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Activités étrangères à Teyla - Page 8

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Discord Leaks, Episode 2 : Nordlig-Kors, Etat fantoche ou véritable République ?

La République Fédérale de Nordlig Kors fêtera bientôt sa première année d'existence. Fondée sur l'argumentaire d'une émancipation de la monarchie, la République ne serait-elle pas aussi la réalisation d'un souhait du gouvernement fédéral tanskien. Dans la suite des révélations d'officiels tanskiens et d'alliés et partenaires principalement issus de l'Organisation des nations Démocratiques, s'ajoutant aux informations de canaux de discussions gouvernementaux et de rapports de renseignements, le Sea Street Journal revient sur ses fois où l'Eurysie et le monde ont évités la guerre. Episode 2, l'intervention humanitaire : ou comment ne pas envahir
31 OCTOBRE 2016
Le 17 janvier 2016, du haut de l'Hôtel de ville de Kønstantinopolis, devant une foule de plus d'un de million de personnes s'étant réunis dans les rues en l'espace de quelques heures, la République de Nordlig-Kors était proclamée. Quelques jours plus tard, plusieurs dizaines de kilomètres à l'est, un cargo bâtant pavillon oskalien étant parti d'Halvø trois jours auparavant s'échoua mystérieusement sur la Baie des Moutons et débarqua près de 1500 combattants originaires de la ville et de ces alentours. Le 17 mars, la colonie listonienne de Rosborg-Skaudme rejoignait la République à l'issue d'un référendum réussit pour le pouvoir central. Le 28 août 2016, le Parlement Central approuva à l'issue de deux votes la constitution de la République ainsi que l'Accord d'Association avec Tanska, liant les deux pays notamment sur le plan défensif. Dans les mois qui suivirent cet accord, plusieurs centaines de milliers de Korsiens accédèrent à la citoyenneté tanskienne et leur nombre, autour de 750 000 aujourd'hui, représente près de 15% de la population de la population. Dans un pays où la pauvreté à fait ses ravages après plusieurs années de guerres civiles et d'intervention extérieure, l'accession à une autre citoyenneté, plus qu'un véritable sentiment national, est un échappatoire.

La venue de la République, qui marque un coup réel et notoire à la guerre, permet le retour de milliers de réfugiés et le rétablissements d'infrastructures et d'un appareil étatique cohérent a été salué par de nombreuses organisations humanitaires estimant le nouveau gouvernement "très coopératif". Pour le gouvernement tanskien, elle marque la fin d'une "longue affaire", d'un sujet qui, au sein du gouvernement est discuté depuis des années sans officiellement exister, Hvall Sleppt, "baleine relâchée" dans un dialecte presque disparu d'Halvø. Ce terme n'existe pas officiellement. Il n'apparait dans aucun document public et n'a jamais été mentionné par un officiel tanskien au Congrès Fédéral, dans une chambre parlementaire ou en conférence de presse. Il existe pourtant une importante littérature à son sujet dont plusieurs mentions sur les canaux de discussions d'une application intergouvernementale : Discord. Hvall Sleppt est une nébuleuse, pour reprendre l'un de ces penseurs. Officier de renseignement depuis ses 23 ans, Svend, dont le nom a été modifié, en est l'un de ces penseurs. Affecté à la Manche Blanche au sein du Service Permanent d'Intelligence Extérieure, le SPIE, il est un connaisseur de la question du Nord qui mériterait à elle seule sa propre série. Hvall Sleppt en est, selon Svend, l'un des meilleurs exemples, un des rares cas concrets. L'origine même de la nébuleuse est floue, tout autant que son objectif que notre informateur reconnait comme abstraite : "Personne n'a jamais donné de finalité à Hvall Sleppt, c'est une idée, un imaginaire plus qu'un plant concret. Et l'imaginaire commence à Rosborg-Skaudme, il s'est terminé à Kønstantinopolis".

Hvall Sleppt, mentionnée pour la première fois en 2011, a animé la conduite des actions des services de renseignement pendant plus de 5 ans. Petit à petit, cette simple graine visant entre autre à sécuriser les accès aux mers du nord et à sortir de la Manche Blanche a influencé tout le service, et même le gouvernement avec une cible en particulier : l'Empire Listonien. Rosborg-Skaudme fut le point de départ comme le mentionna Svend. La nébuleuse, elle, s'est ensuite étendue de Port-Hafen à Macao en passant par d'autres territoires Listonien. Une pieuvre déployant ses tentacules avec autant de cerveaux et d'opérations d'apparence séparés mais gouvernés par un seul et même but dont Kønstantinopolis serait ensuite devenu l'élément final, le plus important, et d'une certaine manière, la réponse à la question du nord.

Cette importance que pris Rosborg-Skaudme fut mentionnée dans une discussion de couloir sur l'application Discord. Un canal séparé créé par un haut officier des renseignements tanskiens impliquant plusieurs pays. A l'origine de cette création datant d'octobre 2013, la véritable naissance de la nébuleuse. Après deux ans d'actions clandestines dans Rosborg-Skaudme dont il est encore aujourd'hui de connaitre les détails, l'idée émergea de gêner l'Empire, de faire bouger le colosse.


Le groupe vient d'être créé, plusieurs utilisateurs sont ajoutés. Les utilisateurs ne se présentent pas, indiquant qu'ils se connaissent sans doute.
Tanskien : Messieurs, je crois que nous avons une idée.
Intervenant 1 : On t'écoute.
T : Je pense que nous [le nous ne concerne que Tanska] allons armer des guérillas dans les colonies listoniennes du Nazum pour forcer l'Empire et ses Alliés à s'agiter au bout du monde. Nous profiteront des frontières incontrôlables de ces colonies avec leurs voisines.
Intervenant 2 : Ca peut être intéressant. Mais il faut le faire dans une période où c'est avantageux. Il ne faut pas juste armer pour armer, il faut qu'on ait une bonne raison de profiter de la séparation des forces.
Intervernant 3 : Ok, mais il nous faudrait un intermédiaire nazumi pour faire de la plausible denaibility. Il nous faudrait surtout une raison politique, déranger la Listonie, certe, mais est-on sûr de vouloir armer des gens qui tirent sur ses Alliés [à la Listonie].
T : Notre raison politique c'est de provoquer un effet domino sur l'Empire listonien pour atteindre toutes ses colonies. Nous y pensons depuis 2011.
Intervenant 4 : Nous pourrions réfléchir à contacter la Poëtscovie pour le pousser à agir près des colonies du Nord-Nazum, mais il n'est pas nécessairement fiable.


Dans le contexte de l'époque, octobre 2013, l'OND a effectuée une opération humanitaire au Valkoïnenland voisin dénommée Beach Wizard entre juin et août 2012. De son côté, Tanska et Kölisburg, un Etat voisin du Valkoïnenland, se livre à des opérations d'influence sur la colonie de Rosborg Skaudme. En difficulté, Tanska aurait ainsi décider de faire évoluer son dispositif d'influence au-delà de la colonie pour atteindre d'autres territoires de l'Empire comme le mentionne cette discussion. Hvall Sleppt s'étend. A cet instant, après plus de deux ans d'existences, l'opération connait des difficultés. Pourtant, certains documents révélés indiquent que lorsque Tanska prévient ses partenaires, des actions sont d'ores et déjà en cours sur d'autres territoires de la Listonie. En décembre 2012, un document dont le Sea Street Journal n'a pu voir que l'annexe 1, un simple memo de deux lignes, mentionne la Colonie de Macao et le nom d'une opération : Cavaco. Interrogé, Svend se montra gêner à la mention de ce nom, ne s'y attendant pas il ne nous répondra pas. Le memo ne précise pas les méthodes ni les moyens envisagés au sein de la colonie listonienne. Néanmoins l'évocation de possibles dégradations de relations diplomatiques laisse envisager des actions dépassant les simples médias mais possiblement entraînant des dégradations de la stabilité dans la colonie. Une information que nous ne pouvons confirmer.

Quand la fin de l'année 2013 arrive, Kønstantinopolis semble, au sein des renseignements, être placée au second plan. Pour autant, le manque de documents à cet instant n'est pas un élément permettant de confirmer cette tendance. Janvier 2014 prouvera le contraire. Le 1er janvier 2014, au petit matin, une force coalisée de Tanska, Teyla, et Caratrad, sur demande de Teyla, intervient dans la guerre civile du Valkoïnenland pour mettre fin à l'apparition d'un proto-état fasciste dénommé Hvitnesland ayant pour capitale Kønstantinopolis. L'opération a alors un objectif simple : mettre fin à la menace fasciste. Le caractère initialement humanitaire de l'opération est confirmée par de nombreux officiels, mais aussi par les discussions discord. Des officiels des trois Etats réaffirmant dans ce cadre leur volonté de limiter leurs pertes au minimum, de sauver les civils et de partir. Un officiel tanskien, que le Sea Street Journal estime être un officier supérieur dans l'opération, ajoutant que "Tanska ne compte pas rentrer dans Kønstantinopolis pour y rester". Peu après le déclenchement de l'opération tripartite, des forces kolisiennes et valkoniennnes mennent aussi une opération à l'est et au nord.

Si dans l'armée la situation est ainsi humanitaire, au sein du SPIE elle n'est pas exactement similaire. Le 4 janvier 2014, peu après le déclenchement de l'intervention, un Conseil de Sécurité National est réunit avec pour objet un "Plan d'Action de Tanska à l'égard du Hvitnesland". Basé sur un cour rapport, non public mais que nous avons pu consulter, le CSN évoque que l'objectif politique de Tanska au Hvitnesland "est de ramener un Etat de droit et une protection des Droits humains suffisante auprès des populations civiles tout en instaurant un cadre permettant d'assurer le maintien de ces conditions, le tout en accord avec la législation fédérale tanskienne". Sans donner plus de précision, cet objectif politique ouvre de multiples portes, et possiblement celui de la construction d'un Etat, qui n'est ici pas mentionner. Plus encore, le CSN précise que cet objectif, bien qu'hautement important, ne doit pas être maintenu si il venait à "comporter un risque substantiel de guerre avec Kölisburg ou le Vakloïnenland". La porte ouverte est elle-même attestée par la création, dès début janvier, d'une administration temporaire de libération placée sous la direction de Sofia Mäkelä.

Cette administration temporaire est le point crucial de Kønstantinopolis. Comme le reconnu un administrateur tanskien délégué à l'éducation sur place pendant 8 mois, "en instaurant une partie de normes sur place, nous avons fait naître l'idée que ce territoire était gouvernable voir administrable par nous, ou par des gens formés par nous". Dès le 5 janvier, le Porcureur délégué aux territoires libérés annonce la suppression de la peine de mort. La formation de l'administration temporaire de libération est pourtant née d'une logique bien temporaire. Dans une note du 1er janvier 2014, premier jour de l'opération, Mäkelä, écrivant à Asmus Sørensen, Administrateur-exécutif pour la Cohésion des territoires libérés sous administration temporaire, indique bien que l'administration sera amenée à "faire des choix sensibles afin d'assurer notre départ au plus vite", confirmant la volonté de départ des tanskiens. Une posture que Mäkelä elle-même réaffirma sans aucune hésitation en septembre 2014, près de 9 mois après son arrivée. Mais à cet époque, "le bien était déjà fait" reconnait Torsen, un administrateur au nom modifié. Au sein de canaux de discussions discord, les partenaires sont aussi en désaccord.

L'identité des membres de ce canal séparé n'ont pas pu être identifié. Il est néanmoins vraisemblable qu'il soit composé d'officiels de premier rang. La discussion a lieu en janvier 2015.
Tanskien : Nous avons désormais un important passif avec Kønstantinopolis, ça ne me paraît pas incohérent de garder là-bas une administration plus que temporaire.
Teylais :Cela ne me gêne pas. Teyla n'a pas d'utilité à rester là-bas, mais si vous le souhaitez, on vous laisse.
Sylvois :Cette affaire du Hvitnesland, je ne sais pas ce que nous aurions fait à votre place. Slva soutient à fond la libération du territoire et les actions humanitaires...mais nous risquons de ne pas approuver l'annexion.
Tanskien : Nous n'approuverons pas l'annexion non plus. Mais on ne peut pas accepter non plus de partir sans accord de démocratisation du Valkoïnenland. Cela pourrait mener à une situation de fait d'administration non voulue.
Teylais : Que veux tu dire par là ?
Tanskien : Tanska refusera de partir sans accord sur la confirmation des changements de droits effectués. Surtout pour la peine de mort.

Quelques mois plus tard, la situation se poursuit et la Première minisre, Kaja Kallas reçoit sur son bureau une étude du SPIE sur la "possibilité d'un non-départ des troupes tanskiennes du Hvítneslånd". Aucun officiel tanskien n'a voulu confirmer l'existence d'une telle note que le Street Sea Journal a pu partiellement consulter. En particulier, la conclusion avance que le maintien d'une présence tanskienne serait un facteur de séparation du territoire et de création de nouvelles formes de gouvernance. La note s'achève en précisant que "cette option reste lointaine et inenvisageable en l'état actuel". En juillet 2015, un mois après la rédaction de cette note, les soldats tanskiens quittent Kønstantinopolis après plus d'un an de négociation avec le pouvoir. Au sein des messageries intergouvernementales, les officiels tanskiens reconnaissent l'échec des négociations. Le départ, alors non basé sur des accords comme initialement voulu est basé sur la crainte que le maintien de l'occupation pourrait provoquer l'implosion de l'Etat du Valkoïnenland déjà fort affaiblit, un propos validé par l'homologue Teylais.

A l'été 2015, 5 ans après la création d'Hvall Sleppt, la situation tanskienne a ainsi drastiquement évoluée. Rosborg-Skaudme, à l'origine de l'opération est devenu "un point secondaire de l'équation" reconnaît Svend. Si Tanska y est toujours active, les moyens sont limités et les opérations ne sont que des affaires courantes. A l'inverse, Kønstantinopolis occupe désormais un point central dans la politique tanskienne. Lorsque les Tanskiens partent, ils emmènent avec eux 10 000 réfugiés. Sans l'avoir initialement voulu, l'Administation tanskienne a, au travers de son inertie propre, créé une administration parallèle qui dura plus d'un an, marqua durement les pratiques des administrés en question et des politiques. Elle fonda aussi les bases d'une gouvernance différenciée sur le territoire. Une parenthèse d'une autre forme d'Etat qui n'était vieille que de quelques mois lorsque la monarchie s'effondra pendant l'hiver 2015-2016, laissant un trou que cette parenthèse pouvait venir combler. Indirectement, pour la classe politique tanskienne, Kønstnatinopolis devient un cas du quotidien. Une affaire fréquente qui réunit régulièrement fédéralistes, conservateurs et socialistes autour d'une même table. Elle marqua aussi profondément l'armée et les réservistes qui séjournèrent en nombre dans la ville. Arrivés l'humanitaire à la bouche, les tanskiens seraient ainsi repartis l'administration en tête. Tout en maintenant la volonté officielle du départ, l'option devient de moins en moins envisageable au fur et à mesure des mois. Une situation renforcée par l'arrivée de réfugiés qui, en dépit de leur faible nombre, eurent un fort poids politique sur ces quelques mois encouragés par la classe politique tanskienne.

En Janvier 2016, lorsque l'insurrection se déclencha, plusieurs dizaines de tanskiens étaient aussi dans les rues de Kønstnatinopolis, non affiliés au gouvernement et aux renseignements, ils animèrent vivement la mention de Tanska, cousin lointain qui pouvait venir en aide. Les chefs des révolutionnaires étaient pour la plupart d'anciens membre de l'administration temporaire ou des proches de celles-ci. Les soldats de la Baie des Moutons, vraisemblablement entraînés par Tanska, portaient aussi avec eux ces mêmes souvenirs et messages, mais aussi la même vision de la gouvernance et de l'administration. Dès les premiers jours de Nordlig-Kors, avant même l'arrivée de tanskiens en soutien, Tanska était en réalité déjà là. Sans l'avoir déclenchée, l'étape finale de Hvall Sleppt venait se déclencher d'elle-même.
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La Bête ou l'Oppression ?

Pourquoi j'aurais à choisir entre deux partis qui ne me veulent que du mal ?



