09/07/2016
02:43:30
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Activités étrangères en Pravoslavnyy - Page 2

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La chambre d'hôtel avait cette odeur universelle de désinfectant bon marché et de regrets anonymes. Dehors, la pluie drue de Stevograd lavait les façades grises et se mêlait au chuintement lointain mais persistant des sirènes. Une seule lampe, coiffée d'un abat-jour couleur parchemin taché, éclairait la scène. Sur une table en formica ébréchée, l'assistant personnel modifié de Klein projetait une faible lueur ambrée sur son visage tandis qu'il déchiffrait un flux continu de symboles sibyllins. Mme Breen, assise sur le bord du lit au couvre-lit élimé, observait sans expression une chaîne d'information nationale sur une petite télévision portable ; le présentateur débitait avec un enthousiasme forcé des nouvelles sur les quotas de production agricole, ignorant superbement les échos de chaos qui montaient de la rue.

Klein éteignit l'écran de son appareil d'un geste las. « Confirmation de l'ornithologue, » dit-il, sa voix neutre. « Nid vide. Aucun mouvement significatif de la Cible principale détecté aux abords de la Cour Royale depuis... Eh bien, depuis que les rumeurs ont commencé à courir les pavés comme des rats affamés. Plus de trois semaines maintenant, si le calendrier profane a encore un sens. »

Il alluma une autre de ses fines cigarettes, l'écran éteint reflétant la petite flamme dans ses lunettes. « Parallèlement, le théâtre politique local s'emballe dans une improvisation assez spectaculaire. Dissolution du Sénat – un organe déjà largement décoratif, certes, mais le symbole est fort. Fermeture quasi totale des frontières, puis rétropédalage partiel sur les ports après la démonstration navale Velsnienne. Une valse diplomatique sous la menace qui manque singulièrement de grâce. »

Il tira une bouffée. « Ajoutez à cela des expulsions massives de "non-conformes", selon la nouvelle terminologie, une répression brutale des manifestations qui grondent maintenant avec une participation notablement accrue, et couronnée par cette rumeur insistante : notre Tsar est aux abonnés absents. Évanoui dans la nature, pour ainsi dire. »

Breen détourna enfin les yeux de l'écran de télévision où un chœur d'enfants en uniforme chantait les louanges du travail manuel. « Disparu, Klein ? Ou caché ? » Sa voix était basse, directe. « Cela rend notre plan initial obsolète. N'est-ce pas ? »

« Obsolète est un terme charmant pour "totalement impraticable", ma chère Breen, » répondit Klein avec un soupçon d'ironie lasse. « Notre chorégraphie minutieuse supposait un danseur principal présent sur scène. Or, la scène est en plein chaos, les machinistes se battent en coulisses, et la vedette s'est volatilisée. Bunker sécurisé ? Retraite stratégique dans une datcha oubliée ? Séjour imprévu dans les caves d'une faction rivale de l'armée ou de nos amis de la pègre locale, désormais fort contrariés par les aléas du commerce transfrontalier ? » Il fit un geste vague vers la fenêtre striée de pluie. « Les hypothèses fleurissent comme du chiendent sur une tombe fraîche. »

« Ce chaos, » dit Breen, son regard fixant à nouveau Klein, intense. « Est-ce une opportunité ? Une diversion ? »
C'est la question à vingt mille crédits, n'est-ce pas ? » Klein écrasa sa cigarette dans un cendrier en verre épais qui portait encore le logo délavé de l'hôtel. « Le bruit ambiant pourrait masquer nos activités. Les forces de sécurité sont certainement distraites, occupées à jouer du gaz lacrymogène et de la matraque contre leur propre population. Mais ce même bruit rend toute information fiable aussi rare qu'un politicien honnête. Et le risque d'être balayé par une vague imprévue – une intervention étrangère plus musclée, une escalade soudaine des violences, un couvre-feu draconien – est exponentiellement plus élevé. C'est un marécage, Breen, pas une couverture nuageuse. »

Il se leva et fit quelques pas dans l'espace confiné de la chambre. « La directive initiale était claire : extraction. Mais extraire une cible dont la localisation actuelle relève de la conjecture est... Inélégant. Pour rester poli. Devons-nous passer en phase de localisation active ? Cela demande d'autres ressources, d'autres méthodes. Plus intrusives. »

Il s'arrêta devant la fenêtre, regardant la pluie laver les néons criards d'un bar de l'autre côté de la rue. « Quelle est la position de la Firme ? Le contrat tient-il toujours dans ces conditions ? Notre cliente, Innochka Temiasna, a-t-elle été informée de ce... Contretemps scénique ? Doit-elle ajuster ses attentes, voire la nature de sa requête ? »

Mme Breen ne répondit pas immédiatement. Elle ouvrit sa mallette d'équipement posée sur le lit et vérifia, avec une lenteur délibérée, le mécanisme d'une des pièces métalliques qu'elle avait assemblées plus tôt. Le léger clic métallique fut la seule réponse pendant un long moment.

« Il nous faut savoir où il est, » dit-elle enfin, simplement, en refermant la mallette. Son ton n'admettait aucune discussion. Que ce soit pour une extraction, ou pour autre chose, la première étape était redevenue la chasse.

Klein acquiesça lentement. « Très bien. Re-localisation active. Activons les réseaux dormants. Concentrons l'analyse sur les communications internes interceptées, même fragmentaires. Et espérons que notre Cible, où qu'elle soit, ait la courtoisie de laisser une trace, même infime, avant que ce pays ne s'effondre complètement sur lui-même comme un château de cartes sous l'orage. »

Il retourna vers son assistant personnel. L'incertitude flottait dans l'air vicié de la chambre, lourde et chargée d'électricité statique, comme l'atmosphère avant un violent orage d'été. Soudain, Mme. Breen se leva du lit, et fit claquer ses mains l'une contre l'autre.

« Il va leur falloir des heures pour nous trouver une infos. Sortons ! »

Klein n'opposa aucune résistance.

Dehors, le vent froid de Pravoslavnyy, chargé d'une humidité persistante et de l'âcre puanteur chimique des gaz lacrymogènes, fouettait le coin de la rue où ils s'étaient postés. À une centaine de mètres, la Place Royale était un chaos maîtrisé : des lignes sombres de policiers anti-émeute casqués faisaient face à une foule dense et agitée, brandissant des pancartes improvisées et scandant des slogans vite étouffés par le vacarme. Les jets puissants des canons à eau dessinaient des arcs sinistres dans l'air gris, repoussant violemment ceux qui s'aventuraient trop près. Des détonations sourdes ponctuaient la cacophonie – grenades lacrymogènes, ou peut-être autre chose.

Mr. Klein, emmitouflé dans un trench-coat un peu trop élégant pour le climat ou l'occasion, observait la scène par-dessus le col relevé, ses yeux plissés analysant les mouvements de la foule et la disposition tactique des forces de l'ordre. À ses côtés, Mme. Breen, portant un chapeau cloche légèrement démodé qui lui cachait une partie du visage, semblait moins absorbée par la stratégie que par le cornet de glace à la vanille qu'elle léchait avec une application méthodique et surprenante.

La vue d'une glace à la vanille – d'une blancheur presque insolente au milieu de ce tumulte gris et violent, par ce temps qui mordait les doigts – avait quelque chose de profondément absurde. Klein jeta un regard à sa partenaire.

« De la vanille, Breen ? » demanda-t-il, sa voix à peine audible par-dessus le brouhaha. « Un choix optimiste, considérant la température ambiante et l'ambiance générale. »

Elle ne lui lança pas un regard, aussi fronça-t-il les sourcils avant d'insister :

« Où diable avez-vous déniché cela ? »

Mme. Breen se contenta de hausser légèrement les épaules, sans cesser de lécher sa glace, son regard balayant la foule et les forces de l'ordre avec une curiosité calme, presque clinique. Elle ne semblait pas voir la contradiction. Pour elle, apparemment, il y avait une manifestation, et il y avait une glace. Les deux coexistaient.

Klein laissa échapper un mince filet de fumée de sa cigarette qu'il avait réussi à allumer malgré le vent. Il replongea son regard dans le chaos organisé de la place. Les charges policières, les jets d'eau, les nuages de gaz qui dérivaient lentement vers eux, les cris de colère et de peur. Tout cela avait un air de déjà-vu.

« Cela me rappelle étrangement l'Amythie, » reprit Klein, plus pour lui-même que pour Breen. « Lors de cette affaire pour le Grand Kah... Vous souvenez-vous ? La même ferveur désordonnée dans la foule, la même réponse prévisible des autorités. Différents uniformes, différentes banderoles, mais la musique de fond est identique. Une sorte de ballet cyclique. Et épuisant » Il marqua une pause, observant une charge particulièrement brutale repousser un groupe de manifestants près d'une statue équestre ternie. « Ils finiront par se fatiguer, les uns comme les autres. Ou alors, quelqu'un fera une erreur plus grave que les autres. C'est toujours ainsi que ça se termine. »

Mme. Breen termina sa glace, jeta le cornet vide dans une poubelle débordante sans un regard, et rajusta son chapeau. Elle souriait vaguement : l'Amythie faisait partie de ses opérations favorites. On l'avait alors autorisée à procéder à sa guise, c'est à dire avec beaucoup de violence. Son attention était maintenant entièrement tournée vers les lignes de policiers, évaluant peut-être leur équipement, leur discipline, leurs points faibles. Cette fois, et cette pensée eu un impact non-négligeable sur sa bonne humeur naissante, on ne la laissait pas simplement tirer sur la cible.

