que celui-ci le nomme Grand Vizir dans le courant de l'année.

Les enjeux du Congrès de la Nahda en 2016

Ils sont multiples. D'abord, comme tous les dix ans, ce sera un moment de consultation (shûra) des adhérents et des instances du parti central de l'Azur sur des orientations politiques. Les différents cercles de décision au sein de l'organisation auront à se prononcer sur plusieurs motions, qui établissent un programme d'action et de gouvernement, et qui sont le moyen de recueillir les doléances et les revendications de la population que le Parti représente. Ensuite, ce sera la désignation du candidat du parti au vizirat, qui a lieu selon la méthode de la désignation par consensus, qui départagera les candidats jugés recevables par la Commission de Déontologie. Enfin, ce sera l'occasion pour la Nahda d'affirmer son importance et sa stratégie pour les échéances électorales qui se profilent ; élections municipales à la fin de l'année, élections des délégués des circonscriptions dans un second temps.

Afaghani, la grande question

Parmi les profils étudiés par la Commission, celui du Ministre des Affaires étrangères de l'Azur, Jamal al-Dîn al-Afaghani sera particulièrement scruté. L'ancien intellectuel, devenu diplomate, gravite dans les plus hauts cercles du Califat constitutionnel depuis près de vingt ans ; tour à tour conseiller du Grand Vizir, puis du Khalife, il avait été pressenti pour la Porte en 2008, ce qui avait été déjoué une première fois par la Commission de Déontologie. La question de sa candidature en 2016 est sur toutes les lèvres ; pour l'instant, elle n'est pas connue. La prochaine conclusion de l'examen des profils pour le vizirat permettra de savoir si, cette fois, le populaire et éminemment respecté Jamal al-Dîn al-Afaghani saura convaincre les juges. Derrière sa candidature, la tendance islamo-démocrate, favorable à des évolutions politiques dans le sens de la permissivité culturelle et sociétale, espère bien faire avancer ses opinions au sein du parti majoritaire.

Taşdemir, l'intransigeant

Brillant sur la scène politique grâce à ses succès dans la circonscription de Sijilmassa, municipalité qu'il a repris et conservé face à l'opposition de l'Alliance démocratique, Habib Taşdemir est un fin connaisseur des mécanismes du Sérail, et le partisan d'une approche jugée "islamo-populiste" par certains observateurs. Il défend des mesures énergiques en matière de croissance, de développement, de hausse des dépenses militaires et de conservatisme social, tout en promouvant l'idée d'une "nation islamique" et de coopérations renforcées avec les pays musulmans. Il s'est récemment illustré par sa critique de l'opposition libérale et écologiste, qu'il juge contre-productive.

L'hypothèse d'un profil inconnu

La Commission pourrait, parmi les profils qui seront validés, inclure des candidats jusque là inconnus du grand public. C'était le cas de Beylan Pasha en 2008 ; figure modérée, peu clivante, il avait été choisi pour unifier les différentes composantes du Parti califal et diriger un gouvernement d'union entre les tendances démocratiques et conservatrices de la Nahda. De même, il se pourrait que le prochain processus de remplacement de Beylan Pasha aboutisse à la désignation d'une personne encore inconnue par la majorité des Azuréens, pour assumer la direction de la Porte.

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VIZIRAT : Candidatures validées pour quatre candidats dont Afaghani et Taşdemir
Posté par Süleyman Bataar le 03.02.2016

Illustration

C'est chose faite : la Commission de Déontologie du Majlis a rendu ses conclusions sur la conformité de quatre candidatures possibles pour la proposition de Grand Vizir. Grande nouvelle par rapport aux années précédentes, la candidature de Jamal al-Dîn al-Afaghani, diplomate chevronné et Ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de Beylan Pasha, a été jugée recevable pour la première fois.

"C'est une excellente nouvelle pour la démocratie islamique", juge un partisan d'Afaghani, réjoui par l'issue des concertations internes de la Commission ; nombreux sont ceux qui s'inquiétaient que leur favori soit à nouveau écarté de la course à la Porte Splendide, comme en 2008, où son profil réformateur avait suscité la défiance des conservateurs du Parti. "La Nahda pourrait reprendre un élan", suppose un observateur, qui pointe à juste titre les enjeux électoraux qui se profilent avec le Congrès de 2016 : réaffirmation ou réorientation de la ligne politique globale, et mise en place d'une stratégie pour les élections municipales et provinciales à venir, avant les prochaines législatives.

"Habib Taşdemir devrait devenir le prochain Grand Vizir cette année", clame au contraire un représentant de l'aile conservatrice du Parti de la Renaissance Islamique. L'élu de Sijilmassa, populaire et qualifié par certains "d'islamo-populiste", a également été retenu par la Commission comme un profil envisageable pour le vizirat ; un signal très positif pour ses fidèles, alors que sa montée en flèche au sein des institutions se déroule au moment où l'électorat demande des avancées concrètes sur les différents volets de la politique gouvernementale. "Taşdemir incarne un néo-conservatisme charismatique", analyse un politologue, qui attribue les succès électoraux du quinquagénaire à sa capacité à s'adresser à un électorat issu des classes moyennes périphériques.

Si ces deux personnages sont les poids lourds de la donne politique actuelle à l'occasion du Congrès de la Nahda, ils sont accompagnés par deux autres candidats jugés éligibles par la Commission ; le Sheikh Nouri Takyeddin Bin Bayyah, un ouléma membre de la confrérie soufie Naqshbandiyya très implantée dans d'autres pays musulmans, et le Sheikh Ali Osman al-Idrisi, figure du petit parti ultraconservateur A.I.P.P. (Association Islamique pour la Paix et le Progrès) membre de la coalition gouvernementale de la Nahda. Ce dernier, surfant sur un récent regain de popularité de sa formation politique auprès de l'électorat traditionnel, a fait des déclarations relatives au voile féminin ou à l'homosexualité, questions sur lesquelles il souhaite voir mises en place des mesures plus intransigeantes et conformes à la loi musulmane.

"Al-Idrisi ne devrait pas rassembler beaucoup de monde derrière lui", juge un expert en sciences politiques ; "l'électeur conservateur moyen préférera sans doute le profil de Taşdemir, plus dynamique et moins isolé sur la scène politique." "La participation d'un candidat de l'A.I.P.P. à cette course au vizirat est plutôt une question de symbole qu'une réelle opportunité pour ce parti de soixante élus au Sérail ; c'est un geste relativement sans conséquence réelle". La présence d'un candidat ultra-conservateur devrait cependant infléchir les choix d'orientation politique qui se feront lors du Congrès de la Nahda, donnant l'occasion à ce courant d'exprimer de nouvelles idées et des propositions qui lui appartiennent.

