CABINET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DU DUCHÉÀ l'attention de monsieur Jamal al-Din al-Afaghani, ministre des Affaires étrangères du Califat d'Azur.
Monsieur,
En réponse à votre courrier, je reviendrai d'abord sur votre proposition introductive, en vous faisant savoir l'approbation du ministère des affaires étrangères pour l'installation de représentations diplomatiques permanentes de nos deux pays à Agatharchidès et à Ligert. Ce détail passé, attaquons le sujet pour lequel, semble-t-il, vous m'avez écrit, à savoir le Gondo.
Mon gouvernement n'a jamais rejeté le point central des relations entre la Gallouèse et l'Afarée qui sert de fil rouge dans votre missive : mon pays a une lourde responsabilité d'ancien colonisateur. Mon parti, la ligne politique que je porte, défend la reconnaissance de cette responsabilité. Alors bien sûr, nous ne somme pas aveugles ni indifférents à la reprise des combats au Gondo depuis 2010, et du double carnage qu'elle engendre : du point de vue de la vie humaine et du point de vue du développement économique. Nous sommes d'autant moins insensibles à la crise gondolaise que beaucoup de gallèsants conservent des liens encore aujourd'hui avec le Gondo. Je vous confirme donc que nous avons été informés de la démarche, en particulier grâce à nos liens diplomatiques avec le Royaume de Teyla, et je ne laisserai pas dire que nous ne nous intéressons pas à votre initiative pacifiste.
Seulement, je dois aussi vous confirmer les rumeurs que vous avez entendues. Le Duché de Gallouèse ne pense pas signer cette déclaration collective. Ce n'est pas à dire que nous désapprouvons la démarche ; au contraire, engagé pour la pacifisme comme je l'ai toujours été, je ne peux qu'encourager le chemin prit par le Califat pour redynamiser le format d'Icemlet. Et soyez assuré, monsieur le ministre, que nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour que cette pierre apportée à l'édifice de la paix soit la base d'un ouvrage solide et pérenne pour la prospérité afaréenne. C'est bien pour cette raison, monsieur, que nous nous abstiendrons de signer.
La nation gallèsante n'est pas exactement en odeur de sainteté au Gondo, j'imagine que je ne vous apprends rien sur ce point. De ce fait, nous jugeons contre-productif de nous associer à cette déclaration. Nous donnerions justement des munitions aux adversaires de la paix, qui jugeraient sûrement - et m'est avis, à raison - le toupet gallèsant déplacé. Car n'oublions pas que la Gallouèse est à l'origine de cette déstabilisation du Gondo qui n'en finit pas de se consumer. La vraie mémoire, c'est de le reconnaître. Nous sommes prêts à prendre notre part dans la reconstruction, l'aide au développement et les initiatives de pacification du Gondo, mais à distance. Vous avez dit que la participation gallèsante donnerait une autre dimension à votre initiative. Je ne peux nier qu'il y aurait une nouveauté, puisque la Gallouèse est neutre sur le dossier gondolais depuis les années 1960. Mais nul ne peut garantir que ce sera pour le mieux. Si vous avez des arguments qui réfute ce que je viens de dire, je suis toujours ouvert à les entendre, et bien évidemment, à revoir ma décision.
Mais je me dois d'être honnête. Ce qui m'a gêné, dans votre courrier, c'est l'idée sous-jacente. L'idée que l'Afarée parle d'une seule voix, et que nous associer à une initiative partagée entre un pays d'Afarée du Nord et d'Eurysie, c'est suivre la volonté de l'Afarée. Que notre refus, dont vous avez apparemment eu vent, serait une lâcheté, une trahison de nos responsabilité vis-à-vis des Afaréens. Mais je crois, monsieur, que le peuple du Gondo peut décider seul s'il veut entendre parler de la Gallouèse ou non. Et de fait, la République démocratique libre du Gondo nous a toujours demandé de laisser telles qu'elles les relations distantes mais pas conflictuelles entre nos deux pays. Je ne crois donc pas me tromper en disant que la signature du Duché troublerait au moins la partie présidentielle. Et serait donc à même de perturber votre processus de paix.
Si j'insiste sur ce dernier point, c'est parce qu'il y a dans les derniers paragraphes de votre missive suffisamment d'éléments pour provoquer un incident diplomatique. Sachez, monsieur, que la Gallouèse ne tolérera jamais qu'on mette en doute son engagement en faveur des Droits de l'Homme et de la liberté des peuples. Que l'on puisse ne serait-ce que supposer que le Duché de Gallouèse n'a pas « tourné la page de l'esclavage, de la colonisation, du mépris civilisationnel et du racisme » est parfaitement scandaleux. Que l'on puisse suggérer l'idée que la Gallouèse doive « désormais » envisager ses relations avec l'Afarée sous un jour égalitaire est insultant. La responsabilité que nous portons en tant que peuple est celle de descendre d’aïeux qui ont participé à la colonisation, et celle de bénéficier aujourd'hui de siècles d'occupation et d'exploitation. Mais en aucun cas on ne pourra supputer que le Duché de Gallouèse de nouveau régime, qui a vu le jour bien après la décolonisation, porte en lui les valeurs de la colonisation. Dans l'intérêt de votre initiative que nous souhaitons voir aboutir, dans l'intérêt de relations apaisées que nous souhaitons ardemment avoir, et parce que nous savons que sur ces difficiles questions mémorielles, les discutions peuvent très vite s'empoisonner, mon gouvernement n'ébruitera pas cet affront et n'exige aucune excuse. Laissons cela sur les malentendus nés des stigmates d'heures révolues, desquelles, il faut le dire, nous sommes les seuls responsables. Mais à l'avenir, dans les échanges que nous pourrons avoir - en particulier si vous estimez que j'ai manqué la raison fondamentale pour laquelle le Duché doit signer - je vous prierai de bien vouloir accepter que les heures de la colonisation sont révolues aussi de ce côté-ci du Leucytalée.
Dans l'attente de votre éventuelle réponse, je vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées.
Ligert, le 30 décembre 2015
M. Michal Trëvenon, Président du Conseil des ministre du Duché