
Une communication étrange parvient un beau jour de février dans les bannettes du ministère des affaires de la Sublime Maison Aykhanide. C'est une vidéo, comme la majorité des communications "officielles" sorties de Listonie Pénitente en sont venues à l'être. On peut y voir toute une assemblée d'hommes en armes, masqués, cagoulés. Ils portent une banderole exhortant au culte du Christ et de Dieu.
Le Dieu.
Pas celui des barbares.
Devant eux, alignés, des sacs noirs sur la tête, une dizaine d'individus grelottant de froid. Des femmes, des hommes et deux enfants. Des civils, habillés comme des civils. Bien habillés, pour les standards que l'on pourrait trouver dans l'actuelle Listonie Pénitente.
Un homme rentre dans le cadre. Hirsute, sale, le regard tout autant absent qu'il semble être concentré sur quelque chose. Quelque chose qui dépasse le monde sensible.

Les cris et les pleurs des captifs civils se font entendre, comme ils se font entendre depuis le début de la mise en scène, mais l'homme fait un signe de la main : Les hommes en armes intiment l'ordre aux captifs de se taire, et ceux qui n'obtempèrent pas sont frappés par les crosses des fusils.
L'homme, lui, attend que le silence se fasse, dérangeant, pour venir planter son regard dans la focale de la caméra.
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Je suis Simão, apôtre de notre Auguste César Jésus-Christ. Il y a quelques jours, nous avons reçu de la part de votre ... laquais du Morakhan un message ... perturbant. "
L'apôtre du Christ produit devant la caméra une dizaine de passeports. Ils sont tous floqués de l'aigle du Zagroyat. Il fait un pas en arrière, et balaye l'assemblée d'un geste ample, calculé, mesuré.
"
Voilà dix malheureux sujets de ce ... Zagroy, que nous avons trouvé ça et là, par nos réseaux et nos amis, en tourisme de par l'Eurysie. Des slaves qui pensaient pouvoir parader leur impureté dans les rues pures du berceau des enfants de Dieu et de la Civilisation. Ils se trompaient. Comme le fou qui pensait pouvoir nous menacer se trompait. "
Derrière Simão, un autre individu rentre dans le champ de la caméra, le pas lourd sur la terre détrempée d'un ancien parc de la capitale de l'historique Empire Listonien. Il porte une combinaison kaki étanche, deux grosses bonbonnes sur le dos, un masque respiratoire ... et un grand engin tubulaire à la main, relié aux bonbonnes.
"
J'adresse ce message au Grand Bey de la Sublime Maison Aykhanide, vous qui avez au moins le mérite d'avoir embrassé un semblant de civilisation au cours du dernier millénaire. Vous qui êtes d'une race fière et conquérante, avec laquelle il est au moins possible de discuter : "
" Tenez vos ROQUETS SLAVES à carreau, avant que nous n'ayons à le faire pour vous ! "Derrière Simão, l'homme en combinaison appuie sur la poignée de son engin. Un petit cliquetis retentit, suivi d'un sifflement léger ... Et puis une flamme s'allume au bout du tube. Une petite flamme, comme une chandelle vive et bleue au bout d'une bougie chimique.
Les hommes en armes qui tenaient les captifs les lâchent et font plusieurs pas en arrière.
L'homme au lance-flammes s'empresse alors d'appuyer à nouveau sur la poignée de son arme, et un flot de carburant poisseux jaillit de son arme pour submerger les otages mors et les transformer en torches vivantes et agonisantes. Les cris sont déchirants, inhumains.
Ils sont conformes à l'image que les Listoniens ont des slaves.
"
Puisse Dieu pardonner l'affront de leur existence. "
L'un des otages titube, s'avance ... semble esquisser un semblant un fuite. Beaucoup de courage pour une torche humaine. Il est fauché après quelques pas par une rafale de fusil d'assaut.
Simão lui accorde un regard absent.
"
Vae Victis ... "