TECHNOLOGY ARISE.La Nouvelle Guerre Politique : Longue Marche par les Institutions.
Il avait commencé à pleuvoir au moment même où le spot de publicité d'une des grandes entreprises teylaises s'était lancé sur l'un des écrans géants du centre-ville de Manticore. Une pluie fine, caractéristique des averses artificielles des grandes villes. Le spot montrait un homme souriant, la cinquantaine conquérante, blouse blanche et regard franc, promettant un avenir radieux de la Manticore de demain et des bénéfices qu'en tirerait la jeunesse teylaise. Autour, personne n'y prêtait visiblement attention : les passants pressaient le pas vers les abris pour s'abriter de la pluie, la plupart avec des regards fatigués par une longue journée de travail et qui se glissaient sous les abris de bus ou dans les bâtiments comme des ombres. Seule une bande de jeunes, capuches relevées, était restée immobile. Un petit haut-parleur posé sur une borne d'incendie grésillait légèrement.

Puis la musique est partie. Un accord brutal, suivi d'un cri de gorge. Pas un cri de souffrance, non. Un cri de rupture, une rythmique lente, percussive avec des paroles hachées scandées à trois voix. Aucun nom d'auteur. Aucun parti, pas même une revendication claire. Mais quelque chose s'était passé : les regards s'étaient figés, les téléphones avaient commencé à filmer, et en moins de deux jours, la vidéo du morceau s'était retrouvée partout, y compris sur les vieux forums de gauche de l'Internet teylais qui étaient restés inactifs depuis plusieurs années. Ce qui avait commencé comme une discrète intervention sonore dans les failles de la capitale teylaise devint, en quelques semaines, une campagne musicale de grande ampleur, virale, clandestine, insaisissable. Cette campagne musicale, qui ne se revendiquait d'aucun parti, y compris du PET, était une forme de présence, une sorte de musique qui habitait les marges et qui dérangeait le confort du discours politique dominant en le déplaçant vers le sensible, le rugueux, le non-réconciliable. Derrière cette offensive esthétique se tenait un collectif informel, mouvant, sans nom ni porte-parole. Des musiciens, des ouvriers en friche, des étudiants expulsés, des infirmières sous-payés, des graphistes refusant de vendre leur travail ou encore des ex-militants désabusés. Des gens qui, pour la plupart, n'avaient plus foi dans les urnes depuis fort longtemps mais qui n'ont pas renoncé pour autant à la parole. Leur musique était leur cri.

L'implication du SRR dans la campagne :

Sans que la société teylaise le sache, le SRR avait en vérité lancé sa première offensive culturelle sérieuse sur Teyla afin de préparer le terrain idéologique des prochaines élections législatives. Dans la perspective de sa stratégie déjà mentionnée, le SRR a débuté sa première opération dans le domaine artistique et culturelle. En effet, bien qu'elle aurait pu débuter directement par le renforcement des partis que le SRR est sensé faire monter (à l'extrême gauche ou l'extrême droite) ou dans le dénigrement constant des partis qu'elle vise pour les faire chuter (en l'occurrence, le MRU est la principale cible des Estaliens), le SRR a préféré débuter directement sur le domaine culturel pour deux raisons précises. La première est que la conversion culturelle de la population teylaise doit s'effectuer sur le long terme, la culture est instrumentalisée ici pour instiller doucement mais sûrement des idées politiques profondément ancrées dans le programme eurycommuniste/libertaire afin de rendre ces idées socialement acceptables dans le narratif consensuel commun et ainsi ancrer une tradition politique teylaise portée de plus en plus vers la gauche révolutionnaire ; de ce fait, il est nécessaire que pour que la stratégie estalienne fonctionne (peut-être pas pour la campagne de 2017 mais certainement pour la période post-électorale), elle doit être initiée en premier. Ensuite, la deuxième raison est d'un ordre plus opérationnel : les ingérences du SRR vis-à-vis des partis seront nécessairement plus risquées puisque les services de renseignements et les forces de police teylaises sont particulièrement attentives aux ingérences politiques qui visent normalement les partis principalement. Or, ces services ne peuvent avoir des yeux partout et si le mouvement politique part de la rue et non des cadres d'un parti quelconque, les chances de repérage par les services de renseignements deviennent bien plus faibles. C'est donc une voie plus facile pour le SRR de débuter par le punch culturel que par la guerre hybride partisane.

On se rend bien compte d'ailleurs de la facilité pour le SRR d'effectuer une telle campagne : il n'est pas nécessaire d'effectuer un encadrement direct des groupes artistiques ou de leur donner des mots d'ordre : le SRR utilise seulement une des ONG, que ce soit celle de sa cellule yukanaslave ou une ONG fictive fondée directement à Teyla en coopération avec celle de Yukanaslavie pour donner des ressources, des connexions et des moyens d'agir aux groupes musicaux et artistiques marginaux situés dans le spectre de la gauche révolutionnaire. C'est à travers toute une série d'intermédiaires (centres culturels coopératifs, collectifs artistiques teylais, boîtes de production) ainsi que le fournissement d'instruments, de logiciels de mixage, de studios mobiles et surtout de financements que le SRR peut ainsi stimuler la production artistique et musicale qu'elle souhaite voir. L'idée n'est pas que le SRR télécommande toute cette opposition au caucus libéral en vigueur à Teyla, l'idée est plus subtile : l'Estalie laisse faire, elle ne fait que accélérer le feu en créant les conditions idéales dans laquelle l'idéologie libérale (qui repose sur la croyance dans le débat rationnel, les institutions représentatives et la pacification des conflits) soit confrontée à une esthétique de la rupture, une voix qu'elle ne sait pas entendre généralement.

L'esthétique du projet :

La campagne musicale mise en place n'est pas conçue comme un produit musical au sens habituel du terme car il ne cherche ni l'unité stylistique ni la fidélité à un genre, encore moins une forme d'efficacité médiatique ou de lisibilité immédiate. Il est pensé comme un dispositif sonore dissensuel, un champ de tension où les formes musicales servent surtout à désarticuler l'ordre sensible libéral établi. C'est en somme une guerre culturelle à l'état pur, où chaque piste constitue une brèche dans la linéarité de la narration dominante. La campagne assume la dissonance comme forme de lucidité : refuser la beauté normative, c'est refuser l'ordre qui l'a définie et donc le Royaume de Teyla et ses institutions.

La diversité des styles mise en avant par la campagne financée par le SRR n'est pas un simple exercice de démonstration éclectique mais une fragmentation délibérée qui traduit dans la forme musicale même une analyse marxienne de la condition prolétarienne teylaise : celle d'un sujet pulvérisé, précarisé, disjoint, incapable de s'unifier sans violence idéologique. Ainsi, les pistes passent sans transition d'un rap paysan scandé en teylais (reprenant un certain nombre de jargons issus des très vieux patois de la campagne teylaise) au punk industriel brut enregistré sur cassette, en passant par des chantes ouvriers polyphoniques mêlés de bruit blanc, des ballades ou encore des séquences ambient grésillantes, abstraites, inspirées de la topographie sonore des villes post-industrielles. Chaque morceau débute systématiquement par un fragment de parole brute, non musicalisée, captée dans la réalité : un enregistrement d'une AG syndicale, un message vocal de demande d'aide au logement, une dispute avec un employeur, une déclaration policière. Ce geste, inspiré à la fois de la tradition situationniste et de la théorie critique frankfurtienne, est sensé incarner une attaque directe contre la réification du langage. Dans le capitalisme néo-libéral, les mots sont instrumentalisés, normés, transformés en outils de contrôle ou en slogans creux. Réinjecter ces paroles brutes dans le contexte musical voulu par le SRR, sans les esthétiser ni les purifier, c'est aussi permettre de réactiver leur charge conflictuelle et de rappeler aux auditeurs le quotidien de leur aliénation sociale par le capitalisme.

C'est une esthétique qui est donc volontairement rugueuse, fragmentaire, brouillé et qui est sensé agir comme un antidote à la logique du capitalisme affectif, qui repose sur la production d'émotions faciles, d'identifications immédiates et de récits de réussite simplifiés. Là où la pop culture libérale cherche à apaiser, à lisser, à séduire, la campagne musicale de la gauche révolutionnaire dérange, fracture et refuse. C'est un rejet frontal de l'impératif de rentabilité culturelle qui exige des oeuvres brèves, "hookées", optimisées pour l'écoute passive. Ici, l'écoute est un acte, certes pénible et perturbant mais critique sur le monde libéral promis par les partis de l'establishment libéral teylais que sont le MRU et LR.

Le piège électoral dénoncé via la musique :

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L'émergence de la campagne musicale soutenue en sous-main par le SRR ne se base pas sur un vide complet, le SRR ne part pas vraiment d'ex nihilo pour assurer la réussite idéologique de cette campagne musicale. En pleine période de campagne législative, le Royaume de Teyla voit s'affronter comme à chaque échéance depuis plusieurs décennies, ses deux partis dominants : le MRU et LR. Pour la jeunesse, en particulier celle des milieux populaires, précaires, ou issus des zones périphériques, ce jeu d'alternance ne produit plus aucune croyance. Le choix n'est pas entre le changement et la continuité mais entre deux formes de continuité : l'une à visage social, l'autre à visage autoritaire. Le vote devient un rite sans foi, une obligation civique dont le contenu a été vidé, une cérémonie désenchantée. Voter pour le MRU, c'est accepter la gestion néo-libérale de la misère au nom du progrès social ; voter pour les LR, c'est valider une restauration sécuritaire sous vernis monarchique. S'abstenir, enfin, c'est s'exclure de la scène politique et s'exposer à la culpabilisation politique. Cette situation produit ce que l'on pourrait appeler une forme douce de suffocation démocratique : on ne réprime pas la dissidence par la censure directe mais par l'absence même d'une alternative audible. C'est ce que certains philosophes marxistes décrivaient déjà comme une institutionnalisation de la résignation, où le cadre électoral sert non pas à exprimer un rapport de force mais à neutraliser symboliquement la lutte des classes. Dans ce cadre, la campagne musicale de la gauche révolutionnaire cherche à opérer une rupture ontologique parmi la jeunesse : elle ne se contente pas de critiquer le choix électoral mais rappelle que la scène électorale est elle-même un artifice, un espace réglé, structuré et limite et que par conséquent, dans une certaine mesure, la scène politique teylaise est excluante par nature.

La musique, dans ce contexte, n'agit pas comme commentaire mais comme dévoilement subtile de cette réalité politique. En saturant l'espace sonore de voix, de cris, de bruits, de récits discordants, les collectifs dissidents financés en sous-main par le SRR montrent ce qui n'a pas de place dans la démocratie représentative. Ce ne sont pas les programmes des partis qui sont pris pour cible mais la fiction même de la représentabilité universelle : l'idée qu'un bulletin dans l'urne puisse porter l'existence politique d'un sujet qu'on n'a jamais reconnu comme légitime à parler. C'est ici que la campagne musicale rejoint la critique anarchiste classique, des prodayskistes estaliens aux communalistes kah-tanais, pour qui l'Etat représentatif est une machine à dissoudre la puissance populaire en la réduisant à une forme déléguée, encadrée et surveillée. Cette démarche rejoint également la critique post-marxiste de la démocratie comme structure post-idéologique. Pour certains penseurs, le cœur du politique n'est pas le vote mais le conflit : le surgissement de voix qui perturbent l'ordre du visible et du dicible. Dans cette optique, le bipartisme teylais MRU/LR constitue un exemple typique de démocratie post-politique : un système qui organise le débat en excluant toute conflictualité réelle, qui gère les différences sans jamais les laisser devenir antagonismes. Or, la campagne musicale décrite ici, en refusant la médiation d'un parti ou d'un candidat quelconque, redonne à l'antagonisme sa dimension brute. Il ne fait pas campagne et ne cherche pas à convaincre de faire voter pour un tel ou un tel, il crée une zone d'illégitimité volontaire, une insoumission esthétique où la voix ne devient pas parole autorisée mais un bruit qui résiste à l'intégration. Cela renverse toute la logique électorale teylaise dont le principe repose précisément sur la convertibilité du cri en revendication, de l'indignation en projet et du trouble en programme. Ici, pas de programme : juste le refus de la jeunesse d'être gouvernée. C'est ici que se joue la radicalité de l'opération soutenue en coulisses par le SRR estalien : non pas subvertir le jeu électoral en y favorisant un troisième acteur, du moins pas pour l'instant, mais le miner depuis l'extérieur en lui opposant un régime d'énonciation incompatible.


Ce qu'on entend dans les concerts clandestins de Manticore.J'ai vendu ma misère pour une voix de soumission
Au fond de moi la sentinelle pour y briller sans exception
Et les sourires étaient les mêmes

A-t-on le cri du coeur, la vérité ou la raison ?
Vous n'entendez donc que la bête
Et ses réponses à vos questions

Est-ce que la fièvre est un délit d'opinion ?
Est-ce que ma peine était un vote de sanction
La sentinelle qui trouve réponse à mes questions
Serait-ce la bête, serait-ce la bête, ou bien l'oppression ?

Mon prix sert de silence aux fossoyeurs de compassion
Aux mijaurées la suffisance, aux incendiaires de l'unisson
Quand un sourire décède d'avoir sourit à l'opinion
A cette soupape, cette sainte atèle, j'aurais pu encore dire non

Est-ce que la fièvre est un délit d'opinion ?
Est-ce que ma peine était un vote de sanction
La sentinelle qui trouve réponse à mes questions
Serait-ce la bête, serait-ce la bête, ou bien l'oppression ?

Serait-ce la bête, serait-ce la bête, ou bien l'oppression ?

Ravale donc ta rengaine, ravale donc tes sanglots,
De l'amour ou d'la haine, qui donc aura bon dos ?

J'ai mis ce cris de guerre, pas en faux-frère
mais en son nom
J'ai donné ma main à l'enfer,
Sous vos crachats ma reddition

Est-ce que la fièvre est un délit d'opinion ?
Est-ce que ma peine était un vote de sanction
La sentinelle qui trouve réponse à mes questions
Serait-ce la bête, serait-ce la bête, ou bien l'oppression ?
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en tête Rivoluzione

« Le niveau de vie baissera encore en 2017 » annonce la Banque Centrale dans ses prévisions annuelles


Sans surprise la Banque Centrale a confirmé dans son rapport de prévision économique pour l'année 2017 que le niveau de vie des ménages fiumigliens devrait encore baisser pour la septième année consécutive. Cette déclaration intervient dans un contexte politique et économique tendu où les effets des politiques d'austérités qui touchent le pays depuis le début du siècle sont remises en question, aussi bien à gauche, qu'à droite. Ugo Pernone, responsable du pôle prévision de la Banque Centrale, et défenseur de la ligne économique la plus stricte et austère, affirme qu'il s'agit « d'une correction, par le marché, de près de 40 ans de folies économiques permises par des logiques mafieuses et corrompues dans tous les secteurs de l'économie. »
Banque Centrale Modesseto
Bureaux de la Banque Centrale de Modesseto, où se situe le pôle prévision économique

C'est une annonce qui n'arrive plus à surprendre grand monde, pour la septième année consécutive les prévisions annuelles de la Banque Centrale affirment que le niveau de vie de l'écrasante majorité des foyers continuera à baisser dans l'année qui vient. Le rapport publié dans une nonchalance habituelle n'a presque pas été repris dans les entrefilets de la presse traditionnelle et grand public, si ce n’est dans les obscures sections économiques, souvent en fin de journal, qui ne sont plus lues que par ceux « qui aiment lire des histoires tristes », pour reprendre les mots du chroniqueur Giuseppe Barola. Il faut dire que la grande majorité des Fiumigliens se sont habitués à ces annonces froides et techniques qui expliquent dans de longs paragraphes austères pourquoi et comment la situation ne s'améliore pas malgré les efforts "collectifs" consentis depuis toutes ces années. Au-delà des conséquences humaines et sociales horribles, l'austérité se sera donc marquée par un épuisement massif de l’intérêt du peuple pour son économie nationale.

