17/05/2013
03:25:09
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Première rencontre entre le Jashuria et la RFN à Novigrad C.F. (Terminé)

Rencontre entre le Jashuria et la RFN à Novigrad C.F.

Les relations entre la République Fédérale de Novigrad et la Troisième République de Jashuria étaient fraiches et néanmoins prometteuses. Bien que les nations fussent éloignées géographiquement, les intérêts économiques qui étaient en jeu mettaient l’eau à la bouche aux gouvernements respectifs. Dans le cadre des nouvelles politiques internationales visant à trouver un partenaire pour Novigrad sur chacun des continents, le gouvernement fédéral plaçait de nombreux espoirs dans l’idée de sa collaboration prochaine avec un état tel que le Jashuria. Les autorités novigradiennes espéraient pouvoir obtenir de celui-ci un accès au marché du Nazum afin d’exporter les industries eurysiennes au-delà de leur sphère d’influence naturelle. C’était donc une rencontre importante qui se profilait à l’horizon entre deux peuples culturellement très différents mais aux intérêts financiers semblables.

En cette matinée ensoleillée, Novigrad C.F déployait tout son charme si caractéristique. La mégapole de presque treize millions d’habitants bouillonnait de vie comme à son habitude, son architecture unique en son genre et sa superficie impressionnante à mi-chemin entre un paysage côtier et un second plus vallonné participait considérablement à cette image de cité aux milles facettes. La capitale était après-toute pleine de surprises, on passait aisément des quartiers historiques à l’architecture baroque et aux monuments de toutes les époques, aux quartiers d’affaires à l’allure moderne et aux gratte-ciels intimidants, voir aux quartiers résidentiels verdoyants de la haute société ou encore d’autres zones bétonnées moins bien fréquentées où des immeubles imposants abritaient des communautés entières. C’était la ville où tout était possible, un labyrinthe fumant et agité où on pouvait se perdre à jamais comme l’on pouvait faire fortune. La réputation de la métropole novigradienne n’était plus à faire en Eurysie, elle attirait pourtant un flux de plus en plus important de touristes, investisseurs et autres curieux qui s’essayaient à l’aventure novigradienne tout en espérant découvrir les nombreux trésors que cachait cette cité. Au centre de cette fresque urbaine, le puissant fleuve bayrön à la force tranquille coupait la ville de part et d’autre, la délimitant ainsi en deux rives qui s’opposaient autant socialement que géographiquement. Les habitants de la capitale cachaient rarement leur fierté lorsqu’ils évoquaient la ville qu’ils surnommaient eux-mêmes la « Perle du Sud », c’était un sentiment patriotique qu’on retrouvait au fil de l’histoire, la centralisation culturelle du pays autour de cette cité qui avait tant attirée les convoitises, avait permis le développement d’une fierté quasi arrogante. La civilisation novi-rémienne était après-tout le cœur de la civilisation eurysienne, c’était du moins ce qui se racontait dans le pays qui considérait son influence culturelle comme légitime et supérieure par rapport aux autres continents.

Ce jour-là, l’administration novigradienne attendait de recevoir la visite de la délégation jashurienne, c’était donc toute une organisation monumentale comme souvent depuis l’ouverture du pays, des centaines de personnes avaient été mises à contribution afin que la visite se déroule dans des conditions optimales. La diplomatie novigradienne espérait que le dépaysement et la splendeur de la capitale allaient faire forte impression aux émissaires du Nazum qui reviendraient ainsi au pays en racontant la qualité de l’accueil qui leur avait été fait sur cette terre d’Eurysie de l’est. Le Chancelier en personne avait fait le choix de se rendre disponible pour l’événement qui était d’ailleurs couvert par tous les médias du pays, c’était surtout du côté du centre d’affaire qu’on attendait cette rencontre avec impatience, les marchés financiers s’affolaient à l’idée de voir s’ouvrir pour eux un marché aussi exotique que celui du Jashuria.

La haie d'honneur tenue par les membres de la garde d'honneur.