"Le fait que la candidature de Bin Bayyah ait été retenue est surprenant", nous confie un membre de la Nahda chargé de l'organisation du Congrès à venir. "C'est un soufi très traditionnel, avec peu de pratique politicienne proprement dite" ; un profil religieux, proche des cercles du Khalife. "Il n'a pas de pensée très structurée en matière fiscale ou administrative, mais ce sera un parfait représentant de la mentalité de Son Altesse Sémillante, s'il venait à être nommé à la Porte". Cet inconnu du grand public, qui n'a pas eu de fonction dans un gouvernement ou une collectivité jusqu'ici, attire peu de commentaires. "C'est un spirituel, un homme de religion, mais aussi de réseaux", comprend le politologue ; "sa présence et ses orientations au Congrès auront un impact sur les indécis et le gros de la masse des adhérents. De ce fait, et à cause de sa proximité avec le Khalife, les autres candidats chercheront à se le ménager".

A quelques semaines du XXVIème Congrès du Parti de la Renaissance Islamique, les protagonistes sont en place ; le Parti majoritaire s'apprête à une nouvelle session intense en négociations internes et en intrigues politiques.

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PLAN GAZIER : SABARIAN MET EN AVANT LE « SENS PATRIOTIQUE »
Posté par Wassim al-Dhir le 24.02.2016 à 23h38

sabarian de petrazur

Il était apparu au premier plan aux côtés du Grand Vizir Beylan Pasha l'année dernière, lors de la présentation du Plan Gazier. D'un naturel enjoué, charismatique et au sourire communicatif, le Directeur-Général de l'entreprise d'Etat PETRAZUR, Son Excellence Bashir Sabarian, a récemment donné un entretien à la presse nationale. "J'aurais pu me taire", dit-il sans langue de bois, "mais j'ai choisi de prendre la parole pour dire ce que je crois ; l'Azur est à la croisée des chemins". En off, il réitère sa conviction : "soit l'Azur prend le chemin de la modernité et de la croissance, soit il tombera dans la stagnation et la récession".

Issu d'une grande famille de propriétaires terriens, Bashir est depuis 2011 à la tête de la plus importante compagnie d'Etat. Fort de la confiance renouvelée des autorités du Califat Constitutionnel, il est l'un des visages du Plan National de Développement Stratégique du Secteur Gazier, qu'il a défendu à maintes reprises devant les caméras autant que devant les parlementaires du Sérail. "Relancer notre économie est désormais une question vitale", déclare-t-il sans ambages, louant au passage "la vision salutaire de Son Excellence le Grand Vizir, qui aura été digne de sa fonction jusqu'à la fin de son mandat" ; pour rappel, Beylan Pasha est appelé à quitter la direction du Diwan dans les semaines à venir, bien que la date de son départ (officiellement pour raisons personnelles) n'ait pas encore été dévoilée.

"En adoptant le Plan Gazier, l'Azur renouera avec la croissance, et des millions d'emplois seront créés", répète-t-il inlassablement, rappelant la nécessité de "retrouver le cercle vertueux de la croissance, où les investissements d'aujourd'hui donnent les profits de demain, et les hausses de salaire et de niveau de vie d'après-demain". A l'aise face aux journalistes, il se décrit lui-même comme "un Azuréen moyen qui n'aspire qu'à la réalisation de ses rêves personnels et à la grandeur de [sa] patrie". La rhétorique patriotique lui vient sans difficulté : "je suis originaire d'une famille chrétienne", rappelle-t-il, "fidèle à l'Etat et à la Nation". Converti à l'islam par choix personnel, il met cependant en avant la nécessité de "reconstruire un pays puissant en comptant sur nos forces industrielles et économiques". Et ce faisant, il dénonce "les errements existentiels de citadins petit-bourgeois, à l'aise dans une vision régressive et antipatriotique du monde".

Ses attaques visent d'abord les écologistes, et en premier lieu le parti Les Verts et les associations environnementales. "Ce délégué [Pierre Breidi, élu vert dans une circonscription oasienne de Dariane, n.d.l.r.] répand de la désinformation et diffuse une idéologie de paresse et de dé-virilisation". Les coups sont tirés. Interrogé sur la pertinence de se mobiliser contre des projets de forages gaziers qui pourraient avoir un impact négatif sur l'environnement, Sabarian temporise : "avoir des doutes sur les nouvelles technologies d'extraction des hydrocarbures est compréhensible", démine-t-il, tout en regrettant "que la plupart de nos concitoyens qui s'opposent aux projets de forages n'aient souvent pas connaissance de la technique dont ils parlent". Le Directeur-Général exprime au contraire "sa confiance profonde dans l'intérêt du Plan Gazier", démontrée selon lui par "le soutien explicite et entier apporté au projet par les syndicats du secteur". Il pointe, à juste titre, les démonstrations réalisées par le syndicat des ouvriers de l'industrie gazière, ainsi que les organisations professionnelles des cadres de l'industrie des hydrocarbures, qui appellent les parlementaires à "soutenir sans réserve" le projet de développement de l'extraction du gaz de schiste.

manifestation de soutien au plan gazier le 19 février 2016 à Pasarga, en Syrane orientale
Manifestation de soutien au plan gazier le 19 février 2016 à Pasarga, en Syrane orientale, organisée par l'association professionnelle des travailleurs du gaz.

"Contrairement à ce qu'une minorité manipulée par des réseaux environnementalistes voudrait croire, la majorité des Azuréens soutient le Plan Gazier" ; cette affirmation, assénée avec la force de conviction de l'homme qui prendra le visage de ce paquet de mesures d'investissements et d'agrandissement d'infrastructures, est à mettre en regard des réelles attentes exprimées par les syndicats. "Les Azuréens ne veulent pas perdre encore plusieurs années. Nous avons besoin de croissance, à un moment où la conjoncture économique risque de se retourner contre nous". Professant l'économie, Bashir Sabarian se veut rassurant ; "avec notre programme d'investissements piloté en Azur, par des ressources azuréennes et dans l'intérêt des Azuréens, nous parviendrons sans encombre à nos objectifs". Il liste "la création de millions d'emplois, dont un million d'emploi direct, et le développement économique de zones rurales sous-performantes en matière d'activité économique". Tout cela consiste, selon lui, en un "choc de compétitivité et de croissance" à même de répondre à "une large part de nos besoins immédiats" ; chiffrant les retombées économiques dans les prochaines années à "deux cent, trois cent milliards de Dirhams", il explique que la solution sera toute trouvée pour financer la construction de nouveaux équipements publics, d'un réseau électrique fonctionnel, d'un système de trains à grande vitesse moderne ou encore d'un système de défense anti-missiles ultra-complet. "Avec ces moyens-là, on pourra aller très loin pour refaire de ce pays la nation dorée qu'il a été un jour". Pas avare de digressions, Bashir Sabarian compare le plan actuel à "la Révolution industrielle planifiée après la Révolution de 1876", voire aux "indéniables succès économiques de la République" dont l'Azur profiterait encore. Des déclarations qui devraient susciter au moins quelques commentaires de la part des ultraconservateurs religieux, l'apologie de républicanisme étant suspect à l'heure du Califat constitutionnel.

