31/03/2018
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La Grande Loterie de Messalie [jeu de piste] - Page 5

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Dans le train

Assis sur votre siège, le regard tourné vers la large vitre, vous contemplez le paysage passer d’un tableau de gare de triage. Des voitures obsolètes, abandonnées dans un coin de voie ferrée, sont séparées les unes des autres par des plantes qui envahissent les cailloux. Les hangars désaffectés sont couverts de tags, de graphes, d’inscriptions et de fresques grotesques et énigmatiques : « Messalie BB », « Free Cramoisie », un personnage ressemblant à Serge XIV du Drovolski faisant le signe de Joule (un musicien local). Ces lettres déchirées, soufflées sur les parois poussiéreuses de la zone industrielle, témoignent de cris muets poussés par des fantômes. Le train tremblote dans son sentier de métal ; vous vous éloignez de Messalie et de ses mystères. Il démarre, s’avance, prend de la vitesse. Sous vos yeux les images se dérobent.

Le paysage se dégage. Passant des quartiers franchement délabrés, aux tuiles morcelées, aux façades écaillées, au linge pendant entre les immeubles, surplombant les quartiers misérables, les tours d’habitation noircies de pollution, les parkings où se vend la drogue, les caves où se passent des choses innommables, le train s’avance à présent vers une campagne qui s’annonce. Cyprès, haies, jardins, pavillons résidentiels, prés, broussailles, puis des champs, des vignes, entrecoupées par la garrigue ; mais tout cela est happé comme la lumière par l’ombre d’un tunnel.

Dans l’obscurité, les loupiotes du train vous révèlent les quelques passagers silencieux qui vous accompagnent. Quelques arrêts sur des plateformes font entrer et descendre des gens lents et fatigués. Vous consultez votre montre. Le trajet se passe tranquillement.

— Les Eaux-du-Fiongue, trois minutes d’arrêt.

L’annonce enregistrée sonne à votre oreille comme une indication pour se lever. Le train ralentit, les portes s’ouvrent, vous sautez sur le bitume. Le soleil chaud plonge sur votre nuque. Devant la petite gare vide, pas un seul taxi n’a l’air de vous attendre. Vous reprenez votre Akaltopos, qui vous indique de longer la route pendant vingt minutes.




Que faire ?

☞ Aller à pied au Domaine Sainte-Fortune, en longeant la route.

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La Bourse du Travail

Vous entrez dans la Bourse du Travail à la recherche de votre guide improvisé. C’est un vénérable bâtiment, dont la façade en pierre de taille, les couloirs encadrés de colonnes, la grande mosaïque dépeignant un paysage glorieux d’ouvriers et de paysans des années trente, le mobilier élégant, les grands drapeaux rouges ornant solennellement les salles à haut plafond, témoignent de la grave histoire des luttes sociales du vingtième siècle.

Entre ces vénérables murs résonnent des éclats de voix, venus de débats, de conciliabules divers qui se tiennent dans le grand amphithéâtre ou bien dans des salles attenantes. Vous constatez une grande banderole annonçant la tenue d’une réunion de l’Association messaliote de défense des droits des travailleurs sans-papiers. Jetant un œil à travers la porte ouverte, vous constatez une assemblée d’hommes et de femmes agités. Noirs, plus rarement nazumis ou arabes, vous constatez ces sous-prolétaires de la restauration, de l’hôtellerie ou de la logistique s’apostropher dans des idiomes afaréens, pendant qu’un orateur est entré en discussion avec l’un de ses contradicteurs. Sans prendre le temps de comprendre les enjeux du débat, vous pressentez que votre conducteur ne se trouve pas là ; vous repartez à sa recherche.

Où est passé cet abruti ? Vous avez encore besoin de lui pour aller à la gare, et de là prendre le train pour le Domaine Sainte-Fortune où vous êtes initialement attendu. Vous montez quelques escaliers ; vous croisez un homme d’âge mûr, au crâne dégarni, qui porte un gilet de sécurité rouge et jaune. Son vêtement est frappé du sigle « Union Générale », un des principaux syndicats du pays. Vous continuez à monter. Des éclats de voix vous parviennent plus distinctement. En passant la tête dans l’embrasure d’une porte, vous constatez une grande salle pleine de militants en discussion. Ils sont autour d’une grande table, certains portent des gilets du syndicat. Une grande banderole « POUR LA RÉPUBLIQUE SOCIALE » est tendue en fond. L’un d’entre eux, grisonnant et au visage grincheux, est en train de discourir.

— Les camarades, écoutez-moi. La première règle dans la lutte, c’est de ne jamais rien lâcher. De ne jamais se laisser impressionner.

Son statut de vétéran semble fasciner les jeunes comme les gens de sa génération. Vous remarquez derrière lui, adossé contre le mur, votre accompagnateur ! Il écoute Maximilien Moreira, l’un des chefs républicains que vous reconnaissez alors, continuer sa prise de parole.

— Il ne faut pas croire que l’adversaire est aussi fort qu’on prétend qu’il l’est. On nous rabat les oreilles avec Tomarels, avec les Réformateurs, et qu’on-va-libérer-les-énergies, et le baratin habituel. On nous dit qu’ils-ont-gagné-les-élections, on stigmatise les grévistes et les syndicats, comme si tout était perdu, qu’on n’avait plus qu’une chose à faire, aller se coucher. Et ben : non !

Certains ricanent et applaudissent un peu. Vous essayez de vous rapprocher, d’attirer l’attention de votre accompagnateur, mais celui-ci ne vous remarque même pas.

— Les camarades, on a fait les comptes avec Manuel et Mathilde. Aujourd’hui c’est avec les fachos, mais rappelez-vous. La dernière fois, à l’élection législative, en 2015, on nous a fait une samba sur les libéraux. A écouter les journalistes ils avaient tout gagné, tout remporté, et la gauche était une espèce disparue comme le dodo de Gedemascar. On nous a dit : « le Parti républicain, c’est terminé ». Et quand c’était pas ça, c’était : « les Républicains, ce sont tous des mafieux ». Etc., etc., vous connaissez la chanson. Et ben figurez-vous qu’on a refait les comptes.

Il tapote du bout de son stylo une feuille où rien n’est écrit.

