13/03/2013
15:21:48
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Tribunal Révolutionnaire de Kotios

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Kotios. Ses plages, sa gastronomie, son tribunal.

Bien que le centre-ville historique ait été partiellement réduit à l'état de champ de ruine par les forces contre-révolutionnaires de Kotios, le reste de la ville tenait toujours à peu près debout, peinant parfois à assurer l'arrivée de l'eau ou de l'électricité sans interruptions, mais cela restait toutefois habitable.
Le Tribunal Révolutionnaire de Kotios avait pris ses locaux à l'Ouest de la ville, au sein des quartiers populaires qui avaient dans les premiers temps de la révolution formés la base des révoltés face au pouvoir francisquien. Quoique son apparence austère et bétonnée tranche quelque peu avec l'architecture plus classique de l'ancienne Assemblée Populaire, il avait au moins pour lui d'assurer à ses occupants un certain confort, de nombreux bureaux où chaque juge avait pu installer ses équipes, ainsi qu'un sous-sol pouvant faire office de prison provisoire, voire de sale d'interrogation.

Enfin, le vaste hall pouvait accueillir une trentaine d'hommes armés, capables de se retrancher au besoin derrière des colonnades bétonnées et des barricades en sac de sable censées assurer l'inviolabilité du pouvoir judiciaro-exécutif.

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Réunis en conseil dans les bureaux en hauteur, la plupart des juges s'étaient rendu disponibles pour discuter des suites à donner à la guerre déclarée avec l'Empire Latin Francisquien qu'on se refusait désormais à nommer démocratique, par esprit de mesquinerie.


Hortensia Philémon : Bien, j'imagine que tout le monde a pris connaissance du dernier torchon que nous ont fait parvenir les Francisquiens. La séance d'aujourd'hui aura pour objectif de délibérer sur la réponse à y apporter et sur la potentielle poursuite des hostilités.

Achille Kaleos : Une discussion qu'il faudra avoir en concertation avec les forces militaires kah-tanaises et pharoise de toute façon m'est avis. J'aime beaucoup nos amis de la Fraternité mais les derniers évènements ont assez prouvé qu'ils formaient au mieux une police efficace, mais pas une armée professionnelle.

Citoyen Jyrki : Pour être honnête, je ne vois pas très bien ce qu'il y a à discuter de toute façon, personne ici ne pense sérieusement à contre-attaquer contre l'Empire je présume ? Il y a déjà suffisamment à faire avec la stabilité intérieure de la Commune sans en plus nous lancer dans des projets farfelus et perdus d'avance !

Ici et là, il y eut néanmoins quelques regards gênés ou éloquents.

Hortensia Philémon : La situation est un peu plus compliquée que cela, à dire vrai. Tant que nous sommes en guerre, nos alliés étrangers ont un devoir de préserver notre souveraineté. Si la Commune redevient en paix, eh bien... qui sait s'ils ne s'en iront pas.

Citoyen Jyrki : Il avait été question d'une double base militaire quand même...

Achille Kaleos : Ne soyez pas naïf Jyrki, poursuivre la guerre, c'est souder le peuple, c'est un grand vecteur d'unité, même une guerre sans combat, nous avons besoin de réconciliation.

Citoyen Matti : Et de justice, néanmoins, si je puis me permettre.
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La Haute Juge Nora Magdebourg, représentante de l’Union des Travailleurs au sein de cette assemblée, consultait ses différents dossiers d’un air absent. Cela faisait des semaines qu’elle tentait de planifier les prochains mouvements de l’Union des Travailleurs dans le chaos le plus total … et elle était loin d’avoir les réponses à toutes ses questions.

L’assemblée des Hauts Juges continuait de piailler et elle se sentit de rejoindre l’arène, espérant pouvoir échapper quelques instants à la montagne de paperasse et de rapports qu’elle devait digérer pour le soir-même.

Nora Magdebourg : « Estimés confrères … le brûlot du représentant de l’empire est bien entendu une énième tentative de nous faire tomber dans leurs griffes. Si nous ne continuons pas la guerre, nous apparaîtrons comme faibles et nous perdrons dans les prochains mois nos soutiens extérieurs. Continuons la guerre et nous jouerons le jeu des Franciscains, qui n’attendent que l’occasion de nous porter un coup fatal en toute légitimité.

