Posté le : 02 août 2025 à 19:57:14
26545
Agence de presse fédérale
C’est un sujet d’actualité qui secoue véritablement la presse, la société, mais aussi l’histoire de notre pays. Notre consul actuel, Cristobal Pandoro, est sous le joug d’une menace de destitution de la part du Sénat. Mais alors que cette menace devrait être mise à exécution dans les prochains jours, plusieurs partis, allant de la droite la plus extrême des Conservateurs à la droite la plus modérée des Traditionnalistes, s’élèvent pour réclamer le retour de l’institution impériale à Stérus. Ils estiment que le pays ne s’est jamais aussi bien porté que sous l’Empire.
Ainsi, l’Agence Fédérale de Presse vous propose aujourd’hui une interview en exclusivité d’Aurélia Vespera Augusta Stérusiana, plus connue sous le nom d’Aurélia Vespera de Stérus. Elle est aujourd’hui la seule prétendante au trône de Stérus, première dans l’ordre de succession direct du dernier empereur. En cas de retour de l’institution impériale, ce serait elle qui serait placée sur le trône.
Journaliste : Aurélia Vespera, merci à vous d’avoir accepté cette interview. Nous savons que vous venez d’assez loin dans le pays, puisque vous vivez aujourd’hui avec votre famille dans le Bernium, république la plus au nord de la fédération. Est-ce que c’est un choix stratégique, vivre dans la république la plus pro-impériale de tout le pays ?
Aurélia Vespera : Bonjour à vous aussi. Je vois qu’on se plonge directement dans le grand bain des questions. Effectivement, oui, c’est stratégique, même particulièrement stratégique. Il faut savoir que, durant la grande révolte, la famille a clairement été menacée de mort. Il fallait que l’on trouve une zone où vivre sans risquer notre vie. Ne pouvant pas quitter le pays, on s’est rabattus sur la seule république qui ne nous voulait pas de mal. C’est vrai qu’historiquement, le Bernium a largement entretenu cette forme de tradition des valeurs impériales. C’est d’ailleurs aujourd’hui l’État le plus fidèle à la religion de la famille impériale. Puisqu’à l’époque, du moins, c’étaient bien les Romaniques qui étaient à la tête de la famille impériale.
Journaliste : Votre arrière arrière-grand-père était un Romanique , est-ce qu’aujourd’hui la famille impériale suit toujours cette religion comme religion principale ?
Aurélia Vespera : Oui et non. Aujourd’hui, chaque membre de ma famille suit la religion qui lui plaît. C’est vrai qu’il y a un grand héritage Romanique, mais bien entendu, le catholicisme est aussi, chez nous, largement pratiqué, et nous en sommes très fiers. On considère que la famille impériale, même si elle n’est plus, depuis près d’un siècle, une famille régnante, se doit de garder une certaine forme de représentation du peuple. Et si nous, famille héritière, ne sommes pas capables d’accepter les différences religieuses, alors comment voulez-vous que la population le soit ?
Journaliste : Vous considérez qu’il y a des conflits religieux aujourd’hui au sein de la fédération ?
Aurélia Vespera : Non, je pense qu’aujourd’hui beaucoup de Stérusiens sont fatigués. Ils ont le sentiment d’élire des personnes à chaque nouvelle élection, mais qu’à chaque nouvelle élection, c’est l’intérêt des partis qui prime avant l’intérêt suprême du pays. Je ne mets en accusation personne, que ce soit Cristobal Pandoro, Cameus Bondamet, Omerz Sniap. Ces gens ont fait ce qu’ils jugeaient bon, que ce soit pour le pays ou pour eux. Et comment pouvons-nous les juger pour ça ? Qui d’entre nous aurait fait mieux ? Je sais que beaucoup estiment qu’un dirigeant a un devoir certain d’honneur et de retenue. Et ça, je ne pourrais jamais prétendre le contraire. Mais je pense qu’il faut savoir ouvrir son cœur et se dire que parfois, même les personnes pour qui on éprouve de la colère ont pu chercher à simplement faire ce qui était bon. Ce sont les tribunaux qui jugent les personnes ; aucun être humain, en dehors de ses fonctions, ne peut en juger un autre. Je pense simplement qu’à terme, cette fatigue, ces tensions, ces reproches favorisent aujourd’hui les tensions religieuses, puisque plutôt que de s’unir dans la difficulté, on préfère trouver des responsables, et qui de mieux que ceux qui ne sont pas comme vous ?