"Je m'inscris en soutien plein et entier à Son Excellence le Grand Vizir", rappelle-t-il quand on l'interroge au sujet de ses propres ambitions liées à cette stratégie inhabituelle. En tant que cadre des hautes autorités techniques de l'Etat, son intervention dans les médias et sur la scène politique pourrait porter à questionnements. "Ma parole ne vise qu'à solidifier et réaffirmer ma croyance profonde, elle n'est motivée que par le patriotisme et mon abnégation pour ce pays que j'aime tant". Interrogé sur ses relations avec l'actuel titulaire de la Porte Splendide, il les qualifie "d'excellentes", et loue la capacité de Beylan Pasha à "écouter les acteurs économiques, à les comprendre et à s'associer à leurs besoins dans l'intérêt du pays". Dans un tel contexte, on ne pouvait donc pas ne pas lui poser la question de son sentiment à l'approche du départ de Rashid Beylan al-Beylani du vizirat dans les prochaines semaines. Celui-ci, dont la démission pour raisons personnelles a été acceptée par le Calife, n'a cependant pas encore indiqué la date exacte de la fin de son mandat, estimant nécessaire que le Parti de la Renaissance réuni cette année en Congrès désigne son successeur avant que soit entrepris tout changement à la tête du gouvernement. "Je regrette son départ, mais c'est une décision qui lui appartient et que je respecte pleinement", sourit Bashir Sabarian. Refusant prudemment de se prononcer sur sa préférence entre les quatre candidats jugés éligibles à ce poste par la Commission de Déontologie, il prend néanmoins le temps d'adresser un mot doux à chacun d'eux. "J'admire la force de conviction de Taşdemir. C'est un homme qui sait diriger les foules", commente-t-il au sujet du charismatique maire de Sijilmassa, islamo-populiste soutenu par le courant conservateur de la Nahda au pouvoir. "Le ministre des Affaires étrangères s'est également illustré par des succès incontestables qui joue en notre faveur sur la scène internationale", analyse-t-il au sujet de Jamal al-Dîn al-Afaghani, dont le profil est enfin validé par les déontologues, après plusieurs tentatives infructueuses de concourir pour le vizirat.

"Pour moi, l'essentiel n'est pas la personne, mais la détermination à redresser le pays", conclut-il en attirant l'attention de son auditoire captivé à ses mots d'introduction. "Véritablement, nous sommes au pied du mur pour relancer la croissance et sauver les équilibres budgétaires et financiers de notre pays. Ce qu'il faut, c'est que le prochain Grand Vizir en aie conscience et apporte son soutien et son dévouement au Plan Gazier".

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ÉCONOMIE : Vers une récession en 2016 ?
Posté par Khadija Touré le 09.04.2016 à 22h31

lubna sharim al qasimi
S.E. Lubna Sharim al-Qasîmi, Ministre du Développement, lors d'une nouvelle audition au Sérail cette semaine. (Crédits : Aycan Phuket)


L'Azur se dirige-t-il vers une crise économique à proprement parler ? Le mot, qui a été prononcé lors de questions à la Ministre du Développement al-Qasîmi lors de nouvelles auditions au Parlement, s'est bien vite diffusé au sein du monde politique et économique d'Agatharchidès. En cause : le tassement de la croissance économique ces dernières années, sous-estimé par les décideurs politiques, mais significatif. L'Azur serait ainsi passé, selon les derniers chiffres, d'une croissance de +4,9 % en 2010 à +0,2 % en 2015, comme l'indique une dernière déclaration du Ministère de l'Économie, qui tient cependant à préciser que "même en tenant compte de l'inflation, la richesse nationale s'est accrue" cette année, bien que "modérément".

"La crainte de la stagflation est bien réelle", tempère cependant à la tribune du Sérail la Ministre, dont l'entièreté du mandat est entaché par des résultats piètres de l'économie nationale (Son Excellence est en poste depuis l'année 2010, la première du déclin de la croissance économique justement) ; "c'est pourquoi une relance de l'économie est nécessaire". "J'ai activement soutenu, et je l'ai fait devant vous depuis le premier jour, l'adoption d'un Plan Gazier qui permettrait d'avancer dans ce sens". C'est un argument massue du Diwan face à la contestation qui monte contre le programme de forages gaziers gouvernemental ; l'extraction gazière et les investissements dans ce secteur énergétique seraient "notre principale réserve de croissance", ainsi que le disent à l'unisson la Ministre et les députés de l'opposition siégeant dans les rangs... du Parti libéral.

"Le gouvernement cherche à ménager la chèvre et le chou", analyse Sofia Shukri, déléguée libérale pour la Mudarabah du secteur gazier, dont elle est une représentante politique et corporative. "D'un côté, la ministre [de l'économie, n.d.l.r.] nous annonce des chiffres glaçants sur l'économie, nous incite à adopter le Plan Gazier...", et "d'un autre côté, la Nahda, ainsi que le Conseil des Oulémas, les élites religieuses et les institutions califales freinent l'adoption d'un tel plan". Un autre délégué s'étonne des "signaux contraires" renvoyés par les différents postes de l'état, avec "une très grande hétérogénéité dans les discours" entre "représentants civils et dignitaires religieux".

Quoi qu'il en soit, la croissance de l'année dernière, à +0,2 %, est en berne par rapport à l'année précédente, avec +0,8 % mesurés en 2014 d'après un rapport du Sérail établi avec des chiffres consolidés. La ministre en a expliqué les causes : elles se trouvent, selon elle, dans "l'atteinte d'un pallier" en terme de "capacités logistiques et techniques" pour la production et l'exportation des hydrocarbures, qui forment à ce jour près d'un quart de la richesse nationale.

Interrogé par nos services, Bashir Sabarian, le facétieux dirigeant de l'anciennement Compagnie Nationale des Pétroles, aujourd'hui PETRAZUR, confirme les annonces du Ministère : "il est temps d'investir", déclare-t-il, "dans un nouveau réseau de distribution du gaz, et pour l'installation de terminaux méthaniers modernes" ; à la clé selon lui, "l'accès aux marchés outre-mer, au Nazum et au Paltoterra notamment, mais pas que" ; il pointe, à la suite de la Ministre, "une baisse mondiale des cours" de l'énergie (pétrole et gaz essentiellement) liée "à la multiplication des acteurs et à la montée en gamme technologique" pour des opérateurs comme APEX, la grande compagnie multicontinentale raskenoise, dont les moyens sont "démesurés". Pour PETRAZUR, il faut "s'inspirer de ces modèles" et "aller de l'avant". Il faudrait donc, selon eux, adopter le Plan Gazier.