— Si on prend le second tour des législatives, dans les circonscriptions où l’écart de voix a été le plus faible entre nous et les autres, autant de fois qu’il aurait fallu gagner pour avoir une majorité – la majorité, c’est cent cinquante-et-un sièges, vous avez ça en tête – et bien, c’est vingt-huit mille voix qui nous ont manqué pour remporter ces circonscriptions et une majorité au Parlement. Vingt-huit mille voix ! C’est un cheveu, c’est rien !

Des militants acquiescent, opinant du chef. « Belle démonstration », pensent-ils.

— Autrement dit, ça c’est joué à rien. Ça s’est joué à rien ! Alors n’écoutez pas ceux qui vous disent qu’on a perdu, que la gauche c’est fini, qu’on y arrivera jamais. Ce qu’il s’est passé en 2015, c’est qu’ils ont eu de la chance. Mais ce parti, il est toujours là !

Certains applaudissent un peu. Une femme passe près de vous. Elle a autour de soixante ans, de longs cheveux filasses au blond mêlé de gris ; elle porte un gilet rouge, et ses yeux ont les cernes d’une fumeuse. Elle dit, en s’adressant à vous, qui accrochez son regard :

— Aller, j’en ai assez entendu. On s’est pris une claque aux municipales mais il faut accélérer : ça sera sans moi.

Certains autres la suivent à l’extérieur ; vous remarquez que ce sont essentiellement des syndicalistes, reconnaissables à leur allure de prolétaire, à leur âge avancé. Dans la salle restent surtout des jeunes, et notamment des gens d’origine étrangère. Vous entendez les sortants grogner les uns aux autres :

— Ce Moreira, tout ce qu’il veut, c’est phagocyter l’Union générale.

— Ouais. Il veut manipuler la classe ouvrière dans son intérêt. Les républicains, on a donné, on a vu ce que ça vaut.

Vous reportez votre attention sur ceux qui écoutent encore le leader parler. Votre accompagnateur est l’un d’eux. Finalement, vous arrivez à vous faufiler jusqu’à lui.

— Ne devrait-on pas aller à la gare ? chuchotez-vous. Si je manque le train, je risque d’arriver en retard…

— Qu’est-ce qu’il veut, le camarade ?

C’est Maximilien Moreira qui a interrompu son discours et qui se retourne vers vous. Votre accompagnateur rigole bêtement.

— Je dois l’amener à la gare, pour la Loterie.

Un murmure parcourt l’assistance. Sous les feux des projecteurs dans cette pièce remplie de gauchistes, le chef républicain vous toise avec un air indéchiffrable.

— Vous êtes invité à la Loterie, hm ?

Vous acquiescez.

— Mais dites-moi, vous connaissez Messalie ? Avant d’aller voir les riches à Sainte-Fortune, vous avez visité un peu notre ville ? Vous avez parlé avec les gens ?

Vous répondez en évoquant ce que vous avez vu jusqu’ici.

— Moi j’ai mieux à vous proposer, dit Moreira. On va manger une pizza ce soir, après la réunion, avec les camarades. Venez avec nous. N’allez pas à la Loterie, avec ces bourgeois. Vous êtes partant ?

Votre accompagnateur vous jette un regard. Si vous voulez aller au Domaine Sainte-Fortune malgré tout, c’est maintenant qu’il faut partir ; et il vous faudra terminer le chemin vers la gare à pied.




Et maintenant ?

☞ Accepter la proposition et rester avec les gauchistes pour aller manger une pizza.
☞ Refuser et quitter la Bourse du Travail pour rejoindre la gare à pied.

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Atterrissage au Domaine Sainte-Fortune

La porte de l’hélicoptère se referme, et vous chaussez à nouveau le casque. Sur le tarmac de la piste, les ouvriers et les cadres d’EURYCOPTER se dispersent, soufflés par le vent comme des fétus de paille, et disparaissent à vos yeux. L’appareil s’élève de plusieurs dizaines de mètres et prend de la vitesse. Messalie défile à nouveau sous vos yeux ; les rues, les toits des immeubles, les cours, les parcs, les parkings ; vous survolez bientôt le massif boisé de l’Estolie, et laissez derrière vous la métropole.

Le soleil décline légèrement, et sa lumière cuivrée brille à la cime des arbres. Vous passez désormais au-dessus de la campagne. En contrebas, des routes sinueuses sur lesquelles passent des voitures, petites coccinelles desservant des hameaux, serpentent à travers des bois, des vergers et des vignes. Les allées plantées de vignes font des stries romantiques autour de vieux domaines viticoles. Parfois, dans un champ, un vieux tracteur est à l’œuvre. Mais tout se dérobe vite à vos yeux ; l’hélicoptère fonce vers Sainte-Fortune.

— On arrive Excellence.

Votre pilote Dimitri amorce la descente. Vous voyez au loin le village des Eaux-du-Fiongue, le canal d’irrigation, le pont au-dessus de la vallée ; au milieu des vignes et des pins, dans l’aveuglant rayon du soleil couchant, l’hélicoptère descend vers une plateforme. Vous apercevez enfin le Domaine Sainte-Fortune.

En touchant le sol, les pales ralentissent lentement. Vous êtes arrivé. Derrière quelques arbres et des lampions décoratifs, vous apercevez les jardins autour du Domaine, qui étale ses ailes baroques au milieu de la campagne. Des drapeaux et des fanions décorent le lieu de la fête.

— Bonne soirée de tirage, Excellence.

Poli comme un domestique, le pilote d’hélicoptère vous aide à descendre. Ce sont des officiers de cérémonie en livrée noire qui s’approchent alors de vous pour vous guider.

— Excellence, bienvenue à la Grande Loterie.

— C’est un honneur de vous recevoir enfin. Nous vous attendions.

Ils vous accompagnent le long d’une allée illuminée de petites lampes. Un bassin scintille, et devant lui, un grand buffet. Les notes mélodieuses d’un orchestre lointain enrobent l’air du crépuscule d’un parfum de noblesse. Parmi les convives, un grand personnage, auprès duquel se pressent des invités, plaisante et discours élégamment. Les officiers de cérémonie vous invitent à le rejoindre :

— Monsieur le Premier-Directeur, Léandre Garras de Tomarels, sera heureux de vous saluer de vive voix.