Journaliste : Vous considérez que Pandoro a toujours voulu agir dans l’intérêt des Stérusiens ?
Aurélia Vespera : Je considère que Pandoro est un être humain. Il fait des erreurs, il commet des boulettes, mais il n’a pas un mauvais fond. Être consul n’est pas une tâche aisée, il suffit de voir à quel point cet homme était apprécié avant qu’il soit consul. C’est vrai, si on regarde, il était la personnalité publique préférée des Stérusiens en 2001 et 2002. À l’époque, ce n’était qu’un jeune juge des affaires familiales, mais son investissement dans la sécurisation et la protection de l’enfance a fait de lui un homme qu’on doit respecter, qu’on soit en accord avec ce principe ou non.
Journaliste : Mais vous savez qu’il fut notamment mis en accusation pour le passage à tabac d’un homme condamné par Pandoro. Condamné pour des actes d’une cruauté sans nom évidemment il était accusé de violence et de torture sur une jeune fille mais Pandoro fait partie des personnes accusées de l’avoir battu à mort en prison. Il fut acquitté parce qu’il n’existe aucune preuve factuelle, mais on sait tous grâce aux caméras de surveillance que Pandoro était dans cette prison ce soir-là. Au pire, il a lui-même participé, au mieux, il était au courant et a laissé faire. Vous, qui êtes descendante d’une famille impériale, héritière d’une dynastie avec des valeurs, un sens de l’honneur… est-ce qu’au final, là, aujourd’hui, vous ne seriez pas en train de légitimer le fait de faire justice soi-même ?
Aurélia Vespera : Non, je ne pense pas que je légitime cela. Je pense que je parle simplement avec le cœur. Oui, cette histoire est terrible. Mais qui sommes-nous pour lui jeter la première pierre ? Avec ce qu’il a vécu dans son enfance, avec ce qu’il a vu durant sa vie… qui sommes-nous pour juger ce genre d’acte ? Oui, c’est un acte davantage dicté par la passion que par la raison. Mais n’avez-vous jamais agi par passion, puis par raison ? Je ne dis pas qu’il n’aurait pas dû être condamné s’il était coupable de cet assassinat, évidemment. Je dis simplement que son acte, s’il est avéré un jour, est compréhensible bien que répréhensible et non excusable.
Journaliste : Puisque nous sommes sur le sujet de Pandoro, que pensez-vous de sa politique actuelle, d’abord sur le plan national ? Par exemple, sur sa politique à l’encontre de la fonction publique ?
Aurélia Vespera : Vous savez, je ne suis pas venue ici pour critiquer Monsieur Pandoro. Je dirais davantage que sa politique, en tout cas celle-ci n’est pas alignée sur celle que prônerait l’Empire. L’Empire n’était pas profondément défenseur de la fonction publique, mais c’est parce qu’il croyait davantage en ses républiques autonomes qu’au Consulat.
C’est sous l’Empire que les présidents de chaque république avaient le plus de prérogatives. L’Empereur, par tradition, était surtout responsable du commerce, de l’armée, des relations extérieures et des quelques fonctions régaliennes pour la gestion de l’Empire. Ainsi, je pense surtout que le système du Consulat a trop cherché à centraliser, et qu’il faudrait envisager de revenir sur cet état de fait lors du prochain mandat d’un futur consul.
Journaliste : Vous ne croyez pas en ce que beaucoup de partis de droite prônent aujourd’hui, le retour de l’Empire ?
Aurélia Vespera : Ce n’est pas que je n’y crois pas, c’est que je garde les pieds sur terre. Le consul Pandoro va très probablement être destitué dans les prochains jours, ce qui conduira nécessairement à la chute du Consulat dans sa forme actuelle. Pourquoi ? (Je devance votre question) Parce que, comme j’ai pu le dire, le consul Pandoro a bâti le Consulat actuel dans les règles de l’art, dans le sens où il n’a jamais usé de règles non constitutionnelles, mais a réussi à imposer un pouvoir très fort, avec peu, voire pas, de contre-pouvoirs suffisants. Il a réduit le Sénat au silence et les juges de la Cour suprême au rang de simples législateurs. Et tout cela n’est pas inconstitutionnel… et les gens s’en sont rendu compte. Sauf qu’aujourd’hui, ils ne veulent plus ou pas d’une gouvernance comme celle-ci. Ce qui ferait du bien aux gens, ce serait de revenir à une fédération des régions, ou du moins à Stérus des régions.