Le rapport dirigé par le banquier de formation, ultra-libéral Ugo Pernone, affirme dans les détails que la hausse de la fiscalité, la stagnation, voire la baisse des salaires, la chute des exportations, la hausse des coûts d'importation, la stagnation de la productivité et les difficultés d'entrée sur le marché du travail pour les jeunes travailleurs, parmi une dizaine d'autres causes, ne permettent pas de « considérer sérieusement et empiriquement un scénario économique dans lequel le niveau de vie de la grande majorité des foyers ne continuerait pas à baisser ». Pernone, qui a pris son poste en 2014, suite au tournant libéral de la Banque Centrale imposé par les créanciers internationaux, se fait l'avocat d'une ligne d'austérité dure, sans concession, ni état d'âme social. Un temps populaire, durant les premiers mois de prise de ses fonctions, pour son côté rentre-dedans et ses critiques de la corruption ambiante du pays, sa cote de popularité frôle maintenant le néant et chacune de ses déclarations semble amplifier les critiques qui l'accusent d'être provocateur, sans cœur et vendu aux intérêts des banques étrangères. Il affirme notamment que les effets négatifs de la crise, dont il conçoit pourtant les conséquences reproductrices, comme indiqué plus haut, ne sont pas des « externalités à combattre » mais bien « [des] correction[s], par le marché, de près de 40 ans de folies économiques permises par des logiques mafieuses et corrompues dans tous les secteurs de l'économie ». Il continue en affirmant que l'économie fiumiglienne s'est « reposée pendant des décennies entières sur des chiffres bidonnés, gonflés par des activités criminelles de grande ampleur ou tout simplement inventés de toute pièce pour convenir à des discours politiques hors-sol ». Selon lui, seule une thérapie de choc, par la crise, peut permettre de faire revenir l'économie fiumiglienne à son statut naturel : « Dès que nous avons arrêté, ou du moins diminué, les malversations budgétaires permises par la corruption, notre économie a directement dévissé de plusieurs dizaines de points. La réalité est que notre pays est économiquement plus proche des pays d'Eurysie centrale ou orientale plutôt que de ceux de nos voisins. La crise est naturelle et logique après tant d'années de mensonges. Je dirais même qu'elle sera bénéfique, à moyen terme, même si je ne nie pas les difficultés qu'elle peut créer aujourd'hui ».

Pernone conférence
Ugo Pernone, responsable du pôle prévision de la Banque Centrale, lors d'une conférence économique

Ces derniers mots, prononcés dans une interview en ligne le jour de la publication du rapport, ont été ressentis comme une énième provocation de Pernone envers les personnes qui subissent de plein fouet la politique d'austérité recommandée par la Banque Centrale, c'est-à-dire la grande majorité des habitants du pays. Une enquête parlementaire commandée par le PCF révèle que, sur les deux dernières années seulement, les Fiumigliens ont perdu en moyenne 8,6 % de leurs revenus disponibles, soit plus d'un mois de salaire. Selon le camarade député Sandro Bruni, la Banque Centrale et le gouvernement se sont lancés « dans une politique d'appauvrissement intentionnelle et volontaire des classes moyennes et populaires, au profit de la classe bourgeoise internationale qui, comme un vautour, s'est donnée comme mission de désosser notre pays et notre économie ». Le PCF affirme que ce n'est pas aux prolétaires d'essuyer les conséquences des crises innées au capitalisme et des mauvaises gestions des élites nationales corrompues, mais que ce sont bien ces dernières qui doivent rendre des comptes au peuple, notamment via une mobilisation quasi complète de leur patrimoine économique et matériel dans le maintien du système social. Des voix plus contestataires affirment que la solution se trouve dans le renversement du gouvernement et la suppression pure et simple de la dette, du déficit et des obligations monétaires du pays. Le groupe communiste à la Chambre des Députés demande la mise en place d'une consultation élargie sur la doctrine économique du pays, afin de pouvoir « mettre fin une bonne fois pour toutes à la folie meurtrière de l'austérité ».

Car au-delà des discours et des affrontements politiques, nous ne devons surtout pas oublier que l'austérité est avant tout un crime, commis contre le peuple sans considération des conséquences dévastatrices que nous pouvons tous et toutes constater. Les 18-30 ans gagnent 25 % de moins que la génération précédente au même âge, les taux de chômage explosent, nous sommes revenus à des chiffres d'émigration similaires à ceux du 19ᵉ siècle et la violence politique, sociale et mentale n'a jamais été aussi claire et présente que depuis le début de la crise à la fin des années 90. L'Institut National de Statistique affirme que moins de la moitié des locataires sont capables de payer leurs loyers dans les temps, tandis que les propriétaires nationaux vendent de plus en plus à des fonds vautours étrangers qui augmentent les loyers pour tirer de l'argent facile et rapide de la situation catastrophique de notre pays. Le secteur du BTP a été l'un des premiers à s'effondrer en 1999, notamment à cause de sa proximité évidente avec la mafia. De ce fait, la construction de nouveaux logements, notamment attribuables sur critères sociaux, est quasiment au point mort depuis plus de 15 ans. Nous avons donc un parc locatif vieux, particulièrement cher, surutilisé et soumis aux volontés de fonds d'investissement peu recommandables. Selon le chercheur Armando Rossi, seuls la solidarité et les transferts intra-familiaux permettent de sauver provisoirement la situation et de garantir la propriété, ou au moins un toit, à une partie de la population, mais selon lui il est évident qu'une crise globale du logement, aux implications énormes, ne devrait pas tarder à éclater si aucune mesure d'urgence n'est prise. « Nous sommes dans une situation similaire à celle de la Révolution, les paysans sans terres sont simplement remplacés par la jeunesse de notre pays, qui ne dispose plus des capacités de se loger dignement sans le soutien de leur famille ». Il ajoute que même en dehors des conséquences politiques de ce phénomène, des réactions démographiques sont aussi à craindre : « Nous sommes historiquement un pays avec une démographie rapide, c'est ce qui nous a permis de faire face à toutes les phases d'émigration de notre histoire. Mais comment voulez-vous que notre jeunesse fonde des familles sans maison ? Je ne pense pas qu'ils arrêteront de se mettre en couple ou de faire des enfants, mais ils le feront ailleurs, à Teyla, Velsna, en Manche Silice, en Youslévie ou partout dans le monde, vraiment. À l'émigration pour cause d'emploi va s'ajouter l'émigration pour fonder une famille. [...] J'aimerais sincèrement que Pernone nous explique comment il souhaite relever le pays avec une productivité en berne et une population qui fait des enfants ailleurs. »

Nous avons rencontré Giacomo (prénom modifié) qui a fait le choix de l'émigration. Il s'est installé il y a trois mois à Manticore dans un appartement relativement cossu dans une artère commerçante de Petite-Codène, qu'il paye pourtant moins cher que le studio de 10 m² qu'il possédait à Salogne. Le jeune homme de 29 ans nous affirme qu'il ne regrette absolument pas cette décision. Il ajoute : « En tant qu'ingénieur diplômé, j'ai réussi à trouver facilement un emploi. J'ai moins de responsabilités qu'à mon ancien travail mais ma paie est quasiment doublée, avec un coût de la vie similaire. Très honnêtement, dans ce quartier, j'ai l'impression d'être à la maison, tout le monde vient de Fiumiglia, les gens parlent fortunéen, j'ai même retrouvé des cousins que j'avais perdus de vue », ajoute-t-il avec un sourire. « Je pense que l'émigration va redevenir le principal objectif des jeunes diplômés. J'ai un peu un sentiment coupable de participer au déclassement de mon pays, comme ceux qui sont partis au 19ᵉ siècle, mais honnêtement la situation n'était plus vivable pour moi. Notre pays va droit dans le mur et j'ai pas envie que tous mes efforts soient réduits en poussière à la prochaine grosse crise. [...] Puis il faut voir la vérité en face, fonder une famille au pays ça donne pas envie : l'austérité, la violence, la corruption. Je dis pas que tout est parfait ici, mais je vois personne sortir dans la rue effrayé de subir un attentat. C'est des choses normales qu'on oublie. »
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CTESI
Centre Tanskien d'Etudes Stratégiques et Internationales

Sea the opportunity : Le développement de capacités spatiales d'observation des espaces maritimes


Décembre 2016 - Daniella Stenbock & Mathilda Nilsson


La développement d'un commerce spatial des données liées aux espaces maritimes


Le 23 août 206, deux années après son association avec TeySpace et quatre après sa création, Unhidden annonçait l'entrée en service de trois satellites radar d'observation des espaces maritimes, les THOR, Telemetry and High-frequency Observation Radiometer, llancés le 17 juillet. Ce lancement marque pour le spatial tanskien et plus largement mondial une nouvelle étape dans le déploiement de capacités et de services. Pour UnHidden, qui compte à son capital Maller-Møersk, armateur tanskien, c'est une réussite complète.

Alors que les mers couvrent près des trois quarts de la surface de la planète, elles restent dans l'ensemble relativement peu surveillées en dehors des principales routes maritimes qui le sont par des navires et aéronefs présents sur place. Si l'Organisation des Nations Commerciales, ONC, renforcée par l'adhésion récente de Velsna et de sa flotte, comptabilise plus d'une centaine de navires, cette présence est toutefois bien maigre à l'égard de l'immensité des zones à couvrir. Et de plus, elle n'est dédiée qu'à la sécurisation des principales routes commerciales, ne couvrant d'autres aspects importants de la surveillance maritime.

La fondation multipliée des Zones Economiques Exclusives, ZEE, rejetées notamment par l'ONC qui rejette l'hypothèse de sanctuarisations nationales des espaces et ressources maritimes, et en discussion au sein de l'Organisation des Nations Démocratiques, OND, alimente aussi l'intérêt pour la surveillance et la connaissance du domaine maritime. Pour le gouvernement tanskien, qui a créé sa ZEE via le code maritime, le développement plus élargit d'autres zones similaires établit également des règles de bases, bien que dispersées, pouvant à terme amener à la création d'une forme de cadre légal pour les activités commerciales et les modalités de partage équitable des ressources marines.

Ayant investis à hauteur de 29% du capital d'Unhidden en 2014, soit juste en dessous du seuil de 30% nécessitant alors la création d'un appel d'offres public, le gouvernement tanskien soutien l'idée que les compagnies développant ou exploitant des systèmes spatiaux peuvent jouer un rôle crucial dans la connaissance du domaine maritime, l'amélioration des capacités de surveillance, l'identification des zones maritimes, et l'application de la loi. En l'absence d'accord mondial sur la question maritime, et même d'une base légale au sein de l'OND, le développement de capacités nationales souveraines est par conséquent d'une importance cruciale. Pour Unhidden, l'objectif le plus immédiat via le développement de sa constellation, est de démontrer que les services spatiaux peuvent devenir un pilier essentiel du soutien aux efforts de gouvernance et de protection des océans et espaces maritimes.


La finalité des capacités spatiales : la connaissance du domaine maritime

Dans une note diffusée à plusieurs ministères et agences gouvernementales, la Première ministre, Jaka Lakkas, soulignait la nécessité d'une surveillance accrue du domaine maritime et une application efficace de réglementations nationales et d'actions internationales; En évoquant le cas notoire du blocus de l'Ouwalinda, Lakkas marquait la nécessité de déployer des moyens jugées "disproportionnés" et couteux sur le long terme là ou "plusieurs satellites auraient aisément pu remplacer les deux tiers des navires" selon la première ministre. La note suggérant ainsi la nécessité de l'utilisation des données et technologies satellitaires pour une application efficace des cadres légaux.

La demande de services de surveillance des océans et des espaces maritimes a déjà donné naissance à des marchés précis et à des débauches de moyens importants. D'une part, bien que Tanska n'y a pas recours, la majorité des Etats du monde déploient d'important moyens militaires pour le transport de matériel, fussent-ils dédiés à l'exportation. Sans parler du coût important pour un rendu faible sinon limité, cette débauche de moyens que l'on observe même chez d'importants Etats comme l'Alguarena ou le Grand Kah, témoigne à la fois d'une psychose exagérée des gouvernements mais aussi d'une inégalité et d'une inefficacité des moyen déployés. Pour le ministère de la Défense nationale, le déploiement de bâtiments de guerre pour escorter l'export de blindés "ne fait pas sens", bien qu'il soit reconnu qu'il y a un besoin général de disposer d'une connaissance en temps réel du domaine maritime. A ce titre, le développement de systèmes de positionnement, de navigation, et de synchronisation, PNT, ou encore de systèmes d'identification automatique par satellite, S-AIS, connait un développement qui n'est pas sans limites. Il nécessite en effet l'équipement, par les navires, de balises de géolocalisation et d'authentification. Si ces dernières vont devenir obligatoire au 1er janvier 2017 sur l'ensemble des navires battant pavillon tanskien ou issu d'une compagnie tanskienne même en cas de pavillon étranger, cela représente une petite partie du commerce maritime.

Pour les assureurs, notamment auprès de Maller-Møersk, le développement des capacités de géolocalisation maritime est une grande avancée. Pour le ministère de la défense nationale, et en particulier les Forces d'Auto-Défense Navale, c'est un excellent outil de lutte contre la piraterie et contre la contrebande pour les navires tanskiens. Le gouvernement envisage aussi le développement d'un système collaboratif au sein de l'OND, le Long Range Identification and Tracking, LRIT, system. Ce dernier est actuellement en cours de développement entre Atlas, Aircar Industries et Maller-Møersk sous la coupole des ministères de la défense nationale et de la coordination territoriale. Le système repose sur la signalisation des navires à l'administration de leur pavillon au moins 4 fois par jour, configuré à la communication par satellites il serait effectué automatiquement. la mise en place de data centre et d'échanges de données instantanés entre les membres de l'OND confèrerait ainsi une vision d'ensemble de tout le commerce maritime de l'OND. Une expérimentation doit être effectuée en Manche Blanche au premier trimestre 2017 en s'appuyant notamment sur les satellites d'observation de la Terre existant opérés par Tanska. La disponibilité et l'utilisation des données issus de ces satellites, non entièrement dédiés à cette mission, reste limitée et nécessitera optimisation et harmonisation, ce qui doit notamment être testé dans le cadre de cette expérimentation.

C'est à ce niveau que les technologies d'Unhidden rentrent dans la réflexion du gouvernement tanskien. En effet, toutes les méthodes avancées précédemment fonctionnent sur une base de coopération. Les capacités radar satellites d'Unidden reposent eux sur le déploiement et l'utilisation de technologies non coopératives, principalement les radar à synthèse d'ouverture, SAR. Un déploiement en grand nombre des microsatellites THOR, actuellement au nombre de 3, permettrait une revisite des espaces maritimes dans des délais inférieurs à la journée, puis à l'heure, et donc fournirait une surveillance presque continue des espaces maritimes. En particulier, cela permettrait de surveiller des activités maritimes non rapportées, et donc illégales ou se voulant sous les radars, ce qu'elles ne pourront être du fait de la détection satellitaire. Le complet par une constellation plus classique d'observation optique fournirait aussi des données supplémentaires cependant dépendantes des conditions météorologiques.

Ainsi, les technologies d'observation de la Terre, optique et radar, sont des outils complémentaires qui peuvent fournir des informations supplémentaires sur les activités des navires. Si elles ne remplacent pas la présence en mer des forces navales de Tanska, et de l'OND plus largement, elles faciliteraient les tâches et permettraient même, à terme, de démultiplier les capacités opérationnelles. L'intégration des données in situ avec les données spatiales devient dès lors un enjeu central de l'efficacité de ces moyens technologiques pour atteindre l'objectif opérationnel, tant commercial que sécuritaire.

Enfin, il est aussi important d'ajouter une nouvelle couche de compréhension du domaine maritime. Aujourd'hui, les constellations d'observations de la Terre palissent d'un manque d'observation météorologique. Certes, la constellation CENTAURI, basées sur des satellites tanskiens et wanmiriens compte le satellite CENTAURI-3 spécialement conçu pour l'observation météorologique des océans. Sa couverture reste limitée.

En novembre 2016, le gouvernement tanskien a publiquement notifié Unhidden de sa volonté d'acheter et d'opérer lui-même 6 satellites THOR et d'acheter les données de la constellation THOR d'Unhidden elle-même, symbolisant l'intérêt grandissant pour l'observation spatiale des milieux marins. La question a aussi été soulevé de l'export des données de la constellation. Ni Unhidden ni le gouvernement n'ont encore apportés de réponses. Le premier étant conscient de l'intérêt commercial de ses technologies, le second de la sensibilité de celles-ci.
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Les Fantômes sont passés.
https://www.defense.gouv.fr/sites/default/files/styles/16_9_md/public/operations/2023_TLYN_045_A_046_049.jpg?itok=OckCqw3B

C'est pas vraiment pro ça.