En avançant vers lui, vous constatez des domestiques vêtus de blanc qui servent champagne et petits fours, des verrines fraîches et savoureuses, des petites crevettes à l’ail et au yuzu piquées sur un bout de pain de sésame. Les gens sont en petits groupes, de trois ou quatre personnes. Les jardins se déploient, et en marchant vos pas font un bruit de graviers. Vous apercevez des visages que vous connaissez plus ou moins ; un représentant d’une banque, l’ex-maire d’Ayx-en-Garance, une juge haut placée. Les voilà : les membres de la Troïka, aussi puissants que jamais. Parmi eux, vous apercevez Antonin Flavoni. Son air de petite fouine discrète, papillonné dans un complet élégant un peu ridicule, ne doit pas faire oublier qu’il est un homme d’affaires redoutable – et l’organisateur de cette soirée, le président des Casinos Nérème.




Allez-vous saluer Tomarels, ou bifurquez-vous vers Flavoni ?

☞ Aller voir Tomarels.
☞ Aller voir Flavoni.

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Tomarels

Vous avancez vers Léandre Garras de Tomarels, qui est entouré de quelques personnes distinguées. En tournant la tête, il vous aperçoit. Son visage s’éclaire d’un sourire lumineux sous son grand nez.

— Excellence ! Quel plaisir de vous voir.

Il vous tend une main franche, que vous serrez. Chaleureux et élégant, il saisit une coupe de champagne au vol, qu’il vous tend.

— J’espérai justement vous voir avant le tirage à vingt heures. Alors, avez-vous fait bon voyage ? La journée n’a pas été trop longue ?

Vous lui racontez quelques éléments de ce que vous avez vu. L’œil intense, il vous écoute avec un air absorbé, concentré. Il hoche fréquemment le menton, pour donner une importance considérable à ce que vous dites.

— Allons par la vigne, marchons un peu, voulez-vous.

Il vous conduit à l’écart. Vous constatez des agents de sécurité discrètement répandus à travers le domaine ; dans les coins, derrière des arbres, leurs instruments électroniques assurent la tranquillité du faste au château. Vous faites quelques pas avec le chef du gouvernement.

— Dites-moi, avez-vous songé à de nouveaux investissements à Messalie ?

Vous lui faites part de vos projets. Il acquiesce, sans les juger, mais en vous souriant. Dans la parcelle, le raisin a été récolté depuis quelques temps. Les feuilles tombent en jaunissant. Le parfum des aiguilles humides, de la pinède, glisse avec la fraîcheur du soir qui tombe.

— Mon rôle, c’est d’être le garant de ce pays. Vous savez, j’ai souvent dit que dans la nouvelle Constitution que nous avons adoptée, à mon initiative, en 2015, le Premier-Directeur est moins un chef d’Etat qu’un grand harmonisateur.

Vous faites quelques pas, devisant sur la politique et la philosophie.

— La concentration du pouvoir dans les mains d’aucun homme n’est souhaitable pour la stabilité d’une société et d’une économie. Je me représente ma mission comme celle d’un diplomate ; en négociations constantes, avec les parlementaires, les actionnaires d’Etat, les partenaires sociaux ; un homme de compromis. Notre système institutionnalise le compromis, et réfute l’hypothèse de la conquête impériale du pouvoir par un homme ou une femme providentielle.

Vous contemplez le Domaine Sainte-Fortune, dont la façade est à présent éclairée de lumières.

— J’ai coutume de dire que Messalie est l’un des pays les plus démocratiques au monde. Chez nous, le chef de l’Etat n’a aucune chance de devenir un monarque, qui pourrait s’enfermer à double tour dans son donjon, et régenter le pays de façon discrétionnaire. Nos institutions sont fraîches, elles sont modernes ; elles nous protègent de l’arbitraire.

Il inspire dans l’air du soir.

— Elles sont cependant jeunes. Elles doivent encore prospérer, comme ce jeune chêne à l’ombre des aulnes. C’est dans la vigueur de leur jeunesse qu’elles doivent résister aux maladies et aux intempéries ; cela forgera leur caractère. Nous sommes en plein dans cette épreuve de vérité.

Il se retourne vers vous. D’un œil surplombant votre épaule, comme s’il épiait des menaces invisibles à l’orée des champs qui entourent le domaine, il reprend :

— Le parti que je mène est le premier à Messalie, notre légitimité est confirmée par les urnes. Cependant, l’ancienne opposition – républicaine, conservatrice – va céder la place à de nouvelles formations. Des groupes inconnus, inédits, qui n’ont pas notre culture politique ancienne et mesurée. Des partis agités, proches de l’extrémisme, qui prônent la démagogie et le populisme. Ils semblent prospérer sur des idées de haine, des idées archaïques, à rebours de notre projet de progrès.

Il conclut.

— Excellence, je suis sûr que vous conviendrez comme moi de la nécessité d’arrêter ces gens. Ils sont une menace pour la démocratie et la liberté. Si vous prolongez votre séjour à Messalie, je vous en prie, dites-le autour de vous : il faut que tous les démocrates s’unissent derrière moi et votent au second tour pour les candidats du Parti réformateur. Nous devons construire un pays libre, pas un fief national-régressionniste.

Une musique émane du château ; les ombres du soir vous entourent désormais.

— Mais allons ; je vous embête avec ces questions de politique intérieure.

Il désigne de la main le sentier qui remonte vers les jardins, illuminés et bruissant d’une rumeur de fête.

— Le tirage va bientôt être prononcé. Allons prendre nos places dans l’assistance.




Il est temps de conclure...

☞ Vous rassembler avec les autres près de la scène.

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Flavoni

Vous bifurquez vers Antonin Flavoni. Son visage sec, sa stature frêle se rapprochent. D’un œil sur le côté, il vous a aperçu. Vous connaît-il ? Le président des Casinos Nérème a une mine circonspecte en vous voyant arriver à sa hauteur. Vous vous rappelez que c’est lui, le magnat de l’immobilier, l’oligarque riche à millions, au bras long et aux intentions impénétrables. Organisateur de cette loterie nationale, il avance lentement ses pions.

Vous êtes bientôt à portée de lui.




Vous vous apprêtez à le saluer comme il se doit.