Les présidents des républiques autonomes sont élus directement par le peuple et connaissent bien mieux leurs régions que n’importe quel dirigeant. Sur les quinze derniers consuls que la fédération a connus, seul un avait visité l’entièreté des républiques autonomes au moins une fois avant d’être élu. Et aucun n’a jamais visité l’ensemble des provinces de chaque république. Ce n’est pas grave, ce n’est pas un crime, mais c’est dommage de prétendre pouvoir parler au nom de gens dont on ne connaît pas la vie.
Journaliste : Vous pensez qu’un consul devrait avant tout être un homme de terrain ? De proximité ?
Aurélia Vespera : Non, au contraire. Pardonnez-moi, je me suis sans doute mal exprimée. Ce que je veux dire, c’est que le consul ne peut pas assurer cette mission. C’est pour ça qu’il faut redonner du pouvoir à nos régions, à nos provinces. Parce qu’en donnant le pouvoir du consul aux présidents des républiques autonomes, on permet à des gens qui ont visité leur pays, qui ont partagé des moments avec leur population, de répondre à leurs besoins. Et soyons sérieux : les habitants de Barba ne vivent pas le même quotidien que ceux de Nouvelle-Sicile. La Lombamie, territoire le moins peuplé du pays et semi-désertique, ne peut pas connaître les mêmes inquiétudes que ceux qui vivent dans le Catloma, territoire où l’eau est abondante, partagé entre zone tropicale et zone tempérée. C’est un état de fait.
On ne peut pas demander à des étudiants de Lombamie d’aller étudier sous 45 degrés en même temps que ceux du Bernium sous 21 degrés. On ne peut pas imposer les mêmes heures de travail partout, on ne peut pas penser que tout doit fonctionner pareil partout. Et pourquoi diable devrions-nous concentrer tous les cercles de pouvoir à Barba ? Nous avons un des pays les plus grands du continent, mais tout se passe sur un territoire d’à peine 1 000 km². Ce n’est pas normal, mais c’est au peuple de décider de changer cela.
Journaliste : Sur le plan militaire ? La fédération n’a cessé de se militariser depuis l’ouverture totale sur le monde. Nous avons multiplié par 30 notre puissance d’antan ; aujourd’hui nous ne sommes pas loin d’avoir la première puissance militaire du continent, et nous sommes dans le top 15 ou 20 des puissances militaires du monde. C’est un atout. La puissance, on le rappelle, se définit en géopolitique par la capacité à faire, à faire faire ou à ne pas faire. C’est une définition simple, mais qui en dit beaucoup. Estimez-vous que cette militarisation est bénéfique ? Qu’il faut poursuivre ?
Aurélia Vespera : Je pense qu’il est primordial d’avoir une nation forte, d’avoir la force et les capacités de ses ambitions. Cependant, notre armée ne doit pas servir à faire la guerre, à provoquer ou à devenir belligérante dans une guerre sans intérêt. La doctrine impériale a toujours été de dire : « Faisons en sorte d’être trop puissants pour être attaqués, mais pas trop menaçants pour être fuis. » C’est là la principale doctrine que devrait suivre la fédération : avoir la capacité d’assurer sa défense, ça, c’est acquis. Mais avoir aussi la politique adéquate à une volonté de paix et de stabilité… ça, pour le moment, nous en manquons quelque peu.
Par exemple, sur le plan maritime, notre pays est extrêmement bien placé sur la scène internationale. Dans les faits, en tonnage, nous détenons une des armées les plus puissantes du monde, exclusivement sur le maritime. Peu de nations seraient capables de résister à un affrontement en mer contre nous. Pour autant… qu’est-ce que ça change ? Frapper, toucher, couler… ça n’a jamais, à ma connaissance, enrichi le pays. Ça n’a jamais, à ma connaissance, permis, dans la durée, d’assurer notre protection. Ça n’a même jamais permis, en réalité, d’être bénéfique.
