Posté le : 22 oct. 2025 à 04:10:19
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Comment les citoyens sylvois abordent la « Guerre Perpétuelle ».
Voilà un moment que le Duché de Sylva, que ce soit dans sa propre sphère d'influence ou par l'intermédiaire de son alliance (ou de relations plus étendues) est dans ce qu'on commence à qualifier localement de « Guerre Perpétuelle ». La chose avait commencé avec la Loduarie et les komunteranos, des guerres latentes avec une menace constante qui débordait occasionnellement en escarmouches militaires ou clandestines sans aller plus loin. Il y avait bien eu la piètre tentative de guerre par proxy via l'Okaristan contre les forces lorenziennes mais cela fut de courte durée et marqué d'un succès très mitigé. Les troubles loduariens permirent une très brève accalmie avant que Carnavale ne passe en mode balistique, frappant par deux fois l'Empire du Nord (d'abord pour un assassinat ciblé puis pour l'holocauste d'Estham). L'OND bascula à nouveau dans une époque de tension qui, cette fois-ci, explosa avec une violence inouïe et constitua la première guerre totale de l'OND. Cette période fut, notons le, ponctuée de troubles en Afarée entre l'Anterie (à l'époque Antegrad) et l'Ouwanlinda, qui mobilisa pour la première fois le groupe aéronaval sylvois. Ce petit exemple restait malgré tout éclypsé par l'actualité carnavalaise. Et alors que la menace existentielle contre Carnavale touche à sa fin selon tous les pronostics (la seule incertitude étant les dommages collatéraux qu'il restait à commettre, les œufs de cette guerre qui devait s'achever), éclatait la crise hotsalienne. Autrement dit, cela va bien faire une demi-douzaine d'années que les sylvois se retrouvent dans cet état de Guerre Perpétuelle, avec une menace altente ou explosive en permanence.
L'approche des citoyens sur la question évolue en fonction des sujets tout en ayant un ressentiment d'ensemble qui évolue au cours du temps. La Loduarie, les komunteranos et Carnavale sont des menaces assez clairement identifiées, collectionnant les invasions, crimes de guerre voir crimes contre l'humanité. Ce sont les antagonistes ultimes sans subtilités qui menacent de manière assumée l'existence même des sylvois. Cette terreur inspirée avait l'avantage de créer une certaine cohésion du côté des citoyens du Duché, face à des ennemis communs aussi mortels que stupides. Les positions étaient assez unanimes et les seules dissensions étaient au niveau du degré de violence avec lequel il fallait réagir. Fallait-il envahir les komunteranos ou non ? Vaut-il mieux se limiter à l'isolation diplomatique de la Loduarie ? Doit-on tapisser de bombes Carnavale ? L'ennemi n'est jamais remis en cause parce qu'il se positionne de lui-même en prédateur souhaitant la destruction de Sylva ou de l'OND. Seul la force avec laquelle il faut traiter cette menace est sujette à débat.
Dans le cas des kokom et loduariens, on était confronté à des menaces finalement limitées, incapables de faire grand-chose contre une OND ascensionnelle, ne justifiant pas une escalade. Contre Carnavale, la proportionnalité impliquait de répondre avec une violence démesurée aux crimes indicibles de la principauté.
Mais malgré cette unanimité sur la nature d'ennemi et le consensus sur les réponses, l'état d'esprit sylvois sur ces questions présentait davantage de subtilités. De cette anxiété générale au sein de la vie civile à l'idée d'être perpétuellement sous la menace d'un conflit, chose intolérable pour une population riche, venait un ensemble de positionnement que l'on pourrait organiser sur un spectre monoaxiale Pacifisme ↔ Violence. D'un côté, on priorisait un dialogue systématique et une patience infinie qui serait récompensée par chaque mort évité. Un exemple le plus flagrant concerne l'incident du croiseur loduarien qui, si les pilotes sylvois s'étaient montrés plus mesurés face à la provocation loduarienne, aurait évité un engagement couteux en vies humaines et stabilité diplomatique. Pour autant, il y avait de l'autre côté les promoteurs de la violence et fermeté, prônant un Duché fort qui s'affirme militairement et réprime fermement les menaces avérées à son encontre. Les partisans de cette politique voyaient ainsi dans l'épisode du croiseur un exemple clair de ce qu'il fallait être fait face aux menaces : démontrer que l'on y répondrait systématiquement.
Contre les komunteranos et loduariens, le pacifisme l'emportait généralement malgré quelques sursauts. Au mieux, le centre du spectre prédominait avec la conciliation d'une posture ferme, mais toujours ouverte à la discussion et se refusant d'escalader. Même lors du début de la crise contre Carnavale, on priorisait une certaine mesure et le gros des réponses devait s'appliquer par la diplomatie en coalisant le monde contre Carnavale. Le point de bascule arriva avec Estham.
Ce qu'il s'était passé en Kabalie était déjà infâmant, mais il ne touchait pas directement Sylva d'un point de vue géopolitique (quand bien même c'était humainement un drame qui affectait les citoyens). Carnavale s'illustrait une nouvelle fois comme l'antagoniste après la frappe criminelle contre un temple nordiste. Mais l'agression contre l'OND elle-même restait suffisamment mesurée pour que l'emporte la conciliante réponse « Ferme mais ouverte au dialogue ». Mais Estham fut une frappe dirigée directement contre l'OND, contre des proches, contre un univers connu et familier. Et depuis longtemps, c'est le bord militariste du spectre qui s'imposa. Carnavale n'est pas juste une menace existentielle dans le sens des komunteranos ou loduariens qui souhaitaient la destruction de Sylva. Carnavale est une menace qui peut appliquer ce qu'elle veut. Et face à l'intolérable, il n'est plus autant possible de se montrer scrupuleux dans la réponse. Alors unanimement, les citoyens conviennent qu'il faut frapper, abattre le loup.