Allez, ta gueule branlos. Pas comme si c'était une découverte putain !

Au pied des 2 hommes se "chamaillant", un homme en sang était étendu au sol. Une flaque se formait, son crâne était entièrement défoncé et son buste troué. Il avait subi. Beaucoup.

N'empêche mec, regarde moi ça ! On va faire comment pour camoufler ça couillon ? Putain si on voulait pas t'emmener c'était pour ça, vous avez aucune maîtrise de vous même dans votre unité là !

L'homme en face regarda calmement son collègue.

Au moins nous on avait été choisi et formés par le Camarade Secrétaire Général.

Un froid s'installa. Pas seulement parce que l'homme dont ils parlaient était mort, mais parce que la rivalité qui s'était mise en place entre les différents Forces d'Intervention Spécialisées étaient solides. Et même si les Gamma-3 et les Alpha-1 n'avaient plus tant que ça l'occasion de se voir après que la force A-1 ait été décimée lors de la trahison de la force Alpha-4, il restait le fait que les A-1 étaient les supérieurs de chaque membre de chaque autre force. Théoriquement, même si cela commençait à se perdre.

Bref. Ça change rien, c'était pas sensé se dérouler comme ça. On est sensé être des fantômes nous, et c'est toi qui a choisi de nous rejoindre hein. Fallait t'adapter. Maintenant, tu m'explique ce qu'on fait ?

Aucune hésitation de la part de l'Alpha-1 ne se fit ressentir.

Simple. On le laisse pourrir là. Les civils et les flics vont tomber dessus, ils sauront qui il est. Ils tomberons également sur sa petite escorte personnelle.

Il fit un geste en direction d'une porte où un filet de sang s'échappait.

Ils comprendront vite, encore plus si on laisse un signe distinctif. Et là, ils sauront que nous sommes toujours existants, toujours une menace, et que rien ne pourra nous arrêter.

Le Gamma-3 le regarda avec de grands yeux.

Tu déconne complètement mec. Mais complet. Ça a rien à voir avec les méthodes de notre force... Carrément laisser un signe ? C'est complètement teubé. Il est hors de question que je laisse une trace du passage de ma force ici mec. Jamais.

Parfait alors. Ce ne sera pas votre force qui va s'afficher, c'est la mienne.

Sur ce, il ne perdit pas de temps, et trempa ses gants dans le sang du mec qu'il avait démonté jusqu'à la mort juste avant, pour commencer à esquisser un symbole sur un mur. Une main tenant un feu ardent.

Le mec de la force Gamma-3 ne dit rien. Au fond de lui il le savait, même si c'était leur force qui avait décidé de prendre en chasse leur cible, la venue d'un Alpha-1 parmi eux avait laissé planer des doutes. Il savait que ça se finirait comme ça au fond de lui. Que la force Alpha-1 se mettrait sur le devant, ce malgré leurs effectifs bien trop petits.

Il s'assit sur une chaise. Il savait que les traces qu'il laisserait de son côté seraient effacées d'ici au lendemain, pas d'inquiétudes de son côté. Mais il savait que le Alpha-1 ici présent n'allait lui rien faire et clairement indiquer sa venue, quitte à faire croire qu'il avait tout fait tout seul, tout en disparaissant dans la nature sans explication. Ce qu'il fit au bout d'un moment, sans adresser un signe au Gamma-3. Disparaissant simplement.

Le Gamma-3 mit 30 minutes à réfléchir avant de passer au nettoyage de ses traces et de partir dans son coin. Il savait qu'il ne reverrait jamais -3, cet Alpha-1. Que ce mec avait fait sa mission. Et il partit.


Le lendemain, ce fut le sang que les voisins virent en premier. Beaucoup de sang, qui permit de les mener à des corps sanglants et armés. Il fallut 12 minutes à la police pour débarquer, 27 minutes aux premières équipes spécialisés pour arriver également. Et seulement 1 heure après, la presse était là.
Le lendemain encore, les gros titres paraissaient, dans tout Teyla.

Frédéric Dandelion retrouvé, lui et ses gardes du corps, massacré chez lui.

On y était. Des Loduariens avaient tué des Loduariens une nouvelle fois. La Milice Anti-Corruption avait perdu son chef et quelques éléments restants de la force Alpha-4 était morts. Et la force Alpha-1 était désormais devenue bien connue du public, après que les images le leur insigne peinte au mur ait été retrouvée. Le Camarade Secrétaire avait été vengé, la force Alpha-1 avait été mise en pleine lumière et allait très certainement devenir aussi bien une cible qu'une source d'admiration. Quand à la force Gamma-3. Elle restait aussi fantômesque qu'auparavant. Et ailleurs, un homme se réjouissait. Quelque chose avait été fait. Quelque chose de bien. Quelque chose qu'il avait attendu depuis longtemps.

La Loduarie n'existait plus, mais les Loduariens eux étaient toujours là.
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LA PRINCIPAUTÉ DE CARNAVALE
VOUS FAIT AMICALEMENT SAVOIR


Principauté

qu'elle s'apprête à anéantir la flotte d'avions envoyés par vos alliés pour la frapper.

Ne souhaitant qu'exercer son stricte droit à la légitime défense, elle vous invite amicalement à rester en dehors de cette escarmouche.

Étant donné la proximité de nos territoires, si Teyla venait à s'engager plus activement aux côtés de l'Empire du Nord ou du Duché de Sylva, la Principauté de Carnavale pourrait faire le choix de procéder à des frappes et bombardements préventifs contre vos installations militaires et civiles en anticipation de l'ouverture d'un nouveau front au nord.

La Principauté de Carnavale tient à rappeler que par deux fois l'OND a engagé contre elle des hostilités aux noms de mythes politiques tels que les droits de l'homme ou la dignité humaine. La réponse proportionnée contre l'Empire du Nord doit servir d'exemple de notre détermination : frapper Carnavale, c'est être frappé en retour au centuple.
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La haine des classes :

Je ne hais pas mon prochain pour ce qu'il est mais pour ce qu'il possède.



KILL YOURSELFOpération : KILL MRU.

Quelque chose qui transparaît évidemment lorsque vous lisez les thèses marxistes, c'est le principe de la lutte des classes. Cette lutte est au centre d'absolument tous les mouvements sociaux et politiques et au cœur des rapports de domination et d'aliénation du capitalisme et plus généralement des régimes libéraux et autoritaires. Cette lutte des classes couvre plusieurs domaines et la domination d'une classe par rapport à une autre peut être acquise par autant de moyens que les systèmes sociétaux complexes mis en place par l'Homme permettent d'élaborer et de légitimer des pouvoirs souvent exclusifs entre les mains d'un petit nombre d'individus au nom d'une majorité silencieuse. Le droit est par exemple un excellent moyen de légitimation du pouvoir : les monarchies absolues usaient du droit naturel, coutumier ou divin pour asseoir leur autorité vis-à-vis de populations qui n'avaient dans un tel système aucun contre-pouvoir aux prérogatives arbitraires de la royauté. Seulement, le droit n'est qu'une composante de la légitimation globale des régimes arbitraires car la composition de ce même droit est limité en partie par le consensus moral établi autour de celui-ci et des traditions politiques dont le régime est issu. Il serait par exemple inconcevable aujourd'hui dans un pays comme Teyla de faire promulguer une loi qui remettrait au goût du jour la torture pour les opposants politiques, tout simplement car les valeurs affichées de la société teylaise, bien représentés par le consensus humaniste des Droits Fondamentaux et Universels de l'Homme de 1872, iraient à l'encontre du narratif du régime. Certains anthropologues estiment généralement que l'être humain ne domine pas le monde parce qu'il est plus fort ou plus intelligent individuellement mais parce qu'il est capable de croire à des récits collectifs. Ces récits partagés permettent à de vastes groupes d'individus de coopérer à grande échelle. Contrairement aux animaux qui coopèrent en petits groupes fondés sur la hiérarchie ou les liens biologiques, les humains coopèrent en masse grâce à des croyances communes dans des entités abstraites : dieux (récits religieux), nations (récits politiques), Droits de l'Homme (récits moraux), l'argent (récit économique par excellence) ; plus généralement, les entreprises, les Etats ou les marques (qui sont des fictions juridiques ou culturelles). Le récit est donc une structure de pouvoir invisible mais essentielle. La conservation de ces récits étant essentielle, les régimes politiques doivent les conserver et les préserver en évitant le plus possible les ruptures radicales afin de conserver la cohésion nationale car sans une croyance en des récits communs, même la plus unie des nations peut sombrer rapidement dans la guerre civile et dans une profonde crise existentielle qui mène, la plupart du temps, à son extinction.

Sociologiquement, on considère donc que la lutte des classes est plus généralement un affrontement de récits contradictoires au sein d'un même groupe aux composantes socio-économiques différentes, et donc avec des intérêts de classe strictement différents. Or, la construction des récits ne s'effectue pas par le plus merveilleux des hasards : il tient compte de l'histoire, de la culture, des mentalités mais aussi et surtout des émotions humaines. Parmi toutes les émotions humaines que la lutte des classes convoque, une d'entre elles est fortement présente et pourtant peu citée, souvent vue comme tabou : la jalousie. On pourrait prétendre que parler de jalousie lorsqu'il s'agit de parler de la lutte des classes, du combat acharné du prolétariat vers une élévation de son niveau de vie et vers un modèle de société plus égalitaire ne serait que rhétorique réactionnaire et méritocratique ("s'ils veulent devenir riches eux aussi, ils ont qu'à travailler ; on n'obtient pas la richesse avec des allocs !") mais il faut considérer malgré tout une forme d'autocritique des mouvements d'obédience socialiste dans cette formulation. Pourquoi la plupart des révolutions, en dehors de certaines très à part telles que celles qui ont secouées le Grand Kah, ont-elles finies corrompues ? On ne compte à ce jour plus le nombre de nations se revendiquant fièrement socialistes ou communistes et qui perpétuent malgré tout ces rapports de domination intrinsèques au capitalisme, parfois par contrainte économique (comme le Negara Strana) mais bien souvent par intérêt de classe (comme l'ancienne Loduarie). Par exemple, la Loduarie "Communiste" est l'archétype de la révolution corrompue du XXIe siècle : la société loduarienne perpétuait les rapports de domination entre les classes, ayant remplacé l'ancienne domination capitalistique et nobiliaire par une domination bureaucratique de la nomenclature et de l'entourage direct du Secrétaire Lorenzo dont le culte de la personnalité visait principalement à justifier une légitimité en se différenciant radicalement des figures plus technocratiques de la social-démocratie teylaise par exemple. La justification de la position de Lorenzo était liée à la personnalité soi-disante exceptionnelle du personnage, à l'image d'une forme de Destinée Manifeste à l'égard d'une unique personne guidant tout un peuple, là où le "culte de la personnalité" des personnalités politiques teylaises se concentre davantage sur le savoir, sur la réussite financière, sur l'apparente sagesse des hommes politiques et hommes d'affaires au service du Royaume. On peut prétendre que la corruption de ces révolutions découle principalement des intentions initiales de ses têtes de file, qui suivent des objectifs paradoxalement profondément humains, celui de devenir calife à la place du calife ; le vernis communiste ne devient dès lors plus qu'un moyen de légitimation parmi tant d'autres, au même titre que le vernis fasciste, royaliste ou "démocratique". La jalousie fait donc partie du processus révolutionnaire à certains égards, pour de mauvaises raisons certes, mais son existence ne peut être catégoriquement niée au regard des précédents historiques et bien que cet argument, généralement utilisé par les libéraux et les réactionnaires pour laisser transparaître une soi-disante hypocrisie des mouvements prolétaires et ouvriers, puisse être fallacieux pour dénoncer les objectifs de la lutte des classes du point de vue du prolétariat, il reste important à comprendre pour saisir les mécanismes de la lutte des classes en elle-même. Il n'est donc pas question, en parlant de jalousie, d'y effectuer une critique morale du prolétariat ; en effet, cette jalousie, souvent mimétique plus que liée à la classe en elle-même, n'est pas un caractère intrinsèque à la classe dans laquelle les individus ont grandis mais une conséquence, un symptôme du désir égalitaire dans des structures inégalitaires par nature, telle que le capitalisme.

Pourquoi ce détour théorique ? Parce que ces dynamiques émotionnelles et narratives sont au cœur de la stratégie que le SRR va employer. C'est très simple : le SRR va se servir de ces mécanismes, aussi déloyaux soient-ils, pour mener sa campagne de dénigrement du MRU, le principal bloc de centre-gauche du Royaume de Teyla, afin de radicaliser son électorat vers la gauche afin de faire idéalement grossir le rang des libertaires de l'A! et des eurycommunistes du PET afin d'augmenter le poids politique de l'extrême gauche teylaise tout en affaiblissant progressivement le consensus centriste MRU/LR qui agit comme bipartisme institutionnel depuis des décennies au sein de la démocratie parlementaire bourgeoise que Teyla représente si bien. Pour dénigrer le MRU et entériner progressivement la base de son narratif, il faut s'attaquer directement aux fondations du parti, c'est-à-dire ses têtes de files. Il n'est évidemment pas question dans l'immédiat de mener une campagne de dénigrement à la sauce complotiste : le SRR peut certes mener une campagne de désinformation, inventer des scandales politiques et financiers à la chaîne (le service l'a déjà fait après tout) et tourner au ridicule les chefs du MRU en dévoilant des affaires personnelles très sensibles. Cependant, le SRR voit les choses sous un angle plus permanent, plus systémique : il n'est pas juste question de "saboter" la campagne électorale teylaise de 2017 mais de porter un coup fatidique aux institutions, à l'establishment libéral, à la structure du régime teylais. En bref, le SRR veut faire semer les graines de la discorde dans le cœur de la gauche teylaise, disposer d'un appui solide sur place prête à la dissension. Sauf que pour mener à bien l'agencement des racines de la discorde au sein de la société teylaise, le SRR doit mener à bien une purge, un moyen d'emploi vieux comme la politique en somme. Il faut purger la gauche teylaise de tous les collaborationnistes libéraux qui l'habitent et le MRU en est le farangon, le porte-étendard, l'ultime bastion. Le SRR, à terme, veut mener à la polarisation de la société teylaise car il est illusoire de penser qu'elle peut convaincre la droite à se rendre pacifiquement au nom de la lutte des classes, ce n'est pas pour rien que le SRR radicalise aussi l'extrême droite : tout doit être discorde, tout doit être manichéen ; les Teylais doivent être persuadés qu'il existe deux camps dans leur pays, les gentils et les méchants, le bien contre le mal, et ce peu importe qui représente le bien et le mal car les préoccupations de la politique interne n'intéressent pas les Estaliens. Ce qui les intéressent, c'est la place plus large que Teyla occupe en tant que membre principal et pilier central de l'OND ; l'affaire est géopolitique, pas interne. Pour mener à bien cette stratégie, il faut donc supprimer le MRU, le purger, frapper ses fondations et pour cela, les Estaliens disposent d'une arme plutôt pratique : l'anti-élitisme.


Le MRU est un gestionnaire du capitalisme :

L'exploitation, sous toutes ses formes, est une aberration en soit. Quiconque tente de la justifier n'est pas socialiste.

Extrait d'une intervention de délégués de l'A! et du PET à la faculté de sciences politiques de l'Université de Manticore, 3 Janvier 2017.

Cela fait bien longtemps que la social-démocratie a cessé d'avoir tout lien avec l'anticapitalisme. Les partis sociaux-démocrates comme le MRU ont une longue trajectoire de passage d'une orientation de transformation du capitalisme à une orientation de meilleure gestion de celle-ci. Même s'ils ont au moins fait semblant de soutenir le socialisme du bout des lèvres, ils vantent désormais leurs références en tant que gardiens de la compétitivité et de la discipline sociale. Partout en Eurysie, les partis travaillistes traditionnels et les syndicats qui leur sont attachés n'ont d'autre vision qu'un retour à une sorte de capitalisme guidé. Les sociaux-démocrates ne proposent pas, même comme objectif stratégique polyvalent, une vision anticapitaliste. Ils tentent plutôt de préciser les fondements institutionnels d'un capitalisme débridé où la concurrence peut être exploitée pour "mieux" fonctionner à mesure que la relation entre l'Etat et le marché est rééquilibrée. En somme, la pratique de la politique dans le cadre d'une vision stratégique 'une transition démocratique au-delà du capitalisme est passée à côté de la social-démocratie. Même si le réformisme social-démocratie avait autrefois un idéal de transformation progressive, la notion même de réforme a été fondamentalement évacuée de son sens ou irrévocablement traduite. En somme, la social-démocratie proposée par le MRU n'est qu'une forme de social-libéralisme.