Une piste d’atterrissage avait été spécialement réquisitionnée au sein de la zone militarisée de l’aéroport international de Novigrad C.F, les instructions de vol ayant été transmises au préalable aux autorités jashuriennes, on attendait l’arrivée de la délégation d’une minute à l’autre. Comme à son habitude c’était le célèbre Ministre des Affaires étrangères, Varban Emilov Ilev, qui allait recevoir ses homologues étrangers. Pour l’occasion, une haie d’honneur sur un tapis rouge avait été formée par la Garde d’Honneur Nationale afin d’accueillir les diplomates étrangers avec les formes. Ces derniers ne mirent d’ailleurs pas longtemps à atterrir à l’heure prévue et en respectant le protocole soigneusement mis en place avec les autorités novigradiennes. Varban se tenait aussi droit qu’il le pouvait, bombant le torse et tentant d’afficher sa mine la plus chaleureuse, c’était un petit homme au teint blafard et aux lunettes rondes caractéristiques, il agitait nerveusement sa main en guise de salutation tandis que les visiteurs découvraient l’accueil qui leur avait été fait. « Bienvenue mes amis ! Bienvenue à Novigrad ! Nous espérons que le voyage n’a pas été trop pénible depuis le Nazum lointain ! » Dit-il dans un Jashurien approximatif mais juste bien qu’il eût probablement un fort accent. Après l’habituel serrage de mains et les commentaires sur le climat exceptionnel de cette belle journée hivernale, il invita la délégation à la suivre vers des limousines qui attendaient un peu plus loin.

Le convoi de limousines s’éloigna rapidement de l’aéroport pour se diriger vers le centre-ville, la route avait été dégagée un peu plus tôt par les services de la police fédérale, un escadron de motards de la garde d’honneur escortait d’ailleurs le convoi tandis qu’ils passaient de temps à autre près des check-points contrôlés par la garde fédérale et ses blindés. Aucune dépense n’avait été évitée, le déploiement massif des forces de sécurités était non seulement nécessaire pour décourager la criminalité novigradienne de perturber la rencontre diplomatique mais c’était aussi l’occasion de montrer au Jashuria la puissance militaire montante qu’était le Novigrad surtout depuis que celui-ci se fournissait auprès de l’Alguarena. Aux abords de la route, des drapeaux de Novigrad et du Jashuria avaient été disposés des deux côtés, on pouvait apercevoir par moment quelques centaines d’habitants qui se collaient aux barrières afin d’assouvir leurs curiosités, c’est qu’on voyait rarement des hommes du Nazum dans la région et donc logiquement les curieux s’accumulaient sur le chemin. Le convoi traversa les principaux grands axes de la métropole, croisant des monuments tels que d’anciens palais de la monarchie et même le mondialement célèbre Haut-Sénat dont l’édifice était une prouesse architecturale datant de l’âge d’or novigradien. Sur la route, le diplomate novigradien en profitait pour faire office de guide touristique n’hésitant pas à décrire les monuments qu’ils croisaient et à y ajouter quelques anecdotes historiques afin de se rendre intéressant. On voyait par moment les hélicoptères de la police qui passaient au-dessus d’eux couvrant la progression du convoi vers le cœur historique de la capitale fédérale.

Le Musée National d'Histoire.

Ils arrivèrent finalement face au lieu de rendez-vous où la rencontre officielle allait se dérouler. Afin d’illustrer le choc des cultures, le Chancelier Novigradien avait préféré recevoir la délégation jashurienne dans le plus fameux des musées du pays. Le museum national d’histoire et d'archéologie était le musée le plus visité de la nation, il abritait parmi les plus rares collections helléniques au monde et il faisait donc la fierté nationale. Le bâtiment était lui-même une curiosité historique prenant la forme d’un temple hellénique construit néanmoins sous l’égide de la modernité pendant le XIXème siècle. Près de l’entrée, les journalistes se pressaient contre les agents de sécurités afin d’essayer d’obtenir une photo des dignitaires étrangers, sans perdre un instant de plus, Varban guida la délégation à l’intérieur de l’édifice où attendait déjà le Chancelier Alexandrov.