Il faut donc constamment que nous soyons dans cette espèce de jeu d’équilibriste entre volonté de puissance défensive et volonté de créer des partenariats stratégiques et non hégémoniques.
Journaliste : Puisque nous sommes sur le plan militaire, vous vous en doutez, on va maintenant basculer sur un plan plus géopolitique. Commençons par le sujet dont tout le monde parle en ce moment, le sujet le plus évoqué sur les plateaux du monde entier : la guerre entre l’OND / l’ASEA et Carnavale. C’est une guerre qui a déjà fait des millions de victimes, et qui devrait en faire de nouveau. Qu’avez-vous à en dire ?
Aurélia Vespera : La seule chose que j’ai à dire, c’est que j’en veux énormément aux dirigeants de ce monde. Bien sûr, peu sont responsables directement de ça, mais quand on voit ce qui s’est passé à Estham… C’est une horreur. Des millions de victimes… je n’ai pas les mots. Il y avait des enfants, des mères de famille, des pères, des sans-abris, des bébés, des retraités… tous ne souhaitaient qu’une chose : vivre. Ils ont été attaqués et visés par des frappes qui n’ont aucune logique stratégique. Jamais, même en période de guerre, nous ne devons pouvoir viser des populations civiles. C’est une honte, un déshonneur et un manque cruel de courage que de s’en prendre à des personnes non armées. Je ne suis pas une sainte, je sais que la guerre est un outil, que la force repose aussi sur des intentions politiques. Mais les militaires ne doivent s’en prendre qu’à d’autres militaires, jamais à des populations civiles.
Carnaval avait déjà prouvé sa diabolique idéologie en frappant une église dans l’Empire du Nord, en cherchant à tuer des religieux. C’est inadmissible. Ce sont des crimes qui n’ont aucun nom, si ce n’est celui du diable en personne. Mais je ne pense pas que la réponse actuelle de l’OND soit forcément très pertinente. Évidemment qu’il faut riposter, évidemment qu’il faut apporter une réponse… mais il faut le faire intelligemment. Frapper de toutes ses forces n’est peut-être pas la chose la plus appropriée. On sait que Carnaval possède l’arsenal balistique le plus puissant du monde. C’est un jeu dangereux que de frapper celui qui tient le bâton de dynamite.
Journaliste : Il aurait fallu faire quoi selon vous ?
Aurélia Vespera : Honnêtement ? Je n’ai pas de réponse. La priorité pour Stérus a visiblement été de fournir de l’aide humanitaire pour les Nordiens, et je salue cela. La priorité pour moi, ce sont toujours les victimes, pas les coupables. Les coupables doivent être jugés conformément au principe de l’État de droit, pas par la force brute. Maintenant, je ne mets aucune force politique de l’OND en cause. Comme je l’ai toujours répété dans cette interview : « Que celui qui n’a jamais péché lance la première pierre. » Je le dis avec toutes mes convictions, je suis persuadée que les nations de l’OND ont agi avec le plus de respect et avec les meilleures intentions possibles.
Journaliste : C’est un choix difficile que d’essayer de convenir à tout le monde Majesté, mais je pense pouvoir vous faire sortir de votre neutralité sur ce sujet, parce que nous allons à présent discuter de la Grande République de Westalia et de la République de Lermandie. Nous le savons tous, les relations entre notre pays et ces deux autres nations se sont largement dégradées ces dernières années. Il y a énormément de choses à dire et j’avoue ne pas savoir par où commencer, alors allez-y, je vous jette dans le grand bain.
Aurélia Vespera : À vrai dire, avant toute chose, avant d’être impératrice, je suis Stérusienne comme vous tous. Donc, évidemment, je suis patriote et je soutiens mon pays. Mais j’ai conscience des faiblesses du gouvernement qui nous dirige, et même si ces faiblesses sont humaines, elles n’en restent pas moins des faiblesses.Le conflit qui a failli dégénérer entre les trois nations n’est pas forcément, selon moi, le résultat d’une politique froide et impérialiste stérusienne, mais plutôt d’une incapacité à se comprendre. Je ne peux pas me mettre à 100 % derrière le consul. Je ne peux pas soutenir son départ de l’ASEA. Je ne peux pas donner du crédit à l’envoi des forces armées sur le sol lermandien.
