B) L’Antiquité (Part III) :
La première Guerre du Bayrön (-721 avant notre ère).
Au VIIème siècle avant notre ère, l’influence de la cité d’Aros s’étend de part et d’autre du fleuve bayrön, la domination terrestre de la cité est sans pareille et son pouvoir couvre la plupart des terres cultivables de la région. Son influence culturelle est d’ailleurs d’autant plus forte qu’elle se déploie rapidement et même au-delà des frontières de l’actuelle Novigrad grâce aux explorateurs et aux expéditions militaires de la cité qui n’hésitent pas à transmettre sa culture à des tribus éloignées en échange de quelques richesses. Toutefois même si la puissance d’Aros ne cesse de se renforcer, la cité voit toujours d’un mauvais œil l’émergence d’une cité rivale au sud, celle de Novir dont la fondation à la suite d’une guerre civile au sein même d’Aros laisse une cicatrice qui ne disparait pas malgré les générations qui se succèdent. La cité est dirigée d’une main de fer depuis près de quarante ans par le vieux Roi Thesos II, un habile administrateur et stratège qui a réussi à imposer la domination arosienne dans tout le pays grâce à ses manœuvres politiques et militaires le plus souvent couronnées de succès.
De son côté, la cité de Novir connait une période de prospérité grâce à la découverte de nouvelles routes commerciales à travers la mer leucitanéenne, les marins noviriens ramènent ainsi de nombreuses marchandises exotiques qui vont rapidement faire la richesse de la cité. Les marchés luxuriants de Novir attirent les marchands de l’ensemble du pays et les taxes imposées par l’administration civile permettent la construction d’une flotte de guerre et donc de contrôler l’estuaire du bayrön. Sa prédominance maritime pousse même la cité à fonder des comptoirs marchands sur les côtes maritimes qui deviendront plus tard des véritables colonies à l’image de Hvari ou de Sovinor. La cité portuaire est alors gouvernée par une assemblée oligarchique composée des familles les plus riches de la ville. Cette assemblée dirigeante est elle-même sous le commandement de l’Archonte Kàton, un vieil homme érudit, talentueux orateur et considéré par les historiens comme l’un des précurseurs de la philosophie antique. Très riche et respecté, Kàton est à l’origine d’une bureaucratie primitive qui permettra de maintenir la stabilité de la cité et des affaires faisant ainsi de Novir, une plaque tournante du commerce antique de la région.
À la mort du Roi Thesos II, la situation géopolitique change radicalement. Son fils Aslan Ier monte sur le trône d’Aros malgré son inexpérience administrative et son tempérament fougueux, militaire aguerri ayant servi pendant ses jeunes années auprès des hoplites de la cité, il militarise rapidement les cercles du pouvoir arosien et adopte une politique extérieure agressive et relativement maladroite qui met à mal la réputation d’Aros auprès des autres cités. Obsédé par son rêve de gloire et l’ombre toujours omniprésente de son défunt père, Aslan projette finalement ses ambitions sur Novir dont il jalouse la richesse. Sa quête de pouvoir est freinée par l’Oracle qui lui annonce publiquement que s’il attaque Novir sans une raison valable, les dieux ne le soutiendront pas et donc l’armée non plus. Aslan Ier tente alors de pousser Novir à lui déclarer la guerre notamment en attaquant et rançonnant régulièrement les caravanes marchandes noviriennes qui passent près de ses frontières. Mais cela ne suffit pas et Novir ignore soigneusement les provocations devinant probablement les intentions malicieuses du nouveau Roi d’Aros. Celui-ci trouvera finalement une excuse pour sa campagne militaire grâce à une altercation entre des marins noviriens et des marins arosiens qui refusaient de payer la taxe pour traverser l’embouchure du fleuve qui était alors toujours contrôlée par la flotte novirienne. Profitant de son casus belli, Aslan lève une armée impressionnante et répand ensuite des rumeurs afin de s’attirer le soutien de la population en vantant les richesses insoupçonnées que cacherait selon-lui la cité illégitime de Novir.
La première démonstration de force d’Aslan se déroule près de Hvari qui n’est alors encore qu’une minuscule colonie d’une centaine d’âmes utilisée principalement pour ravitailler les navires noviriens. À la tête d’une armée de plus de trois milles hoplites, il mène personnellement ses hommes à travers la campagne tout en dévalisant les fermes qu’il trouve sur son passage. Au courant du péril imminant grâce à des survivants des pillages, les autorités noviriennes envoient alors une armée de quatre milles conscrits à la rencontre des forces arosiennes. Grâce à l’habilité des navigateurs noviriens, la flotte arrive finalement à rejoindre la petite colonie avant même l’arrivée des hoplites d’Aslan. Très vite, les arosiens encerclent la jeune colonie de Hvari, les commandants noviriens décident alors de sortir l’armée des murailles en bois de la petite cité en devenir et de faire face aux forces d’Aslan dans un front direct.
