Assis sur votre siège, le regard tourné vers la large vitre, vous contemplez le paysage passer d’un tableau de gare de triage. Des voitures obsolètes, abandonnées dans un coin de voie ferrée, sont séparées les unes des autres par des plantes qui envahissent les cailloux. Les hangars désaffectés sont couverts de tags, de graphes, d’inscriptions et de fresques grotesques et énigmatiques : « Messalie BB », « Free Cramoisie », un personnage ressemblant à Serge XIV du Drovolski faisant le signe de Joule (un musicien local). Ces lettres déchirées, soufflées sur les parois poussiéreuses de la zone industrielle, témoignent de cris muets poussés par des fantômes. Le train tremblote dans son sentier de métal ; vous vous éloignez de Messalie et de ses mystères. Il démarre, s’avance, prend de la vitesse. Sous vos yeux les images se dérobent.
Le paysage se dégage. Passant des quartiers franchement délabrés, aux tuiles morcelées, aux façades écaillées, au linge pendant entre les immeubles, surplombant les quartiers misérables, les tours d’habitation noircies de pollution, les parkings où se vend la drogue, les caves où se passent des choses innommables, le train s’avance à présent vers une campagne qui s’annonce. Cyprès, haies, jardins, pavillons résidentiels, prés, broussailles, puis des champs, des vignes, entrecoupées par la garrigue ; mais tout cela est happé comme la lumière par l’ombre d’un tunnel.
Dans l’obscurité, les loupiotes du train vous révèlent les quelques passagers silencieux qui vous accompagnent. Quelques arrêts sur des plateformes font entrer et descendre des gens lents et fatigués. Vous consultez votre montre. Le trajet se passe tranquillement.
— Les Eaux-du-Fiongue, trois minutes d’arrêt.
L’annonce enregistrée sonne à votre oreille comme une indication pour se lever. Le train ralentit, les portes s’ouvrent, vous sautez sur le bitume. Le soleil chaud plonge sur votre nuque. Devant la petite gare vide, pas un seul taxi n’a l’air de vous attendre. Vous reprenez votre Akaltopos, qui vous indique de longer la route pendant vingt minutes.
Que faire ?
☞ Aller à pied au Domaine Sainte-Fortune, en longeant la route.