☞ « Monsieur Flavoni, je suis enchanté de vous voir ! »
☞ « Flavoni, enculé, viens par là connard ! »

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Experto

Vous bifurquez vers Marcel Experto. Sa haute taille vous frappe. Il porte une veste de costume ouverte, qui est quand même trop grande sur ses épaules d’échalas. On dirait une blouse d’hôpital. Vous le savez médecin de profession. Le col de sa chemise est mal mis. Ses yeux flottent vaguement au-dessus des têtes qu’il surplombe ; son esprit, quelque part entre la terre et les nuages, est sans doute un peu inaccessible au commun des mortels. Serait-il idiot ? L’idée vous passe rapidement en arrivant à sa hauteur.

— Enchanté, Monsieur le Président du Parlement.

Vous vous présentez élégamment en lui tendant votre main droite. Il la serre, mais avec un peu d’indifférence. Son « bonjour » sort mécaniquement mais vous ne l’intéressez visiblement pas beaucoup. Il semble même s’ennuyer un peu. Peut-être n’est-il pas de la meilleure compagnie. Il réfléchit sans doute à ce qu’il aurait pu faire de sa soirée plutôt que de traîner en mondanités. Face à son manque de réactivité, vous songez à ce que vous allez faire à présent.




Que faire ?

☞ Si vous avez une mission pour Oulianovna en cours, cliquez ici.
☞ Aller voir Flavoni.

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Arrivée au Domaine

Vous arrivez enfin à hauteur du domaine. Le long d’une petite route de campagne cernée par une allée de platanes, vous contemplez un paysage de vignes entourant des îlots de garrigue. Des bâtiments de ferme aux tuiles ocre sont logés au coin de quelques cyprès. La lumière décline et rosit le vignoble qui s’effeuille. Entre les branchages, la façade du château se distingue, et les bruits de musique et de joie d’une fête mondaine vous parviennent de loin.

Des agents de sécurité apparaissent au portail, gardé par certains d’entre eux qui portent d’ostensibles fusils d’assaut. Stoïques comme des brutes, vous comprenez que la sécurité est maximale. Vous leur montrez votre invitation. Ils vous laissent passer, quoi que soupçonneux de vous voir arriver à pied comme le fou des bois.

Un majordome se présente bientôt à vous. Ses souliers vernis crissent sur le gravier.

— Excellence, je vous en prie, bienvenue !

Son ton mielleux vous accompagne hors de l’ombre des arbres ; vous arrivez face aux jardins, dont les buissons taillés de fleurs pavent un ensemble harmonieux face au Domaine. Le corps de garde du château est illuminé, et devant lui, une estrade encore vide à cette heure, ainsi que des tables de banquet et une foule de participants distingués.

— Le Premier-Directeur tenait à vous saluer…

Le majordome se hisse sur la pointe des pieds pour faire comme s’il cherchait des yeux le grand chef du gouvernement messaliote, Léandre Garras de Tomarels, aristocrate libéral et élégant à l’origine de la politique de privatisations.

— Je ne l’aperçois pas… Je crois qu’il s’est éclipsé pour converser avec un autre de nos visiteurs. Je vous propose d’avancer vers la scène…

Il vous accompagne. Vous arrivez à hauteur du parc décoré et meublé, où passent des domestiques en livrée blanche, servant à des convives en costume et robes de soirée des flûtes de champagne teylais, des en-cas velsniens à la tomate confite et aux œufs de sirène des Marquises.

On vous propose un verre, que vous choisissez. Votre regard balaie l’assistance. Par petites grappes, ambassadeurs, experts, dignitaires et notables tiennent des conversations raffinées dont vous saisissez quelques bribes.

Le majordome vous aide à dévisager ce beau monde. Il attire votre regard vers un grand personnage, aux lunettes loupes et aux cheveux filasses, dont le grand nez et le menton de cardinal semblent être les attributs d’un professeur de théâtre perdu dans un hôpital en pleine pandémie.

— Monsieur le Président du Parlement, Marcel Experto…

C’est en réalité un rouage essentiel de la politique locale. Pour proposer et passer des lois, il joue un rôle essentiel ; et il connaît beaucoup de monde. Peut-être avez-vous-même quelque chose pour lui ?

Le majordome vous indique discrètement une autre personne un peu derrière, en retrait, qui sirote son champagne. Un homme de taille moyenne, fin, qui évoquerait l’élégance à ceux qui ne savent pas sa profonde inculture.

— Monsieur Antonin Flavoni, Président des Casinos Nérème. Et co-organisateur de l’événement…

Le magnat de l’immobilier et du luxe a des petits yeux qui épient de loin le reste de l’assemblée. Vous resservant encore un petit four, vous vous demander à qui vous irez parler ce soir.




Que faire ?

☞ Aller voir Flavoni.
☞ Aller voir Experto.

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La pizza

Vous avez accepté la proposition de Maximilien Moreira. Dans la grande salle de la Bourse du Travail qui se vide petit à petit de son assistance, les proches du leader républicain de gauche l’entourent. Il converse à voix basse avec un syndicaliste. Celui que les médias dépeignent comme un hurleur et un matamore semble en réalité très à l’aise avec les conciliabules discrets. Vous tendez l’oreille, mais un groupe de militants se rapproche de vous. En parlant entre eux, ils vous jaugent.

— Il faut mettre à jour le logiciel, argue l’un d’entre eux.

— On peut pas laisser la défense du prolétariat aux fachos.

Ils lorgnent vers vous. L’air innocent, vous êtes soulagé quand votre accompagnateur surgit de derrière en vous tapant dans le dos.

— Alors mon gaté, on fait la révolution ?

Vous répondez que finalement, une pizza en bonne compagnie vous plaît davantage que des petits fours avec la haute société messaliote.

Le groupe descend les marches du palais ouvrier et se retrouve sur le trottoir. Le déclin du jour rase les murs, projetant une lumière cuivrée sur les crêtes des immeubles, sur les arêtes des montagnes au loin, dans les branches des arbres.

— Moreira a raison ; il ne faut rien lâcher.

Sur le chemin vers la pizzeria, les uns et les autres conversent au sujet de l’actualité brûlante. L’élimination du vénérable parti républicain dans toutes les municipalités à l’occasion du premier tour de dimanche dernier a douché les espoirs des militants. Sans ligne claire depuis sa déposition du pouvoir en 2012, les républicains oscillent entre socialisme et libéralisme, et Maximilien Moreira tire de toutes ses forces le vieux mammouth à gauche.

