C'est lui, c'est Antonin Flavoni. Vous l'avez déjà vu, vous connaissez son visage : c'est le président des Casinos Nérème... Le magnat de l'hôtellerie. Celui qui fait cracher les auberges familiales, qui brise les grèves des femmes de ménage ; Flavoni, le businessman génial, l'idéaliste raté. On raconte qu'il voulait faire de Carnavale une riviera... Carnavale, une riviera, vous imaginez ! Bref, il manque d'imagination. Faute de pouvoir les construire, les hôtels, il les rachète ; et à Messalie, petite province ensoleillée d'une Eurysie embourgeoisée, ça vaut quelque chose. Tout le monde passe ses vacances chez lui. Mais vous savez, les hôtels, ça ne fait pas tout. Voilà que l'homme d'affaires veut se développer. Dans quoi ? Dans le rentable. Des pays surpeuplés, industrialisés, où la main-d'oeuvre ne coûte rien ? Peut-être ; peut-être voudrait-il investir dans des usines de chaussures, des ateliers de tissage pour inonder le marché de T-shirt à deux centimes. Mais c'est mal le connaître. Flavoni fait feu de tout bois, mais sa passion, ça reste le luxe. Le luxe... les draps soyeux, le cristal qui scintille, la parfumerie... Vous commencez à comprendre. Ces plages magnifiques, ces fleurs aphrodisiaques, ce tissu chatoyant ici tricoté depuis des millénaires. La soie, les routes de la soie, passent par le Wanmiri. Cela, Flavoni en est de plus en plus certain. Sa quête de profits pourrait l'amener à s'y mettre en chemin. Au prix de renoncer à quoi. A quoi tient-il ? Il est riche à millions. Riche de prolifiques obligations, d'une influence étendue sur le secteur économique messaliote. Sivagundi, donc : il pourrait y atterrir, avec dans sa poche, un sacré carnet d'adresses. Le Wanmiri, alors ; dans la soirée tropicale, où irait-il dîner ? Qui rencontrerait-il ? De quoi parlerait-il et quel deal passerait-il ? Je n'entends pas leurs paroles derrière la baie vitrée. Ils ont pourtant l'air de tomber d'accord. L'homme d'affaires discute avec des Wanmiriens en costume. De quoi parlent-ils ? D'influence, assurément ; le pouvoir des riches.