L'adoption de ce Plan Gazier, initialement prévue au mois de mars 2016, a été repoussée au 1er janvier 2017, date à laquelle il sera l'objet d'un vote dont l'issue est "très incertaine", d'après même l'avis d'observateurs chevronnés du milieu politique au Sérail. "Il y a une vraie difficulté pour le gouvernement à embarquer la classe religieuse avec lui", analyse Malec Osmansuli, longtemps attaché politique au sein du Parlement. "Ce problème est manifeste, le Conseil des Oulémas n'est pas convaincu", euphémise-t-il pour décrire le scepticisme des oulémas face au projet industriel. "Beylan Pasha doit convaincre al-Kaysari", (le vice-président du Majlis) résume Osmansuli en une phrase. Il l'explique ainsi ; "le Grand Vizir doit recueillir le soutien du doyen des Oulémas, s'il veut faire basculer l'opinion des clercs en sa faveur". "Dirigeants civils et religieux n'ont pas la même lecture de la situation".

Le public azuréen, lui, est en attente de l'issue des débats qui aura lieu en 2017. Et d'ici là ? "L'année 2016 va être difficile pour les entreprises", reconnaît Yusuf Ben Leyi, un proche de Habib Özem Taşdemir, maire de Sijilmassa, Ministre de l'Intérieur et probable prochain Grand Vizir. "Quand on est pas sûr de la direction que va prendre le Diwan dans les mois et les années à venir, on a tendance à ne pas investir". "C'est un risque et Taşdemir y apportera bientôt des réponses", promet le proche du candidat à la Porte ; "on ne va pas refaire du Beylan Pasha. Il faut un cap clair". Une petite pique pour l'occupant actuel de la fonction, contre lequel montent des critiques à peine dissimulées. "Il faut faire un choix", lance-t-on en off ; "soit les imams, soit la prospérité économique". Mais ces questions politiciennes devraient être traitées lors du Congrès du Parti de la Renaissance Islamique, qui se tiendra cette année.

En attendant, les délégués du Sérail, qui ont convoqué la Ministre du Développement sur des affaires d'ordre économique, n'entendent pas perdre la main sur le dossier de la croissance économique. Interrogée sur les options dont dispose le Diwan à court terme, Son Excellence Lubna Sharim al-Qasîmi a tracé plusieurs hypothèses. D'abord l'adoption du Plan Gazier par un vote de confiance préalable, ce qui était sa proposition, mais qui est peu probable au regard du scepticisme du pouvoir religieux. Ensuite, l'hypothèse d'un dégel provisoire de certains actifs du Fonds Califal Souverain, abondé ces dernières années par une croissance positive et qui pourrait permettre de répondre à certains besoins d'investissements à court terme ; cette hypothèse est cependant suspendue à la volonté du Calife, qui n'a, pour l'heure, pas été saisi de la question ; on sait que la classe politique rechigne à requérir l'intervention de Son Altesse Sémillante pour des questions trivialement circonstancielles. D'autres options, parmi celles qui seraient réalistes, sont, selon elle, "l'adoption de réformes et de plans d'investissement dès la fin du Congrès de la Nahda" et après la nomination d'un nouveau Grand Vizir. Là, pourraient être abordées des questions "non seulement de court-terme, mais de moyen-terme et de long-terme, comme la diversification de l'économie, et la recherche de nouveaux gisements de croissance".

En définitive, c'est là la clé, selon le Professeur Beçarköy, docteur en économie du développement. "L'enjeu, c'est de dépenser l'argent de l'Etat de manière judicieuse" ; la loi prévient de toutes façons le recours à la planche à billets ou aux emprunts à intérêts pour financer la politique économique, ce qui rend la pertinence des investissements publics essentielle pour relancer la machine. "En ciblant le secteur gazier, al-Qasîmi et Beylan Pasha ont misé sur la valeur sûre : les hydrocarbures", une commodité dont la demande internationale ne cesse de croître et sur laquelle l'Azur a un atout considérable en termes de réserves géologiques. "Mais c'est un secteur historique dont le pays est déjà dépendant ; une partie de la population n'est plus prête à avancer dans ce sens", comme le montrent les mobilisations de protestation qui se déploient dans tout le pays. "A mon sens, la difficulté du prochain Grand Vizir sera de trouver les futurs gisements de croissance, et de réussir une transition à long-terme pour transformer notre économie". Une hypothèse bien lointaine, reconnaît le professeur ; "en l'état, 2016 s'annonce vraiment comme une année difficile".

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TÉMOIGNAGE : « Pour nous, le Plan Gazier est une question de dignité »
Posté par Baskar Mrakh le 15.04.2016 à 09h25

Au gazoduc 8-8" de Kuzeybeylik, Karahisar.

Sa photo de profil Wasl'App affiche un visage souriant. Derrière lui, un fond indistinct de travaux sur lesquels il opère. "Ça, c'est un raccordement de tuyaux", explique-t-il en nous décrivant la photo. "C'est une opération délicate quand on remplace des pièces usées ; il faut que l'entièreté du conduit soit parfaitement étanche, quand on replace le gazoduc". Il montre des doigts, en swipant sur son téléphone, une vidéo cette fois ; il filme les étincelles de soudure lors du collage entre les deux cylindres d'acier renforcé. "Ça se règle au centième de millimètre près", nous apprend-il.

Kahil est technicien de terrain à PETRAZUR, l'ancienne Compagnie Nationale des Pétroles. Installé à Kuzeybeylik, à la frontière nord de la province d'Asarbeylik, il travaille depuis sa sortie des études dans le secteur gazier. "J'ai fait un certificat professionnel à la sortie du collège", déclare-t-il, "puis un apprentissage. Je suis autonome dans la boîte depuis mes dix-huit ans". Âgé de trente-et-un ans, le jeune homme parle avec plaisir de son métier. Il met en scène son travail avec des collègues sur les réseaux sociaux. "J'ai toujours eu la fibre sociale", dit-il en souriant. "J'aime raconter mon métier, montrer ce que je fais". Il est suivi par plus de dix mille personnes sur la plateforme Wasl'App. "Ça intéresse les gens".

Kahil poste régulièrement des shorts, des petites vidéos dans un format de quelques secondes ou quelques minutes, avec de la musique et des animations. "On popularise notre activité". Interrogé sur ce qui l'a amené à dégainer la caméra de son téléphone pour capturer des instants de la vie au travail dans le terminal gazier de Kuzeybeylik-3, l'un des centres d'expédition du gaz naturel vers le marché banairais, il met en avant son goût pour la pédagogie. "Mon patron m'a encouragé à continuer". Le petit succès des séquences filmées de soudure, de creusage, de paramétrage du réseau, ou encore de la pause déjeuner est plutôt bien vu par ses supérieurs. "Avec les ingénieurs, on forme comme une grande équipe". Partout, l'étoile noire du logo de PETRAZUR s'affiche ; sur les véhicules à bord desquels il se filme, sur le matériel. "Depuis l'arrivée de Bashir Sabarian à la tête du réseau, la compagnie favorise les initiatives pour communiquer auprès du grand public".