Aucune de ces deux options ne nous est véritablement favorable, je le conçois, mais prenons un peu de recul. Nous sommes victorieux aujourd’hui par le truchement de nos alliances et vous conviendrez que nos alliés actuels sont particulièrement efficaces quand il s’agit d’affronter les Franciscains sans que nous ne mettions le moindre homme en jeu de notre côté.

Poursuivre ou arrêter la guerre … Soit ! Mais posons la question autrement. De quoi Kotios rêve-t-elle ? L’estimé citoyen Jyrki a raison : Kotios rêve de stabilité. Mais n’oublions pas les dires de monsieur Kaleos : Kotios rêve aussi d’unité. Mener une guerre sans combat ne nous avancera pas vraiment. Kotios est ruinée, ne le nions pas. Si nous voulons redresser la barre, nous ne pouvons rester confinés dans notre territoire trop exigu. Tôt ou tard, nous ne serons que de simples tributaires, quémandant de la nourriture à qui voudra bien nous en donner tandis que nos citoyens fuiront la métropole pour les pays voisins.

Notre situation, précaire, nous impose une certaine … réactivité. Mes collègues et moi-même avons fait le décompte des importations et des exportations pour les prochains mois. Je sais bien que ce n’est pas de la compétence de notre assemblée judiciaire, mais les faits sont là : nous allons subir une famine. Nos infrastructures et nos industries ne peuvent fonctionner sans des ventres pleins et compter sur l’aide internationale ne nous permettra pas de recouvrer notre indépendance.

Ce dont Kotios a besoin, c’est d’espace. De l’espace pour semer, reconstruire et se construire en tant que nation. Utilisons la débâcle diplomatique de l’Empire Latin Franciscain pour pousser nos alliés à avancer dans les terres impériales afin de garantir une « zone tampon » entre nous et les impériaux. »

Nora sortit une carte de la région, qu’elle déplia sur l’une des tables.

Nora Magdebourg :
« Estimés confrères, regardez bien. Les limites de notre cité ne nous permettent pas de produire suffisamment de vivres pour notre peuple et avec les destructions occasionnées, nous ne pourrons subvenir à nos besoins durant les prochains mois. Faisons avancer nos alliés en terre franciscaine, vers la ville la plus proche, afin de créer un « cordon sanitaire » pour tenir à distance l’empire. Nous n’aurons qu’à occuper cette zone neutre avec nos gens, nous emparer des ressources et petit à petit créer notre propre hinterland au nez et à la barbe des Franciscains, le tout protégés par nos alliés. Présentons ça comme « une juste réparation pour les dommages de guerre et un sympathique geste diplomatique de la part de l’Empire » … Occupons les territoires … et oublions de les rendre … Qu’en pensez-vous ? Ce ne serait que ... justice. »
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A cette proposition pour le moins belliqueuse, les deux membres de l'ordre de la croix blanche réagirent instantanément, mais d'une manière bien différente. Là où Augustus Peters et sa longue barbe blanche rougirent de colère à vue d'oeil, la face balafrée de longue date de Niels Iggs se barra d'un pli soucieux. Il leva le bras pour calmer son collègue qui semblait prêt à bondir pour se lancer dans une de ses colères légendaires, et prit la parole pour dire ce qui devait être dit au sujet de cette proposition.

Niels Iggs: Et bien chère collègue, je tiens d'abord à vous remercier du souci que vous nourissez à propos de l'approvisionnement de la ville que nous partageons au quotidien, car notre faction, aussi discrète qu'elle se fasse à l'assemblée populaire, se sentait bien seule dans ce combat. Nous souhaitons aussi remercier les concernés qui pourraient se trouver dans cette pièce pour leur rôle dans la maîtrise du soulèvement fasciste auquel nous avons été confronté dernièrement. Ici, je m'exprimerai autant au nom de mon collègue qui... a du mal à aller au delà de son indignation qu'au nom de mes pairs qui sont à pied d'oeuvre depuis leur arrivée pour rendre cette ville un peu plus vivable pour tous.