Depuis ce traumatisme, la solution de la violence est intégrée dans l'esprit des sylvois. Quand une puissance souhaite notre destruction et qu'elle peut y arriver, il est naturel de chercher à la désarmer même si cela implique un recours à la force. L'OND n'a pas le droit de se défendre contre Carnavale, elle en a le devoir. Elle a l'impératif d'assurer sa propre survie et prospérité, qui passe par l'annihilation de tout ce qui veut au contre la détruire. L'OND a le devoir de casser les dents de Carnavale et de la clouer au sol. Chaque bombe que l'on se retient de larguer sur Carnavale, c'est dix bombes chimiques que l'on laisse partir de Carnavale. La violence militaire est maintenant acquise comme solution. C'est ce qui expliquait en grande partie la virulence sylvoise contre les actions kah-tanaise : cette préservation des civils carnavalais s'inscrivait naturellement dans une entrave de la violence de l'OND, un frein au désarmement de Carnavale. Nul sylvois n'avait pour souhait de tuer des carnavalais, mais nul d'entre eux ne pouvait entendre dans les discours kah-tanais autre chose que « Pour préserver la vie des civiles carnavalais, nous mettons en périle la survie des sylvois ». En imposant unilatéralement des zones où un débarquement de l'OND serait perçu comme hostile en plein milieu d'une zone de guerre, en interdisant à l'OND d'écraser le coupable de génocide, et en restant silencieux sur les vociférations dudit coupable qui annonce déjà se préparer à récidiver, le Grand Kah défendait systématiquement dans les faits les exactions de Carnavale. Améthyste Castelagne affirmait déjà développer de nouvelles armes de destruction massive tout en refusant les exigences de l'OND de mettre fin à leur production. Et la réponse du Grand Kah était de gêner les opérations visant à démanteler ces usines chimiques tout en positionnant Carnavale comme la victime, un discours qui ne passera pas.
Puis vint la crise de l'Hotsaline qui balaya tout le narratif kah-tanais. La puissance communaliste bafoua tout ses engagements humanistes prônant la préservation des civils et participa à un raid aérien global provoquant son lot de dommages collatéraux dans une escalade explosive. Le Grand Kah démontrait non seulement qu'il réagissait exactement comme l'OND pour une agression cent fois moindre, mais qu'il se montrait tout aussi violent quand on l'empêchait d'appliquer cette violence démesurée. Cela eut pour effet de conforter les sylvois dans leur état d'esprit, percevant les discours kah-tanais comme vide de sens quand chacun cherchait légitimement à détruire les menaces à son encontre. Il y avait également l'Estalie dans le lot, une puissance qui n'attirait que maintenant l'attention des sylvois pour constater que les médias officiels intégraient déjà un narratif et des éléments de langage tout bonnement komunteranos, en termes de bellicisme. L'ennemi fasciste est identifié comme « tout ce qui n'est pas nous », à savoir communiste et qui « exploite avidement les prolétaires ». Cet ennemi est un porc déshumanisé, et la violence à son encontre est nécessaire. Voilà qui n'aidait pas à sortir de l'esprit des sylvois que contre des nations aux discours aussi bestiaux, il n'y avait que trop peu de solution dans le dialogue.
Il persistait tout de même une légère subtilité par rapport à Carnavale : les sylvois étaient solidaires envers Teyla, mais pas l'Hotsaline. On avait vaguement conscience de l'intérêt géostratégique de ne pas laisser s'étendre l'empire estalo-kah-tanais encore plus en Eurysie. Mais cela n'était pas suffisant dans l'esprit du commun des sylvois pour accepter une guerre ouverte. La patience infinie n'était pas du tout la solution choisie, mais on retournait doucement vers la « conciliante fermeté sans escalade ». Les sylvois avaient déjà fort à se soucier à Carnavale et l'hypocrisie kah-tanaise sur le sujet ne justifiait pas de les annihiler.
Pour ce qui est des tensions entre l'OND et le LiberalIntern, les sylvois l'abordaient comme avec la Loduarie ou les komunteranos : une confrontation avec un adversaire violent souhaitant la destruction de l'OND mais n'étant pas en mesure de le faire. Le LiberalIntern peut évidemment faire des dommages, mais à l'échelle humaine, avec un impact qui n'irait pas au-delà d'une génération. Aussi important que ce soit, ce n'était rien en comparaison de la capacité de l'OND de purement et simplement balayer le Grand Kah d'un bras, et l'Estalie de l'autre, tout en continuant de piétiner Carnavale. Les sylvois n'avaient pas envie que cela arrive, mais ils auraient la détermination de le faire si ce duo persistait dans son escalade en Hotsaline et commençait à déborder contre Teyla, confirmant leur nature de menace à traiter. Ceci dit, le Grand Kah avait au moins ça pour lui d'avoir des relations humaines avec Sylva, créant une proximité dont ne jouissaient pas estaliens, komunteranos et loduariens. Ces échanges humains consolidaient la volonté de ne pas les écraser malgré leur volonté répétée d'entraver d'une part les actions légitimes de l'OND pour neutraliser Carnavale tout en contredisant d'autre part les discours justifiant ces entraves.
En conclusion, l'anxiété perpétuelle des sylvois contre des menaces directes ou dirigées contre l'OND a amené, en particulier depuis l'holocauste d'Estham, à une acceptation de la violence militaire pour neutraliser les menaces avérées. Cette acceptation de la violence explique en partie la tolérance populaire envers la réponse teylaise contre le LiberalIntern suite à la crise de l'Hotsaline, confortée d'autre part par le même usage de violence explosive par le Grand Kah en pleine contradiction avec ses discours humanistes.