Ils restèrent là encore un moment, deux touristes improbables sur le seuil d'une révolution ou d'une répression sanglante, observant le spectacle avec le détachement du public dans sa loge. Ils n'étaient pas venus chercher des informations précises. Non. Ils souhaitaient tâter le pouls fiévreux de la ville, évaluer la température du chaos. Comme le spectacle atteignait sa fin, ils quittèrent les lieux.

Le goût sucré et froid de la vanille s'était dissipé depuis longtemps, remplacé par l'amertume persistante du gaz lacrymogène qui s'accrochait encore aux vêtements. Cette odeur formait un mélange assez désagréable avec le vieux plastique et la poussière de la chambre d'hôtel anonyme, où étaient retournés les deux agents.

Un message codé, transmis via un canal sécurisé mais notoirement lent, arriva enfin. Il provenait d'un contact prudent, qui avait des accès limités aux archives administratives via une connaissance dans les services d'entretien du Palais. Le message, une fois décrypté par Klein sur son assistant personnel dont l'écran ambré semblait la seule source de lumière stable dans la pièce, était laconique et frustrant : « Mouvements inhabituels archives logistiques personnelles. Convois annulés. Personnel clé (voir liste) en congé maladie prolongé ou "réassigné". Pas de trace visuelle ou documentaire de la Cible principale depuis référence date. Rumeurs internes contradictoires : retraite sécurisée nord / inspection militaire imprévue ouest / état de santé critique. Censure médiatique totale effective. »

Klein laissa échapper un grognement léger, plus proche d'un rouage grippé que d'une expression humaine. « Admirablement vague, » murmura-t-il. « Il pourrait être n'importe où, ou nulle part. En congé maladie... Ou emballé dans un tapis dans une cave gouvernementale. La précision de nos sources internes s'évapore comme la rosée sous ce soleil de suie. »
J'aimerais bien emballer un Tsar dans un tapis, signala Mme Breen, ce qui arracha un hochement de tête à Breen.
Avec un peu de chance, dans les prochains jours... »

Pendant ce temps, dans les rues moins surveillées mais tout aussi tendues, une opératrice avait tenté une approche plus directe. Utilisant ses talents pour se fondre dans la peau d'une fonctionnaire subalterne paniquée, elle avait essayé d'accéder à un bureau des communications internes dans un bâtiment annexe, espérant intercepter ne serait-ce qu'une bribe de directive ou un ordre de déplacement concernant le Tsar. L'échec fut rapide et sec. Son rapport, indiquait "Porte Fermée - Niveau de Sécurité Accru Inattendu". Une autre tentative d'accéder à un réseau de communication gouvernemental, supposé obsolète, via une jonction dans les anciens tunnels du métro s'était heurtée à un contre-brouillage agressif et inattendu.

Frustré, Klein se tourna vers des méthodes moins orthodoxes. Sur l'écran de son assistant, il ne consultait plus seulement les flux de données cryptées, mais aussi les forums marginaux de la dissidence locale, les blogs censurés accessibles via des relais tortueux, les analyses sémantiques des rares communiqués officiels qui parvenaient à filtrer. Il cherchait des motifs, des répétitions, des absences significatives dans le discours public. Il recoupait les rumeurs les plus folles colportées par les manifestants – le Tsar réfugié dans une base secrète sur une île du nord, le Tsar victime d'une purge interne par sa propre garde, le Tsar en négociation secrète avec la Mafia.

« C'est comme lire l'avenir dans des entrailles de poulet avarié, » commenta-t-il à l'adresse de Mme Breen, qui s'était allongée sur le lit. « Trop de bruit, trop de fumée. Chaque rumeur en contredit une autre. La seule constante est sa disparition des radars officiels. Est-ce délibéré ? Une manœuvre pour purger ses propres rangs ou pour débusquer ses ennemis ? Ou est-ce simplement une absence ? On dit l'homme fou à lier. »

Il consulta une dernière source : un message succinct d'un contact qu'il surnommait le charognard, vivotant dans les marges de la société ste vogradoise, collectionnant les secrets comme d'autres collectionnent les timbres. Le message parlait d'une activité accrue autour d'une vieille résidence fortifiée à l'extérieur de la ville, anciennement utilisée par des dignitaires de l'EPCS. Intéressant, mais non vérifié. Une piste de plus dans un labyrinthe de fausses pistes potentielles.

La difficulté n'était pas seulement l'absence de la cible, mais la désintégration rapide de l'environnement opérationnel. Opérer dans un État stable avec une sécurité forte était un défi. Opérer dans un État en pleine crise, où la sécurité était à la fois renforcée et potentiellement chaotique, où l'information était une denrée rare et souvent empoisonnée, et où la cible elle-même avait disparu... C'était un tout autre jeu. Un jeu que la Firme savait jouer, certes, mais dont les règles changeaient à chaque instant. La frustration était palpable, aussi épaisse que la fumée de cigarette de Klein qui stagnait dans la petite chambre. Il fallait une nouvelle approche, ou un coup de chance. Et la Firme n'aimait pas compter sur la chance. Il se leva soudainement.

« Je sors. Tu as une heure à tuer. »

Breen leva un pouce approbateur puis laissa son bras retomber sur le lit. Son associé acquiesça, et quitta les lieux. Dès que la porte de la chambre d'hôtel se referma derrière Klein avec un déclic feutré, l'atmosphère changea subtilement. Le silence n'était plus celui de l'attente tendue, mais celui d'une concentration intérieure intense. Mme Breen se leva du lit, ses mouvements fluides et économiques. Elle ne perdit pas un instant. De sa mallette, elle sortit non pas les pièces métalliques froides et fonctionnelles de son arme, mais d'autres objets, plus personnels, plus étranges.

D'abord, un petit brûle-encens en bronze terni, aux motifs géométriques complexes et usés par le temps. Elle y plaça un cône d'encens sombre, presque noir, dont l'odeur, une fois allumé par une allumette crépitante, emplit rapidement la petite pièce. Ce n'était pas un parfum floral ou apaisant, mais quelque chose de sec, de terreux, évoquant la poussière de tombes millénaires et le métal rouillé, avec une sous-note vaguement métallique et sucrée qui picotait les narines. L'air sembla s'épaissir, la lumière de la lampe unique paraissant se recroqueviller sur elle-même.

Ensuite, elle sortit avec une précaution presque révérencieuse une petite statuette enveloppée dans un chiffon de soie noire. L'objet lui-même, une fois dévoilé, était déconcertant. Taillé dans une pierre d'un noir huileux et non identifié, il représentait une forme vaguement humanoïde, mais aux proportions tordues, aux membres multiples et anguleux, et à la tête lisse, dépourvue de traits, à l'exception d'une unique fente béante qui semblait absorber la faible lumière ambiante. L'usure de la pierre suggérait une antiquité immense, et la forme elle-même dégageait une impression de... faim. Une faim froide, patiente, géométrique. Klein, s'il avait été là, aurait peut-être noté une vague ressemblance stylistique avec certains artefacts pré-islamiques oubliés du monde arabe, ces idoles que le Prophète lui-même aurait fait retirer de la Kaaba, jugées trop anciennes, trop... Autres. Breen posa la statuette sur la table de nuit, orientée vers le centre de la pièce.

Ce préambule terminé, elle retourna à sa mallette et en sortit les composants de son arme de prédilection – un fusil d'assaut compact, modifié pour un équilibre parfait et une signature sonore minimale. Méthodiquement, avec des gestes précis et rapides qui trahissaient une familiarité absolue, elle assembla l'arme. Chaque clic des pièces s'emboîtant était net, définitif, dans l'air chargé d'encens. Une fois l'arme assemblée, elle ne la posa pas. Elle sortit une petite fiole d'huile sombre et épaisse, à l'odeur rappelant l'encens mais avec une note plus âcre, presque sanguine. Avec l'index, elle appliqua une goutte minuscule d'huile à trois endroits précis de l'arme : sur le percuteur, juste avant le mécanisme de détente, et sur la bouche du canon. Trois points, comme une bénédiction inversée.

Puis, sans hâte, elle commença à se dévêtir. Ses vêtements – le chapeau cloche, le manteau strict, la robe simple – furent pliés avec le même soin méthodique qu'elle accordait à son équipement et posés sur le fauteuil. Nue, dans la lumière ambrée et enfumée, sa peau pâle semblait presque luminescente. Elle reprit la fiole d'huile rituelle. Cette fois, elle en versa une quantité plus généreuse dans sa paume et commença à l'appliquer sur son propre corps. Avec des gestes précis et mécaniques, elle traça une ligne descendant le long de sa colonne vertébrale, un triangle tracé sur sa poitrine, juste au-dessus du cœur, et des cercles sur la paume de chaque main et la plante de chaque pied. L'huile laissait une odeur pestilentielle.