Il déglutit, chercha un moment ses mots, puis se lança.

Niels Iggs: Par où commencer? Premièrement, au vu de l'état dans lequel est la partie de la ville concernée par le putch, cela m'étonnerait que vos partis restent populaires bien longtemps quand on annoncera l'attaque de David sur Goliath. Pensez-vous réellement qu'à l'heure actuelle, le rêve de tout Kotioïte soit de se jeter à l'assaut d'un des pays les plus menaçants qui soient? Deuxièmement, avez vous réellement le soutien total de vos métropoles sur ce coup là? Les milliers de kilomètres qui nous séparent d'elles me dissuaderait de toute façon d'entamer un engagement militaire total contre l'ELF, même si nous étions une faction belliciste soutenue largement par les EAU. Troisièmement, votre rhétorique d'espace vital me renvoie un peu trop violemment à celle de certains de nos ennemis les plus acharnés: ne pensez vous pas qu'à l'instar des cités-états fortunéennes et de Carnavale, nous puissions subsister sans attaquer notre voisin en important ce quîl nous manque? Et enfin, quatrièmement, la raison pour laquelle mon collègue ici présent est devenu rouge comme un chant politique kah-tanais, n'avez vous pas honte de proposer une guerre prolongée à la face d'une société civile qui vient de subir autant de sévices? Vous moquez vous de leurs efforts pour garder à flot un navire qui se fait plomber plus vite qu'on essaie de le réparer? Êtes-vous un agent secret francisquain qui souhaite leur offrir sur un plateau une raison pour qu'ils récupèrent leur ville bien aimée? Avez-vous la moindre idée d'à quel point déclencher un conflit pareil dans ces conditions revient à une mise à mort du système de santé kotioïte? Parieriez-vous votre place à ce tribunal avec une paire de 2 en main? Cette proposition est une honte qui en plus de ne tenir aucun compte de l'état du pays, le livre à une période de conflits armés infinis avec des voisins belliqueux qui ne nous lâcheront jamais.

Il marqua une pause, où il regarda un instant son collègue qui le fixait avec un sourire narquois. Ce débile se moquait de lui, parce qu'il avait perdu son sang-froid. Mais il appréciait aussi sincèrement sa réponse. Au moins ça de pris.


Niels Iggs: Maintenant, vous parlez d'indépendance. Je suis totalement d'accord avec vous en ce qui concerne le fait qu'à terme, nous devrions être capable d'obtenir une indépendance économique, mais le fait de se reposer sur une action militaire à grande échelle que nous n'avons largement pas les moyens d'entreprendre seuls me semble une des pires manières d'y parvenir. Nous serions plus partisans d'une reconstruction économique accélérée à l'aide des fonds étrangers pour nous sortir de ces influences, le plan précis étant plutôt du ressort de l'assemblée populaire. Par contre, l'insulte des francisquains appelle effectivement une réponse: que diriez-vous de "Allez au diable"?
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La remarque sur l'hypothétique teinte d'un chant politique kah-tanais eut au moins le mérite d'arracher un petit rire à la citoyenne Tetica. La plus jeune juge de Kotios était, paradoxalement, l'une de celle qui avait pris le plus à coeur l'idée selon laquelle leur petit tribunal concentrait désormais l'ensemble des pouvoirs de la cité. Organisant son bureau en conséquence, réclamant plus de moyens à son parti d'attache et organisant au moins au sein des "syndicats" et des "communes" organisées par le Club au sein de ses quartiers, des recensements divers et variés visant à éclairer la politique du tribunal spécial. Pourtant, en dehors de ce rire - si cristallin fut-il, elle demeura assez silencieuse. Elle était de celles qui écoutaient sans mot dire, préférant arborer le ton plaisant du consensus au moment opportun. En l’occurrence il ne lui semblait pas encore venu. En d'autres temps c'eut été au juge Rémi Sabbe de prendre la parole, tant le charisme naturel de l'homme avait fait de lui le représentant tout désigné des six judiciaires kah, mais l'homme était absent. Une très pressante affaire, potentiellement en lien avec la guerre, retenait son attention dans les geôles. Jolie manière de dire qu'il y procédait à l'un de ses interrogatoires fleuve, en compagnie d'officiers du Kah-tanais dont on disait qu'ils venaient des services de renseignement de l'Union.