Tel un monarque de l’ancien régime, il se tenait sous les fresques murales raffinés de l’édifice, souriant et toujours aussi charmeur, le Chancelier afficha immédiatement une mine satisfaite en apercevant ses homologues étrangers.
« Bienvenue, c’est un honneur pour nous de recevoir les représentants du Jashuria. J’espère que vous avez appréciés la balade au cœur de notre capitale ? » Dit-il tout en conservant son rictus enjoué.
Novigrad C.F était de ces mégalopoles que l’on ne pouvait oublier si facilement. Bien que l’Eurysie soit une poudrière sur le point d’exploser et que le continent faisait et défaisait les empires et les ambitions, il était encore des endroits dans ces contrées tempérées qui résistaient encore et toujours à l’entropie. Novigrad C.F était de ces havres de prospérité qui se faisaient si rares en Eurysie ces dernières années. Il n’y avait qu’à voir la situation dramatique de Kotios pour s’en assurer. L’Eurysie était un continent en perdition et ce n’était qu’une question d’années avant que les républiques démocratiques telles que Novigrad ne soient rattrapées par les guerres et les conflits qui émergeaient dans la région comme autant de chiendent. Pourtant, Novigrad C.F se dressait toujours tel un phare de culture et de modernité dans le crépuscule de l’Eurysie, fière et agitée.

A l’occasion de cette rencontre officielle entre la Troisième République du Jashuria et la République Fédérale de Novigrad, cette dernière avait mis les petits plats dans les grands et procédé au grand déballage de tous les atours dont elle était capable pour montrer à la nation nazumie de quoi elle était capable pour recevoir des invités. En un sens, la délégation jashurienne ne pouvait que se sentir flattée. Tant de chemin avait été parcouru depuis ces dernières décennies. Après des années de redressement économique, de tractations diplomatiques et de développement, le Jashuria était désormais reçu non pas comme une nation de seconde zone, mais avec les honneurs qui lui revenaient. Si le Novigrad cherchait à flatter ses invités, diantre, qu’ils s’y prenaient bien !

L’arrivée des Jashuriens avait été saluée en grande pompe par le ministre des affaires étrangères de Novigrad, le dénommé Varban Emilov Ilev. Flanqué de la Garde Nationale, il n’avait pourtant pas l’air d’avoir la carrure d’un ministre. L’homme, bien que poli et respectueux, aurait pu être confondu avec un employé de bureau que l’on avait habillé pour l’occasion. Néanmoins, il surprit la délégation en parlant Jashurien … enfin … en essayant de le parler. Les délégués jashuriens furent agréablement surpris de cette marque de respect. Le Jashurien était l’une des langues les plus complexes à apprendre et nombreux étaient ceux qui se cassaient les dents à force d’essayer d’en reproduire les intonations. Varban Ilev avait pourtant réussi à prononcer ses mots de bienvenu sans trop buter, ce qui était appréciable.

Les délégués jashuriens furent emmenés en limousine, sous bonne escorte, jusqu’au muséum d’histoire et d’archéologie de Novigrad. La délégation, plus habituée à être reçue dans des grands halls de conférences ou de véritables palais, apprécia cette entorse au protocole. Un pays devait savoir se vendre à ses partenaires potentiels et insister sur le rappel à l’histoire et à la culture changeait définitivement de ce à quoi les délégués étaient habitués. Cela donnait une certaine dignité au pays et une splendeur qui le mettait bien en valeur. Car la diplomatie, ce n’était pas qu’une affaire de contrats et de chiffres, d’alliances et de mésententes. C’était aussi une image de marque à entretenir et à diffuser. Nul doute que les délégués, ravis par les fastes de la culture novigradienne, en toucheraient mot à leurs connaissances au pays.

Les Jashuriens se retrouvèrent bien vite devant le Chancelier Alexandrov, qui les gratifia d’un sourire qui les laissa de marbre (non pas que les Jashuriens aient été très expressifs de nature). La délégation salua avec respect le Chancelier et ce fut la Première Ambassadrice qui prit en premier la parole dans la langue internationale des échanges.