L'échec de la social-démocratie telle que le figure le MRU est évident et découle du fait que l'optimum utopique social-démocrate ne peut être maintenu, temporairement, que grâce à une heureuse conjonction de l'équilibre des forces de classe, du cycle d'accumulation et les stratégiques politiques spécifiques des mouvements ouvriers et des Etats capitalistes. La reconnaissance du fait que le capitalisme ne pourra jamais être pleinement domestiqué est à la fois douloureuse et importante, une douleur dont le MRU se refuse à subir. L'Etat dans la société capitaliste a toujours été avant tout le garant des relations de propriété capitalistes et a sans aucun doute été l'instrument du règne de la classe capitaliste. Pour que l'Etat soit utilisé afin de parvenir à un optimum de compromis et de coopération, il faut une certaine combinaison d'exigences à remplir : l'acteur politique doit être un parti de masse qui est strictement libre de tout intérêt capitalise, qui a acquis le pouvoir d'Etat et éliminé les capitalistes et leurs représentants aux postes clés et qui a établi une position ferme afin qu'il soit extrêmement clair que toute résistance des capitalistes serait futile. Des conditions que ne remplissent absolument pas le MRU. Et il est évident dans l'histoire parlementaire que lorsque les sociaux-démocrates comme le MRU avait à choisir entre la bourgeoisie et le prolétariat, elle choisit toujours la bourgeoisie ; non par erreur ou par trahison ponctuelle mais parce que leur programme entier repose sur une illusion, celle d'un capitalisme modéré, régulé, négocié, comme si l'exploitation pouvait être civilisée, comme si le capital pouvait être convaincu d'abandonner pacifiquement son pouvoir.

Le MRU n'échappe donc pas aux règles historiques qui régissent la quasi-totalité du mouvement social-démocrate et travailliste eurysien. Il incarne parfaitement cette dégénérescence terminale de la gauche parlementaire, devenue force de gestion du consensus néolibéral. A Teyla, les gouvernements successifs où il a pris part ont mené les mêmes politiques. En effet, le MRU comme LR sont deux partis conscients des travers du capitalisme mais au lieu de les combattre, ces deux partis s'affairent toujours à acheter ni plus ni moins que la paix sociale, seule la manière de faire diffère entre les deux. Pour LR, la paix sociale s'achète par la croissance économique, par la montée du niveau de vie via une politique de l'offre profondément libérale, en somme la croissance et l'accumulation du capital est sensé acheter la paix sociale et justifier l'exploitation de la classe ouvrière qui en reçoit les maigres bénéfices, son regard étant détourné vers les maigres gains que la croissance lui apporte et non pas sur l'augmentation du fossé des inégalités socio-économiques qui se creusent à cause de cette même croissance. Le MRU applique une logique inverse en proposant une politique de la demande très keynésienne (pour laquelle le parti est sévèrement critiqué par la droite par ailleurs) en augmentant massivement les investissements publics et la dépense publique dans son ensemble afin d'augmenter artificiellement le niveau de vie de la population (sans pour autant remettre en cause les raisons de la pauvreté dans la société teylaise) et pousser principalement la population teylaise à consommer, seule liberté qui lui est véritablement octroyée pour contrebalancer son esclavage moderne et l'aliénation sociale qu'elle subit en permanence.

L'échec de la social-démocratie tien précisément à cela : elle a toujours misé sur la possibilité d'un compromis stable entre capital et travail mais ce compromis n'a été possible dans un contexte très spécifique, où la peur du communisme loduarien, l'abondance des gains de productivité et la force relative des syndicats ouvriers forçaient la bourgeoisie à lâcher du lest. Cet équilibre est instable par nature et disparaît lorsque les conditions matérielles l'ont permis : le capital brise naturellement le pacte avec le prolétariat, il désindustrialise, il dérégule, in financiarise et écrase les contre-pouvoirs comme se sont toujours acharnés à faire le Conseil National du Patronat en libéralisant massivement l'économie teylaise, légitimant sous Pierre Lacombe la libéralisation massive de l'économie par la modernité, le besoin de compétitivité de l'économie teylaise. D'un point de vue marxiste, l'abandon du MRU du prolétariat pour se concentrer sur les intérêts bourgeois n'est pas accidentel, il s'inscrit dans la fonction réelle de la social-démocratie dans l'appareil d'Etat bourgeois car l'Etat dans une société capitaliste n'est jamais et ne sera jamais neutre. Il est le condensé matériel d'un rapport de forces mais dont la structure fondamentale reste orientée vers la reproduction des rapports sociaux existants. L'Etat protège la propriété privée, assure la discipline du travail, garantit la circulation des marchandises et des capitaux. Les sociaux-démocrates, une fois au pouvoir, n'ont jamais eu pour projet de changer cette fonction : ils ont cherché à la rendre plus inclusive, plus "humaine" mais jamais à la remettre en cause et c'est pourquoi ils échouent toujours, même quand ils gouvernent seuls : parce qu'ils refusent d'affronter les rapports de production, ils se retrouvent prisonniers des contraintes structurelles du capitalisme globalisé. Le MRU n'est pas une force de transition, il est un mur de contention. Il retient la radicalisation de la colère populaire en canalisant les frustrations sociales dans les canaux morts de la politique représentative. Il incarne la figure rassurante d'un pouvoir tempéré, raisonnable, compréhensif mais au service d'un ordre économique fondamentalement injuste. Il est l'équivalent contemporain du cordon sanitaire idéologique contre toute contestation sérieuse du système. Il parle au nom du peuple mais ne gouverne qu'avec l'accord des marchés. Il prétend représenter les travailleurs mais il partage leurs intérêts avec la haute administration, les directions syndicales compromises (la trahison du CUO, d'obédience social-démocrate et proche du MRU de facto, durant les grèves contre les grands plans d'infrastructure en est le parfait exemple), les cercles universitaires libéraux. Il est une fiction de gauche, une étiquette sans contenu, une coquille idéologique vide.


La démocratie teylaise, une élite qui ne dit pas son nom :

L'anti-élitisme est la base des mouvements révolutionnaires ; aucune élite ne peut prétendre à l'émancipation des libertés, le peuple oui.

Extrait d'un manifeste du PET sur l'élitisme du MRU.

Le MRU ne représente pas le peuple. Il ne parle pas au nom des travailleurs. Il ne défend pas les exploités. Le MRU est un parti de notables, de technocrates, d'universitaires libéraux, d'héritiers culturels de la classe dominante. Il prétend incarner une "gauche de gouvernement" mais il n'est que la fraction socialement légitime de l'élite capitaliste. Une élite instruite, bien vêtue, parfaitement formée aux codes de la haute administration, parlant la langue du pouvoir, fréquentant les mêmes cercles, partageant les mêmes intérêts que ceux qu'elle est censée combattre. Son mépris des classes populaires est dissimulé derrière un vocabulaire paternaliste et condescendant. Le MRU ne parle jamais du peuple ; il parle d'inclusion, de dialogue social mais jamais d'exploitation, jamais de lutte ou de capitalisme. Il refuse même de nommer l'ennemi car cet ennemi, c'est lui. Le MRU est l'expression politique d'une caste intermédiaire dont la fonction historique est de maintenir l'ordre établi en évitant toute rupture, toute conflictualité réelle, toute remise en cause du pouvoir économique. Il pacifie les tensions et amortit les chocs, il gouverne pour la bourgeoisie tout en prétendant parler aux prolétaires.

L'élitisme du MRU n'est pas une dérive, car c'est sa nature, il fonctionne comme un appareil de reproduction sociale en sélectionnant ses cadres dans les grandes écoles teylaises, dans les think tanks, au sein du CUO ou dans les milieux universitaires les plus dociles. Ses dirigeants n'ont jamais connu le labeur ou la précarité. Ils ne viennent pas des usines, des ports, des mines, des hôpitaux. Non, ils viennent des séminaires sur le développement durable, depuis des conférences sur la gouvernance. Ils pensent en tableaux Excel, en courbes de croissance, en objectifs de compétitivité. Le peuple pour eux n'est qu'une variable, un segment électoral à séduire à coups de storytelling mais dont il faut craindre l'instinct de classe (vous comprenez, on est parfois imprévisibles, nous les pauvres !). Il n'est pas anodin que les figures du MRU soient presque toutes issues des mêmes écoles, des mêmes commissions et des mêmes cabinets ministériels. C'est un entre-soi feutré, policé, où l'on débat poliment des limites du système sans jamais poser la seule question qui compte : qui possède quoi, et pourquoi. Ce sont des experts, pas des militants. L'élitisme du MRU est aussi un instrument de légitimation. Il présente ses cadres comme compétents, sérieux, raisonnables mais à l'inverse, toute contestation radicale est taxée de populisme, d'irresponsabilité, de simplisme. Le MRU construit une division morale entre une "bonne gauche" (la sienne en l'occurrence), cultivée, modérée, ouverte au compromis ; et une "mauvaise gauche", brutale, utopiste, dangereuse. Cette opération idéologique, qui n'est pas sans rappeler les simplismes loduariens, n'a qu'un but : interdire au peuple de parler en son propre nom, lui retirer la parole, enfermer la lutte des classes dans le langage tiède de la réforme progressive, de la concertation sociale, du consensus national. Mais nous savons ce que vaut ce consensus, on sait que la modération du MRU n'est qu'un masque pour défendre les intérêts des banques, des actionnaires, des syndicats patronaux, des multinationales qui profitent allègrement de l'Espace Noodrcroen pendant que les travailleurs sont payés au lance-pierre et voient leurs salaires gangrénés par l'inflation et la baisse générale des salaires. La "gouvernance rationnelle" du MRU n'est qu'une stratégie de domination car la raison qu'ils invoquent, c'est la raison du marché, c'est la rentabilité. Le MRU n'a pas non plus peur de la droite car il gouverne souvent avec elle. Ce dont il a peur, en revanche, c'est d'un peuple qui se soulève, d'une classe ouvrière qui cesse de croire à ses fables, d'une jeunesse qui ne veut plus de ses sermons sur le réalisme, d'un mouvement révolutionnaire qui redonne un sens à la politique, qui ne demande plus des miettes mais exige la table entière. Le MRU a peur des masses, c'est pour cela qu'il achète la paix sociale via la dépense publique.

C'est pourquoi nous devons le combattre. Non pas seulement comme un adversaire électoral mais comme une structure de pouvoir. Un appareil idéologique dont le but réel est de maintenir l'exploitation dans des formes acceptables. La vérité est difficile à entendre mais nous devons l'exprimer à voie haute : le MRU ne fait pas partie de notre camp, il n'est pas la gauche ; il est l'élite, il est l'obstacle. Il est l'ennemi !


L'ombre de Mistohir.

Méthodes employées du SRR pour propager la rhétorique anti-élitiste contre le MRU.Afin de mener sa campagne anti-élitiste, le SRR s'appuie sur une triple matrice : médiatique, culturelle et organisationnelle. Il infiltre les réseaux sociaux, les forums citoyens et les groupes de discussion en ligne pour y diffuser de manière virale des contenus visuels et narratifs mettant en scène les contradictions de classe, en ciblant les figures du MRU comme des carriéristes déconnectés, issus des grandes écoles, vivant dans des quartiers protégés, décidant de la vie des autres sans jamais s'y confronter. Il s'agit d'instiller partout l'idée que l'élite politique ne comprend plus la réalité du peuple teylais, qu'elle se parle à elle-même et organise sa propre reproduction sociale dans le mépris des "gens ordinaires". Pour appuyer cette rhétorique, le SRR produit également des contre-enquêtes via ses agents locaux et ses "têtes" (cf. Théorie de l'Hydre) pseudo-indépendantes ainsi que des interviews d'ex-militants du MRU déçus ou des syndicalistes du CUO mis à l'écart afin de construire un récit de trahison idéologique et de captation du pouvoir par une oligarchie en cravate.

Simultanément, il soutient ou suscite la création de micro-structures militantes, souvent sous des étiquettes associatives, artistiques ou citoyennes, qui véhiculent un imaginaire populiste de gauche, ancré dans la lutte des classes et la dénonciation du langage technocratique. Ces groupes organisent des réunions publiques, des projections de films politiques, des distributions de tracts dans les zones rurales et périurbaines en insistant toujours sur la fracture entre ceux d'en haut et ceux d'en bas. L'anti-élitisme devient le point d'entrée pour toutes les radicalisations possibles, qu'elles soient libertaires ou eurycommunistes et la posture de rupture est systématiquement valorisée.

Enfin, le SRR manipule certains segments de la presse locale, par infiltration ou par pression indirecte, pour faire émerger des scandales symboliques : petits privilèges d'élus du MRU, subventions douteuses à des entreprises amies, carrières croisées entre public et privé. L'objectif n'est pas tant de faire tomber un individu que de frapper l'image de l'ensemble. Il faut que chaque représentant du MRU apparaisse comme un usurpateur, un complice du capital, un gestionnaire bien peigné d'un système injuste. Ce n'est pas seulement une attaque idéologique, c'est une opération de délégitimation morale.


Ah j'avais prévenu pour Bérurier Noir-
48227
La marche des esclaves

Ce n'est pas parce qu'un système socio-économique s'est imposé comme naturel dans une société que ce système n'est pas destructible.


J'SUIS PAS CET ESCLAVE QUI ATTEND LE WEEK-END POUR S'ENFUIR !

TECHNOLOGY ARISE.La Nouvelle Guerre Politique : Longue Marche par les Institutions.
Extrait du "De la critique structurelle du libéralisme teylais" ; 2017 - Laurent Derdalo, agrégé d'économie à l'Université de Manticore.

Comprendre la trajectoire économique contemporaine du Royaume de Teyla (et en particulier sa mue libérale à partir des années 1970) nécessite de revenir à ses fondations institutionnelles antérieures, souvent oubliées ou marginalisées dans l'analyse politique. Avant même l'émergence des doctrines libérales comme moteur de transformation de l'Etat, Teyla a connu, dès les années 1930, une période d'expérimentation intense marquée par l'absence de doctrine stabilisée mais une volonté manifeste de réduire l'autonomie de la sphère économique privée face aux exigences politiques du développement et de sécurité intérieure. Durant cette période, que l'on pourrait qualifier de proto-interventionniste, plusieurs mesures aux conséquences structurelles profondes furent mises en oeuvre : la mise en place d'un régime de taux de change flottants sous supervision étatique, la réforme de la Banque centrale avec une mission de stabilisation monétaire indépendante ou encore la structuration d'un réseau de chambres économiques régionales chargées de coordonner les politiques industrielles et commerciales à l'échelle locale. Cette époque fut également marquée par une consolidation bureaucratique : multiplication des secrétariats techniques, développement d'un droit économique public et extension lente mais réelle des compétences étatiques sur la planification des flux économiques internes.

Il serait erroné d'y voir une période socialiste ou collectiviste. Il s'agissait avant tout d'un moment étatique, où l'économie nationale était pensée non pas comme un marché autorégulé mais comme un système social pilotable, répondant aux impératifs de stabilité, de croissance et de cohésion territoriale. C'est dans ce cadre que s'est construit, de façon implicite, un compromis post-libéral : l'économie n'était plus uniquement un espace d'échange mais un levier d'ingénierie sociale sous tutelle politique. Ce compromis n'était pas inscrit dans le marbre mais il donnait au Royaume de Teyla une marge d'action régulatrice et redistributive que les décennies suivantes viendraient lentement déconstruire. C'est précisément cette bascule qu'il convient de mettre en lumière : comment un Etat ayant partiellement assujetti l'économie à une logique d'intérêt général a-t-il, en quelques décennies, non seulement abandonné toute régulation structurelle mais est même devenu l'agent actif d'une recomposition capitaliste intégrale ? A partir des années 1970, une lente mais profonde mutation s'opère. Sous couvert de rationalisation, de modernisation ou de discipline budgétaire, les réformes successives remettent en cause les principes mêmes sur lesquels reposaient l'économie politique du compromis.