Le soir, après la journée de huit heures de travail, Kahil nous invite chez lui. C'est une maison de plein pied dans la banlieue de Kuzeybeylik, avec un petit jardin ; depuis la cuisine, aménagée dans un confort moderne, on voit l'arrosage automatique. "Mon épouse et moi-même avons planté des arbres fruitiers", explique-t-il. "Des grenadiers, pistachiers... Et un palmier-dattier !". Il nous montre le jeune arbre, promis à une croissance rapide qui le portera à trente, quarante mètres. "Ma femme est de Bascra. En tant qu'oasienne, elle ne s'imaginait pas de vivre loin d'un palmier", plaisante le jeune propriétaire, en référence à la fonction tutélaire du dattier dans le paysage de nombreuses régions de l'Azur, qui caractérise les vergers ombragés de l'agriculture traditionnelle.

Djemila pose devant nous, pour nous accueillir, un plateau de thé et de café, de tulumbas et surtout de kadayifs, fourrés au sirop et aux pistaches. "Tout est fait maison", déclare-t-elle. Dans le plaisir de la dégustation, le jeune couple nous explique qu'il s'est installé dans cette région, celle des parents de Kahil, à la fois pour des raisons personnelles et professionnelles. "Je compte faire toute ma carrière dans le secteur gazier", promet le jeune homme.

Cette maison, ce jardin, et la voiture de fonction que lui prête la compagnie nationale, ainsi que la place à la crèche pour les enfants et encore d'autres avantages, sont directement liés à sa profession. "PETRAZUR est sans doute la meilleure entreprise du pays", confirme Kahil. "Les syndicats fonctionnent bien en interne et avec la direction. On est très soutenus" par le comité exécutif de la compagnie, dont le Directeur-Général, Bashir Sabarian, assume la conduite. "Il est très engagé pour nous", confirme Kahil en assistant à une rediffusion télévisée d'une interview de son patron, donnée à un média national. À travers l'écran, le chef de la compagnie défend et argumente le projet gouvernemental, le Plan National de Développement Stratégique du Secteur Gazier, P.N.D.S.S.G., résumé en "Plan Gazier".

"On est des soutiens actifs. On est allés à plusieurs rallyes", annonce Kahil, qui nous en montre des photographies. On y voit une foule réunie avec des petits drapeaux, dans des grandes salles réservées par les soutiens du gouvernement. Des banderoles affichent des slogans, et le visage du Grand Vizir, Beylan Pasha, apparaît au premier plan. Parmi les invités, certains se succèdent sur une scène où ils tiennent quelques discours. Il y a aussi de la musique et, bien sûr, à boire et à manger.

"Tout est fait dans une bonne ambiance". À l'inverse de certains rassemblements écologistes, sur lesquels Kahil se montre critique : "je sais que dans certains cas, il y a eu des dégradations, comme des grilles défoncées et des voitures taguées". Il fait référence aux mobilisations d'opposants au Plan Gazier, qui se sont multipliées ces dernières semaines. "Il y a des gens qui sont contre le Plan Gazier, c'est incontestable. Mais il y a une majorité silencieuse qui le soutient". Il se compte dedans.

Quand on lui demande ce qui motive son engagement en faveur du projet, il répond immédiatement. "Je suis fier d'être gazier". Il désigne ses collègues, des "camarades". "Nous sommes le premier employeur industriel dans le pays", argumente-t-il en s'incluant à la compagnie qui l'emploie. "On est un leader économique et technologique. On est un symbole de l'Azur !" D'autres techniciens, interrogés plus tard, renchérissent. "C'est le secteur du gaz qui a tiré l'économie vers le haut depuis vingt ans. Il y a une reconnaissance à avoir pour les hommes et les femmes qui ont fait ça. Pour nous, adopter le Plan Gazier, c'est aussi une question de dignité".

"On voit que les chiffres de l'économie ne sont pas bons", continue Kahil ; "alors qu'on a un potentiel. Moi je dis, il faut y aller ! Je ne comprends pas que les politiciens soient aussi timorés" ; il fait référence à la décision du Sérail, sur demande du Conseil des Oulémas, d'accorder encore de longs mois de débats avant le vote du programme, qui se tiendra finalement en janvier 2017. "Pendant ce temps, on gèle des crédits budgétaires parce que l'économie n'avance plus aussi bien. Moi je comprend pas cette logique", dit-il à l'intention de ceux qu'il appelle "les écologistes radicaux", "de vouloir en permanence bloquer et rouspéter sur des projets qui servent l'intérêt général".

"J'ai toujours voté pour la Nahda", précise-t-il, "pour les élections générales. Aux syndicales je vote plutôt travailliste ou libéral, ça dépend", illustrant le flottement relatif des préférences corporatistes entre des partis d'opposition pour mieux faire entendre leur voix au Sérail. "J'ai un énorme respect pour Beylan Pasha. C'est lui qui nous soutient", confie-t-il en parlant du Grand Vizir, bientôt démissionnaire, et qui sera remplacé. Rashid Beylan al-Beylani devrait ainsi quitter son poste avant le vote du projet qu'il a élaboré. "C'est dommage, on aurait eu besoin de lui". Et qu'attend Kahil du prochain Congrès du Parti ? À cette occasion, un prochain Grand Vizir sera désigné. "Qu'on y voie plus clair", répond-il ; "en ce moment il y a une incertitude, un flottement". "Il faut adopter le Plan en l'état. Il est bien construit, bien pensé, on a de bons ingénieurs, les meilleurs au monde". Interrogé sur le profil qui a sa préférence, il botte en touche : "je ne suis pas adhérent, je ne connais pas bien les candidats possibles". "Je soutiendrais celui qui nous soutiendra !" Il éclate de rire.