Pas parce que je ne considère pas que la situation l’exigeait, mais parce que je considère que toutes les autres solutions avant celle-ci n’avaient pas été exploitées. Cristobal a envoyé l’armée sans essayer plus que ça de négocier. Je peux comprendre qu’on soit désabusé, fatigué de parlementer… mais tant que c’est possible, tant que la limite n’est pas franchie, alors nous devons le faire. Alors nous devons tout tenter pour éviter la moindre perte humaine.
Dans les faits, je considère que le gouvernement de la République de Lermandie a également outrepassé ses droits, et je considère que la Fédération et l’ANTS devraient la poursuivre pour certaines de ses actions. Mais en aucun cas je ne peux soutenir une intervention militaire comme celle-ci. Nous devons régler nos conflits par le droit, par des jugements équitables, et non par la violence.Je regrette évidemment que les négociations sous médiation teylaise n’aient eu lieu qu’après cet événement. Et évidemment, je regrette qu’aujourd’hui encore aucun accord n’ait été trouvé. Je crois fermement en la capacité du royaume de Teyla à trouver une solution équitable et à la faire appliquer… enfin, j’y croyais auparavant. Maintenant, je serais davantage d’avis que nous devrions engager une médiation avec une autre nation.
.Journaliste : Pourquoi cela ? Teyla reste encore aujourd’hui un partenaire de choix pour Stérus.
Aurélia Vespera : Oui, économiquement nous pouvons encore compter sur Teyla, et je garde le plus grand respect pour ce pays et pour cette famille royale. Mais le fait est qu’aujourd’hui, Teyla a choisi son camp : celui de l’ASEA. Peut-être que j’extrapole, je ne suis pas dans les petites discussions de couloirs, mais il semble clair que Stérus n’est pas plus haut dans l’estime teylaise que les deux autres nations impliquées.
Au contraire, en somme, c’est assez triste de se rendre compte que les deux nations eurysiennes avec lesquelles Stérus a tenté de souder des liens durables, Karty et Teyla ont toutes deux choisi de s’orienter vers le Nord plutôt que vers le Sud. Oui, c’est dommage, mais pour autant, ce n’est pas un drame. Nous devons simplement apprendre de nos erreurs et nous dire qu’on ne peut pas accorder la même confiance à nos partenaires eurysiens que celle que nous accordons à d’autres partenaires dans le monde.
Journaliste : Vous êtes en accord avec la décision du gouvernement de rompre les relations avec Karty suite à leur implantation en Lermandie ?
Aurélia Vespera : Oui, c’est une position radicale, je le sais, mais il faut être pragmatique. Même si je ne suis pas dans une psychologie de haine contre la Lermandie ou la Westalia, à l’heure actuelle, ils sont nos ennemis. Enfin, "ennemis" est un mot fort… tout du moins, ce sont des États hostiles. Et par conséquent, on ne peut décemment accepter que nos partenaires leur tendent la main et poignardent la nôtre. Le consul est sûrement légèrement trop dur et peu mesuré dans ses propos. Mais le fait est que la République de Lermandie a mobilisée, et appuyée par la Westalia, ses forces militaires à l’encontre de civils stérusiens. Nous ne pouvons accepter qu’un partenaire juge que la vie, l’intégrité et le respect de nos citoyens ne passent qu’au second plan. Un partenaire qui n’a pas de respect pour votre loyauté, pour votre honneur, et pour votre peuple ne peut réellement s’appeler un partenaire.
Journaliste : Vers quel avenir allons-nous dans nos relations avec Teyla ?
Aurélia Vespera : Je ne sais pas vraiment. Tout dépendra du futur successeur de Pandoro. Car soyons honnêtes, je ne crois pas un seul instant qu’il évitera la censure. Mais je ne peux pas réellement répondre. Je pense vraiment que selon la tête gagnante de la future élection, on pourrait aller vers du quitte ou double.
Journaliste : Vous, personnellement, vous souhaiteriez quoi ?