Elle se tint alors immobile au centre de la petite pièce, face à l'idole noire sur la table de nuit. Ses yeux étaient fermés, sa respiration lente et régulière. Pendant un long moment, rien ne se passa. Seul le filet de fumée de l'encens montait en volutes paresseuses. Puis, un léger tremblement commença dans ses doigts. Presque imperceptible au début, il s'intensifia rapidement, remontant le long de ses bras. Ses paupières s'ouvrirent d'un coup, mais ses yeux étaient révulsés. Un spasme secoua ses épaules. Sa mâchoire se serra.

Avec une vitesse surprenante, elle attrapa un morceau de tissu épais posé à proximité et se le fourra brutalement dans la bouche, le mordant à s'en faire blanchir les lèvres. Le moment était bien choisi. À peine le bâillon fut-il en place qu'un son étranglé, mi-ricanement mi-gémissement, tenta de s'échapper de sa gorge. Son corps se cambra violemment, ses muscles se tendant à l'extrême. Les tremblements devinrent des convulsions frénétiques. Elle tomba lourdement sur le tapis élimé, son corps se tordant comme sous l'effet d'une décharge électrique.

Ses mains griffèrent l'air, puis ses propres bras, son corps, laissant de longues marques rouges sur la peau pâle. Ses jambes frappaient le sol dans un rythme irrégulier et spasmodique. Des sons horribles, étouffés par le bâillon, emplissaient la pièce – des hoquets, des grognements, des fragments de rires hystériques qui se brisaient en sanglots rauques. Sa colonne vertébrale semblait vouloir se rompre sous la tension des arcs qu'elle décrivait. Elle se heurta contre les pieds du lit, contre la table basse, sans paraître enregistrer la douleur, possédée par une force intérieure qui la broyait et la refaçonnait. La crise dura longtemps, une éternité contenue dans quelques minutes effroyables, son corps entier secoué de spasmes violents, ses yeux révulsés fixant un point invisible au plafond, ou peut-être bien au-delà. La petite idole noire semblait observer la scène depuis la table de nuit, impassible, sa fente muette absorbant l'énergie frénétique de la pièce.

Puis, aussi soudainement qu'elle avait commencé, la crise cessa. Son corps retomba sur le tapis, inerte, parcouru seulement de légers frémissements résiduels. Sa respiration était haletante, sifflante autour du bâillon. Elle resta ainsi un long moment, les yeux toujours révulsés. Lentement, très lentement, la conscience sembla revenir dans son regard. Ses pupilles redescendirent, fixant le plafond avec une lucidité nouvelle, terrible. La tueuse à gage retira le bâillon trempé de salive et le laissa tomber sur le tapis. Elle se redressa avec souplesse son corps nu portait les stigmates rouges de ses propres griffures, mais son visage n'exprimait ni douleur, ni fatigue. En fait, ses yeux brillaient d'une énergie intense et calme.

Sans précipitation, elle retourna vers la table de nuit, éteignit l'encens, rangea la statuette noire dans son chiffon de soie et la remit dans sa mallette avec les autres objets rituels. Elle ramassa le bâillon et le fit disparaître également. Elle ouvrit la fenêtre pour aérer la pièce puis elle se dirigea vers la salle de bain attenante. Le bruit de la douche se fit entendre pendant plusieurs minutes.

Lorsqu'elle en ressortit, une serviette nouée autour d'elle, elle semblait complètement transformée. Les marques sur sa peau s'estompaient déjà. Son visage était calme, ses yeux clairs et vifs. Elle s'habilla rapidement, remplaçant ses vêtements stricts pour un costume androgyne permettant une plus grande gamme de mouvement Elle vérifia son reflet dans le miroir terni au-dessus de la commode, se passa une main dans les cheveux, puis se tourna vers le fusil d'assaut qu'elle avait laissé sur le lit.

Elle le prit, vérifia le chargeur, l'arma avec un geste précis, puis le désarma aussitôt et le reposa. Elle alla ensuite vers la fenêtre et regarda la pluie qui continuait de tomber sur Stevograd. Un léger sourire étira ses lèvres. Elle était d'excellente, humeur. Radieuse, même. Le chaos extérieur, la disparition du Tsar, les manœuvres des flottes étrangères... Ce n'était en fait que du bruit de fond. La solution était devenue évidente, simple, pure.

Elle attendrait le retour de Klein. Et elle lui expliquerait son point de vue, calmement, avec la certitude que seule une descente aux enfers personnelle pouvait conférer : pourquoi se fatiguer avec les complexités d'une extraction dans ce bourbier ? Pourquoi risquer une interception, une trahison, un échec public ? La cible était devenue un nœud de problèmes gordiens. Et certains nœuds ne demandaient pas à être défaits, mais tranchés. Autant entrer dans le palais – ou où que puisse se terrer le Tsar – et tuer. Proprement. Définitivement. C'était tellement plus élégant.
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La petite télévision portable, posée sur la commode bancale, crachotait des images hachées et pleines de parasites. Un reporter au visage blême, visiblement terrifié mais s'efforçant de maintenir un semblant de professionnalisme journalistique, tentait de décrire la scène derrière lui : une marée humaine pressée contre les grilles dorées mais maintenant tordues de la Cour Royale, des panaches de fumée noire s'élevant paresseusement dans le ciel bas et gris, le son distinctif mais lointain de tirs automatiques sporadiques. Les chaînes officielles étaient muettes ou diffusaient des opéras patriotiques d'un autre âge. L'information brute, non filtrée, venait des réseaux sociaux locaux, des bribes de transmissions radio interceptées et des murmures affolés qui parvenaient même jusqu'à leur refuge anonyme.

« Ainsi donc, » constata Klein, éteignant la télévision avec la télécommande après un dernier flash montrant des hommes en civil armés de fusils de chasse se joignant à la foule devant le palais. « Le patient était simplement fiévreux, il est maintenant en pleine convulsion. La Cible est localisée, certes, mais dans une cage dorée assiégée par cinquante mille geôliers potentiels fort peu enclins à la négociation. Ironique, après des semaines à chercher une aiguille dans une botte de foin bureaucratique. »

Il se tourna vers Mme Breen, qui se tenait près de la fenêtre, observant non pas le chaos lointain mais le ballet précis d'un couple de pigeons sur le rebord d'en face, son calme extérieur imperturbable contrastant violemment avec l'urgence de la situation. Depuis son rituel, elle dégageait une énergie vibrante, contenue mais palpable, comme un ressort tendu à l'extrême.

« Le plan "Retour à l'Envoyeur" est, disons, compromis, » continua Klein, allumant une cigarette avec un geste précis. « Tout comme l'option "Souterrain Non Répertorié", à moins que nous n'ayons envie de déboucher au milieu d'une fête révolutionnaire particulièrement animée. Notre approche chirurgicale, basée sur le timing et la discrétion, vient de se heurter à un mur de chaos populaire et armé. »

Mme Breen détourna enfin son regard des pigeons. Il y avait une lueur dans ses yeux, une étincelle presque joyeuse. « La boîte est ouverte, Klein, » dit-elle, sa voix basse mais chargée d'une intensité nouvelle. « Peut-être n'avons-nous plus besoin de crocheter la serrure. »

Klein ignora la métaphore pour le moment, se concentrant sur la procédure. Il se saisit de sa tablette et commença à pianoter à rythme rapide, transmettant un message codé succinct, demandant confirmation des objectifs et nouvelles directives face à la situation "fluide" à Stevograd, mentionnant la localisation confirmée mais l'environnement opérationnel radicalement altéré. Puis, il attendit.

Le silence dans la chambre n'était rompu par l'écho occasionnel des coups de fusil, et le bruit lointain de la ville qui semblait gronder comme une bête blessée. Breen avait repris l'inspection de son fusil d'assaut, non pas pour le nettoyer cette fois, mais pour vérifier chaque pièce mobile, chaque cran de sûreté, avec la concentration d'un musicien accordant son instrument avant un concert périlleux.

Les minutes s'étirèrent. Rien. Klein consulta l'appareil à nouveau, vérifia les réglages. Rien. Le canal restait ouvert, mais silencieux.

« Intéressant, » murmura Klein. « Soit nos amis de la Firme estiment que nous sommes assez grands pour prendre nos propres décisions, soit les canaux eux-mêmes sont perturbés, soit notre estimée cliente a choisi le silence radio. Peut-être contrainte, peut-être par choix tactique. Ou peut-être que la situation a dépassé ses propres plans. »

Il rangea l'appareil. Le silence des directives était, en soi, une directive. Il fallait interpréter l'absence. Dans le langage de la Firme, le silence signifiait souvent : "L'objectif demeure, les moyens vous appartiennent, assumez les conséquences."

Il croisa le regard de Breen. Elle avait fini ses vérifications et tenait l'arme légèrement abaissée, prête. Son expression était celle d'une attente satisfaite.