« Chancelier Alexandrov, c’est un plaisir de vous rencontrer enfin. Permettez moi de vous présenter le reste de la délégation. Voici madame Apsara Sirisopa, ministre du Cercle Intérieur en charge des grands projets ; Siddhi Chalerm, directeur de la Porte Dorée, notre banque nationale ; et voici monsieur Tak-Sin Chao, ministre du Cercle Intérieur en charge de l’éducation et de la recherche. Et moi-même, madame Lalana Preecha, Première Ambassadrice de la Troisième République du Jashuria. Nous avons hâte de débuter nos échanges et de dresser avec votre pays les bases d’un avenir en commun. »

Ne se laissant point intimider par le légendaire flegme jashurien, le Chancelier profita des présentations pour l’habituelle séance de serrage de mains n’hésitant pas à dire un petit mot pour chacun des convives. Enfin, il présenta à son tour, l’équipe qui attendait derrière-lui.

« Vous connaissez déjà, Monsieur Ilev, le ministre des affaires étrangères, qui a été votre guide jusqu’ici. Je vous présente aussi, Madame Kristina Mihaelova Atanasova, notre chère ministre de l’économie et du commerce. Et enfin n’oublions pas le Dr Rosa Radkova Popova, ministre de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur. Ce trio sera en charge de la rédaction des accords que nous prendrons aujourd’hui, si nous tombons d’accord, bien évidemment. »

D’un signe de la main, il invita la délégation à le suivre un peu plus profondément dans l’édifice. Traversant un couloir somptueux qui donnait sur plusieurs salles d’expositions et dont les murs étaient décorés par quelques tableaux contemporains, ils débouchèrent bientôt sur une salle de réunion un peu spéciale, habituellement réservée aux rencontres entre les chercheurs émérites du pays qui donnaient des conférences de temps à autre au sein du museum. Elle avait été cette fois-ci spécialement aménagée pour la rencontre diplomatique, c’était une pièce rectangulaire au plafond haut où une magnifique fresque se déployait illustrant des scènes de la mythologie Novi antique. Sur place, une longue table en bois massif et des sièges, ornés des dorures caractéristiques du style aristocratique novigradien du XVIIème siècle, attendaient les diplomates. Un maître d’hôtel ainsi que deux serveuses se tenaient patiemment prêts à servir les dignitaires, pour l’occasion des boissons avaient été disposés sur la table, il y avait-là bien évidemment du vin originaire de la province de Sova où quelques domaines viticoles produisaient des vins classés mondialement, il y avait aussi un peu de thé du Banairah, de l’eau minérale provenant des montagnes de l’Oural et enfin un jus d’orange frais. Quelques pâtisseries locales étaient aussi mises à disposition dans le cas où les jashuriens auraient une petite faim. Lorsqu’ils furent tous installés, le Chancelier se leva et débuta aussitôt son discours. Derrière-lui un traducteur certifié se tenait disponible pour traduire le débat pour les Jashuriens.