Ce dut donc le juge Epoch Tonalnan qu pris la parole. Se raclant doucement la gorge.

Epoch Tonalnan : Je vous l'accorde il serait très plaisant de pousser notre avantage, et de marcher sur les positions de nos ennemis historiques. Mais en avons-nous les moyens ?

Epoch était un de ces grands brûlés. Ancien esclave, libéré tardivement durant la révolution. Sa haine des francisquien était bien connue de ses collègues, et le poussait à une intransigeance frisant le fanatisme sur toutes les affaires concernant leurs agents. Pourtant, c'était aussi un homme d'une grande finesse d'esprit, et bien au fait des réalités du terrain. Haineux, mais très loin d'être irréaliste.

Epoch Tonalnan : Nous avons bien trop à faire sur la Commune même pour nous engager dans une guerre. Une vraie guerre. La ville est déjà bout, sa population déjà à genoux. Elle n'acceptera pas de prendre un tel risque. Et puis… Les francisquiens nous donneront de très nombreuses occasions de déclarer une nouvelle guerre.

Il eut un sourire retors.

Epoch Tonalnan : Ils collectionnent les ennemis autant que les bourdes. Faisons de cette guerre une guerre froide. Ne provoquons pas le diable à la frontière. Demain son heure viendra, et nous serons tout à fait légitimes à aller le chasser. Surtout si nous amis protègent encore la commune à ce moment là. Il sera bien plus simple de les faire marcher sur l'Empire si c'est pour protéger une commune florissante et leur étant « utile », pardonnez-moi ce cynisme – que sur les injonctions d'un gouvernement provisoire sortant de guerre civile.

Il s'interrompit, captant le regard de la juge Helena Markos à qui il laissa la parole.

Helena Markos : Concernant les questions économiques les plus pressantes… Oh, nous ne sommes pas encore en train de parler de ça. Mais concernant ces questions, puisqu'elles pourraient motiver une guerre… Le Club du Salut Public a déjà plusieurs plans économiques datant de son arrivée en ville. Vous n'êtes pas sans connaître le passif de ses fondateurs, des ingénieurs, doctorants et experts kah-tanais. Nous ne sommes pas ici pour être partisans je vous l'accorde, mais puisque nous sommes les juges nommés pour représenter cette force politique il n'est pas surprenant que nous avons accès à des informations privilégiées à ce sujet. Donc. Il faudra l’aborder plus sérieusement au moment venu, mais nous pourrions déjà donner à chaque habitant de Kotios un petit lot de terre à cultiver. Si chaque habitant de la commune cultive un morceau d'herbe sur la pelouse de son parc de quartier, ou de son jardin, balcon, toi, trottoir… Nous pourrions créer une ville jardin où chacun produirait une quantité satisfaisante de vivres pour se nourrir et en échanger avec ses voisins. L'économie privée ne sera pas fondamentalement stimulée mais ça permettra de régler la question de l'indépendance agroalimentaire. C'est une solution déjà pratiquée dans les communes du Kah, dans certaines régions insulaires et dans certains pays en voie de développement. Ce que Kotios est, force est de le constater. Le Club avait aussi des propositions pour ponctionner des fonds au monde capitaliste via l'ouverture d'une place boursière contrôlée par le Gouvernement communal, et nous pourrions aussi nous endetter pour acheter une flotte de pêche. Mais il s'agit de sujets macro et micro-économiques si complexe qu'on ne peut pas vraiment les aborder par-dessus la jambe et sans des études.

Elle marqua un temps, que le juge Jeff Verhelst utilisa pour compléter ses propos, d'une voix ferme.

Jeff Verhelst : D'autant plus que la reconstruction de Kotios sera aussi la reconstruction de son modèle politique, économique. Des sujets idéologiques sur lesquels nous allons sans doute devoir nous pencher plus tard.