Sous une pluie diluvienne et le grondement de l’orage, les hoplites d’Aros font face aux hoplites de Novir. Bien mieux équipés et disciplinés, les arosiens se distinguent par leur étendard rouge orné d’une tête de taureau. Grâce à la célèbre éducation militaire arosienne, ils profitent d’une formation supérieure et c’est tout naturellement que les bataillons d’hoplites d’Aros se déploient avec une plus grande aisance sur le champ de bataille. Étonnamment et malgré sa réputation de benêt, le Roi Aslan est un excellent commandant qui inspire le respect chez ses hommes, il combat quasiment en première ligne et aux côtés de sa garde d’élite redoutée dans tout le pays. Face à eux, les hoplites noviriens se reconnaissent grâce à leur étendard bleu agrémenté d’un aigle doré, plus nombreux mais avec un équipement plus sobre et une organisation plus archaïque, les troupes noviriennes se rassemblent sous le commandant de vieux vétérans très attachés aux traditions militaires helléniques. Finalement au cours d’un affrontement meurtrier, les hoplites arosiens prennent rapidement le dessus grâce à leur maîtrise supérieure du combat mais aussi par leur position avantageuse sur les collines qui entourent la colonie. Les troupes noviriennes sont ralenties par la pluie et le terrain boueux, moins disciplinés les bataillons se dispersent et tombent face à des soldats arosiens méthodiques et tenaces. La bataille tourne bientôt à un véritable carnage, l’armée d’Aros enfonce facilement l’avant-garde novirienne et Aslan et ses compagnons d’élites atteignent rapidement le cœur du commandement de l’armée novirienne où ils massacrent alors les officiers sans une once de retenue. C’est la débandade totale pour les hoplites noviriens qui s’enfuient massivement en directement du port et abandonnent le campement en s’enfuyant sur leurs navires. Fort de son succès, l’armée d’Aslan pille et soumet violement Hvari réduisant en esclavage les survivants.
L’armée novirienne vaincue, Aslan fait envoyer des messagers de partout dans le pays pour vanter sa victoire et annoncer la soumission prochaine de Novir. Les survivants rentrent alors dans l’indignité dans la cité novirienne qui commence sérieusement à se sentir menacée. C’est au sein de ce chaos que va s’élever un jeune général ambitieux et surtout prometteur qui aurait obtenu le respect de l’armée en menant la contre-attaque qui aurait permis aux noviriens de s’enfuir du massacre de Hvari. Ce jeune officier qui se nommerait Perséus est rapidement propulsé à la tête des forces noviriennes, il obtient même l’oreille attentive du richissime Archonte qui accepte de lui financer une nouvelle armée. Celle-ci est reconstituée en seulement quelques mois alors que la progression d’Aslan en route vers Novir est particulièrement inquiétante. Perséus réforme en profondeur l’organisation militaire de cette nouvelle armée, augmentant les primes et offrant des promotions aux hoplites les plus valeureux sans même regarder leur condition sociale originelle. Il met au point une nouvelle stratégie qui s’avérera bien plus efficace contre l’avancée des troupes de la cité d’Aros.
En menant des raids visant à harceler les troupes adverses tout s’assurant de vider toutes les fermes que l’ennemi pourrait trouver sur son passage, Perséus tente de démoraliser les troupes d’Aslan. La clef de voûte de sa stratégie consiste à utiliser la supériorité de la flotte novirienne pour prendre le contrôle du fleuve et assurer un blocus du port fluvial d’Aros. Sous les ordres directs de Perséus, celui-ci mène la flotte le long du bayrön et écrase aisément la flottille fluviale arosienne. C’est ainsi qu’il met en œuvre sa folle stratégie, tout en débarquant des troupes, il maintien le blocus d’Aros et coupe ainsi les lignes de ravitaillement pour l’armée d’Aslan qui souffre rapidement en l’absence des pillages et d’un ravitaillement certain. Grâce à une présence permanente sur le fleuve, la flotte novirienne harcèle régulièrement les soldats arosiens lorsqu’ils tentent d’approcher du rivage pour pêcher ou récupérer de l’eau douce. L’armée d’Aslan commence à s’essouffler alors que l’été est plus chaud que jamais, des conflits internes éclatent entre certains officiers et Aslan qui les fait exécuter immédiatement. La famine commence à se répandre dans son camp et bientôt son armée fait du surplace refusant d’avancer. Profitant de sa stratégie gagnante, Perséus fait venir son armée complète et assiège le campement d’Aslan. Les affrontements ne tardent pas à commencer mais cette-fois-ci les noviriens ont retenus les leçons de la précédente bataille, ils sont plus organisés et mieux équipés que la dernière fois. Les hoplites noviriens se montrent héroïques sous le commandement de Perséus qui réussi à blesser Aslan au cours d’un duel puis à le forcer à se rendre. La honte est totale pour Aslan qui ne voit pas d’autre solution que d’ordonner à son armée de baisser les armes avant qu’elle ne soit totalement anéantie. La légende raconte que Perséus aurait ensuite forcé Aslan et ses hommes à abandonner leurs armes et armures et que ces derniers seraient rentrés à Aros tout nus et dans la honte la plus totale. C’est un affront que Aros n’oubliera d’ailleurs jamais.