« Maintenant que nous sommes prêts à commencer. Je pense que vous souhaitez que nous allions directement au vif du sujet, je sais combien votre temps est précieux, ne perdons donc pas un instant de plus en banalités. Par cette rencontre, le peuple Novigradien espère pouvoir jeter les bases d’une longue relation avec le Jashuria. La situation eurysienne n’est un secret pour personne, l’intensification des hostilités notamment en Mer du Nord prouve l’incapacité de nos confrères eurysiens à conserver un comportement propice aux affaires. De son côté, Novigrad souhaite se placer comme le principal acteur d’une stabilité eurysienne, c’est par l’exemple que nous avons l’objectif de prouver au monde que nous sommes un partenaire sérieux. En tant que grande nation du Nazum, le Jashuria est un acteur prospère avec qui nous souhaitons nouer des liens. Que ce soit par un accord de libre-échange mais aussi un accès aux visas pour nos populations respectives et l’établissement d’une ambassade. Ou encore par une coopération entre nos universités et le traçage d’une route maritime et aérienne entre nos deux nations. Les possibilités sont donc nombreuses, nous espérons donc que nos ambitions soient en accord avec celles du gouvernement jashurien. Qu’en dites-vous ? »
Les délégués jashuriens saluèrent respectueusement leurs homologues novigradiens. Après quelques poignées de main échangées, ils furent conduits dans la pièce rectangulaire qui allait servir pour les échanges diplomatiques. Les Jashuriens s’installèrent sans se faire prier. Tak-Sin Chao et parlant le Novigradien – ce qui était une curiosité, même pour un Jashurien - il n’avait pas besoin de traducteurs, contrairement à Aspara Sirisopa, Lalana Preecha et Siddhi Chalerm. Le ministre de l’éducation et de la recherche était un homme discret, mais plein de surprise quand il s’agissait des langues. Les rumeurs allaient bon train sur le nombre de langues qu’il parlait réellement … et l’homme se plaisait à entretenir le mystère avec un sourire énigmatique.

Le Chancelier ne perdit pas de temps en simagrées et entra directement dans le vif du sujet, pour le plus grand plaisir des Jashuriens, qui malgré toute leur bonne volonté, n’étaient pas là pour grignoter et boire, quand bien même il s’agissait d’une activité fort intéressante. Ce fut Siddhi Chalerm qui prit la parole à la suite du Chancelier :

« Cher Chancelier, ces mots nous confortent dans l’idée que le Novigrad peut être un partenaire privilégié de notre modeste pays en Eurysie. Soyez assuré que les troubles dans la Mer du Nord nous inquiètent particulièrement, notamment après la gestion du dossier de Kotios, où notre peuple a établi une enclave portuaire. Tant que ce secteur de l’Eurysie ne sera pas stable, il nous sera collectivement impossible d’y développer des échanges commerciaux durables et sécurisés. Nous entendons totalement votre discours et joignons nos vœux aux vôtres. Un accord de libre-échange ne posera aucun problème …

« J’ajouterai, reprit Tak-Sin Chao, que l’établissement d’une coopération universitaire et scientifique ne peut qu’être des plus profitables pour nos contrées respectives. Le projet Universitas a besoin de nouveaux partenaires et nous serions ravis d’appuyer votre candidature. De même, l’étb]ablissement de coopérations universitaires entre nos établissements et les votre me semble tout à fait à propos.

« Quant à la création d’un couloir aérien, …ajouta Aspara Sirisopa, il ne fait aucun doute que cela sera accepté par le Cercle Extérieur en un tour de main. Très sincèrement Chancelier, vos propositions sont des plus raisonnables et nous sommes tout à fait disposés à les soutenir. »

« Toutefois … intervint Lalana Preecha.

Un silence se fit entre les aimables émissaires jashuriens.