Vous percevez d’une oreille les propos du leader, dont la face ridée et grincheuse campe un personnage têtu, opiniâtre, et malin comme un vieux singe.

— Il ne faut rien céder, ni aux libéraux, ni aux fachos. Et si les syndicats ne se rangent pas derrière nous, on les écrase.

Vous entendez qu’on l’interroge sur quoi faire vis-à-vis des prochaines échéances électorales.

— Notre base, c’est les couches populaires, et la jeunesse diplômée. Il faut pousser de toutes nos forces pour que les étudiants et les chômeurs regagnent le droit de vote. On doit arrêter la stigmatisation des sans-emploi, des intérimaires, du petit prolétariat étranger. L’époque des grandes usines, c’est terminé. Ceux qui s’attardent dans l’ouvriérisme à l’ancienne vont se faire plumer par les fachos. Ce qu’il faut, c’est être l’instrument du peuple bigarré pour faire pièce à la fois aux politiques libérales et aux partis identitaires.

Vous songez en arrivant à la pizzeria que c’est un programme compliqué, dont la théorie va demander du travail. La gauche, c’est les ouvriers. Du moins c’était : les dernières municipales ont balayé le parti républicain et ses amis syndicalistes, au profit d’une opposition nationaliste postmoderne, et du gouvernement libéral-rassurant. Il reste peu de place sur l’échiquier.

— Je vous sers quoi les jeunes.

Vous vous retrouvez au milieu d’un groupe de jeunes militants hétéroclites. Antoine, en costume et lunettes, ressemble à un petit attaché parlementaire diplômé de la faculté de sciences politiques. Seb, votre accompagnateur, porte un maillot de foot de l’Olympique, et une chaîne en argent au cou ; son accent est beaucoup plus marqué populaire. A côté d’eux, Nadège, une jeune femme noire au langage roide et technique, a un chemisier d’intellectuelle. Daniel et Charlélie, deux comparses qui s’esclaffent, ont l’air de post-étudiants déprimés par le chômage et le squat qu’ils occupent dans le cinquième arrondissement. Les uns et les autres commandent des margherita, des visonzanitas, des regina. Le tenancier, qui plaisante en arabe avec l’un des militants, dépose des cannettes de soda sucré sur le comptoir. Vous prenez place au fond de la salle, à côté de vos nouveaux compagnons.

La texture de la pâte est fine, élastique, bien gonflée ; le fromage fondu est savoureux. Vous reconnaissez le savoir-faire du pizzaïolo d’origine mirobansarie, qui s’active dans la cuisine. Une télévision est allumée dans un coin de la salle du petit restaurant. Elle rediffuse en direct le tirage de la Grande Loterie.

— Alors les jeunes vous avez ce qu’il vous faut ?

C’est Moreira qui arrive. Plus âgé que tous les autres, son autorité sur ses troupes est impalpable mais évidente. On lui fait une place, on va lui chercher son croque-monsieur, et un verre de vin rouge. Le vieux représentant syndical avec lequel il était en conversation vient de partir, ils se sont serrés la main.

— C’est quoi au programme, là ?

Le politicien jette un œil sceptique à l’écran dont le bourdonnement remplit la pièce. On le sait, Maximilien Moreira s’entend très mal avec les médias, qui le détestent cordialement – c’est bien réciproque.

— La Grande Loterie, chef.

— Ah !

Le chef ricane.

— Tous ces empoudrés qui font la fête sur le dos des pauvres. Regardez-moi ça.

Vous contemplez la scène à la télévision. Devant un beau château de campagne, qui doit être le Domaine Sainte-Fortune auquel vous avez renoncé, un homme radieux vient de monter sur scène.

— C’est ce fou de Mitsar, le directeur du Rayonnement et de l’Attractivité.

— Lui, c’est un extrémiste. Un fanatique de la finance et de la dérégulation.

Le ministre au sourire colgate fait office de croupier. La caméra passe dans le public ; les visages du Premier-Directeur, du milliardaire Flavoni, de l’actionnaire d’Etat Maxime Che Fang apparaissent à l’écran. Quelqu’un dans la pizzeria fait : « bouh ! » On entend des : « dégage ! » Une voix élégante s’interpose à la télévision.

— Mesdames et messieurs, vous l’aviez attendu, le jour est venu : il est vingt heures, le tirage de la Grande Loterie de Messalie va commencer. À vos cartons !




La soirée touche à son terme.

☞ Regarder le tirage en direct à la télévision. C'est fini pour le jeu de piste !

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Enchanté, Monsieur Flavoni

— Monsieur Flavoni, je suis enchanté de vous voir !

Vous faites un grand sourire à l’homme d’affaires, dont les épaules de corbeau sont engoncées dans une veste cintrée. Ses lèvres ne pipent aucun air de bonheur et dans ses petits yeux brille une étincelle indéchiffrable. Vous vous serrez la main.

— Bonjour, vous êtes … ?

Vous vous présentez à lui et expliquez les raisons de votre présence ici. Les sourcils haussés par la politesse, il hoche légèrement du menton pour vous témoigner un intérêt qui n’est pas que factice. Près de lui, derrière, un garde du corps en noir dont le scoubidou d’oreillette dépasse du col vous surveille du coin de l’œil depuis sa stature de brute. Vous songez que vous avez bien fait de ne rien dire d’offensant à Monsieur Antonin Flavoni.

En discutant avec lui de menus sujets économiques, vous détaillez son apparence. Son visage est peu marqué par quoi que ce soit, sauf ses lèvres qui, à force de dévorer la concurrence et de ravaler des humiliations, ont disparu, et dont il ne reste qu’une fine bouche carnassière.

— Oui, cette soirée est un miracle vu le gaucho-marxisme ambiant…

Autour de vous, la grande bourgeoisie se régale de verrines à la truffe d’Antérinie et de petits gâteaux surmontés de caviar de Slaviensk. Vous y reconnaissez des ambassadeurs, des RP de grandes entreprises internationales, des notables de la république.