I/ L'économie politique du compromis : l'Etat développeur et la régulation structurelle (1930-1970).

Le libéralisme me convient, l'Antéchrist n'est qu'une théorie du complot.

1) L'étatisation progressive des mécanismes économiques :

L'histoire économique du Royaume de Teyla avant le tournant libéral des années 1970 est trop souvent perçue comme une période d'équilibre social ou de "compromis fordiste" selon les termes de la théorie régulationniste. Pourtant, loin d'avoir mis en cause la logique d'accumulation capitaliste, l'étatisation des mécanismes économiques de cette période n'a fait que l'encadrer, la stabiliser et l'élargir, tout en maintenant intacts les fondements de la propriété privée et de l'exploitation salariale. C'est dans ce cadre que l'on peut analyser ce que les Teylais de l'époque sous-entendaient comme un Etat développeur : la montée en puissance de l'Etat n'y est nullement dirigée contre le capital mais bien au service de sa reproduction, à travers des instruments nouveaux de régulation fiscale, monétaire et industrielle. En cela, l'Etat teylais ne s'est pas posé en contradiction avec la bourgeoisie mais a assumé une fonction de capitaliste collectif idéal en centralisant les conditions générales de production (infrastructures, énergie, organisation spatiale) tout en disciplinant le prolétariat.

Les politiques économiques mises en place durant cette phase s'inscrivent pleinement dans la logique de ce que l'on appelle le capitalisme d'Etat, non pas au sens d'un socialisme dévoyé, mais comme une forme de capitalisme où l'Etat intervient directement pour organiser la reproduction du capital. Le contrôle des changes, les plans de développement industriel, les subventions massives à des secteurs stratégiques ainsi que le maintien de monopoles publics dans les télécommunications ou l'énergie, loin de contrecarrer les logiques marchandes, ont permis au contraire de socialiser le risque tout en privatisant le profit. Le capitalisme ne s'efface pas sous l'Etat, il s'y absorbe, s'y dilue momentanément pour mieux rebondir. Les entrepreneurs privés, les classes moyennes propriétaires et les grandes familles industrielles ont pu tirer profit de la stabilité garantie par ces dispositifs tout en transférant une part des coûts d'accumulation à l'Etat, ce que les économistes néomarxistes désignent comme une intervention sélective de l'Etat en faveur des fractions dominantes du capital. Ainsi, le renforcement fiscal durant la période (souvent cité comme un marqueur du "modèle social" de Teyla) ne doit pas être interprété naïvement comme une entreprise de redistribution. La fiscalité directe restait en grande partie modérée, en particulier sur les entreprises, et les hausses d'impôts portaient surtout sur les revenus du travail. L'imposition progressive, que d'aucuns présentent comme un instrument d'égalisation, fonctionne en réalité comme une modalité de financement de la reproduction sociale du capital. En d'autres termes, les revenus des classes laborieuses sont prélevés pour financer l'éducation, les transports, la santé ; autant de fonctions collectives sans lesquelles la force de travail ne peut être reproduite efficacement. Le prolétariat est ainsi pris dans un double mouvement d'exploitation : d'abord dans l'entreprise privée, par l'extorsion de la plus-value, ensuite dans l'espace social, par la capture d'une part de son salaire via l'impôt afin d'assurer les conditions générales d'accumulation. Le mythe d'un Etat redistributeur s'effondre ici au profit d'une lecture plus lucide : l'Etat développeur est avant tout l'infrastructure politique du capital.

Enfin, cette étatisation s'accompagne d'une mise en ordre juridique et administrative des territoires et des populations : planification urbaine, encadrement des loyers, développement des zones industrielles. A travers ces politiques, l'Etat agit en tant qu'organisateur spatial de l'accumulation capitaliste, fixant les flux de main d'oeuvre, orientant les investissements, sélectionnant les régions bénéficiaires et sacrifiant les zones périphériques. Le rôle de l'aménagement du territoire n'est donc pas neutre ni égalitaire : il reflète la géographie sociale du capital. Loin d'opposer public et privé, les politiques industrielles et économiques de cette époque construisent en réalité un capitalisme hybride où la forme publique de gestion ne fait que masquer la permanence de rapports d'exploitation. Le "développement économique" vanté par la presse de l'époque, repris dans les discours du pouvoir, n'est autre que l'euphémisation d'une intensification du contrôle social et de la subordination de toute active humaine aux logiques de productivité. Cette première phase du capitalisme teylais contient donc en germe les transformations libérales à venir : en stabilisant les profits, en créant une culture politique de la croissance, en conférant à l'Etat la légitimité d'administrer les équilibres sociaux, elle prépare en fait le terrain à la dérégulation future qui ne fera que se greffer sur ces bases déjà profondément bourgeoises. A la lumière de cette analyse, on comprend que le tournant libéral des années 1970 n'est pas une rupture brutale avec un Etat social bienveillant mais plutôt l'aboutissement d'un long processus de captation de l'appareil d'Etat par les intérêts du capital.

2) Le compromis social :

Le Royaume de Teyla, tel qu'il émerge au mitan du XXe siècle, s'inscrit dans un processus d'institutionnalisation politique où les tensions de classe, au lieu d'être supprimées, sont provisoirement contenues à travers une série de dispositifs juridiques, fiscaux et bureaucratiques dont l'objectif n'est nullement l'égalité réelle mais bien la stabilisation du mode de production dominant. Le régime démocratique libéral instauré par la Constitution de 1948, avec sa séparation rigide des pouvoirs et son inscription explicite de l'Etat de droit n'est pas l'expression d'un dépassement progressiste des intérêts particuliers mais l'encadrement juridique d'un ordre économique fondé sur l'inégalité des rapports sociaux. En ce sens, ce que le pouvoir décrivait à l'époque comme un renforcement de la démocratie libérale par la constitutionnalisation des "droits fondamentaux", l'autonomie des institutions économiques ou encore la mise en place de chambres économiques régionales ; tout cela doit être saisi comme un processus de verrouillage institutionnel des rapports de domination existants. La création de la Chambre Economique Royale et de ses antennes régionales sous le gouvernement de Laurent Jaune, par exemple, est présentée comme une tentative de mieux répartir les aides selon les besoins. Mais en réalité, cette technocratisation de la décision publique n'a rien de neutre : en dépolitisant les décisions budgétaires et en les assujettissant à une "lecture objective" des besoins locaux, elle déplace la question sociale hors du champ du conflit vers celui de l'expertise. Cette neutralisation apparente des antagonismes sert précisément à légitimer les priorités de l'appareil d'Etat en prétendant répondre à des données plutôt qu'à des luttes. Les rapports de la chambre, dont l'usage est présenté comme exclusivement économique, deviennent alors un instrument de pilotage : non pour corriger les déséquilibres structurels du capitalisme teylais mais pour administrer leur persistance selon une logique d'optimisation et de ciblage.

Ce processus de rationalisation n'est pas sans conséquences : en se dotant d'instruments de gestion territorialisée de la misère et du chômage, l'Etat se substitue aux conflits sociaux par la statistique, à la lutte politique par la donnée économique. Ce que les économistes libéraux nomment comme une avancée dans l'évaluation économique du pays est, dans cette optique, une manière de territorialiser la pauvreté tout en fragmentant la solidarité de classe. Ce sont les territoires, et non plus les classes, qui deviennent des catégories de redistribution, ce qui permet d'individualiser les aides, de désolidariser les luttes et d'éloigner toute possibilité de mise en cause systémique. Dans cette logique, la réforme de la banque centrale en 1935, si elle peut apparaître comme un pas vers l'autonomisation des décisions économiques face au pouvoir politique constitue au contraire un tournant décisif dans l'institutionnalisation du fétichisme monétaire. En prétendant neutraliser les décisions monétaires, en confiant la gouvernance de la banque à ses salariés (sans intervention directe de l'exécutif), la banque centrale devient l'agent d'une opération qui vise à dépolitiser le pouvoir économique en le déplaçant dans l'espace de l'administration. Le fait que la banque centrale puisse disposer librement de son budget et de ses recettes n'est pas un signe d'émancipation institutionnelle mais la traduction d'une séparation croissante entre l'économie réelle (traversée par les conflits de classe) et les structures chargées d'en assurer la reproduction. En cela, elle s'inscrit dans le modèle d'un Etat capitaliste moderne qui assure l'unité du pouvoir de classe tout en disloquant ses expressions formelles : la démocratie parlementaire y est le théâtre mais non le lieu réel de la domination.

C'est dans ce contexte que le Parlement devient "fort", s'emparant des questions sociales et économiques. Ce renforcement institutionnel ne signifie toutefois pas un rééquilibrage en faveur des classes laborieuses mais plutôt un renforcement de la capacité du bloc au pouvoir à articuler ses intérêts par le biais du droit. Le cas du rapport Horttance de 1956 est à ce titre éclairant : en dénonçant la censure des rapports de la Chambre Economique Royale, en exposant les conflits d'intérêt de la Fédération Conservatrice au pouvoir, ce qui semblait être une faille de l'ordre économique s'est transformée en crise de légitimité de l'ordre gestionnaire. En d'autres termes, ce ne sont pas les inégalités qui sont contestées mais leur gestion opaque ; pas l'exploitation, mais son administration. Le contenu du rapport, qui pointe la pauvreté grandissante et la récession régionale, est brandi par l'opposition non pour exiger une transformation structurelle mais pour exiger une gouvernance plus efficace, plus lisible et plus morale ; autant de demandes qui ne remettent nullement en cause les structures d'accumulation du capital. C'est d'ailleurs à partir de ce moment que Pierre Lacombe entre sur la scène politique avec une remise en cause frontale du keynésianisme au sein de la droite traditionnelle. Ce moment est décisif : il montre que le compromis social, incarné par une droite paternaliste et régulatrice, commence à être perçu comme un frein à l'accumulation et qu'une partie des élites souhaite passer à un mode de gestion plus libéral, plus fluide et moins contraint par les normes sociales héritées. Ce que la gauche voit comme un compromis entre justice et efficacité est vu, du point de vue capitaliste, comme un excès de rigidité, une entrave à la fluidité des investissements et des réformes. En cela, le rejet du keynésianisme ne relève pas d'un débat d'école mais d'un réajustement stratégique des classes dominantes face aux limites du compromis social. C'est le moment où, selon la formule de Wolfgang Streeck, "le capitalisme cesse de se faire aimer et commence à se faire craindre". Le système de redistribution, les agences statistiques, les chambres économiques et les principes d'Etat de droit apparaissent d'abord comme les piliers d'un ordre démocratique équilibré mais ces dispositifs n'ont étés finalement que des formes provisoires de pacification de la lutte des classes, des technologies de la domination camouflées sous l'apparence du consensus.

3) Les contradictions internes du modèle pré-libéral :

L'économie politique teylaise, telle qu'elle s'organise avant le tournant libéral incarné par Pierre Lacombe, repose sur un compromis institutionnel que l'on pourrait qualifier de bloc historique instable. Ce bloc repose sur l'idée que l'Etat peut être à la fois l'agent de l'accumulation capitaliste et le garant d'un ordre social minimum. Or cette double fonction s'effondre sous le poids de ses propres contradictions : tensions budgétaires chroniques, inertie bureaucratique, perte de dynamisme productif, autant de symptômes qui révèlent que le modèle pré-libéral n'a jamais été un modèle viable à long terme mais une tentative de temporisation des contradictions de classe, vouée à imploser.

La première contradiction fondamentale réside dans la logique budgétaire de l'Etat. Le système de redistribution, les aides ciblées, les chambres économiques, la normalisation des prestations sociales et les fonctions de régulation exercées par les agences publiques ne peuvent exister qu'à condition de puiser durablement dans les revenus générés par la sphère productive privée. Or, comme le dit Rudolf Hilferding, l'Etat capitaliste n'est pas neutre : il est structurellement dépendant de la création de valeur dans les circuits privés. Dès lors que la croissance ralentit (comme cela fut le cas dès les années 1960 à Teyla) ou que l'appareil productif stagne, les recettes fiscales diminuent, tandis que la pression sur les dépenses publiques augmente du fait des besoins sociaux croissants. Le résultat est une spirale de tensions budgétaires dans laquelle l'Etat se voit contraint soit de sabrer ses fonctions sociales, soit d'augmenter l'endettement ou la pression fiscale, au risque de délégitimer son rôle redistributif. Dans le cas teylais, le blocage semble être tel que même les partis conservateurs doivent s'ouvrir aux réformes libérales, signe que le compromis social ne tient plus, même pour ses bénéficiaires supposés.

A cette impasse budgétaire s'ajoute une inertie bureaucratique lourde, symptôme classique des économies administrées dans lesquelles l'Etat tente de compenser les insuffisances du marché sans en remettre en cause la logique. Les structures telles que la Chambre Economique Royale ou les agences statistiques régionales se multiplient pour produire une rationalité gestionnaire des inégalités mais comme le soulignant Max Weber, la bureaucratie tend à devenir une fin en soi. Elle se nourrit de sa propre complexité, renforce son pouvoir en multipliant les procédures et en générant une opacité décisionnelle qui éloigne le pouvoir réel des masses populaires. Dans cette configuration, l'Etat n'est plus un levier de transformation sociale mais un corps étranger hypertrophié incapable de répondre rapidement aux besoins sociaux ou d'innover dans ses formes d'intervention. La crise de légitimité de la Fédération Conservatrice à la fin des années 1950, illustrée par l'affaire du rapport Horttance, montre bien que ce modèle d'Etat rationalisateur ne produit pas de justice mais seulement de la stagnation encadrée par des normes.

Mais le coeur du problème réside dans l'essoufflement productif de l'économie teylaise qui rend l'ensemble du dispositif ingérable. Dans une lecture inspirée de Paul Baran et de Paul Sweezy, la croissance d'un capitalisme d'Etat sans planification stratégique ni direction centralisée réelle produit un capitalisme de bas rendement social où les investissements ne correspondent plus aux besoins collectifs mais à des objectifs de stabilisation politique. Les entreprises, privées de pression concurrentielle directe du marché (à cause des subventions, des aides ciblées et de la régulation excessive) perdent tout incitatif à l'innovation. Simultanément, l'Etat, incapable d'exercer un contrôle réel sur les choix d'investissement ou de production (du fait de son attachement dogmatique à la non-intervention structurelle comme dans le cas de la banque centrale indépendante) se retrouve dans une position schizophrène : garant d'un secteur productif qui n'a plus de dynamisme propre mais qu'il ne peut ni contraindre, ni remplacer. Cette contradiction entre le contrôle technocratique et la dépendance au capital privé finit par générer ce que Claus Offe a appelé la crise d'efficacité de l'Etat capitaliste : le moment où l'Etat, en voulant concilier légitimation sociale et reproduction du capital, échoue sur les deux plans. Les classes populaires n'y trouvent ni redistribution réelle, ni représentation politique authentique. Le capital, lui, considère l'Etat comme un poids mort, une entrave à ses marges et à ses flexibilités. C'est dans ce vide stratégique que s'engouffrera le projet libéral de Lacombe à partir des années 1980 : non comme une aberration mais comme une réponse systémique à un modèle arrivé à bout de souffle.

Derrière les tensions budgétaires et les inerties bureaucratiques se cache enfin une crise de souveraineté économique, rendue invisible par les discours sur l'indépendance de la banque centrale ou la rationalité du système monétaire. Le retrait du gouvernement des mécanismes de régulation de l'économie réelle (monnaie, crédit, planification) ne correspond pas à un progrès démocratique mais à une abdication volontaire du pouvoir politique au profit des automatismes du marché. L'illusion d'un pilotage technicien, dont la banque centrale ou les chambres économiques seraient les avatars, masque la réalité de ce que Karl Polanyi appelait le "désencastrement" de l'économie : une autonomisation complète des logiques économiques par rapport aux besoins sociaux, légitimée au nom de la neutralité scientifique. En définitive, le modèle pré-libéral de Teyla n'est pas un âge d'or de l'équilibre économique mais une structure profondément instable, construite sur des fondements contradictoires : l'obsession de la neutralité technocratique face à une réalité fondamentalement conflictuelle ; la volonté de redistribution minimale sans remise en cause de l'ordre productif ; la fiction d'un Etat arbitre dans une société traversée par l'antagonisme de classe. Ce modèle n'a pas été renversé, il s'est effondré sur lui-même, incapable de concilier ses objectifs contradictoires ; au final, la montée du libéralisme lacombien n'a fait que tirer les conséquences d'un ordre institutionnel qui, sous ses atours de rationalité, portait déjà les germes de sa propre défaite.