Aurélia Vespera : Moi, personnellement ? J’attendrais. Je pense que nous ne devons pas agir comme auparavant, nous ne devons pas juste arrêter toute relation avec Teyla et ne plus jamais être en contact avec eux. D’abord, nous devrions aller à leur rencontre, discuter avec eux. Essayer de trouver des solutions, de comprendre pourquoi notre loyauté n’est pas réciproque et quelles sont les motivations du royaume à être prêt à mettre en péril nos relations pour d’autres nations qui n’ont rien à nous envier.Mais effectivement, comme avec Karty, nous ne pouvons pas accepter qu’un de nos partenaires principaux ne dispose pas du même respect pour nous que celui que nous avons à son encontre.
Lors du conflit avec la Loduarie, Teyla a appelée Stérus. Stérus a répondu immédiatement et a tout de suite décidé de s’engager pleinement. Stérus a longuement et largement acheté du matériel militaire à Teyla, et a même offert au pays une base militaire sur son sol.
Quand on regarde, rien que ces trois choses-là prouvent une volonté de loyauté et de respect inimaginable. Si, en retour de cette loyauté, on nous poignarde dans le dos, évidemment, on ne peut pas continuer sur le même chemin qu’eux.
Maintenant, comme je l’ai dit tout au long, je ne juge pas le royaume de Teyla. Ils ont sûrement des raisons bien à eux de ne pas appliquer ce principe de loyauté.Simplement, de notre côté, nous devons aussi agir en conséquence. Et à vrai dire, je ne comprends même pas ce que Teyla ou Karty gagnent à frontalement briser leur relation avec Stérus pour aller du côté des nations du Nord. Mais d’un côté, nous devons respecter leur choix aussi. Le dialogue reste la clé.
Journaliste : Donc votre avis sur la situation n’est finalement pas bien différent de celui de Pandoro ?
Aurélia Vespera : Ah si, totalement, qu’est-ce qui vous fait dire le contraire ?
Journaliste : Eh bien, vous validez sa politique, en somme. Vous n’avouez ses fautes qu’à demi-mot et vous promettez les mêmes réponses que lui.
Aurélia Vespera : Si vous pensez ça, c’est que je me suis sans doute mal exprimée, et je vous présente une nouvelle fois mes excuses. Ce que je défends par-dessus tout, c’est le droit.Le droit est pour moi primordial. Ce qu’il faut faire avant toute chose, c’est partir du principe que le recours aux forces armées ne peut être que l’aveu d’un échec. Ça ne peut être que la conséquence d’une impossibilité catégorique de toute autre forme de solution. Jamais je ne pourrais dire, jamais je ne pourrais défendre une politique basée sur l’utilisation des forces armées avant le dialogue. Et c’est justement là où je rejoins le consul Pandoro d’une certaine manière. Si vous regardez les événements, c’est bien la Westalia et la Lermandie qui ont mobilisé leurs forces en premières. Oui, la Lermandie a envoyé ses forces de police, mais elles étaient escortées par les marines lermandiennes et westaliennes. Ce n’est pas de moi, ce sont les journaux lermandiens eux-mêmes qui le disent.
À partir de là, nous avons franchi une première barrière. Parce que, soyons d’accord : quand le procureur ordonne une perquisition, vous voyez des soldats armés de M16 et habillés en treillis défoncer la porte ? Non, vous voyez des agents de police armés qui font : « Toc, toc, bonjour Monsieur. » Et je pourrais même aller plus loin, vu que ce sont des bâtiments de guerre qui étaient mobilisés. Imaginez qu’on vienne vous perquisitionner avec des tanks et des missiles. Vous trouveriez ça normal, ou vous diriez que c’est un acte autoritaire ?
Mais attention, là où je critique également, c’est la politique du consul qui a répondu par la force, plutôt que d’envisager de dénoncer et de poursuivre la Lermandie et la Westalia pour cet acte. Je suis une femme qui croit profondément en la valeur de l’État de droit. Et dans cette histoire, aucune des trois nations ne peut se revendiquer comme en faisant autant.