Helena Markos : Oui. Là où je voulais en venir c'est que la guerre n'est pas la seule mesure qui nous permettra de rapidement répondre aux problèmes qui vont se poser dans les jours à venir. Organisons des potagers, rapidement, faisons appel à l'aide internationale dès que possible, et assurons-nous le soutien des milices et des partis pour répartir équitablement les vivres le temps qu'il faudra. Quand il y a une crise économique, l’État doit investir. En l’occurrence nous ferions mieux d'investir dans l'économie que dans une guerre menée avec les troupes d'autres nations. Une guerre qui ne nous couterait pas des vies ou des moyens, mais bien la sympathie internationale, et donc l'aide dont nous dépendons.

Ce fut à ce moment que la juge Zéphyr "Tetica" Nicolalli décida de prendre la parole.

Zéphyr "Tetica" Nicolalli : Pour en revenir au sujet initial l'Empire se moque de ce que nous disons, si on en croit leur missive. Alors ne disons rien. Ou bien envoyons-les paître sans mettre une fin officielle au conflit. Nos alliés resteront ici puisqu'il y aura une guerre et nous pourrons attendre patiemment qu'ils installent leurs bases et leurs hommes pour officiellement terminer ou escalader le conflit. Qu'en dites-vous ? Franchement c'est le seul moyen d'être sûr qu'on ne nous fasse pas faux bond. Et pour ce qui est de l'union… Bah ! Des grands travaux, comme cette histoire de potagers. Une propagande médiathique sur l'Union sacrée. Des interviews des juges les plus charismatiques de cette honorable assemblée et des héros de guerre de la Commune. Je pense à la citoyenne Meredith mais ce n'est que la plus bavarde du lot. Utilisons la crise comme ciment fondateur. Ne soyons pas naïfs : c'est bien la naissance de notre roman national. Si le peuple accepte d'y croire avec nous et qu'on arrive à proposer des solutions directes à ses problèmes les plus immédiats il fera encore un petit bout de chemin en notre compagnie, sans trop se plaindre.

Acquiescement de quelques juges du Kah, Katrien De Roock, qui était restée silencieuse jusque-là, se permis une petite remarque conclusive :

Katrien De Roock : L'Ordre de la Croix Blanche pourrait-il prendre à sa charge les questions liées à la gestion des aides internationales ? En fait nous devrions tous demander à nos amis dans les différentes factions d'envoyer le personnel nécessaire à la création d'un groupe de travail, commissariat provisoire, peu importe, visant à gérer la question en notre nom. Ce n'est pas comme s'il y avait des fonctionnaires en dehors des militants...
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Augustus Peters, plus que satisfait par la réponse du comité, se permit de répondre, puisqu'il avait eu le temps de reprendre contenance pendant leur discours. Il souleva sa masse et sa barbe blanche dégringola jusqu'au bas-ventre. Celle-ci commença à remuer, et une voix caverneuse emplit le tribunal.

Augustus Peters: Très chers collègues, la confiance que vous nous portez nous flatte, évidemment, mais il me semble qu'une telle décision devrait de toute façon être prise démocratiquement et collègialement, comme vous le dites. Il va de soi que nous accepterions avec plaisir cette charge, et quoi de mieux pour l'attribuer que de nous exercer à notre idéal démocratique?
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Nora Magdebourg : Juge Iggs, je comprends bien entendu votre volonté de préserver la paix, mais m’avez-vous simplement écouté ? Je viens de vous dire que nous allons mourir de faim. L’aide humanitaire ne suffira pas à nourrir toute la population et nous n’avons rien à offrir aux pays étrangers en matière de production intérieure car, je vous le rappelle, notre économie est en ruine. Nous n’avons donc rien à offrir à nos alliés, mis à part notre simple soumission. La paix que vous appelez de vos vœux part d’un bien bon sentiment, mais se heurte au mur de la réalité. Que direz-vous à la population lorsqu’elle viendra réclamer du pain ? D’aller se ravitailler chez les Franciscains ?