Ses yeux vous épient. Il vous jauge. Vous ressentez le nerf tendu d’investisseur en mal de conquête. Vous connaissez les rumeurs sur Antonin Flavoni, le magnat du luxe et de l’hôtellerie, président des Casinos Nérème, propriétaire de plusieurs firmes d’hôtels de luxe sur la côte ensoleillée de l’Eurysie méridionale. C’est un tueur de concurrence, qui rachète tout, soumet les petits établissements familiaux à la faillite par K.O., brise les grèves des femmes de ménage, compresse les coûts, construit en masse, achète sous la table des permis de construire en tout genre. Sa légende noire est une légende dorée : elle excite les journalistes, fait rire les jolies femmes des soirées mondaines, contribue à lui donner une aura que sa maigre personnalité et son inculture démentiraient. Vous savez que sa hargne à s’emparer du secteur hôtelier messaliote a été décuplée par un échec, survenu quelques années plus tôt, sur lequel vous aimeriez avoir quelques indices.

— Avez-vous été à Carnavale récemment ? osez-vous innocemment.

Il vous lance une œillade suspicieuse, mais articule sur sa langue de fourbe une réponse délicate.

— Du fait de la guerre, mes activités y sont suspendues.

La Principauté voisine est en plein conflit avec la coalition militaire de Bandarhan, ce traité qui lie entre eux les nations démocratiques.

— La guerre, c’est les affaires !

— Nous verrons.

Un rictus passe rapidement sur son visage, aussi bref qu’un clin d’œil, mais vous l’avez capté. Il ne vous en dira vraisemblablement pas davantage sur son échec à Carnavale, où il voulait construire, en lieu et place des Jardins Botaniques, un fabuleux palace qui n’aura jamais vu le jour ; ses fournisseurs ont disparu dans la Cité Noire avec les pots-de-vin. Pas de palace, juste des fougères sauvages et impénétrables. Plus d’investissement, juste des arnaqueurs disparus derrière des masques rieurs. Flavoni, de rage, va conquérir Messalie d’abord.

— Cette Grande Loterie est une excellente affaire pour le pays, n’est-ce pas ?

Il s’intéresse à votre question. Comme flatté, il répond :

— C’est une idée du directeur du Rayonnement commercial, le bon Mitsar. Je ne fais que la mise en œuvre.

Vous contemplez le châteaux, les tables à nappe blanche, les majordomes de service, les fastes de lumière, la musique, l’estrade, les jardins illuminés, les voitures de luxe qui là-bas, sur le parking, rutilent derrière les arbres.

— Les Casinos Nérème sont les plus importants d’Eurysie, déclare simplement Flavoni. Nous sommes les seuls à avoir l’expérience pour organiser ce genre d’événement.

Un grand homme passe. Noir et chauve, sa figure austère est pourtant assaillie de petits personnages soucieux d’obtenir son attention. Antonin Flavoni commente à votre intention :

— Gabriel Anate Musavu. Le Président du Conseil d’Administration… Ce sont ces derniers jours à ce poste. Il devrait partir en retraite avant la fin de l’année…

Vous vous apprêtez à prendre congé pour aller vous resservir en champagne et toast de saumon fumé de Terävävuori lorsque vous sentez que son attention vous retient. Il se reporte sur vous. Et vous pose une question.

— Et, vous… Vous avez des projets d’investissement ici ? Financier, entrepreneurial… ?

Vous lui répondez ce qu’il en est. Il fait mine d’être absorbé par ce que vous lui dites, puis :

— Écoutez, de toutes façons, si vous voulez avancer rapidement à Messalie, il va falloir vous faire connaître. Il faut maîtriser le monde de l’investissement… Et se faire un réseau, c’est vital. Sinon vous n’irez pas loin. Écoutez, j’ai une proposition à vous faire…

Il se penche légèrement vers vous. Vous baissez la tête pour entendre ce qu’il dit discrètement, ses yeux se baladant sur l’assistance.

— J’ai un ami qui a besoin de liquidités et qui cherche à revendre de vieilles obligations souveraines à un repreneur fiable. Vous savez, ce sont ces actions-là qui vous donneront le droit de siéger à l’Hôtel de Cœur… Le siège du Conseil d’Administration de la République. Tous les détenteurs d’obligations souveraines émises par la Banque centrale ont droit d’y siéger. Cela vous permettra de vous faire une place dans le haut du panier des investisseurs, et de vous aider dans vos… projets.

Vous hochez la tête, circonspect.

— Il les vend à prix d’ami. Pour vous, ce serait une affaire. Écoutez, je peux vous mettre en contact et négocier avec lui un rabais supplémentaire. Pour qu’il vous les cède. Si c’est moi qui m’adresse à lui, vous aurez de bonnes chances de vous en tirer avec le tiers, peut-être le quart du prix normal. Une affaire… et qui vous ouvre le droit à des mensualités régulières. En échange de ce bon service de ma part, vous prendrez part au vote pour le prochain président du Conseil d’Administration, en votant pour moi.




Que faire ?

☞ Accepter son offre.
☞ Refuser son offre.

1861
L'enveloppe

Vous vous décidez alors à accomplir la mission à laquelle vous vous êtes engagé. Vous saisissez dans votre poche ce qu’elle vous avait donné, lors de votre passage au patio des Casinos Nérème, et dites à Marcel Experto :

— Je viens vous voir de la part de Nina Oulianovna.

Son regard s’éclaire soudain. C’est comme si vous apparaissiez dans son champ de vision. Il vous regarde avec interrogation. Vous lui tendez l’enveloppe. Il la saisit des deux mains, la palpe avec intérêt et excitation. Son doigt passe dans la fente latérale et la déchire pour ouvrir le petit paquet brun. Il fourre son nez dans le trou, et inspire l’odeur de ce qu’elle contient. Ce parfum semble lui procurer un plaisir considérable.

— Merci, souffle-t-il.

Vous souriez. Mission accomplie. Vous vous apprêtez à vous retirer discrètement, le laissant kiffer son enveloppe, qui contient un colis très spécial, de fin tissu de corps.

— Attendez, murmure-t-il sans décoller ses naseaux de kiffeur de l’enveloppe. Je vous dois un remerciement.

Il met la main dans la poche intérieure de sa veste.

— Pour Nina Oulianovna, je vous dois bien ça.

Il en sort un papier roulé en boule, tout froissé. Vous le saisissez, le remettez à l’endroit, et en déchiffrez l’intitulé.

PARLEMENT DE MESSALIE – PROPOSITION DE LOI.