« Votre intuition matinale semble donc prévaloir, ma chère Breen, » dit Klein, une pointe d'ironie résignée dans la voix. « Pas de contre-ordre. Pas de changement d'objectif. La discrétion absolue n'est plus une option. La rapidité et l'audace, peut-être ? »

Breen eut un sourire fugace, mais intense. C'était le sourire d'un prédateur qui voit sa proie acculée, même si la meute autour est imprévisible. « Les gardes sont corrompus, dites-vous ? La sécurité intérieure est fissurée. Les révolutionnaires créent une diversion magnifique, bien qu'involontaire. C'est une invitation, Klein. Une porte entrouverte dans la tempête. »

« Une porte qui pourrait aussi bien donner sur un peloton d'exécution improvisé par des républicains zélés ou des loyalistes désespérés, » rétorqua Klein, mais sans grande conviction. La logique opérationnelle pointait dans une direction audacieuse, maintenant que la localisation était certaine et le chaos à son comble. Attendre signifierait probablement perdre la cible au profit des insurgés, ou pire, d'une intervention étrangère. « Il faut l'atteindre avant eux. Avant que le palais ne tombe complètement, ou que quelqu'un d'autre ne décide de "résoudre" le problème à notre place. »

Il se dirigea vers la table où reposaient les cartes et les plans désormais partiellement obsolètes. « Il nous faut un point d'entrée rapide, exploitant la confusion et, si possible, la coopération involontaire des mutins. »

Breen s'approcha, posant son arme sur la table avec un bruit sourd. Ses yeux balayèrent les plans, évaluant un itinéraire d'assaut. L'absence de directives avait tranché : le contrat initial tenait. La Cible était là. L'opportunité, fugace et dangereuse, aussi. Il fallait presser le pas. Le Tsar n'attendrait pas. Et la révolution non plus.
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Diplomatie de la canonnière II

Palais des Patrices, aile du Conseil Communal, 18h





"On est obligés de manger si tôt ? Bordel..18h, Matteo...Tout ça pour te voir manger des graines dans le blanc des yeux."

"Tu sais que j'apprécie avoir du temps pour moi en soirée, Carlos. On ne change pas une formule gagnante."

Carlos Pasqual, Maître de la Garde et chef des renseignements, était resté après la dernière séance du Conseil de la journée, comme à son habitude en compagnie du Maître de l'Arsenal. Di Grassi aimait peu la compagnie, et celle de Pasqual était une exception. Les deux hommes, dont les domaines de compétence étaient la sécurité, dans une forme différente, étaient amenés à travailler ensemble, bien davantage qu'avec les autres membres du Conseil. Inutile de dire également, que leur proximité remontait aux guerres de l'AIAN et à la jeunesse passée en Achosie du Nord. Mais l'accent caractéristique de cette région n'était pas la seule chose qu'ils partageaient: il y avait quelque chose d'agréable à travailler de concert avec un individu partageant une vision du monde proche de la sienne. Celle de la nécessité du statut quo et de l'immobilité. Ce soir là, les deux hommes devaient discuter de la nomination prochaine d'un nouveau Maître des balances, et rien au monde aurait pu laisser croire que le sujet du Tsarat arriverait sur la table:
- Carlos. Qu'est-ce que tu penses de ce sénateur ? Carlo Maria Martini ? Il fait du bon travail à la tête de la Classis VI je trouve.

Pasqual trouva le temps de poser sa fourchette et son couteau, croisés dans son assiette, avant de répondre le plus calmement du monde:
- Sauf ton respect Matteo: un singe castré pourrait faire le travail de la Classis VI. Martini est con comme une table, et la seule raison pour laquelle on lui a filé le poste qu'il a actuellement, c'est qu'il a été assez incompétent pour perdre les élections des magistratures sénatoriales, et qu'il pleurnichait d'ennui. Non...il nous faut du plus lourd pour convaincre le reste du Conseil, sans parler du Sénat. Trouve moi un autre nom. Et pas un libéral hein...j'ai pas envie de me retrouver en face d'un communiste au conseil...

Di Grassi aurait pu déballer une liste de plusieurs dizaines de noms...il connaissait celui de la plupart des sénateurs, mais le grincement de la porte l'en empêcha. Sortant la tête, un jeune greffier sénatorial regarda fixement et sans un mot les deux Maîtres du bureaux, sans que dans un premier temps, il sembla capable de sortir un mot de sa bouche.
- Oui jeune homme ? Y-a t-il quelque chose sur mon nez ? - lui demanda Di Grassi -
- Euh...excellences-maîtres, j'apporte un message de la part de l'Amirauté du Bureau de l'Arsenal. Ces excellences désirent vous voir sur le champ.
- A quel propos, jeune homme ?
- C'est l'affaire du Tsarat de P...
- Pravoslanyy ?
- En effet. Son excellence l'Amirraglia Di Saltis aurait...posée pied à terre.
- Comment ça ?


Di Grassi commençait à froncer les sourcils.

- Il y eu...une sorte de coup d'état et...Di Saltis a fait débarquer des troupes et...bref il faudrait que vous veniez.

Pasqual ne se fit pas prier pour claquer sa fourchette sur la table, d'amusement davantage que d'agacement:
- Ah ! Je l'adore cette fille ! Je t'avais dit que c'était la bonne Matteo...Regarde la qui prend des initiatives. Elle me rappelle moi à son âge. De l'audace, toujours de l'audace, encore de l'audace.

Visiblement, le Maître de l'Arsenal ne partageait pas l'enthousiasme de son collègue:
- Je pense que personne n'a envie de se rappeler de ce que tu faisais en Achosie du Nord dans les années 90, Carlos. Nonobstant, si elle l'a fait pour des bonnes raisons je suis prêt à la couvrir. Elle est compétente en effet, mais tu n'es peut-être pas sans savoir que le Sénat n'apprécie pas que l'on prenne ce genre d'initiative sans son accord. On va encore nous taper sur les doigts...
- On va la couvrir, Matteo, t'en fais pas. Et puis je trouve que taper du slave, c'est un bon moyen d'oublier son deuil. J'ai entendu...pour ce que Scaela a fait à son mari et à son fils...pauvre femme...personne ne mérite de subir ce genre de choses.



Bellevue, Tsarat de Pravoslavnyy, quelques heures plus tôt


Les habitants de la capitale régionale de Bellevue semblent avoir la gueule de bois. En effet, aux heurts, les émeutes et troubles ont précédé un spectacle rare, du moins pour eux. Dans le levant de la matinée, la flotte velsnienne semble s'être rapprochée. En premier lieu, ce fut un seul navire que l'on vit poindre à l'horizon, puis un deuxième, puis un troisième...pour finir, on vit derrière eux un gigantesque transporteur de chalands. On aurait pu croire à l'affrontement et au combat...mais non, puisque ceux ci si dirigèrent vers la base navale de l'armée tsariste sans la moindre réplique de leur part, et se virent octroyer le luxe de prendre possession, toute temporaire des installations présentes. Le transporteur vint cracher sur les quais un premier régiment, pas n'importe lequel: Un contingent de la Garde sénatoriale wanmirienne était envoyé en tête de pont. Obéissants, disciplinés, ils étaient parfaits pour jauger la situation, et la réception de la population civile. Si il y avait résistance dans la ville portuaire, on escomptait que ces troupes s'en occuperaient rapidement.

En parallèle, les pravoslaves purent constater des choses se passer dans le ciel...en premier lieu, les adroits et les alertes avaient pu deviner que les velsniens feraient le survol de l'axe routier menant à Stevograd à l'aide de drones, puis, ce fut le tour d'une petite chasse aérienne, laquelle était suivie d'une vingtaine d'hélicoptères de transport qui avaient décollé du Porte-Hélicoptère stationnant dans les eaux territoriales. A leur bord, des membres d'un régiment de chasseurs strombolains, ceux là même qui occupent les tâches de contre-guerilla en Achosie du Nord depuis les années 80, exclusivement originaires de l'île celtique. Des hommes et des femmes de confiance dans la théorie, et par dessus tout des troupes de métier, ce qui n'était le cas que d'une portion congrue de l'armée velsnienne régulière, dans un pays où le service militaire procurait une bonne part de ses forces.

Au vu de la coopération du gouvernement révolutionnaire et de leur contrôle établi sur la capitale (HRP: je me fie aux posts du joueur de la Pravoslanyy), le déploiement héliporté sur Stevograd fut des plus rapides, et il ne fallu guère attendre davantage que la fin de la journée pour voir les chasseurs strombolains se poser non loin des principaux édifices de pouvoir du Tsarat. Les équipes médicales devaient suivre dans la journée qui suivait, si tout se passait comme prévu (HRP:pour voir d'autres détails du déploiement, voir le post écrit dans les missives du joueur de Tanska).


Choix osé qu'elle estimait pourtant nécessaire, l'Amirraglia Di Saltis attendit les premiers rapports de terrain avant de laisser le commandement temporaire de la flotte au Supracomito Simone Calbane, prenant sa casquette de représentante de circonstance de la Grande République dans ces terres où le Sénat, la veille, n'escomptait en rien que la situation se déroule ainsi. Sénatrice elle l'était, il ne restait donc plus qu'à mener des discussions dignes de ce nom avec ces "révolutionnaires" et faire valider ce qui en sortirait par ces excellences du Sénat, malgré l'audace de son action.