Ce que je propose n’est ni plus ni moins qu’une juste compensation pour les dégâts causés par l’Empire et la violation du traité de non-agression. Si nous poussons nos alliés à nous accorder l’utilisation des terres franciscaines autour de Kotios et à en puiser les ressources nécessaires, nous serons en mesure de redresser notre économie. Le cas échéant, nous mourrons. C’est aussi simple que ça. J’admets que mon idée n’est pas la plus glorieuse qui soit et qu’elle peut faire se hérisser les poils de votre dos, estimé juge Iggs, mais j’aime à penser que si j’ai des idéaux, ceux-ci savent s’arrêter avant de heurter le mur de la réalité de plein fouet.

Et pour rappel, juge Iggs, nous ne sommes pas Carnavale et encore moins Fortuna. Nos gens sont des ouvriers peu qualifiés, des pêcheurs, de petits gratte-papiers, pas des généticiens à la pointe de l’état de l’art. Ceux-là sont partis depuis longtemps de la cité.

Mais je suppose que vous avez une meilleure idée ? Qu’a Kotios à proposer à ses alliés qui nous vaudrait quelques miettes de pain sans brader notre indépendance que de toute façon, nous ne tenons que sur le bout de nos langues ? Qu’avez-vous à proposer qui ne soit ni une mort lente, ni une mort dans la soumission ?

D’ici à ce que vous produisiez un argumentaire convainquant et dépouillé de tout appel à la morale, permettez-moi, juge Iggs, de camper sur mes positions. Nous devons pousser nos allier à négocier pour nous l’utilisation des terres aux alentours de Kotios dans les terres franciscaines, fusse temporairement, pour nourrir notre peuple. Ce n’est que juste réparation pour le préjudice subi.
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Achille Kaleos : « Chers collègues reconnaissons que les conditions sont précaires : nous n’avons pas les infrastructures ni le territoire adéquat pour assurer notre indépendance économique et financière, ni même militaire d’ailleurs. Pour cette raison avant toute autre je suis de l’avis de madame Magdebourg, notre indépendance passe par une stratégie offensive vis-à-vis de l’Empire Latin Francisquien, néanmoins il y a des offensives de différentes natures.

Il faut regarder les choses en face : nous n’aurons jamais une industrie militaire concurrentiel vis-à-vis du géant francisquien, à commencer par une raison très simple : nous manquons de ressources. Tout passe par l’importation et c’est intenable. Notre seul avenir chers collègues résident dans notre soft power, c’est lui qui oblige nos alliés vis-à-vis de la Commune et c’est lui qui peut-être nous ouvrira une brèche dans l’Empire.

Il faut faire de Kotios la tête de pont de l’utopie socialiste, voila tout, ainsi nous ne pourrons échouer car nos alliés ne pourront pas nous laisser échouer. Nous serons protégés car il serait impensable de nous laisser encore envahir ! Et quant aux bouches en trop à nourrir pour le moment, Kotios avait de toute façon besoin d’être purgée de ses éléments séditieux. Le paradis ne se construira pas avec en son sein des ennemis. »
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Jeff Verhelst : Je propose que soit mis à l'ordre du jour la libération du territoire occupé de l'ancien duché de Ravendrecht en vue d'une annexion à la Commune de Kotios.

Je m'explique. Je sais que le sujet avait déjà été discuté dans les premières années de notre révolution, et qu'à l'époque nos conclusions étaient que la Commune n'avait pas les moyens de mener cette guerre, ni de trainer ses alliés pour qu'ils le fassent à sa place. Je me permets de mettre cette question à l'ordre du jour car de nouvelles informations me sont parvenues par des gars du parlement, qui m'ont mis en contact avec les canaux officiels d'un pays qui partage quelque-chose d'assez central avec la commune : la haine du Francisquien impérialiste.