En le saluant avant le dîner, il nous offre un paquets de petits bonbons uniques au terroir. L'Asarbeylik se déploie sur la route qui nous ramène en centre-ville ; au loin, les installations gazières luisent dans le couchant du soleil. Comme beaucoup ici, Kahil et sa famille dépendent entièrement de PETRAZUR, qui leur fait bénéficier d'un régime d'avantages unique en Azur. Fortement syndiqués, les ouvriers de la compagnie nationale disposent en particulier de droits de perception sur les bénéfices réalisées par l'entreprise, à travers ce qu'on appelle la prime Karagöz. Ce supplément au salaire, indexé sur les performances financières de la compagnie, a été mis en place dans les années 1995 par un ancien Grand Vizir, à la demande des syndicats et pour renforcer l'attractivité du métier. "La plupart des techniciens peuvent aujourd'hui se permettre un certain confort de vie grâce à cette prime", nous confie un haut cadre de PETRAZUR. "C'est un élément essentiel qui assure le maintien des compétences dans l'entreprise, ainsi que son prestige auprès du public". PETRAZUR serait ainsi, en comptant la prime Karagöz, "l'une des entreprises les plus redistributives d'Afarée". L'ingénieur nous indique que c'est là, peut-être, la raison du soutien apporté au Plan Gazier, de manière transverse à tous les camps politiques ; "c'est un fleuron national, peut-être une des seules valeurs que des travaillistes, des libéraux, des conservateurs ou des islamo-démocrates peuvent avoir en commun". "Si l'on ajoute à cela les arguments économiques, vraiment, défendre l'abandon du Plan Gazier devient un non-sens, une absurdité pour beaucoup de monde". Comme Kahil, ce haut cadre veut croire en l'existence d'une "majorité silencieuse" qui, d'ici 2017, saura faire valoir ses arguments pour l'avenir du projet.

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CONGRÈS DE LA NAHDA : Le conclave du parti califal commence aujourd'hui
Posté par Ali-Rezan Kahdan le 17.06.2016

majles chambre consultative

C'est en ce mois de Râmadan 1437 A.H. que devait se tenir le XXIIème Congrès ordinaire du Parti de la Renaissance Islamique, la Nahda ; un événement politique de première importance, très attendu par les observateurs politiques comme par la population, au regard des enjeux qui se présentent. C'est donc ce vendredi 17 juin 2016 que sont attendus à Agatharchidès les délégués des sections provinciales du Parti. Après avoir assisté à la prière dirigée par Son Altesse lui-même, les adhérents cadres se retrouveront au siège de la formation pour y tenir les discussions appelées par l'ordre du jour ; dans ce palais fermé aux regards, ils prendront les décisions cruciales sur lesquelles le Congrès est très attendu.

Quatre mille six-cent sept ; c'est le nombre de délégués qui devraient participer à la session de cette année. Représentant aussi bien les collectivités que les groupes locaux de militants, ils comptent également en leur sein des membres honoraires tels que les meneurs des principales confréries soufies du « Pacte Qadirien », liant depuis la Révolution de Safran les membres des associations spirituelles aux militants pour un régime politique islamique en Azur. L'ensemble de ces émérites personnages, dont une grande partie fait déjà partie des institutions (que ce soit par leur qualité d'élu dans les chambres régionales, de juriste reconnu, de député au Sérail ou d'ouléma membre du Majlis), sera réuni autour d'une procédure de consultation (shûra, selon le vocable coranique) pour faire émerger les meilleures décisions, résultant nécessairement de compromis bâtis à l'abri des pollutions que sont la médiatisation des questions conflictuelles et les influences numériques et médiatiques, trop souvent la norme dans bien d'autres pays à direction collégiale.

"La collégialité est dans l'acide désoxyribo-nucléique du Parti", rappelle Uthman Sheiri al-Anasi, porte-parole de la Nahda au sein du dernier Bureau politique. "Les décisions seront prises au consensus et devraient aboutir à une solution pérenne et durable, selon les méthodes d'analyse, de discernement et de méditation de notre tradition réflexive". De fait, la Nahda, ancrée dans les pratiques et l'histoire des mouvements soufis, intègre des mécanismes de raisonnement et d'interrogation des choix collectifs qui ont permis sa remarquable longévité à travers l'histoire. "Nous sommes le seul mouvement politique organisé qui fonctionne depuis plus d'un siècle et demi sans interruption", déclare al-Anasi, "et qui a l'expérience du pouvoir autant que de la dissidence contre la dictature". Une histoire qui fait la fierté des militants, rassemblés à Agatharchidès pour soutenir le processus du Congrès ; "la Nahda demeure la bonne voie pour l'Azur", estime Zayneb Mecerahi, qui représente une section de la composante jeunesse du Parti. "Nous avons la sagesse de l'Histoire, la piété en Dieu et en Ses Commandements, et le regard tourné vers l'avenir".

Qui sera le prochain Grand Vizir ?

Difficile cependant pour les adhérents de lire à travers les lignes, l'élite de la Nahda conservant jalousement le secret quant aux débats qui se tiendront en son sein pour désigner le prochain Grand Vizir. Quatre candidats sont sur la sellette : le Sheikh Nouri Takyeddin Bin Bayyah, un ouléma membre de la confrérie soufie Naqshbandiyya très implantée dans d'autres pays musulmans ; le Sheikh Ali Osman al-Idrisi, figure du petit parti ultraconservateur A.I.P.P. (Association Islamique pour la Paix et le Progrès) membre de la coalition gouvernementale de la Nahda ; Habib Taşdemir, actuel ministre de l'Intérieur et maire de Sijilmassa ; et enfin Jamal al-Dîn al-Afaghani, actuel ministre des Affaires étrangères.

"Al-Idrisi a beaucoup de qualités", concède un délégué, "mais il appartient à une autre formation politique, l'A.I.P.P. Ce sont nos alliés mais ils n'ont pas les mêmes orientations politiques que celles qui sont historiquement les nôtres". De fait, l'Association Islamique pour la Paix et le Progrès, née en 1981 d'une scission interne à la Nahda provoquée par une différence d'approche sur les questions sociétales et démocratiques, prône régulièrement une politique bien moins tolérante à l'égard des minorités confessionnelles. Le petit parti était d'ailleurs relégué à l'opposition jusqu'en 1997 ; "c'est le Calife lui-même qui a souhaité que la Nahda fasse à nouveau un pas vers les ultra-conservateurs". Néanmoins, c'est aussi l'un des enjeux du Congrès ; la ligne politique sera-t-elle infléchie ? "Le Calife veut tenir une position hégémonique sur l'ensemble des musulmans, dans une grande alliance réunissant réformateurs et conservateurs ; mais les adhérents pourraient cette année exprimer une voix différente". Ce qui est l'occasion de rappeler certains principes ; "la Nahda est un parti de doctrine sunnite, et en ce sens, aucun savant, même le Calife, n'est considéré comme infaillible. C'est la consultation des musulmans qui prime sur la volonté d'un seul, quand bien même il serait investi comme chef de la communauté". Le Congrès ira-t-il à l'encontre du projet califal de « grande alliance de tous les musulmans » ?