Sentiment étrange qui lui en rappelait d'autres: il y a peu elle était reçue par le tsar dans les couloirs de ce palais...et trois jours plus tard, celui-ci était mort. Les affres de la guerre civile ne devaient pas se reproduire pour cette femme qui n'en avait fait que trop l’expérience...

déploiement terrestre et aérien a écrit :

- 2 000 ali 11 (dont 1 000 de l'atlas wanmirien à cause des mercenaires)
- 100 mitrailleuses lvl 10
- 100 mortiers légers lvl8
- 100 lances roquettes lvl9
- 100 antichar lvl7

- 5 lance roquettes multiples lvl7
- 10 pièces d'artillerie tractées lvl9
- 10 mortiers tractés lvl10

- 10 blindés légers lvl 10
- 10 transports de troupes blindés lvl 10
- 10 véhilcules de combat d'infanterie lvl 10
- 5 chars légers lvl 8
- 5 chars d'assaut lvl 8

- 20 camions de transport lvl9
- 20 camions citernes lvl7
- 2 chars de dépannage
- 5 véhicules de transmisison radion lvl10
- 5 véhicules radars lvl10

- 20 chasseurs lvl9
- 20 hélicoptères de transport moyen lvl8
- Un avion ravitailleur
- 3 drones lvl 5
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La soirée s'entamait à peine que déjà le pont grouillait d'une activité inattendue. La, battue par les soufflées matinales des mers du nord, des dizaines d'hommes montaient à bord d'une série d'hélicoptères qui décollèrent en grappe. En l'espace de quelques minutes, une douzaine d'appareils venaient de prendre les airs à basse altitude. Profitant de l'éveil matinal et du débarquement velsnien sur Bellevue, la force aérienne effectua un vol direct à sens unique en direction de la capitale Stevograd. L'espace aérien sécurisé par des aéronefs velsniens et constamment surveillé par la flotte navale tansko-caratadaise, les hélicoptères atteignirent la capitale ne quelques dizaines de minutes à peine.

Toute cette opération avait été décidé dans l'urgence absolue. Elle n'avait pas été prévue, du moins pas ici. La capitale n'avait pas été un objectif, elle en était désormais le principal. A l'approche de la capitale, les hélicoptères se scindèrent en plusieurs groupes. Les plus petits et plus agiles attérissaient sur les toits des plus hauts immeubles avoisinant le parlement, le palais du Tsar ou encore la banque nationale. Les plus gros, eux, se posaient directement au milieu des routes, sinon dans les jardins derrière le Parlement. En quelques instants, des dizaines de tanskiens posaient pieds sur cette terre étrangère quand le soleil se couchait. Un coup de palais qui n'en était pas un. L'aide avait été demandé par les révolutionnaires, elle n'avait pas tardée. De ces dizaines d'hommes, aucun n'avait encore mis le pied dans ce pays auparavant, voilà qu'ils étaient désormais aux abords des principaux bâtiments de la capitale et qu'ils arrivaient peu ou pro en même temps que d'autres hélicoptères en provenance de Velsna. Hasard de la vie que de voir ces deux armées réunies dans une capitale du bout d'Eurysie. A leurs côtés déjà, à bord même des hélicos, une poignée de membres de la Rauði krossinn (croix rouge), à raison d'un par groupe d'atterrissage. Tous formés à la médecine et parlant la langue locale, les rares de l'ONG a la connaitre, ramenez en urgence sur le pont du porte-hélicoptères les jours précédents, formaient une forme de tête de pont humanitaire. Non-armé, tout de blancs vêtus aux milieux des forces spéciales, ils étaient chargé d'établir le premiers contacts au sol avec les révolutionnaires Pravoslaves ainsi qu'avec les Velsniens. Les militaires, plus que toute autre chose, étaient chargé de leur protection.

Dans le palais du Tsarat, le groupe de forces spéciales avait lui aussi un objectif tout autre à destination des Teylais. Trouver le Tsar. Présumé mort, ces derniers devaient se charger d'en vérifier la teneur et, le cas échéant, de l'extrader de Pravoslavnyy, sinon de prendre des photos attestant de sa mort.

L'assistance humanitaire tanskienne elle, tarderait quelques jours à arriver. Vice de procédure, la croix rouge tanskienne ne pouvait se déployer en nombre qu'une fois l'assurance des opérations militaires achevées.

image de forces spéciales tanskiennes débarquant sur un immeuble


Banlieue d'Oleskburg, début de soirée.

Dans la nuit calme et froide des îles des mers du nord, un surprenant son aérien brisa tout silence possible. Des explosions soudaines brisèrent le ciel de la ville. EN quelques minutes, une poignée d'avions de chasse survolèrent l'île et son demi-millions d'habitants. Radars actifs et missiles prêt pour le sol comme pour les airs. A quelques dizaines de kilomètres de là,bien trop éloigné pour l'oeil humain du citadin, un avion-radar scrutait tout le ciel de la région tandis que sur son radar, une longue colonne d'appareils arrivaient progressivement à proximité de la ville.

Plusieurs heures auparavant, sur l'aérodrome militaire d'Halvø, des centaines d'hommes et de femmes et quelques véhicules s'étaient rapidement préparés. Conscient depuis déjà trois jours de l'imminence d'une possible telle opération, l'ensemble du personnel était prêt à réagir rapidement.

Dans les minutes qui suivraient, plusieurs centaines de Tanskiens sauteraient sur les plaines avoisinantes de la capitale régionale. Décidé à la hâte, l'opération aéroportée visait à assurer l'intégrité territoriale Pravoslave. Les révolutionnaires de Stevograd, à 2 000 kilomètres de là, ne disposant pas des moyens d'assurer le contrôle sur cet archipel éloigné, ce serait temporairement Tanska qui l'effectuerait.

Avant les derniers rayons du soleil, la colonne de transports aériens s'approchèrent de l'île, un avion de guerre électronique parmi eux. Dans la pénombre, les portes s'ouvrièrent au verdissement des petits lumières iodées des appareils, les hommes commencèrent à sauter à un rythme bien cadencé. Ils furent suivi peu après par d'autres appareils volant eux bien plus bas et déposant les quelques véhicules suffisant au bataillon aéroporté qui venait de sauter, là, a plus de 1 000 kilomètres de leur aéroport. Si le vol n'était pas long, il s'agissait de la première opération pleinement aéroportée tanskienne.

dfdf


Au petit matin, lorsque le pays apprendrait, la première ministre prendra officiellement la parole pour annoncer l'opération conjointe avec Velsna et Caratrad, nom de "Postitoimitus". Après la précédente révolution due à quelques missives tanskiennes au Slaviensk en juin 2015, celle due aussi à des missives tansko-velsniennes en juin 2016 en Pravoslavnyy, le nom de "printemps postal" pour parler des révolutions de la région allait bientôt émerger.

Déploiement aérien et terrestre tanskien a écrit :

Opération héliportée sur Stevograd avec Velsna
  • 7 hélicoptères légers polyvalents lvl 7
  • 5 hélicoptères d'attaques lvl 5 en escorte
  • 6 hélicoptères de transport moyen niveau 10
  • 2 hélicoptères de transport lourd niveau 7
  • 102 membres des forces spéciales avec ALI lvl 11
  • 7 mitrailleuses lourdes lvl 10
  • 24 lance-missiles anti char lvl 9
  • 2 drones de reconnaissance niveau 7 au dessus de la capitale

Opération aéroportée sur Oleskburg
  • 12 avions de chasse niveau 7
  • 8 chasseurs bombardiers niveau 5
  • 1 avion radar niveau 4
  • 1 avion de guerre électronique niveau 8
  • 10 avions de transport niveau 8 ; 1 niveau 9 ; 7 niveau 5
  • 1 avion ravitailleur niveau 3
  • 638 soldats du 1er bataillon de marche du 75e régiment. ALI lvl 11
  • 72 mitrailleuses lourdes lvl 10
  • 36 mortiers légers lvl 8
  • 170 missiles antichars lvl 9 ; 10 lvl 8
  • 15 véhicules légers blindés lvl 9 ; 8 lvl 8
  • 3 transport de troupes blindés lvl 6
  • 17 camions et citernes
  • 2 transmission radio lvl 8
  • 2 drone de reconnaissance niveau 7 au dessus de la ville
HRPComme discuté en HRP avec les joueurs de Velsna et de Pravoslavnyy, ces opérations sont à vocation très temporaires et non pas à visée d'invasion du pays.
24094
HRP
Rédige suite à une proposition du joueur !

L'aube n'était encore qu'une promesse lointaine et malade, noyée sous une chape de nuages bas et la fumée âcre qui montait en volutes paresseuses depuis les barricades enflammées ceinturant la Cour Royale. Le son de la ville en état de siège était une cacophonie discordante : le grondement sourd de la foule immense massée aux grilles principales – soixante-deux mille âmes, disait la rumeur insistante, vibrant d'une fureur républicaine longtemps contenue –, les slogans anti-tsaristes scandés en pravoslave, rauques et passionnés, ponctués par le claquement sec et irrégulier des coups de feu. Des tirs de sommation, des ripostes désespérées, le prélude à un assaut imminent.