Et c’est là, par ailleurs, où je suis déçue de la médiation Teylaise. Car là où Teyla aurait pu souligner les défauts, les exactions de chaque partie, en faisant appel au droit, Teyla a choisi d’éviter de froisser. Du moins, surtout, de convaincre Stérus de changer d’optique. Et dans tout ça, qui avons-nous oublié ? Qui avons-nous totalement abandonné ? Ce sont les centaines de Stérusiens qui vivaient en Lermandie et qui, un jour de travail lambda, ont vu des navires de guerre foncer droit sur eux. Ça, c’est terrible. Mais quand on écoute les politiques, personne n’en parle. Moi, je défends la vie, l’intégrité et le respect de mon peuple avant tout.Pas l’honneur et la masculinité froissée d’un gouvernement, en l’occurrencecelui de Pandoro.
Journaliste : Vous pensez donc que la meilleure approche serait laquelle ?
Aurélia Vespera : Celle de l’indifférence. Pas l’indifférence méprisante : l’indifférence non partisane. Nous n’avons pas besoin d’eux pour vivre, ils n’ont pas besoin de nous. Tâchons donc de respecter cette idée et d’avancer en ce sens.Dans le fond, le problème depuis le début est que nous n’arrivons pas à admettre qu’il faut séparer le passé du futur.Cette espèce de volonté perpétuelle de prévenir toute possibilité de futur conflit nous amène aujourd’hui plus proches du conflit que nous ne l’étions au moment du départ de l’ASEA.
Journaliste : Vous pensez qu’un conflit est inévitable ?
Aurélia Vespera : Qui peut penser ça ? Il y a toujours une solution diplomatique, il y a toujours une opportunité d’entretenir le dialogue, de favoriser l’échange et de ne pas se laisser prendre par les événements, quels qu’ils soient.C’est toute la différence entre un chef d’État médiocre et un vrai dirigeant : sa capacité à voir le verre à moitié plein ou à moitié vide.Ces différentes difficultés nous auront au moins permis de comprendre sur qui on peut compter, sur qui on ne peut pas compter, de comprendre ce qui nous a permis d’avancer et ce qui nous a condamnés à entrer dans ces cercles vicieux.
Journaliste : Toujours sur le plan international, votre position par rapport à l’Akaltie ?
Aurélia Vespera : Comment ça, ma position ? L’Akaltie entretient un bon rapport avec l’ASEA, bien que légèrement plus froid que jadis, et assure avec Stérus une forme de couple stéruso-akaltien particulièrement soudé en Aleucie du Sud. Je trouve que cette coopération est un atout majeur pour la Fédération. L’Akaltie et nous sommes en très bons termes, et je ne pense pas qu’il serait bénéfique de revenir sur cet état de fait.
Journaliste : Et les récentes secousses diplomatiques entre l’Akaltie et les autres nations du sud du continent ?
Aurélia Vespera : Je pense qu’il faut parvenir à convaincre chaque clan que d’autres voies sont possibles, et qu’il n’est pas nécessairement obligatoire de se lancer dans des joutes verbales à répétition.Il faut que les nations qui en veulent à l’Akaltie puissent s’exprimer et être écoutées, mais il faut aussi entendre les revendications akaltiennes.Je suis convaincue que nous pouvons trouver un terrain d’entente pour toutes les parties.
Jorunaliste : Vous savez, Majesté, je vous l’ai déjà dit dans cette interview, mais convenir à toutes les parties, essayer sans cesse d’être entre deux feux peut souvent plus vous détruire qu’autre chose.Et sur le sujet de l’ASEA ? Nous avons évoqué des sujets très d’actualité, la Westalia, la Lermandie, l’Empire du Nord et l’Akaltie, toutes ces nations sont membres de l’ASEA. Mais pour autant, nous les avons évoquées séparément. Si on prend l’ASEA en tant que telle, quelle est votre approche sur cette organisation dont nous étions membres ?
Aurélia Vespera : Je pense que l’ASEA avait énormément de potentiel. Je pourrais même dire que j’y ai moi-même largement cru au départ. Lorsque j’ai vu le consul de l’époque, Cameus Bondamet, signer avec les trois autres fondateurs, c’est vrai que je me suis dit que nous avions là réalisé sûrement l’une des plus grandes avancées diplomatiques de notre histoire. Quatre jeunes nations très prometteuses, qui décidaient de s’unir, de former ensemble un front commun sur l’ensemble des éléments qu’on peut imaginer.