"Je pense que le Sheikh Takyeddin Bin Bayyah a le profil idéal pour Son Altesse", estime une élue du Mirobansar, venue à Agatharchidès pour participer à la session. "Mais bien sûr ça sera au Calife et au Congrès d'en convenir". Bin Bayyah, ouléma soufi de la Naqshbandiyya, est un des membres les plus estimés du Conseil des Oulémas, et qui fait l'unanimité de ses pairs ; "c'est un vrai spirituel, qui a les pieds ancrés dans la réalité du monde". "Il a un réseau particulièrement fort avec les musulmans de l'étranger, et il porte une voix sans conflictualité", ce qui pourrait lui attirer les faveurs du Congrès. Néanmoins, l'on tempère aussi la crédibilité de cette hypothèse ; "il est très lisse, on ne sait pas bien ce qu'il porterait politiquement". Par exemple, que penserait-il du Plan Gazier, ou encore de la liberté d'internet ? "Sur les questions concrètes, qui sont le coeur du métier de Grand Vizir, on attend moins un religieux qu'un politique". Les deux autres candidats retiennent davantage l'attention.


Vers un match Afaghani contre Taşdemir ?

"Nous ne sommes pas dans une compétition de football, de basket ou de je ne sais quoi, de curling canin ?" s'exclame avec humour Uthman Sheiri al-Anasi. "C'est une décision collégiale, qui vise à bâtir un consensus. Ce n'est pas un duel". Quoi qu'il en soit, les médias étrangers et les observateurs s'attendent quand même à de fortes discussions entre les deux profils hétéroclites qu'offrent Jamal al-Dîn al-Afaghani, réformateur et visage progressiste d'une part, et Habib Taşdemir, leader populaire aux accents conservateurs. Les deux hommes ont le mérite de bien connaître la réalité de la politique ; ils sont, l'un comme l'autre, membres du gouvernement sortant de Beylan Pasha.

"Afaghani est soutenu par le mouvement progressiste qui veut aller plus loin dans la libéralisation des moeurs et des règlements civiques", explique Fatima bint Faysal al-Mûr, doyenne de l'assemblée provinciale de Dariane, l'une des rares mais influentes femmes présentes au Congrès. "Il défendait, en 2008, un élargissement de l'alliance gouvernementale avec les Hindous de Nand Sangh". La question de l'ouverture aux Hindous est depuis longtemps un point d'achoppement au sein du mouvement islamique ; cette religion, qui ne fait pas du tout partie de la tradition abrahamique, est, selon certains opposants, "marginalisée" et "discriminée". Depuis les années 2000, le parti de la secte Sâti, hindouiste et millénariste, rafle la majorité des voix de la communauté essentiellement concentrée dans les grandes villes de la grande province du Mirobansar. "Afaghani veut leur tendre la main". Serait-ce une bonne idée ? "D'un point de vue électoral, ce serait, je pense, souhaitable. Mais il faut s'assurer que notre doctrine est toujours fidèle aux enseignements du Coran, qui ne reconnaît qu'un seul Dieu, celui d'Ibrahim". "Afaghani espère faire avec les Hindous ce qui a été réussi avec les Chrétiens et les Juifs ; les intégrer au mouvement national". Une question qui, loin de faire l'unanimité, pourrait compromettre ses chances.

"Contrairement à Taşdemir, Afaghani a une position lisible sur la question du Plan Gazier" qui préoccupe l'opinion, selon un observateur. "Dans les années 90, il a beaucoup écrit sur les questions environnementales, et l'écologie est pour lui un sujet majeur". En argument de cette supposition, il rappelle que le Ministre des Affaires étrangères est à l'origine d'une doctrine maritime azuréenne qui intègre les préoccupations pour la biodiversité et la durabilité de l'exploitation des ressources. Cependant, il n'a jamais pris position officiellement sur le Plan Gazier...

"Taşdemir est aussi embarrassé que les autres sur cette question", contre-attaque une jeune militante qui espère voir Afaghani plébiscité par la Nahda. "Depuis que les oulémas ont mis un coup d'arrêt aux ambitions gazières de PETRAZUR, personne ne sait plus sur quel pied danser". Un soutien du maire de Sijilmassa tempère ces propos : "Contrairement à Afaghani, Taşdemir sait parler au peuple" ; de fait, c'est le seul des quatre candidats éligibles qui occupe actuellement un mandat électoral, et c'est le seul qui se soit soumis au suffrage des urnes dans sa carrière. "Sa force de caractère donnerait un élan formidable au parti dans les échéances électorales qui s'annoncent". De fait, les élections municipales et provinciales qui arrivent l'année prochaine seront l'occasion de tester la résilience du Parti de la Renaissance Islamique. "L'objectif, c'est de contrôler toutes les provinces". Un Grand Vizir soutenu par une majorité d'électeurs azuréens renforcerait également la solidité et la pérennité des politiques qu'il mettrait en oeuvre.

Au-delà des personnes, le projet de la Nahda est à redéfinir

"La Nahda doit évoluer", explique Son Excellence le Vénérable Sheikh Murad Hama al-Kaysari, le Président du Conseil des Oulémas, dans son propos introductif du Congrès avant le début des discussions en tables rondes qui seront fermées à la presse. "Les décisions que nous devons prendre doivent être ancrées dans la réalité qu'expérimentent les musulmans, que traverse l'islam". De fait, le possible successeur de Kubilay al-Marwâni Ibn Sayyid à la fonction califale (c'est du moins la rumeur qui se tient régulièrement) appelle les membres du Congrès à "élargir le spectre de leur vision et de leur entendement" au-delà d'une simple bataille politicienne. Il adresse les grands sujets de préoccupation qui sont à l'ordre du jour, insistant sur "la pérennité de l'ordre social islamique", challengée par les nouvelles idées ultra-progressistes comme par "le risque d'une brisure entre les composantes de la société", attisée par "des idéologies étrangères à l'islam et à l'Azur" ; citant "l'ultra-productivisme industriel aux dépends de la collectivité" et "l'hyper-individualisme contre l'intérêt de la Oumma", il fait le voeu que le Congrès aboutisse à une réactualisation des principes de base du Parti. "Renforcer l'unité" et "hisser les forces collectives à un niveau plus haut" sont selon lui les priorités du prochain gouvernement.

"On s'attend notamment à une redéfinition de la doctrine de défense", concrétise un expert. "L'Azur a aujourd'hui une force de frappe et de dissuasion qui doit être insérée avec prudence et astuce dans le système de souveraineté". Sur un autre plan, il est question de l'économie. "De toutes évidences, c'est le chantier principal du prochain Grand Vizir". Pour cet observateur, "c'est une question complexe qui n'est pas sans lien avec les dossiers diplomatiques et stratégiques". Le Congrès devrait être l'occasion de "passer en revue les alliances et les partenariats de notre pays" pour adapter la politique internationale à la politique intérieure ; "il faut harmoniser le discours qu'on tient à l'extérieur avec celui qu'on tient aux acteurs internes". Sans quoi, selon certains, "la Nahda risquerait de traîner des difficultés pour plusieurs années."