À l'écart de ce tumulte principal, dans l'ombre profonde d'une aile latérale du vaste complexe palatial – une façade ornée mais négligée, témoin de réceptions d'un autre âge –, trois silhouettes se mouvaient avec une célérité silencieuse. L'équipe de la Nouvelle Firme, réduite à son noyau opérationnel face à l'imprévisibilité totale de la situation, avait abandonné toute velléité de plan méthodique et d'infiltration chirurgicale. Le temps de l'analyse patiente et des substitutions discrètes était révolu, balayé par la vague insurrectionnelle. Désormais, il fallait improviser, surfer sur le chaos, arracher l'objectif des mâchoires de la révolution elle-même.

Klein, son trench-coat semblant absorber l'obscurité ambiante, consultait une dernière fois une tablette dont l'écran projetait une lueur verdâtre et fantomatique sur son visage pâle. C'étaient les plans architecturaux originaux du palais, superposés aux relevés thermiques et aux analyses de signaux effectués par leurs propres moyens avant que la situation ne dégénère complètement. « Ici, » murmura-t-il, pointant un doigt ganté vers une section spécifique de la façade. « Troisième étage, ancienne bibliothèque privée de la Tsarine Anastasia du Premier Royaume. Fenêtre condamnée de l'intérieur en 1905 après l'incident du samovar. Mais la structure extérieure est restée. La corniche est étroite, mais praticable sur sept mètres. L'accès le moins surveillé, théoriquement. La garde loyaliste, ce qu'il en reste, doit être concentrée sur les accès principaux et les appartements privés présumés. »

Silas, un homme aux doigts de chirurgien et à la connaissance encyclopédique des entrailles mécaniques et architecturales des vieilles pierres, hocha la tête, son regard scrutant déjà la paroi sombre. Il tenait à la main un assortiment d'outils fins et étranges, luisants faiblement sous la lueur des incendies lointains.

Mme Breen ne perdit pas de temps en paroles. Le rituel accompli quelques heures plus tôt semblait avoir aiguisé ses sens et sa détermination jusqu'à une pointe effilée. Elle dégagea "l'Aiguille" de son harnais discret. L'engin, ce lance-grappin pneumatique compact et silencieux, semblait presque organique dans ses mains. D'un geste fluide, elle visa la base de l'appui de fenêtre identifié par Klein, trois étages plus haut. Il n'y eut qu'un léger souffle d'air comprimé, presque couvert par un éclat de tirs plus nourris venant de la place principale. Le petit grappin à trois branches, relié à une corde synthétique d'une finesse et d'une résistance incroyables, alla se ficher solidement dans la pierre usée avec un thud à peine audible. Breen testa la prise, deux tractions sèches et puissantes. Satisfaite, elle fit un signe de tête à Klein et Silas.

Elle commença l'ascension. Ses mouvements étaient ceux d'une araignée patiente et mortelle, utilisant les reliefs de la façade ornementée avec une aisance déconcertante. Pas un bruit, pas une pierre qui roule. Elle semblait se fondre dans les ombres et l'architecture baroque décrépite. Klein et Silas attendaient en contrebas, balayant les alentours du regard, tendus mais immobiles. Le bruit de la bataille semblait monter d'un cran – des cris plus proches, le fracas distinct d'une structure métallique qui cède. Les grilles principales, sans doute. L'assaut général avait commencé.

Breen atteignit la corniche étroite. Accroupie, elle sortit un petit outil de sa ceinture et commença à travailler sur le mécanisme extérieur de la fenêtre condamnée. Silas l'observait d'en bas, hochant parfois imperceptiblement la tête, comme s'il pouvait voir ses gestes à travers la pierre et l'obscurité. Quelques instants plus tard, un très léger clic métallique parvint jusqu'à eux. Breen fit un geste bref vers le bas.

Silas s'engagea sur la corde, montant avec une agilité surprenante pour un homme de son âge. Klein suivit, plus lourdement, s'aidant de la corde avec une répugnance visible pour l'effort physique.

Ils se retrouvèrent tous trois sur la corniche exiguë, pressés contre la paroi froide, le tumulte de l'assaut montant des jardins et de la place principale juste en dessous d'eux. Breen avait réussi à entrouvrir légèrement la fenêtre, révélant une obscurité totale à l'intérieur. Silas sortit un endoscope fin comme un fil et le glissa dans l'interstice. Il observa l'écran de son bracelet-montre modifié pendant quelques secondes.

« Vide. Aucun capteur de mouvement actif dans cette zone. Système d'alarme désuet, probablement désactivé depuis des décennies, » murmura-t-il. Il utilisa ensuite une série de lames fines et de crochets pour travailler sur la serrure intérieure, un mécanisme complexe et rouillé qui céda finalement avec un gémissement métallique étouffé.

La fenêtre s'ouvrit vers l'intérieur sur une pièce plongée dans les ténèbres, emplie de l'odeur de poussière et de livres moisis. L'ancienne bibliothèque privée. Ils se glissèrent à l'intérieur l'un après l'autre, Breen en tête, son arme déjà épaulée, scrutant l'obscurité. Klein referma doucement la fenêtre derrière eux, les coupant momentanément du vacarme extérieur, qui ne leur parvenait plus que comme une vibration sourde à travers les murs épais.

Ils étaient à l'intérieur. L'ascension silencieuse était réussie. Maintenant commençait la véritable traversée des ombres, au cœur du nid de frelons assiégé, tandis que la révolution déferlait aux portes.

L'obscurité de l'ancienne bibliothèque était presque totale, l'épaisse couche de poussière sur les hautes fenêtres condamnées ne laissant filtrer qu'une lueur fantomatique venue de l'extérieur embrasé. L'air était lourd, immobile, saturé de l'odeur douceâtre de papier en décomposition et de cuir tanné se désagrégeant lentement. Des formes massives se dessinaient dans la pénombre : des rayonnages montant jusqu'au plafond voûté, croulant sous des volumes reliés dont les titres dorés étaient illisibles, des fauteuils club éventrés dont le rembourrage s'échappait comme des entrailles tristes, un globe terrestre silencieux dans un coin, figé sur un monde qui n'existait peut-être plus.

Breen avançait la première, se déplaçant avec une grâce prédatrice qui semblait absorber le peu de lumière disponible. Son fusil d'assaut modifié balayait l'espace devant elle, ses sens visiblement en alerte maximale, écoutant non seulement les bruits étouffés de la bataille extérieure, mais aussi les craquements infimes du vieux plancher, le souffle d'un courant d'air suspect. Silas suivait de près, ses doigts effleurant parfois un mur, une boiserie, comme s'il lisait la structure du bâtiment par le toucher, consultant par intermittence un petit appareil tenu à la main qui affichait sans doute une version simplifiée des plans internes. Klein fermait la marche, son trench-coat faisant un léger bruit de froissement incongru dans le silence oppressant, son regard analytique essayant de percer l'obscurité et d'anticiper les chemins à venir.

Ils quittèrent la bibliothèque par une porte dérobée, astucieusement dissimulée derrière une section de rayonnage que Silas déverrouilla avec une facilité déconcertante, révélant un étroit couloir de service. L'atmosphère changea immédiatement. L'odeur de moisi fit place à celle, plus âcre, de la fumée qui commençait à s'infiltrer par les conduits de ventilation, mêlée à une relente métallique de sang frais. Le vacarme extérieur était ici plus présent, transmis par les pierres elles-mêmes : des cris indistincts, des détonations plus proches, le martèlement lourd de quelque chose – des béliers ? des tirs sur les portes blindées ? – venant des niveaux inférieurs.

Le couloir était faiblement éclairé par des appliques murales d'urgence dont la plupart clignotaient ou étaient éteintes. Le sol était jonché de débris : éclats de plâtre, douilles de laiton éparses, une chaussure d'uniforme isolée. Signes d'une lutte récente, désespérée ou désorganisée. Ils avancèrent rapidement, leurs pas étouffés sur le linoléum usé. Klein consultait sa tablette, orientant Silas vers un escalier de service dérobé.

Au détour d'un angle, Breen s'immobilisa soudain, levant une main gantée. Un faible gémissement leur parvint, suivi d'un bruit de métal raclant le sol. Elle fit signe à Klein et Silas de rester en retrait et s'aplatit contre le mur, son arme pointée vers le coin. Elle attendit, immobile, écoutant. Le gémissement reprit, plus faible.

Prudemment, elle jeta un coup d'œil. Un garde loyaliste, jeune, le visage blême couvert de sueur et de crasse, était affalé contre le mur opposé, une large tache sombre s'étendant sur sa tunique au niveau de l'abdomen. Il tentait maladroitement de recharger son pistolet de service, ses doigts tremblants laissant tomber les cartouches. Ses yeux hagards se posèrent sur Breen. Une lueur de panique, puis de résignation traversa son regard. Il leva faiblement son arme.

Avant même qu'il ait pu aligner son tir, Breen avait bougé. Ce ne fut pas un tir. Juste un déplacement fulgurant, un clic sec et métallique de son arme utilisée comme une masse, frappant la tempe du garde. Il s'effondra sans un bruit supplémentaire, son pistolet glissant sur le sol avec un cliquetis dérisoire. Breen vérifia son pouls d'un geste rapide et professionnel. Négatif. Elle fit signe aux autres d'avancer, enjambant le corps sans un regard en arrière. Klein évita soigneusement la flaque de sang qui commençait à s'étendre.