« Il reste bien entendu la question du couloir maritime entre nos deux nations et notamment de l’accès à la Leucytalée par l’ouest et l’est. L’empire rémien contrôle l’accès à la Leucytalée par l’est, mais sa situation est actuellement compromise par ses voisins directs, qui veulent se tailler la part du lion dans ses vieux restes. La situation commerciale autour de la Mer Blême risque d’être compromise dans un avenir proche, mais nous avons des partenaires fiables dans le secteur et notre projection maritime est suffisante pour contrôler les flux marchands dans la zone. Mais notre plus gros souci est la présence de « l’empire » listonien à l’ouest de la Leucytalée. Comme vous le savez sans aucun doute, notre pays a eu maille à partir avec l’inconstant ministre des affaires étrangères de cette contrée. Etant donnée l’agressivité de ce pays à l’égard des nations du monde, sa présence à l’ouest de la Leucytalée est un risque pour nos navires commerciaux. Les récentes déclarations de la Listonie à l’égard des vagues migratoires nous indiquent que la situation dans la Leucytalée risque de se dégrader dans les prochains mois si la Listonie continue à menacer diplomatiquement ses voisins d’Afarée. D’ordinaire, cela ne nous concernerait en rien, mais comme vous l’avez si bien formulé monsieur le Chancelier, votre pays aspire à être le principal acteur de la stabilité eurysienne. La Listonie étant l’un de vos proches voisins et celle-ci se militarisant à vitesse éclair, quelle sera la position de Novigrad si d’aventure la Listonie devenait de plus en plus menaçante pour la prospérité de la Leucytalée ?
En quelques instants, la démarche du Chancelier avait évolué, d’un personnage enjoué et charmeur, on pouvait maintenir entrevoir le chef d’état qui était en lui, son air grave, preuve d’une concentration totale tandis qu’il écoutait patiemment le discours de la diplomatie jashurienne. Un peu surpris de la bonne maitrise de la langue novi par le ministre jashurien, il laissa paraitre un léger sourire signifiant qu’il était satisfait du talent linguistique du ministre. Il écouta néanmoins toutes les interventions avant de faire sa réponse, il était important pour lui de tenter de découvrir les véritables attentes cachées du Jashuria. Lorsque ce fut de nouveau à son tour, il s’appliqua à répondre point par point aux premières formulations diplomatiques.

« Nous entendons vos préoccupations envers la situation autour du dossier Kotios et nous les partageons. Novigrad se place comme une alternative sûre en Leucytalée afin d’obtenir un accès au marché eurysien, en ce sens nous nous engageons pleinement à assurer la stabilité des eaux de ce secteur. Je suis donc ravi qu’un accord de libre-échange soit une possibilité pour vous, nous avons le souhait d’externaliser notre économie et nous pensons que nos peuples peuvent développer de beaux profits grâce à cette coopération. » Il s’arrêta un instant, se tournant vers Tak-Sin Chao. « Le projet Universitas est un projet ambitieux qui convient tout à fait aux besoins de nos universités. Nos intellectuels souhaitent pouvoir s’exporter et certains de nos départements universitaires auraient un besoin de renforts étrangers. De plus, notamment grâce à des efforts financiers conséquents, nos infrastructures universitaires sont tout à fait capables de se montrer compétitive à l’international. Il serait donc appréciable de recevoir votre soutien pour notre candidature prochaine. » C’est ensuite à Aspara Sirisopa qu’il accorda son attention. « Il ne fait aucun doute que nous avons de nombreuses possibilités au niveau de notre coopération, ce couloir aérien permettra notamment un flux constant de marchandises et d’échanges touristiques. » C’était un bon début pour la diplomatie novigradienne, la délégation jashurienne semblait avoir l’envie d’un accord et c’était déjà beaucoup. Mais bien évidemment, il ne fallait pas longtemps avant qu’une question épineuse ne fasse son apparition. Alexandrov resta silencieux un instant avant de continuer son discours, c’était un sujet complexe et dangereux où il ne souhaitait pas trop s’engager. « Nous pouvons vous assurer que nous gardons un œil sur l’évolution des revendications listoniennes. Nous comprenons bien évidemment vos craintes, elles sont légitimes, la diplomatie listonienne n’est décidemment pas très orthodoxe. Néanmoins nous pensons pouvoir réussir à convaincre l’Empire de ne pas exporter la guerre dans cette région, cela n’est dans l’intérêt de personne. Bien évidemment si les actions listoniennes devaient dépasser les bornes de la moralité, nous n’hésiterons pas un seul instant à lui faire un rappel à l’ordre. Si la diplomatie est toujours une option pour votre gouvernement, nous pouvons vous apporter notre soutien auprès des négociations listoniennes. Je ne doute pas que votre question cache de véritables attentes, celles-ci sont légitimes mais Novigrad souhaite préserver un maximum la paix, nous avons déjà fort à faire par chez nous. Toutefois vous pouvez être certains que nous ne laisserons pas le monde se transformer en une véritable poudrière, les services novigradiens ne manquent pas de ressources, croyez-moi. »
Les représentants de la Troisième République du Jashuria s’échangèrent des regards convenus. Les propos du Chancelier étaient mesurés et frappés sous le coup du bon sens. De toute façon, il aurait été sot de refuser les propositions du Jashuria, notamment quand celui-ci proposait des partenariats gagnant-gagnant avec ses voisins, proches ou lointain.