II/ La décennie 1970 : désencastrement progressif et recomposition libérale du cadre économique.

Je n'apprécie pas trop l'Antéchrist mais les libéraux ne sont pas nos ennemis.

1) La restauration de la propriété privée comme fondement politique :

La décennie 1970 marque une inflexion décisive dans l'histoire économique teylaise : le retour affirmé de la propriété privée comme principe régulateur central du système économique et juridique. Cette dynamique de restauration n'est pas simplement un infléchissement technique ou un choix opportuniste des gouvernements successifs, elle constitue un acte idéologique lourd, fondé sur une réarticulation des rapports de pouvoir entre capital, Etat et société. A travers la baisse de l'impôt foncier, la réduction de la taxe d'habitation, le renforcement des droits des propriétaires, la facilitation de la médiation privée et la dérégulation commerciale, c'est une véritable réhabilitation du propriétaire comme sujet souverain que l'on observe, au détriment du corps et des équilibres collectifs. En renforçant les droits des propriétaires contre toute forme d'exploitation, sauf pour les projets industriels dits "utiles", le gouvernement teylais ancre dans le droit une hiérarchisation des usages de la propriété qui privilégie la logique d'appropriation individuelle au détriment de la puissance publique, tout en sanctuarisant l'entreprise comme instance supérieure de décision territoriale. Cette logique est exemplaire de ce que David Harvey qualifie de "reterritorialisation néolibérale" : l'espace devient une marchandise en soi gouvernée par les droits exclusifs de l'ayant-droit tandis que l'intérêt général se réduit à la capacité de l'entreprise à faire valoir ses impératifs de croissance. On observe ici une mutation juridique profonde, par laquelle les mécanismes d'expropriation, censés historiquement équilibrer propriété et utilité publique, sont redirigés pour servir les fins d'une restructuration capitaliste des territoires. La décision de supprimer les plafonds de compensation pour les propriétaires souhaitant vendre à des entreprises n'est pas une simple réforme administrative mais un basculement vers une marchandisation complète du sol où la valeur d'échange prime entièrement sur la valeur d'usage et où l'arbitrage public est évacué au profit d'une pseudo-négociation pilotée par des rapports de force asymétriques.

Cette montée en puissance de la propriété privée comme fondement politique s'inscrit dans une logique de désencastrement comme citée plus haut, où l'économie s'autonomise de tout principe social ou collectif. La mise en place de mécanismes de médiation extrajudiciaire dans les conflits de voisinage ou les rachats de terrains participe de cette tendance : le droit, autrefois garant de normes communes, devient un simple protocole d'homologation de solutions négociées hors du champ judiciaire, dans des espaces dominés par les intérêts privés. Ce glissement vers une "juridicisation privée" des conflits fonciers manifeste ce que Evgeny Pashukanis analysait déjà dans les années 1920 comme le coeur du droit bourgeois : une forme juridique fondée sur la reconnaissance mutuelle de propriétaires abstraits, égaux en droit mais inégaux en capital. Dans la pratique, cela revient à neutraliser les procédures de justice formelle, non pas pour les simplifier, mais pour soustraire les conflits à toute logique d'arbitrage social et les livrer à la dynamique contractuelle entre des agents juridiquement égaux mais matériellement hiérarchisés. Le juge devient simple ratificateur d'un ordre juridique que le capital a déjà préétabli. Le processus se prolonge dans la sphère du commerce international avec la suppression progressive des quotas d'importation et la baisse des droits de douane. Ces décisions, présentées comme des instruments d'adaptation aux marchés mondiaux, constituent en réalité des formes de mise en concurrence structurelle de l'économie nationale avec des espaces de production à bas coûts, au détriment des filières locales et du tissu social. Si le secteur agricole bénéficie d'abord d'une dérogation, c'est uniquement en raison de son poids politique et de sa capacité à paralyser le pays en cas de grève, mais cette exception sera vite levée par les gouvernements successifs de Pierre Lacombe. On assiste là à un processus classique de destruction créatrice mais où la destruction touche prioritairement les structures communautaires et les filières intégrées nationalement tandis que la création est captée par les firmes transnationales et les couches les plus mobiles du capital. C'est exactement le diagnostic posé par Nicos Poulantzas lorsqu'il explique que l'Etat ne défend pas l'intérêt général abstrait mais les intérêts généraux du capital dans sa phase dominante : ici, le capital commercial et les grandes entreprises exportatrice prennent le pas sur la régulation keynésienne antérieure par l'affaiblissement des protections tarifaires, la flexibilisation des normes d'installation et la fluidification des transferts fonciers.

2) Ouverture commerciale et mise en concurrence externe :

L'ouverture commerciale engagée dans les années 1970 par le gouvernement teylais, notamment à travers la suppression progressive des quotas d'importation et la baisse des droits de douane, ne saurait être interprétée comme un simple ajustement technique de politique économique. Il s'agit d'un moment fondateur dans l'histoire du capitalisme teylais où la mise en concurrence externe n'est pas une dérive du modèle libéral mais sa conséquence logique. L'entrée de l'économie nationale dans l'ordre marchand mondial correspond à ce que Marx décrit comme une extension de la sphère de réalisation de la valeur, nécessaire à la survie du capital dans ses formes historiques : lorsqu'il n'est plus possible d'extraire de survaleur sur les bases internes existantes, le capital doit s'internationaliser afin de relancer le cycle du capital dans son ensemble, en particulier dans ses phases d'accumulation et de circulation.

La suppression des quotas d'importation, décrite comme une mesure de "compétitivité" permettant aux industries nationales de rechercher des ressources ou des produits dans des marchés "moins chers", masque en réalité une restructuration profonde de la chaîne de valeur. On assiste à ce que Giovanni Arrighi qualifiait de désarticulation productive : les entreprises teylaises ne produisent plus de la richesse en mobilisant leurs propres forces productives mais en externalisant leurs chaînes d'approvisionnement vers des économies à bas coût, intégrées dans un système mondial hiérarchisé. Ce mouvement inscrit les entreprises nationales dans une logique de dépendance à l'égard de zones périphériques ou semi-périphériques dont la fonction est d'absorber les externalités sociales (exploitation accrue, absence de droits sociaux, délocalisations invisibilisées) pour maintenir des taux de profits élevés au centre. Le Royaume de Teyla, dans ce schéma, ne s'ouvre pas au monde : il se restructure comme pôle intermédiaire dans un marché-monde façonnée par l'impératif du capital transnational. Cette transformation affecte en profondeur les rapports de classe internes. Loin de bénéficier à l'ensemble de la population, cette libéralisation commerciale accroît la polarisation sociale. Comme l'a bien montré Robert Brenner, la mise en concurrence directe des industries nationales avec des marchés à coûts salariaux très inférieurs provoque une pression structurelle à la baisse sur les salaires, les protections collectives et les normes environnementales. Les entreprises les moins compétitives disparaissent, les régions désindustrialisées se multiplient et les fonctions productives résiduelles se recentrent sur des secteurs à forte intensité capitalistique ou technologique. Dans ce contexte, l'argument de l'adaptation progressive par la baisse des droits de douane (de 50 à 40% sur dix ans) n'est qu'un faux-semblant : ce qui est présenté comme une transition maîtrisée est en réalité une dépossession lente mais méthodique des outils de régulation économique nationale. Les entreprises bénéficient de la baisse des prix de production mais l'Etat abdique toute capacité à orienter structurellement l'activité économique en fonction de critères sociaux ou territoriaux. Le cas du secteur agricole est révélateur : initialement protégé par une dérogation, il devient une cible directe de la dérégulation sous le gouvernement Lacombe, ce qui provoque une paralysie du pays pendant trois mois. Ce conflit illustre une contradiction inhérente à l'ouverture commerciale : en cherchant à réduire les coûts et à fluidifier les échanges, le gouvernement affaiblit les bases mêmes de la reproduction sociale, notamment dans les territoires où l'agriculture joue un rôle économique, social et culturel central. ici, le capital ne se contente pas d'acheter à l'extérieur : il détruit à l'intérieur les conditions mêmes de son enracinement national. Le processus d'ouverture devient un processus de désaffiliation où les producteurs locaux ne sont plus que des variables d'ajustement sur un marché globalisé. Ce que Karl Polanyi appelle une grande transformation est ici parfaitement manifeste ; la société est réencastrée dans des logiques de marché, et non l'inverse, ce qui génère inévitablement des tensions, des conflits, des déséquilibres que le discours technocratique ne peut masquer. Il faut insister sur la logique politique de cette ouverture : en organisant la concurrence, le gouvernement délègue sa capacité de décision économique aux forces du marché. C'est ce que Frédéric Lordon nomme la souveraineté passive, dans laquelle l'Etat se borne à enregistrer les arbitrages du capital et à les accompagner juridiquement. La baisse des tarifs douaniers, décidée de manière unilatérale pour tous les pays sans négociation préalable, illustre cette soumission à une logique systémique plus vaste. Le commerce international n'est pas ici un outil de développement mais un mécanisme disciplinaire destiné à contraindre l'appareil productif à adopter les normes, les coûts et les temporalités du capitalisme globalisé. L'Etat devient l'agent de la flexibilisation totale, de la libéralisation généralisée et participe de fait à l'expropriation du politique par l'économique.


III/ Les années Lacombe (1980-1996) : le moment néolibéral et l'accélération des restructurations.

Je hais l'Antéchrist néolibéral.

1) L'Etat austéritaire :

L'arrivée au pouvoir de Pierre Lacombe en 1980 inaugure un basculement profond dans la nature de l'Etat teylais qui cesse d'être un organe de compromis socio-productif pour devenir un instrument d'ajustement brutal des structures économiques aux normes du capital mondialisé. C'est le triomphe de ce que l'on peut appeler, dans la lignée des travaux de David Harvey, un Etat néolibéral autoritaire, dont la fonction principale n'est plus d'administrer le compromis social mais de garantir la fluidité des mécanismes d'accumulation du capital, même contre les intérêts immédiats des classes laborieuses. Les premières mesures d'austérité (gel des salaires, plafonnement des primes, suppression massive de postes dans le service public) ne relèvent pas de simples ajustements budgétaires mais bien d'une reconfiguration structurelle de l'Etat lui-même qui passe d'un rôle de producteur et de garant des droits sociaux à celui de gendarme budgétaire du capital.

Cette mutation n'est pas anecdotique car en réduisant d'un trait la masse salariale publique et en brisant l'appareil fonctionnel de redistribution sociale, l'Etat teylais entame une dynamique d'accumulation par dépossession, pour reprendre une autre formule de Harvey : la richesse publique (forme cristallisée du travail social passé) est démantelée et revalorisée sous forme d'économie de coûts et de marges budgétaires, immédiatement mobilisées au profit des créanciers et des marchés financiers. Le déficit budgétaire, présenté comme un danger mortel justifiant la purge, est en réalité un prétexte narratif, ce que Dean Baker nomme une austérité performative, mobilisé pour justifier une politique de classe déguisée en nécessité économique. Le refus de toute négociation avec les syndicats, au moment où s'organise une contestation sociale massive contre ces réformes, consacre la rupture du dialogue social comme modalité d'exercice du pouvoir. Le capitalisme teylais entre dans une phase post-consensuelle, autoritaire et disciplinaire où l'Etat ne dialogue plus mais tranche. Le refus d'ouverture, combiné à une application intégrale des mesures malgré les mobilisations confirme l'abandon de tout arbitrage collectif au profit d'une vision verticale et managériale de la gouvernance. L'austérité devient une forme d'ingénierie politique car ce n'est plus seulement une manière de faire des économies mais de refondre la subjectivité collective autour de la discipline budgétaire, du sacrifice nécessaire et de la responsabilisation individuelle. C'est là un des mécanismes fondamentaux de ce que Pierre Dardot et Christian Laval appellent la "raison néolibérale" : un gouvernement des conduites qui s'exerce par la rareté imposée et la culpabilité permanente de la dépense publique.

Les résultats obtenus (baisse du déficit, réduction de la dette en proportion du PIB, amélioration de la notation financière) ne sont pas la preuve du succès des réformes mais leur effet pervers. Le critère de succès est déplacé car il ne s'agit plus de savoir si la politique économique améliore les conditions de vie, réduit les inégalités ou garantir l'accès aux services essentiels mais si elle satisfait les attentes des agents de notation privés, c'est-à-dire des entités capitalistes n'ayant aucune légitimité démocratique. Le gouvernement Lacombe gouverne donc à rebours de la souveraineté populaire : non pour les citoyens mais pour les marchés. C'est ce que Wolfgang Streeck nomme le passage d'un Etat démocratique à un Etat débiteur, dont la légitimité se joue désormais sur les places financières et non dans l'espace public. Les conséquences sociales sont immédiates. L'augmentation du chômage, la hausse du taux de pauvreté, la marginalisation croissante de fractions entières de la population active ne sont pas des effets collatéraux mais des produits directs d'une politique fondée sur la contraction du revenu des ménages, la précarisation des statuts de travail et la destruction organisée des amortisseurs publics. L'Etat devient austéritaire non seulement dans ses instruments budgétaires mais dans sa logique politique : il renonce à protéger les plus vulnérables pour mieux garantir la fluidité du capital. C'est exactement ce que Nancy Fraser identifie comme une crise d'hégémonie du capitalisme libéral : lorsque la légitimation ne passe plus par le consentement mais par l'imposition. Cette phase austéritaire n'est pas seulement une période de transition vers des réformes plus positives mais le cœur d'un processus de réingénierie sociale car en réduisant les capacités d'action publique, en affaiblissant les syndicats, en démoralisant les services publics, l'Etat Lacombe ne fait pas qu'ajuster mais il dépolitise la société, il détruit ses instruments collectifs de contestation et fait de la souffrance sociale une variable d'ajustement. Les salariés du public deviennent une charge, les chômeurs un coût, les pauvres une anomalie statistique. L'austérité n'est donc pas un outil mais une idéologie matérialisée dans l'appareil d'Etat dont la brutalité assumée est la condition de sa performance.

2) La contre-révolution fiscale :

La réforme fiscale engagée par le gouvernement Lacombe dans la seconde moitié de son mandat ne constitue pas non plus une simple mise à jour technique de l'architecture contributive de l'Etat mais bien ce qu'on peut qualifier sans rougir d'une contre-révolution fiscale. Il ne s'agit pas d'un ajustement paramétrique mais d'un basculement de paradigme : l'impôt cesse d'être l'instrument d'une redistribution des richesses en direction des classes laborieuses pour devenir un mécanisme de renforcement de la concentration patrimoniale, déguisé sous des discours de rationalisation et d'efficacité.

L'extension de l'assiette fiscale fait passer le taux de contribuables soumis à l'impôt sur le revenu de 53 à 63%. Présentée comme un élargissement de la participation citoyenne à l'effort collectif, elle opère en réalité un déplacement de la charge fiscale vers les classes moyennes et inférieures tout en allégeant massivement celle des hauts revenus et des entreprises. Le gouvernement prétend conserver les recettes en baissant les taux tout en augmentant le nombre de contributeurs mais ce tour de passe-passe repose sur une conception profondément inégalitaire de la fiscalité : celle qui consiste à valoriser la contribution en volume absolu au détriment de la progressivité. Or, comme le rappelle Thomas Piketty, la justice fiscale repose précisément sur la progressivité : plus on gagne, plus on doit contribuer. En neutralisation cette progressivité au profit d'un élargissement uniforme, le gouvernement entérine une logique de classe où la charge relative de l'impôt est plus lourde pour ceux qui en retirent le moins de bénéfices. La baisse de l'impôt sur les sociétés de 22 à 10% en 1996 marque un point d'orgue de cette contre-révolution. Elle s'inscrit dans une dynamique plus large d'allégement de la fiscalité du capital, justifiée par la rhétorique désormais bien connue du ruissellement : alléger les entreprises pour favoriser l'investissement, donc l'emploi, donc la croissance. Or, cette thèse, dont Joseph Stiglitz avait démontré l'inanité empirique, ne repose sur aucune évidence solide. L'expérience teylaise elle-même démontre que la baisse des prélèvements n'a pas mécaniquement entraîné une redistribution vers l'emploi stable mais a nourri des dynamiques de concentration économique et d'instabilité contractuelle. En prétendant favoriser l'initiative privée, le gouvernement alimente une logique de court terme, centrée sur la valorisation actionnariale qui dévitalise le tissu productif au lieu de le renforcer.