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POLITIQUE : Afaghani nommé Grand Vizir à l'issue du Congrès
Posté par Cemil Sanli le 05.08.2016 à 19h35

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« C'est une nouvelle ère qui s'ouvre. » Dithyrambiques, les soutiens du candidat réformateur au vizirat ont accueilli l'annonce de la nomination de leur champion, faite en direct à la télévision, avec une joie débordante. En fin d'après-midi, le Secrétariat Général du Calife, s'exprimant depuis la résidence califale de la Mosquée des Etoiles, a annoncé dans une déclaration « la décision de Son Altesse de nommer Son Excellence le Ministre des Affaires Etrangères à venir exercer, auprès de lui, la conduite du Diwan. » Conformément à la procédure de la théocratie constitutionnelle, cette décision a été justifiée par « la confiance du Parti de la Renaissance Islamique qu'a recueilli Jamal al-Dîn al-Afaghani. » Dans une prise de parole clôturant le XVIIème Congrès de la Nahda, le Président du Conseil des Oulémas, Murad Hama al-Kaysari, a même tenu à « féliciter Son Excellence le candidat officiel du Parti pour son investiture. »

L'heureux titulaire du précieux sésame s'apprête donc à devenir, ce mois-ci, le nouveau Grand Vizir de l'Azur. Il succède à Rashid Beylan al-Beylani Pasha, à la tête de la Porte depuis 2008. « De très fortes attentes pèseront sur les épaules du prochain chef du gouvernement », confirme Aran al-Masîr, un conseiller et très proche de Jamal al-Dîn al-Afaghani. « Son Excellence en a tout à fait conscience, et il y répondra à travers son discours de politique générale. » Interrogé sur les prochaines annonces, le conseiller a cependant préféré garder la surprise. « Il est trop tôt pour dire ce que le prochain Diwan mènera comme action concrète », juge-t-on à la Nahda, bien que des résolutions importantes aient été prises à l'occasion du XVIIème Congrès.

La diplomatie, plus que jamais au coeur du programme gouvernemental ?

En tant que Ministre des Affaires étrangères, poste qu'il a occupé sans discontinuité depuis 2001, le nouveau titulaire du vizirat a indéniablement une fibre diplomatique inédite pour la fonction. « Beylan Pasha n'était pas très intéressé par les affaires internationales », reconnaît un délégué de la Nahda au Sérail, fin connaisseur de la politique gouvernementale depuis plusieurs années. « Sur une série de sujets, comme le pan-afaréisme, le pan-islamisme ou l'anti-colonialisme, les lignes devraient considérablement bouger. » « Beylan Pasha modérait régulièrement les aspirations charismatiques de son ministre », observe Alisha Morsadeg, politologue spécialisée dans l'étude des régimes d'Afarée orientale. « En tant que représentant du centre du Parti, il préférait une orientation plus consensuelle au sujet des relations internationales. » Une politique de modération, essentiellement cantonnée à « un dialogue somme toute superficiel » avec d'autres Etats de tous continents et de toute idéologie, comme le critique Selma Osmanzade, présidente du parti d'opposition de gauche écologiste Les Verts, et de fait leader de l'opposition parlementaire représentée par l'Alliance démocratique. « Il est probable que la neutralité affichée par l'Azur sur une série de sujets va changer », estime un délégué du Parti libéral ; « et sans doute radicalement. »

Vers une ère de réformes ?

« Le mandat de Beylan Pasha s'est achevé dans le doute et les incertitudes », rapporte un membre de la Nahda, le parti islamo-constitutionnel au pouvoir. De fait, faisant face à un recul de la croissance économique datant de plusieurs années, le Diwan avait pris l'initiative d'une relance par le développement de la production d'hydrocarbures, en particulier du gaz de schiste ; une initiative retoquée face au scepticisme des parlementaires, et surtout des oulémas, qui avaient manifesté leurs doutes sur le projet. « Le Plan Gazier est vraiment sur la sellette », nous explique un fonctionnaire sortant du Ministère du Développement ; « des conclusions très dures à l'égard du programme ont été adoptées par le XVIIème Congrès de la Nahda. » Si le projet d'extractions d'hydrocarbures est suspendu, comment Jamal al-Dîn al-Afaghani fera-t-il face à la situation économique ? « Afaghani s'est souvent illustré en mettant en avant des thèmes comme l'écologie ou l'économie maritime. » Jugé proche de certains acteurs comme le Grand Kah, on soupçonne aussi sa volonté d'« imiter une certaine frénésie économique » kah-tanaise par l'investissement dans des secteurs inédits. Mais dans tous les cas, « l'enjeu actuel, c'est de trouver des capitaux. »

Le nouveau Grand Vizir inaugurera-t-il une politique radicalement différente de celle de son prédécesseur ? On le savait critique d'un certain nombre de « fixations obsessionnelles » et de l'« inertie maladive » du Califat constitutionnel, dénoncées dans les années quatre-vingt-dix ; ces critiques lui avaient à l'époque attiré l'inimité de l'aile conservatrice du Parti. Pourra-t-il changer les lignes sur un certain nombre de sujets ? « Pour développer les technologies numériques, les médias, et la liberté d'expression, certains pas ont déjà été franchis », rappelle un observateur politique proche de Beylan Pasha, mentionnant notamment l'autorisation du réseau social Wasl'App en Azur, aujourd'hui utilisé par plus de vingt millions d'internautes. « Des attentes existent aussi dans certaines communautés, chez les Hindous, les Perses ou les membres des minorités sexuelles. » Ces groupes sociaux, traditionnellement acquis à l'aile réformiste de la classe politique, verront-ils leurs espoirs confirmés par de prochaines annonces gouvernementales ?

Le vrai pouvoir appartient toujours au Calife

« Afaghani a été nommé », rappelle un ouléma influent au Majlis. « Un gouvernant, ça se congédie aussi facilement. » On met déjà en avant, dans certains milieux conservateurs, que si le candidat progressiste a effectivement obtenu l'investiture des adhérents du Parti, c'est « la seule confiance du Calife qui fonde sa légitimité à gouverner. Perdre sa confiance, ce sera perdre toute légitimité » selon ces tenants d'une ligne dure favorable à une application plus stricte de la loi religieuse et de l'ordre social. Interrogés sur une possible ouverture du Commandeur des Croyants à l'égard du mouvement réformateur, ces militants balaient l'hypothèse : « Si Son Altesse l'a choisi, ce n'est pas pour mettre fin à l'ordre islamique. » Les relations entre les deux hommes seront à suivre de près : elles conditionneront les marges de manoeuvre sur lesquelles celui qu'il faut désormais appeler Afaghani Pasha pourra compter durant son temps au vizirat.

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