« Le personnel se clairsème, » murmura-t-il, plus pour constater un fait que par réelle préoccupation.

Ils atteignirent l'escalier de service, une spirale métallique étroite et obscure. Le bruit de la bataille semblait venir d'en dessous et d'au-dessus maintenant, comme si le palais était pris en tenaille. Ils montèrent rapidement deux étages, leurs respirations courtes faisant de petits nuages de vapeur dans l'air froid du puits d'escalier. Au troisième palier, Silas fit signe de s'arrêter. Il sortit un petit miroir articulé et l'avança prudemment au-delà de la cage d'escalier, dans le couloir supérieur. Il l'orienta, observa, puis le retira.

« Deux individus. Statiques. Semblent surveiller l'accès aux appartements privés Est. Uniformes de la Garde rapprochée. Mieux équipés que le précédent, » chuchota-t-il.

Breen échangea un regard rapide avec Klein. Celui-ci hocha la tête. L'approche directe était trop risquée, le contournement prendrait trop de temps. Elle fit un signe à Silas, puis désigna deux points distincts dans le couloir sur les plans que Klein lui montrait sur sa tablette – des alcôves, des renfoncements dans l'architecture opulente. Silas acquiesça, sortant deux petites sphères métalliques de sa sacoche.

Le plan était simple, brutal et nécessitait une synchronisation parfaite. Breen et Silas se positionnèrent de part et d'autre de la sortie de l'escalier. Au signal silencieux de Breen, Silas lança les deux sphères dans le couloir. Elles roulèrent sans bruit sur le tapis épais, s'arrêtant à proximité des gardes immobiles. Pendant une seconde, il ne se passa rien. Puis les sphères émirent un flash aveuglant et un son ultrasonique aigu, à peine perceptible à l'oreille humaine mais conçu pour désorienter violemment.

Dans l'instant de confusion qui suivit, Breen jaillit de l'escalier. Deux coups de feu étouffés par le silencieux claquèrent presque simultanément. Précis. Létaux. Les deux gardes s'effondrèrent comme des marionnettes dont on aurait coupé les fils. L'odeur âcre de la cordite se mêla à celle de la fumée et du sang.

Ils traversèrent rapidement le couloir maintenant silencieux, passant devant les corps sans s'arrêter. Les dorures des murs, les portraits ancestraux aux regards sévères, les lustres de cristal éteints semblaient des témoins muets et indifférents de cette violence feutrée qui contrastait si violemment avec le fracas grandissant de l'assaut extérieur. Ils approchaient de l'aile Ouest, là où, selon les renseignements les plus récents – et désormais hautement suspects – de Klein, se trouvait le bureau principal du Tsar. La porte du bureau n'était plus très loin. Le cœur du nid.

Le couloir menant à l'aile Ouest était plus large, les tapis plus épais, les dorures plus présentes, presque criardes sous la lumière vacillante des quelques appliques murales encore fonctionnelles. Des tableaux aux cadres massifs représentant des scènes de chasse ou des portraits de dignitaires oubliés penchaient de travers, certains lacérés, d'autres portant les impacts de balles perdues. Le chaos de l'assaut avait atteint même ces sanctuaires du pouvoir. Les bruits de la bataille semblaient maintenant venir de partout – en dessous, au-dessus, et même, semblait-il, des murs eux-mêmes. Des cris distincts, des ordres hurlés en Pravoslave, le bruit caractéristique de portes enfoncées, et le crépitement continu des armes automatiques. Les révolutionnaires étaient proches, très proches.

Ils atteignirent enfin une double porte massive en chêne sombre, sculptée de l'aigle impérial du Premier Royaume – un ajout récent, sans doute, vestige de la mégalomanie du Tsar. C'était l'entrée présumée du bureau principal. Contrairement à ce qu'ils auraient pu craindre, la porte n'était pas barricadée de manière évidente, mais elle était fermée, et un silence étrange, presque lourd, semblait émaner de l'autre côté, un îlot de calme improbable au milieu de la tempête.

Silas s'approcha, sortant à nouveau ses outils fins. Il examina la serrure – un modèle moderne, électronique, couplé à un verrou mécanique robuste. Il y appliqua un petit appareil qui émit une série de clics rapides et de légers bourdonnements. Une petite diode sur l'appareil passa du rouge au vert. Il travailla ensuite sur le verrou mécanique avec une tension palpable, ses doigts bougeant avec une précision hypnotique malgré l'urgence et le vacarme environnant. Un dernier clic, plus fort celui-là, résonna dans le couloir. La porte était déverrouillée.

Breen se posta d'un côté, Klein de l'autre. Silas se recula légèrement. D'un signe de tête convenu, Breen poussa lentement une des lourdes portes. Elle pivota sans bruit sur ses gonds bien huilés, révélant l'intérieur du bureau.

La pièce était vaste, opulente, mais dans un désordre révélateur d'une panique récente ou d'une occupation prolongée et nerveuse. Des cartes étaient étalées sur un immense bureau de style Empire, des papiers jonchaient le sol, un plateau repas à moitié consommé gisait sur une table basse près d'un fauteuil en cuir profond. Les lourds rideaux de velours étaient tirés, mais la lumière de l'aube commençait à filtrer par les interstices, se mêlant à la lueur d'une unique lampe de bureau allumée. Et au centre de ce chaos ordonné, près de la fenêtre, se tenait Donchenka Shevshenko.

Le Tsar. Il n'était pas l'homme hagard et traqué qu'ils auraient pu imaginer. Certes, son uniforme était légèrement défait, ses cheveux en désordre, mais ses yeux brûlaient d'une intensité froide, presque fiévreuse. Il tenait un lourd pistolet automatique d'une main, mais ne le pointait pas directement sur eux. Il semblait les attendre. Peut-être avait-il entendu le léger bruit de la serrure forcée, ou peut-être, dans ce moment final, ses sens étaient-ils exacerbés par l'adrénaline et la certitude de la fin imminente. Un seul autre homme se tenait près de lui, un aide de camp au visage blême, tenant un fusil d'assaut d'une poigne tremblante.

Le bruit de l'assaut était assourdissant maintenant, venant clairement des escaliers principaux menant à cette aile. Des coups de feu répétés, des cris de "Gloire à la République ! Mort au Tsar !". Ils n'avaient que très peu de temps.

Klein entra le premier dans le bureau, les mains légèrement écartées pour montrer qu'il ne tenait pas d'arme, bien que la menace qu'il dégageait fût d'une autre nature. Breen et Silas restèrent en retrait près de la porte, couvrant la pièce et l'aide de camp tremblant.

« Monsieur le Tsar Shevshenko, » commença Klein, sa voix étonnamment calme et formelle au milieu du vacarme. « Une situation regrettable. Les événements semblent vous avoir quelque peu dépassé. »

Le Tsar eut un rictus qui se voulait méprisant mais qui trahissait une tension extrême. « Des mercenaires ? Ou les chiens de Velsna ? Peu importe. Vous arrivez trop tard. Entendez-vous ? C'est le son de la vermine qui grouille. » Il fit un geste vague de son pistolet vers la porte.

« Précisément, » rétorqua Klein, s'avançant de quelques pas prudents. « Et cette vermine, comme vous dites, ne vous offrira pas la courtoisie d'une conversation. Ni même celle d'une mort rapide, si j'en juge par leur enthousiasme. La Nouvelle Firme, elle, peut vous proposer une alternative. »

Le Tsar plissa les yeux. « La Firme ? Que voulez-vous ? Mon argent ? Il est hors de portée. »

« Nous ne sommes pas intéressés par votre trésor personnel, Tsar, » répondit Klein, s'arrêtant à une distance respectueuse. « Notre mandataire souhaite simplement votre présence. Discrète. Ailleurs. Nous vous offrons une exfiltration. Difficile, certes, dans les circonstances actuelles, mais pas impossible pour qui possède les clés adéquates et la volonté nécessaire. » Il laissa planer le silence un instant, tandis qu'une rafale d'arme automatique particulièrement proche faisait trembler les vitres. « C'est une offre à prendre ou à laisser. Et le temps presse. Les révolutionnaires sont dans le couloir. »

Le Tsar regarda Klein, puis Breen et Silas près de la porte, puis son aide de camp qui semblait au bord de l'effondrement. Son regard revint sur Klein. L'arrogance luttait visiblement avec l'instinct de survie. Il savait qu'il était piégé. La garde extérieure avait cédé, ses derniers fidèles étaient sur le point d'être submergés. Ces inconnus offraient une porte de sortie improbable.

« Vos conditions ? » demanda-t-il enfin, sa voix rauque.