Vous vous étonnez de cette feuille blanche, déjà cachetonnée et signée par la présidence de l’assemblée. Elle est prête à être remplie à votre guise. Vous avez gagné le droit de soumettre une proposition de loi au vote des députés.

— Ecrivez ce que vous voulez. Renvoyez-moi ça quand vous aurez fini. Je me charge du reste.

Une voix élégante et suave couvre alors l’assistance et attire l’attention de tout le monde.

— Mesdames et Messieurs, vous êtes priés de vous rassembler près de la scène, et de regagner vos places : le tirage va bientôt commencer.

Experto vous serre à nouveau la main, de façon beaucoup plus ferme et chaleureuse cette fois.

— Encore merci.

Vous le voyez s’éloigner et sortir la chaussette odorante de son enveloppe, pour la fourrer dans sa poche. Il s’en lèche les doigts. Vous laissez ce kiffeur kiffer et accompagnez le mouvement des convives : la soirée va bientôt se terminer.




Il est temps de conclure.

☞ Vous diriger vers la scène en suivant tout le monde.

806
Deal avec Flavoni

Vous acceptez son offre. Discrètement, il plisse les yeux, pour signifier son accord. Un léger sourire lui vient aux lèvres :

— C’est entendu. Je vous contacterai bientôt pour vous transmettre les obligations. Je compte sur vous.

Une voix élégante le coupe et recouvre de son timbre l’assistance ; elle provient d’un micro. C’est Etienne Mitsar, l’un des ministres, qu’on connaît pour son affection théâtrale et cocaïnomane, qui prend la parole et s’improvise Monsieur Auguste.

— Chers amis, chers invités, Mesdames et Messieurs, le tirage de la loterie va débuter.

Il propose au micro à chacun de regagner sa place auprès de l’estrade, où le décompte va se dérouler. Les gens se munissent de leurs cartons de loto ; le long des grandes tables, on va espérer remporter ce soir un ou plusieurs lots !

Vous reportez votre attention sur Flavoni, qui s’éloigne déjà. Il ne vous reste plus qu’à vous diriger vers la scène.




Il est temps de conclure.

☞ Vous diriger vers la scène.

289
Grimace sceptique

Vous faites une petite grimace sceptique et refusez son offre. Vous avez bien fait.

Une voix appelle les participants à la fête à se rassembler vers l’estrade. Le tirage va commencer. Vous vous éloignez du milliardaire aux plans foireux et vous dirigez vers la fin de la soirée.




Il est temps de conclure.

☞ Vous diriger vers la scène.

1430
Enculé

— Flavoni, enculé, viens par là connard !

Votre rugissement fait sursauter les gens qui vous entourent. Vous vous avancez vers le Président des Casinos Nérème, dont les yeux s’écarquillent. Vous allez vous le faire. Il va payer ce qu’il doit, ce fourbe.

— Tu crois que je vais te laisser t’en tirer comme ça ?

Vous agrippez le nœud-papillon du milliardaire, qui s’affaisse, impuissant et tétanisé. Une force énorme vous bloque alors le poignet, et vous retourne le bras, en décrochant l’oligarque. Vous sentez votre bras retourné et une douleur aiguë passer dans le nerf. Vous tombez à la renverse. Vous heurtez le gravier de plein fouet, et un énorme genou s’encastre dans votre abdomen, expulsant ce qu’il contenait d’air. La clé de bras vous interdit tout mouvement, le gros agent de sécurité pèse sur vous son poids d’âne mort. Le monde virevolte.

Vous avez essayé de porter la main sur le plus riche des Messaliotes, à l’occasion d’un événement ultra-sécurisé réunissant la fine fleur de l’élite politique du pays. Tout le monde vous regarde rougir d’essoufflement et de douleur, avec un air de surprise et de dégoût. Au fond, près de la scène, on ne s’est pas rendu compte de ce qu’il s’est passé, c’est allé très vite, mais vous voilà bientôt dégagé sans ménagement des jardins et amené vers des voitures noires où des agents de sécurité vont s’occuper de vous.

Vous êtes désormais entre les mains des forces de sécurité. Il faudra négocier avec elles votre relâchement. Bien que vos possibles gains à la Loterie ne sont pas remis en cause, votre interpellation fait un scandale que la presse s’empressera de relayer auprès de l’opinion publique. Votre aventure s’arrête ici : c’est terminé.




Ça dégage.

☞ Fin de partie.

3775
Le tirage

Toute l’assistance regagne sa place vers les longues tables de banquet nappées de blanc. S’y trouvent des crayons et tout ce qu’il faut, sous la surveillance des domestiques, pour s’y asseoir et suivre le tirage. Le loto, ce vieux jeu du Moyen-Âge, se pratique ainsi ; chaque joueur, muni de ses cartons où sont inscrites des séries de numéros choisies par lui, écoute attentivement le tirage annoncé par le maître de cérémonie, et mesure la proximité de son jeu avec celui dévoilé par le hasard. C’est cette proximité qui en fera l’heureux élu de la Fortune – ou pas.

Vous perdez votre interlocuteur parmi les invités qui se ruent sur leurs places. Une joyeuse et élégante cacophonie dure quelques minutes. Vous vous retrouvez assis à côté d’un Wanmirien à l’appétit de victoire, et d’une Icamienne compétitrice. Lorgnant sur leurs cartons, vous contemplez les vôtres, si vous avez eu la présence d’esprit d’en acheter il y a quelques mois.

Les cartons comportent sept cases blanches, où sont inscrits les numéros. Les cases noires sont ornées de symboles que vous discernez : sept têtes de jeunes androgynes, une colombe nimbée de sept flammes. Le chiffre sept, que représente-t-il ? Quelqu’un vous l’a dit, mais vous en rappelez-vous ?

Un autre élément décore ces vieux cartons directement hérités de la tradition médiévale : un agneau portant un drapeau croisé. Un agneau… qu’on appelle le Chien. Pourquoi le Chien ? Qu’est-ce que c’est que cet agneau ?

— On copie pas !

L’Icamienne dissimule son carton avec malice au Wanmirien, qui empile les tickets de jeu. D’autres sont là autour de la table. Un Velsnien et une Fortunéenne, qui conversent encore sur une partie poker menée aux Casinos Nérème dans la journée. Il vous semble apercevoir, subrepticement, là-bas de l’autre côté de l’estrade, les cheveux rasés d’un jeune homme au visage familier. Mais déjà les organisateurs montent sur scène ; leurs voix réverbérées par la sono emplissent l’atmosphère électrisée par l’appétit du jeu.