Mais je pense que la vision de l’échec de cette organisation était en réalité visible depuis le début. Dès le début, on a vu se former deux visions dominantes de l’organisation : Celle de la Westalia, avec une ASEA surtout centrée sur les questions économiques et commerciales. Et la Fédération, qui elle, n’a jamais caché son intention d’en faire une organisation centrée également sur l’aspect militaire et diplomatique.Ces deux visions ont agi et creusé un fossé, qui fut dès le premier coup de pelle le signe d’un échec futur évident.
Journaliste : Vous dites que cette organisation est un échec, pourtant celle-ci est toujours active. Seule la Fédération l’a quittée dans les faits.
Aurélia Vespera : Dans les faits, oui, bien sûr. Mais en réalité, depuis le départ de la Fédération, cette organisation est en état de mort cérébrale. Les États membres se concentrent sur d’autres sujets, les discussions sont quasiment inexistantes et les divisions, elles, de plus en plus visibles. Il y a encore des nations qui s’y accrochent, comme l’Akaltie ou la Lermandie. Mais je ne promets personnellement pas un très grand avenir pour elle. À vrai dire, aujourd’hui, j’estime que la Westalia elle-même gagnerait davantage à quitter cette organisation.
La Westalia est une nation puissante. Avec le massacre d’Estham, elle est devenue la première puissance économique du continent. C’est une force, et elle devrait selon moi la valoriser en préférant l’indépendance idéologique.Ou du moins, en se rapprochant d’organisations avec des ambitions et une aura plus grandes que l’ASEA. D’autant que l’ASEA a assez mauvaise réputation sur la scène internationale.
Journaliste : On arrive bientôt à la fin de cette interview. Pour finir, je voudrais discuter avec vous d’un sujet peut-être un peu plus personnel, peut-être moins politique, votre famille
Vous avez quatre enfants. Chacun de vos enfants a suivi une carrière très différente.Votre fils aîné, Carlos, est aujourd’hui dans l’anonymat quasi total : c’est un chirurgien cardiaque indépendant.Votre deuxième enfant, Décima, est aujourd’hui à la tête de l’empire viticole de votre famille, à seulement 28 ans. Votre autre fils, Emiliano, est un homme engagé dans la politique du Bernium. C’est, à seulement 26 ans, le plus jeune sénateur de notre pays. Et enfin, Alessandro, votre petit dernier, âgé d’à peine 19 ans, est pourtant celui qui parvient le plus à faire rayonner votre nom chez les jeunes générations.C’est un mannequin, acteur et, peut-on dire, influenceur mode particulièrement suivi dans notre pays, et même dans d’autres. Il a posé notamment pour CAXTA, une des plus grandes maisons de haute couture du pays, voire du monde.Il est souvent décrit comme étant celui qui casse les codes des habitudes de rigueur et de coutume impériale. Dans le cas où vous devriez un jour reprendre votre place d’impératrice, qui pourriez-vous désigner comme futur héritier ?Car, comme le veut la tradition, le trône est par défaut, si l’empereur, à sa mort, n’a pas nommé d’héritier donné au premier enfant. Mais l’empereur, en l’occurrence l’impératrice, pourrait nommer un autre de ses enfants.
Aurélia Vespera : Vous savez, je pense qu’il ne faut pas se faire des idées en tête. Il y a peu de chances de voir l’Empire être rétabli, et encore moins que ce soit de mon vivant.Enfin, pour ce qui est de mes enfants, que ce soit Carlos, Décima, Emiliano ou Alessandro, je suis extrêmement fière d’eux.
Que Alessandro casse ce que vous appelez des codes, ça ne me dérange pas. Nous ne sommes une famille impériale que par notre histoire.
Aujourd’hui, nous n’incarnons plus aucune autorité comme celle-ci. Je n’ai pas d’héritier, je n’ai que des enfants que j’aime.
Journaliste : Très bien. Merci beaucoup, Impératrice Aurélia, de votre vrai nom Aurélia Vespera Augusta Stérusiana.
Je vous souhaite une bonne continuation, et j’espère pouvoir vous revoir très bientôt.
Aurélia Vespera : Merci beaucoup à vous de m’avoir accordé ce temps.
**La chaîne de télévision lance la publicité.**