Loin d'être neutres, ces réformes traduisent une transformation idéologique profonde de la philosophie fiscale teylaise. La fiscalité cesse d'être conçue comme un instrument de solidarité ou de justice sociale ; elle devient un levier de compétition internationale, un outil d'attractivité pour les capitaux, un signal envoyé aux marchés. L'impôt sur les riches, sur le capital, sur les entreprises, est présenté comme une pénalisation, une entrave, tandis que l'impôt sur les revenus moyens ou faibles est normalisé comme contribution nécessaire à l'effort national. Cette inversion normative, analysée par Michel Husson comme un glissement de l'impôt juste vers l'impôt incitatif, consacre l'hégémonie de la logique néolibérale sur les fonctions régaliennes de l'Etat. La multiplication des niches fiscales, sous couvert de simplification, accentue encore cette dynamique régressive car en créant des dérogations ciblées au profit des entreprises, le gouvernement Lacombe participe à ce que Gabriel Zucman nomme une "architecture de l'évitement fiscal" dans laquelle les plus riches peuvent adapter leur stratégie contributive à leur avantage tandis que les autres restent soumis à la rigidité du prélèvement. Le droit fiscal devient un outil d'optimisation légale, à disposition des plus puissants, pendant que les classes populaires et moyennes sont captives d'un système de plus en plus uniforme et aveugle de la justice sociale.

Même le renforcement de la lutte contre la fraude, sur le papier positif, s'inscrit dans cette logique ambivalente car si les moyens alloués à l'administration fiscale augmentent, c'est moins lutter contre l'évasion massive des grandes entreprises que pour s'assurer de la compliance généralisée des petits et moyens contribuables. Le ciblage judiciaire de certains grands patrons, très médiatisé, relève davantage du spectacle politique que d'une volonté systémique d'endiguer les fraudes à grande échelle. L'enjeu est moins d'instaurer l'égalité devant l'impôt que de renforcer la crédibilité de l'Etat disciplinaire dans une société fragilisée par l'austérité et la précarité. Cette contre-révolution fiscale n'est donc pas un épisode technique mais une opération de restructuration de l'ordre social par le biais de la fiscalité. En allégeant la charge sur le capital et en renforçant celle sur le travail, en démantelant la progressivité, en transformant l'impôt en incitation au lieu de maintenir comme expression de la solidarité, le gouvernement Lacombe consacre la défaite de la logique égalitaire dans l'architecture de l'Etat. Il fait de la fiscalité un instrument de distinction et non de justice. Ce renversement idéologique, consolidé par les effets positifs enregistrés sur les marchés financiers, parachève le passage d'un Etat redistributeur à un Etat garant de l'ordre économique dominant, confirmant pleinement ce que Frédéric Lordon décrit comme l'étatisation du néolibéralisme : non pas son retrait mais son imposition active par la violence du droit et des normes.


IV / Héritage et persistance de l'ordre néolibéral : consolidation et mutations post-Lacombe (1996-2017).

A MORT LES PATRONS NEOLIBERAUX ET ULTRAGLOBALISTES !

1) Privatisations sociales et dépossession populaire :

Les réformes sociales conduites sous les derniers mandats de Pierre Lacombe, notamment via la loi Dumat I, inaugurent une nouvelle phase du néolibéralisme teylais : celle de la privatisation des infrastructures sociales et de la transformation des droits collectifs en biens individuels conditionnés au marché. Cette dynamique marque un glissement décisif dans l'architecture sociale du Royaume, opérant une dépossession silencieuse mais profonde des classes populaires, sous couvert de démocratisation patrimoniale. La réforme du logement social constitue le cœur de cette offensive car en supprimant l'obligation légale de quotas de logements sociaux au sein des communes et en permettant leur privatisation, l'Etat abandonne toute responsabilité structurelle dans l'accès au logement, la renvoyant à la volonté municipale ou aux logiques de marché. La mise en vente des logements sociaux, encouragée par des prêts à taux zéro garantis par l'Etat, est présentée comme une promotion de l'accession populaire à la propriété mais comme l'ont démontré Loïc Wacquant ou David Madden et Peter Marcuse, ce type de politiques masque mal une stratégie d'individualisation des protections sociales : faire du citoyen un propriétaire solvable plutôt qu'un sujet de droit et substituer à la solidarité publique la dette privée.

Le résultat est doublement pervers. d'un côté, une minorité relativement stable des classes moyennes inférieures, solvabilisée temporairement par les dispositifs publics, accède effectivement à la propriété mais de l'autre, une immense majorité de locataires pauvres, dans l'incapacité de racheter leur logement, se voit expulsée sous la pression de la privatisation, comme en témoigne la hausse brutale des évictions et les violences policières documentées par l'historien Adam Juine. Le logement social, autrefois garant d'un minimum de dignité pour les plus précaires, devient un vecteur de relégation voire de criminalisation : la précarité résidentielle est reconfigurée comme un problème d'ordre public. Cette mutation s'inscrit pleinement dans ce que Pierre Dardot et Christian Laval ont désigné comme une gouvernementalité néolibérale qui se traduit par sa reconversion en instrument de marché en cessant de produire du logement social pour organiser les conditions de son effacement. D'ailleurs, le fait que l'acquisition soit conditionnée à un prêt garanti n'est pas anodin : la logique de propriété repose sur l'endettement individuel et donc sur l'adhésion subjective à une économie fondée sur la solvabilité, la rentabilité et la performance personnelle. Comme l'écrit Maurizio Lazzarato, la dette devient un dispositif de subjectivation car le pauvre devient propriétaire à condition de devenir créance et est donc responsable de sa réussite ou de son échec.

Le phénomène va bien au-delà du logement. Le démantèlement du logement social s'accompagne d'une idéologie de la responsabilité individuelle : si vous êtes expulsé, c'est que vous n'avez pas su ou pu acheter ; si vous êtes mal logé, c'est que vous n'avez pas su saisir l'opportunité offerte. Cette inversion du rapport au droit, déjà à l'oeuvre dans beaucoup de pays des années 1980-1990 sous forme de politiques d'assistance sous condition se généralise à Teyla. La solidarité devient soupçonnée, conditionnée, et finalement remplacée par la propriété comme horizon social exclusif. Ce basculement a des effets systémiques. Il crée une nouvelle classe de micro-propriétaires précaires, hyper-exposés aux variations du marché immobilier, souvent endettés au-delà de leurs capacités et incapables d'assumer l'entretien ou les charges de leurs logements. Il alimente une bulle spéculative sur les anciens logements sociaux, désormais intégrés au parc privé sans mécanismes de régulation des loyers et surtout, il affaiblit structurellement la capacité d'intervention publique en matière d'urbanisme, de mixité sociale ou de planification territoriale. Ce que Manuel Aalbers appelle la financiarisation du logement se manifeste ici avec acuité : le toit n'est plus un droit mais un actif, une variable fiscale, un levier d'investissement.

La dépossession populaire ne passe donc pas seulement par l'expulsion physique, elle passe aussi par la redéfinition du logement en tant que marchandise, par la dépolitisation de l'habitat comme enjeu collectif et par la neutralisation des luttes sociales dans l'espace urbain. En permettant la vente, la conversion et l'expropriation des logements sociaux, la loi Dumat I fait sauter l'une des digues symboliques qui structuraient encore l'Etat social teylais : l'idée que certains biens doivent échapper à la logique marchande. Elle inaugure une ère où l'appartenance à la communauté nationale passe non plus par le droit mais par la capacité à consommer, à emprunter et à posséder. Ce processus de privatisation sociale n'est pas un épiphénomène. Il constitue le coeur de la transition vers une économie néolibérale aboutie dans laquelle l'Etat cesse de redistribuer pour devenir le gestionnaire des conditions de marché et où les droits sociaux sont vidés de leur substance pour être redéployés sous forme de dispositifs incitatifs, conditionnels ou individualisés. Le logement, premier poste de dépense des ménages, devient ainsi un instrument disciplinaire majeur : il conditionne l'accès à la ville et donc à l'emploi, à l'éducation et à la sécurité. En le livrant au marché, l'Etat organise une double peine spatiale et sociale qui frappe d'abord les classes populaires puis les classes moyennes inférieures. Enfin, la montée des expulsions, la répression policière qui les accompagne ne doivent pas être vues comme un excès ou une dérive mais comme un complément logique de cette réforme. Toute politique néolibérale radicale suppose un Etat fort pour faire respecter les nouvelles normes de propriété. Comme le rappelait déjà Karl Polanyi dans La Grande Transformation, la société de marché ne peut pas exister sans coercition étatique. Là où le marché entre dans les biens sociaux, la violence fait toujours irruption, qu'elle soit physique, symbolique ou économique.

2) Flexibilisation du travail et fragilisation des travailleurs :

Si la privatisation du logement a marqué une dépossession spatiale et résidentielle des classes populaires, la réforme du droit du travail conduite à partir de 1994 constitue son pendant socio-économique : une dépossession du temps et des droits sociaux dans la sphère productive. Il ne s'agit plus ici de rendre le travailleur propriétaire mais de faire de sa force de travail une variable d'ajustement fluide, modelable selon les besoins patronaux et soumise à la logique exclusive de la rentabilité.

La réforme du Code du travail initiée par le gouvernement Lacombe ne fait pas dans la demi-mesure. La suppression de la durée légale minimale des congés payés, remplacée par une négociation individuelle contractuelle, rompt avec plus d'un siècle d'acquis ouvriers. En rétablissant l'arbitraire patronal comme principe d'organisation du repos, elle consacre une individualisation radicale de la norme salariale, détruisant les socles collectifs qui structuraient jusqu'alors le compromis social, ce que l'économiste Robert Boyer, dans le cadre de la théorie de la régulation appelait un passage du "régime salarial fordiste" au "régime d'accumulation flexible". En parallèle, l'augmentation de la durée légale hebdomadaire du travail à 40 heures, avec un plafond porté à 60 heures, acte le retour du travail extensif comme moteur de compétitivité. Une mesure qui s'oppose à la logique de productivité du travail par le progrès technique ou la qualification, piliers du compromis social-démocrate. Ici, le temps de travail devient un levier de rentabilité brute, sans compensation qualitative. Le travailleur n'est plus un acteur de la production mais un temps-homme monétisale à merci. Cette flexibilisation par le haut (augmentation du temps de travail) va de pair avec une précarisation par le bas (affaiblissement des droits et protections).

La stratégie gouvernementale de couplage de cette réforme brutale et une hausse de 10% du salaire minimum ne saurait masquer la logique de troc cynique sous-jacente. Il s'agit de soudoyer les franges les plus pauvres de la classe laborieuse pour désamorcer la contestation tout en fracturant le front syndical et en divisant les salariés. C'est un classique de la politique de reconnaissance contre la redistribution : on octroie une reconnaissance (via la hausse du salaire minimum par exemple) tout en retirant les structures matérielles de protection et de pouvoir. Plus encore, cette réforme s'inscrit dans une dynamique plus large de désyndicalisation fonctionnelle. En réduisant les congés à des objets de négociation individuelle, en neutralisant la norme collective de temps de travail puis en refusant toute médiation syndicale dans l'élaboration de la loi, le gouvernement Lacombe parachève le démantèlement des corps intermédiaires. Cette stratégie érode les instruments de résistance sociale, les remplaçant par une fiction d'autonome contractuelle. Comme le soulignait Gramsci, la domination moderne n'opère pas seulement par coercition mais aussi par hégémonie culturelle ; ici, celle de l'entreprise comme espace de liberté individuelle où le salarié devient partenaire, acteur, collaborateur.

Ce phénomène s'apparente à ce que Luc Boltanski et Eve Chiapello ont nommés la "nouvelle économie de la critique" dans Le Nouvel Esprit du capitalisme : l'idéologie néolibérale reprend à son compte les critiques anciennes du travail aliéné et bureaucratique pour promouvoir une flexibilité "libératrice" mais qui, dans la réalité matérielle, se traduit par un affaiblissement des garanties collectives, une insécurité permanente et une dépendance croissante à des rapports de force déséquilibrés. La flexibilisation du travail sous Lacombe, loin d'être une mesure technique, constitue ainsi une réorganisation en profondeur des rapports sociaux dans l'entreprise et dans la société. Elle inscrit l'individu dans une temporalité instable, imprévisible, soumise aux aléas des marchés, des cycles productifs, des décisions managériales.

3) Un consensus sans alternative :

L'oeuvre de Pierre Lacombe ne s'est pas arrêtée avec son départ : elle s'est enkystée dans les structures de l'Etat, inscrite dans le droit, dans l'administration, dans l'imaginaire politique lui-même. L'après-Lacombe n'a pas été une rupture mais une prolongation silencieuse, une inertie masquée sous les habits de l'alternance. C'est là la véritable victoire de la révolution néolibérale : non pas convaincre mais rendre ses opposants incapables de penser autrement. La période 1996-2017 offre un exemple paradigmatique d'une économie dépolitisée, soustraite au débat démocratique, où les choix fondamentaux en matière de redistribution, de régulation et de propriété deviennent intangibles. Le retour de la gauche au pouvoir à la fin des années 1990, après seize ans de gouvernement Lacombe, ne donne lieu à aucune abrogation des réformes phares. Les coupes dans les services publics sont dénoncées mais jamais réparées ; les privatisations sociales sont décriées mais jamais inversées ; les règles fiscales restent inchangées pour les entreprises ; la dérégulation financière demeure totale. En réalité, la gauche au pouvoir, à travers le Mouvement Royaliste d'Union, adopte une stratégie de contournement social : au lieu de réformer les structures, elle compense les inégalités par des aides. Une logique de rustine qui transforme l'Etat en amortisseur d'un modèle qu'il ne conteste plus.

L'historien économique Quinn Slobodian, dans Globalists, a montré comment le néolibéralisme n'a jamais cherché à abolir l'Etat mais à le verrouiller de l'intérieur. Ce verrouillage passe par des institutions, des normes, des traités mais aussi, dans le cas teylais, par la résilience du droit lacombien. Même les critiques les plus virulentes du modèle libéral acceptent tacitement ses fondements : primat de la propriété, liberté d'entreprendre, flexibilité du travail, autonomie des marchés financiers. La structure hégémonique est si forte que la critique se réduit à des ajustements mais jamais à une refonte. On observe aussi une institutionnalisation du modèle dans les partis politiques eux-mêmes. Le MRU, pourtant issue d'une tradition social-démocrate, devient un parti de la gestion raisonnable, prônant les aides ciblées plutôt que des réformes de structure. Il incarne ce que Colin Crouch a nommé la "post-démocratie" : une démocratie formelle mais où les grands choix économiques sont en dehors du débat public, gérés par des technocrates ou des élus convertis au TINA (There Is No Alternative). La bourse de Manticore, laissée hors de toute régulation sérieuse, en est un symbole éclatant : une infrastructure critique, héritée d'un monde pré-keynésien, mais toujours centrale dans l'économie teylaise du XXIe siècle.

Le seul vrai tournant ne viendra qu'en 2013, avec l'arrivée d'Angel Rojas et encore, ce tournant reste modeste, limité à la réduction de la durée légale du travail et à un encadrement plus strict des dérogations. Rien n'est dit sur la propriété des entreprises, sur les services publics, sur la fiscalité du capital. Le gouvernement Rojas ne défait pas Lacombe, il l'aménage. On assiste à une mutation sans rupture, à une résilience du néolibéralisme sous une forme plus douce, plus sociale mais tout aussi enracinée.


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