« Coopération totale et immédiate, » dit Klein. « Vous et votre assistant viendrez avec nous, sans résistance. Nous nous chargeons de la sortie. Ensuite les détails seront réglés dans un lieu plus serein. Considérez cela comme une délocalisation non négociable. » Klein marqua une pause. « Bien sûr, le mandat d'arrêt international émis par Teyla complique légèrement les choses pour votre avenir à long terme, mais c'est préférable à ce qui vous attend si vous restez ici cinq minutes de plus. »

Le Tsar sembla peser ses options. La fureur de la foule semblait maintenant juste derrière la porte. Des coups lourds commencèrent à résonner sur le bois massif. Il jeta un regard désespéré autour de lui, puis sur Klein. L'hésitation était palpable. Il ouvrit la bouche, peut-être pour accepter, peut-être pour poser une autre condition...

Le moment s'étira, devint élastique, suspendu entre le rugissement de la révolution aux portes et la proposition glaciale de Klein. Le bois de la portr commençait à craquer sous l'impact répété de quelque chose de lourd – une crosse de fusil, une hache improvisée. Des éclats volaient. Les cris de "Mort au Tsar !" étaient maintenant assourdissants, presque dans la pièce.

« Une garantie de sécurité relative dans un lieu neutre, sous réserve de votre entière coopération... » continuait Klein, sa voix toujours égale, essayant de maintenir le fil ténu de la négociation au-dessus du chaos déferlant. Il détaillait peut-être les premières étapes de l'itinéraire d'évasion envisagé par Silas, une route improbable à travers les entrailles du palais, mais ses mots se perdaient presque dans le fracas imminent.

Breen n'écoutait plus. Son regard n'était plus sur l'aide de camp tremblant, ni même sur Klein. Il était fixé sur le Tsar. Elle voyait l'hésitation, oui, mais aussi cette arrogance indomptable qui persistait même au seuil de l'annihilation. Elle voyait un homme qui négociait encore alors que les murs de son monde s'effondraient littéralement autour de lui. Elle entendait les pas lourds et les cris de haine dans le couloir. La fenêtre se fermait. Non, elle était déjà fermée et les barreaux descendaient.

L'extraction, même si le Tsar acceptait maintenant, immédiatement, serait un pari insensé au milieu de cette mêlée. Se frayer un chemin hors du palais avec un prisonnier de cette importance, alors que des milliers de révolutionnaires armés le cherchaient pour le lyncher et que des forces étrangères potentiellement hostiles rôdaient à proximité Klein parlait de "sécurité relative", de "lieu neutre", mais Breen, elle, sentait la réalité plus brute de la situation. Le plan était mort. Le rituel accompli plus tôt, cette plongée dans une violence froide et primale, lui soufflait une autre vérité, une autre solution. Plus nette. Plus certaine.

Le souvenir de l'idole noire, de l'huile sur sa peau, du tremblement incontrôlable qui l'avait saisie – c'était un alignement. Un alignement avec une nécessité froide et efficace qui transcendait les plans complexes et les négociations fragiles. La mission était de neutraliser le tsar. La méthode importait moins que le résultat, surtout maintenant que la discrétion absolue était devenue une chimère.

Le bois de la porte céda dans un craquement sinistre, laissant apparaître une fissure béante. Des visages furieux, éclairés par les flammes du couloir, apparurent dans l'entrebâillement. L'aide de camp du Tsar poussa un cri étranglé et leva son fusil d'une main mal assurée.

À cet instant précis, alors que Klein ouvrait encore la bouche pour presser le Tsar d'accepter, Breen agit. Ce ne fut pas une décision réfléchie, mais une réponse quasi instinctive, une conclusion logique dictée par la situation et peut-être par quelque chose de plus ancien murmurant à travers l'huile rituelle encore présente sur sa peau.

Son fusil d'assaut, qu'elle tenait abaissé mais prêt, monta avec une fluidité stupéfiante. Il n'y eut pas de visée prolongée, juste une acquisition de cible instantanée. Le silencieux spécialement modifié par Silas étouffa le départ du coup en un phut sec et mat, presque dérisoire comparé au vacarme extérieur.

La balle, unique et précise, frappa Donchenka Shevshenko en plein front. Une petite fleur rouge sombre s'épanouit instantanément. Ses yeux s'écarquillèrent dans une surprise ultime, l'arrogance et l'hésitation remplacées par le néant. Il s'effondra lourdement sur le tapis persan, son pistolet tombant de sa main inerte.

Un silence stupéfait tomba dans le bureau pendant une fraction de seconde, un vide assourdissant entre le fracas extérieur et l'acte irrévocable qui venait de se produire. Klein se figea, sa phrase sur la "coopération entière" mourant sur ses lèvres. Il tourna lentement la tête vers Breen, une expression d'incrédulité totale pétrifiant ses traits habituellement si contrôlés. Ses yeux, derrière ses lunettes, fixaient sa partenaire comme s'il la voyait pour la première fois – non plus l'agent pragmatique, mais l'instrument d'une finalité abrupte et imprévue. Il ouvrit la bouche, peut-être pour hurler une question, un reproche, une condamnation, mais aucun son n'en sortit.

L'aide de camp du Tsar, lui, resta figé de terreur, son fusil pointé vers la porte maintenant béante, le corps de son maître gisant à ses pieds. Il semblait incapable de traiter la rapidité des événements – la négociation désespérée, le coup de feu soudain, la présence de ces intrus froids et efficaces au moment même où la révolution enfonçait sa porte.

Ce fut précisément ce moment de stupeur générale qui fut brisé par l'irruption des premiers révolutionnaires. La porte vola en éclats sous un dernier coup d'épaule et plusieurs hommes dépenaillés, armés de fusils d'assaut visiblement fournis par l'armée défaillante, de pistolets anciens et de barres de fer, firent irruption dans le bureau. Leurs visages étaient un mélange d'épuisement, de fureur et d'une exaltation presque sauvage.

Leurs yeux balayèrent la scène : les trois intrus immobiles près de l'entrée, l'aide de camp paralysé, et surtout, le corps du Tsar étendu sur le tapis, une petite marque nette au milieu du front. Un cri de triomphe rauque s'éleva, suivi par d'autres. « Il est mort ! Le Tyran est mort ! Victoire ! »

Ce fut le signal. Alors que les premiers révolutionnaires se précipitaient vers le cadavre, ignorant pour l'instant les autres occupants de la pièce dans leur euphorie macabre, Breen réagit. Toute trace de transe ou d'hésitation avait disparu, remplacée par une efficacité toute professionnelle. D'une poigne de fer, elle saisit le bras de Klein, toujours paralysé par le choc.

« Klein ! Maintenant ! » Son ordre fut bref, tranchant. Elle le tira avec force vers une haute tapisserie murale représentant une scène bucolique improbable du Premier Royaume, que Silas avait discrètement désignée quelques instants plus tôt alors qu'il évaluait les issues potentielles pendant la "négociation".

Silas, déjà, avait glissé derrière la tapisserie, révélant une porte de service étroite et sombre, probablement destinée au personnel pour l'entretien des appartements privés adjacents. Il la maintenait ouverte, faisant signe à Klein et Breen de se hâter.

Klein trébucha presque, son esprit analytique luttant pour rattraper la soudaineté de l'action de Breen et la nécessité immédiate de la fuite. Il jeta un dernier regard en arrière : les révolutionnaires se pressaient maintenant autour du corps de Shevshenko, certains tirant en l'air dans une célébration chaotique, d'autres déjà sortant des couteaux. L'aide de camp avait sagement laissé tomber son arme et levait les mains en signe de reddition, espérant sans doute une clémence improbable.

« Mais... le contrat... l'extraction... » balbutia Klein, alors que Breen le poussait sans ménagement derrière la tapisserie.

« Contrat modifié. Situation modifiée. Sortie maintenant, » siffla Breen, ses yeux balayant une dernière fois le bureau avant de se glisser à son tour dans le passage secret. Silas referma la lourde porte de service juste au moment où un des révolutionnaires, brandissant un sabre rouillé, semblait remarquer leur disparition. La tapisserie retomba, masquant leur fuite.

Ils se retrouvèrent dans un autre couloir étroit, faiblement éclairé et vibrant des sons de l'assaut qui semblait maintenant avoir complètement englouti l'aile principale du palais. Silas prit la tête, les guidant à travers un dédale de passages de service, d'escaliers dérobés et de débarras oubliés, se fiant à sa mémoire des plans et à son instinct pour éviter les zones de combat les plus intenses. Klein suivait, encore sous le choc, essayant de recalculer les implications, les risques, les conséquences de l'initiative de Breen. La mission venait de basculer de l'enlèvement chirurgical à une exfiltration en catastrophe d'une zone de guerre active, avec un objectif principal éliminé et une situation politique laissée en plein chaos.

Breen fermait la marche, son arme toujours prête, ses sens aux aguets, son visage de nouveau impassible, presque serein. Elle avait agi. Elle avait tranché le nœud. Les conséquences viendraient plus tard. Pour l'instant, il fallait sortir de ce palais en train de s'effondrer, se fondre dans la ville en pleine insurrection, et disparaître avant que quelqu'un – loyaliste, révolutionnaire, ou même une des nombreuses ombres étrangères observant depuis le large – ne remarque les trois silhouettes furtives qui s'étaient invitées au dernier acte sanglant de la chute du Tsar. La Firme avait laissé sa marque invisible, et s'évaporait maintenant dans le tumulte, laissant derrière elle une révolution et la fin d'un régime.
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