Je sais que nous ne sommes pas tous communistes, ici, et je sais que même parmi les communistes la question de la Damanie ne fait pas l'unanimité, mais si vous me permettez d'aller au bout... Alors, voilà la situation : les camarades damanns souhaitent profiter de la détérioration de la situation impériale pour tenter de mettre un terme à la guerre. Pour ça, la première consule souhaite s'associer à la commune de Kotios. La Damanie n'a aucune revendication territoriale et espère saisir du matériel militaire et capturer le gouvernement francisquien pour les juger. Vaste projet, mais qui devrait nous parler considérant notre mission première. Enfin là où ça nous intéresse vraiment c'est que la force armée de Damanie souhaite passer par Kotios pour pénétrer en territoire impérial sans avoir à gérer un débarquement hasardeux. La marine impériale est tenue à quai par nos amis Pharois et selon les damanns, leur aviation est capable de tenir ce qui a survécu de celle de l'empire au sol. Ce qui signifie que nous pourrions potentiellement les laisser débarquer sur la commune sans que cela ne se traduise automatiquement par un blocus ou un bombardement. La première consule m'a fait savoir qu'en échange de la coopération de Kotios elle serait très heureuse de "libérer les prolétaires ravendrechtois". Nous concernant nous ne pouvons compter sur les souvenirs de la guerre de 1969 et le chaos au sein de l'Empire pour absorber ces territoires sans trop d'illégitimité. Et l'Armée Populaire de Libération Daman accepte de nous assister sur la question au cas échéant, mais autant ne pas trop nous projeter pour le moment.

Qu'en dites-vous ?
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Nora Magdebourg : “Juge Verhelst,

Je vous remercie pour cette intervention qui tombe fort à propos au vu de l’actualité. Comme vous l’avez souligné, le moment est propice pour que la commune de Kotios puisse à nouveau s’affirmer sur la scène internationale en revendiquant le territoire de l’ancien duché de Ravendrecht. En effet, le retrait de l’empire des affaires internationales et ses troubles internes constituent une opportunité qu’il convient de saisir.

L’empire a pendant trop longtemps méprisé le peuple de Kotios et il n’est que justice que celui-ci rende au centuple les coups qu’il a lui-même subi au fil des décennies. Comme nous avons pu l’exposer il y a quelques mois, les territoires de l’ancien duché de Ravendrecht constituent pour notre peuple des territoires fertiles pouvant soutenir le projet révolutionnaire de la commune de Kotios. Notre économie a besoin de ces terres, que nous pourrons valoriser aisément. Qu’un millier de champs de blés germent sur ces territoires et c’est toute la commune qui renaîtra de ses cendres !

La proposition d’alliance temporaire avec la Damanie me semble être un pari gagnant. Si jamais la Damanie se permettait de trahir ses engagements, nous serions en mesure de leur couper toutes les lignes de ravitaillement sans aucun problème. Ceci étant dit, l’Armée Populaire de Libération de la Damanie jouera un rôle des plus adéquats, nous permettant de récupérer et d’occuper les territoires de Ravendrecht sans que nous ayons à tirer le moindre coup de feu. J’insiste sur cette dernière chose : nous devons nous engager le moins possible dans ce conflit, afin de pouvoir nous en retirer sans trop de casse si le vent venait à tourner. D’aucuns verraient ça comme de la lâcheté, je préfère y voir de la prévoyance. Notre commune, malgré la clarté de ses idéaux et la ferveur révolutionnaire qui l’anime, reste encore bien trop faible comparée à la puissance de feu des impériaux. Nous pouvons occuper les territoires, mais nous serions bien en peine de les tenir. Il faudra alors compter au maximum sur l’Armée de Libération pour faire le travail à notre place et nous assurer de pouvoir tenir le haut du pavé à la fin du conflit.

Je m’associe à vous, Juge Verhelst, et vous donne ma voix pour ce projet de libération du territoire de Ravendrecht. Si cette entreprise se voit couronnée de succès, nous pourrons disposer de plus d’espaces et de plus de marges de manœuvres pour le développement de la commune de Kotios. Sans ces territoires, nous serons bien incapables de planifier un avenir radieux pour notre peuple.

Nous devrions d'ores-et-déjà faire passer secrètement l'ordre à nos sections de se tenir prêtes et de préparer les plans d'occupation des territoires de l'ancien duché. Nous disposons, si mes souvenirs sont bons, de plans à jour ainsi que de relevés des forces présentes sur le territoire. Notre objectif devrait être de sécuriser les entrepôts de munitions et le matériel de guerre sur place. Nous pourrons ainsi le monnayer auprès de l'Armée de Libération à bon prix ... ou équiper nos propres troupes. Je vais voir avec nos cellules locales si elles peuvent finaliser leur réseau de surveillance et se tenir à l'affut de la moindre opportunité. »
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