— Bonsoir tout le monde ! Bonsoir, Mesdames, Messieurs, chers amis.

Une vague d’applaudissements, d’éclats de rire et de sifflements sympathiques congratule le bel ami qui prend la parole. Spontanément agréable, le ministre du Rayonnement et de l’Attractivité commerciale inaugure la soirée de tirage.

— Je parle sous ton contrôle, Léandre.

Le tutoiement familier s’adresse au Premier-Directeur, assis au premier rang de l’assistance, qui sourie radieusement. Chef du gouvernement, il observe son jeune poulain faire le maître de cérémonie.

— En effet, c’est moi qui ait eu l’idée de cette loterie. Merci à tous ceux qui ont participé, qui ont acheté un tickets, merci à toutes celles et à tous ceux qui sont là de nous avoir accompagné jusqu’au bout !

Applaudissements de l’assistance. Les spots lumineux sont sur lui. Sa présence, face à la vénérable façade du Domaine Sainte-Fortune, semble être un spectacle qu’il savoure.

— On vous aura bien fait patienter, hein, Antonin ?

Des rires dans l’auditoire ; les caméras de médias qui retransmettent la soirée sur les TV messaliotes se fixent sur le visage pincé d’Antonin Flavoni, président des Casinos Nérème, organisateur de ce jeu à taille géante.

— Je rappelle les règles, les lots…

Mitsar fait l’inventaire des différents types de lots à gagner. Des obligations d’Etat… des entreprises publiques nationales : plusieurs hôpitaux, des universités, des monuments culturels et sportifs. Mais aussi des domaines viticoles, des châteaux, des hôtels, des îles privées dans les calanques, des forêts, et bien d’autres. Les applaudissements et les hourras fusent de la part des futurs acquéreurs potentiels.

— Mesdames et Messieurs, chers amis, à présent je vais vous demander la plus grande concentration. Le tirage va commencer.

On amène sur des roulettes une grande balle de verre, où rebondissent des billes légères frappées de numéros. Une à une, par une manivelle, Etienne Mitsar en tirera sept ; plus une, la petite huitième, le Chien. Et ça sera à qui aura le meilleur carton.

Le silence règne sur l’assemblée. Les caméras retransmettent l’instant. La soirée est tombée sur la campagne. La nuit est là, douce, légèrement fraîche. Souriants, les dents, les yeux et les bijoux de la haute bourgeoisie scintillent. L’air balaie la pinède, apporte des parfums. Vous songez aux milliers, aux millions peut-être, de Messaliotes qui vous regardent. Dans quelques instants, ils seront fixés. Dans quelques instants, tout sera terminé.




Question

☞ Fin du jeu de piste. La série tirée a déjà donné lieu à des gagnants.

2590
La chapelle de la Myrte

C’est encore tout auréolé de votre vision mystique que la voiture vous transporte à travers les rues encombrées de Messalie. Les cahotements du bitume percé de nids-de-poule, les ralentissements et le tournant des ronds-points, la petite brise de la mer et de la colline ne vous font pas dévier de votre objectif. Guidé par votre vision, vous ordonnez à votre chauffeur incertain de prendre tel et tel sentier, qui s’éloigne bien vite des quartiers est, du village de Saint-Victor, des résidences et des rues de la ville, pour s’enfoncer dans la colline de l’Estolie couverte par la garrigue.

— Vous êtes sûre de vous, Excellence ?

Un sourire de Joconde flotte à vos lèvres. Pour ceux qui visent un but ultime, les considérations matérielles sont insignifiantes. La voiture peine parfois à cause de la pente. L’Estolie est un massif montagneux qui ceinture la ville par l’est. Ses falaises escarpées, son calcaire saillant d’où dégringolent garrigue et pinède, en font un monument naturel.

— Par là, brave chauffeur !

Votre commandement fait dévier le véhicule vers une petite route qui s’engage en lacet à l’escalade d’un col. Des tournants en épingle à cheveux, où passe difficilement une seule voiture, font prier Benjamin que personne n’arrive en face. Les roches vous entourent. Les buissons épineux et la forte odeur du thym sec sont vos certitudes.

Enfin, la voiture arrive au col ; la pente s’adoucit, un petit plateau entouré de bois se dévoile. S’y trouve une ancienne ferme, qu’une fenêtre barrée et un mur écaillé de graffitis vous fait savoir abandonnée. Une petite chapelle est attenante. Benjamin gare la voiture sur le bas-côté de la route.

— C’est ici.

Vous sortez et claquez la portière. Benjamin, excédé, ne vous suit pas et reste assis là. Il vous regarde avancer. Vous tentez de reconnaître, dans la silhouette des arbres, la porte de la petite chapelle, cette clairière qui devrait être baignée de soleil, la vision de votre rêve.

Vous poussez la porte et passez la tête dans l’atmosphère sombre du petit sanctuaire. Peu de lumière entre par de fines embrasures dans la pierre. L’intérieur est simple et sobre. Quelques anciennes petites bougies éteintes sont amoncelées devant la statue d’une sainte, qui tient dans ses bras une poule ou un poulet, et un autre petit animal. Un chevreau ? Un agneau … ?

— Je peux vous aider ?

La voix vous fait sursauter. Depuis l’entrée de la chapelle, une femme vient de vous interpeller. Vous vous tournez vers elle.

— C’est fermé au public, ici.

Vous balbutiez que pourtant la porte était ouverte. La femme fronce les sourcils.

— Ouvert, ah bon ?

Votre attention se reporte sur la statue. Le style, un peu élancé et figuratif, est celui d’un sculpteur des années soixante-dix. La jeune femme se rapproche de vous. Elle est en jean et porte un gros pull.

— Cela fait des années que la chapelle de la Myrte est fermée aux visiteurs. Il y a eu trop de dégradations.

Elle vous laisse pensif quelques instants. Puis, elle déclare, saisissant un trousseau de grosses clés qui tintent sous la voûte :

— Bon, je vais devoir vous demander de sortir, je vais refermer la chapelle.




Que faire ?

☞ Sortir de la chapelle.

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