« Monsieur le Chancelier,reprit dame Preecha, nous ne pouvons que vous conseiller de surveiller l’Empire Listonien et ce de manière accrue. La Sérénité, notre agence de renseignement, nous transmet régulièrement ses rapports sur les activités listoniennes en matière de diplomatie. Il est parvenu à nos oreilles que la Listonie se dote en ce moment-même d’un important stock d’armes et que sa diplomatie catastrophique ne lui a pas attiré que des amitiés. Néanmoins, nous sommes rassurés de savoir que Novigrad ne prend pas le sujet à la légère et il est bon de pouvoir compter sur des nations motivées par le doux commerce plutôt que par les coups de mentons et les fanfaronnades. Le Jashuria ne peut qu’approuver ce genre d’orientation politique. »

L’objectif des Jashuriens était donc rempli. Etablir des relations commerciales privilégiées avec le Novigrad n’était pas le plus compliqué. Le Jashuria savait parfaitement que ce type de pays adorait le libre-échange et ne reculerait devant rien pour établir des marchés sur de nombreux continents. Ce genre d’attitude plaisait énormément aux Invités de la Table de Bouddha, qui voyaient dans l’établissement d’un marché mondial commun des opportunités pour placer les produits jashuriens sur de nombreux secteurs, sans entraves. Tout le monde avait à y gagner, surtout le Jashuria.

Mais le plus important dans cette conversation, était de s’assurer que le Novigrad veillerait à ce que l’Empire Listonien ne devienne pas une menace dans la région. Le Chancelier avait bien parlé pour ne pas s’engager pleinement, mais ses mots n’étaient pas tombés dans l’oreille de sourds. Il s’inquiétait visiblement de la montée en puissance de la Listonie et bien qu’il tienne à se porter garant de la stabilité de la région, le Novigrad n’était pas une nation de combattants … pour le moment. En revanche, ils pourraient s’avérer de précieux alliés, notamment via leurs services de renseignement, pour gêner les mouvements des Listoniens. C’était un jeu à double-tranchant, mais le Jashuria ne pouvait pas se permettre d’avoir l’Empire Listonien dans les pattes au Nazum. Il fallait absolument l’occuper ailleurs et multiplier les fronts pour rendre folle sa diplomatie foutraque.

Les Aleuciens appelaient ça, le Kansas City Shuffle … Quand tout le monde regarde à droite et que vous … vous regardez à gauche. Distraire la Listonie du Nazum était une priorité pour l’instant. Le Novigrad pouvait tout à fait jouer le rôle du garde-fou de la Listonie, en la tenant à l’œil. Et si les Novigradiens s’avéraient de bons partenaires commerciaux, tout serait pour le mieux. Autant faire d’une pierre deux coups.

Lalana Preecha reprit avec l’aide du traducteur :

« Nous serions ravis de pouvoir coopérer avec vos services de renseignements. La Sérénité est habile, mais il lui manque une expérience des théâtres eurysiens. Nous serions ravis de pouvoir vous faire profiter de notre expertise et d’apprendre de vous en retour. »

Apsara Sirisopa ouvrit sa mallette et en sortit une carte de Novigrad. Elle poursuivit dans le sillage de Lalana Preecha :

« Monsieur le Chancelier, le cas listonien étant désormais une préoccupation réglée, nous souhaiterions vous parler d’un petit projet que nous avons en tête et qui pourrait conforter le rapprochement de nos deux nations. »

Elle pointa du doigt un petit îlot sur la partie est de Novigrad C.F.

« Voyez, monsieur le Chancelier, cette petite manufacture des tabacs abandonnée dans les faubourgs est de Novigrad C.F. Nous souhaiterions pouvoir racheter le fond parcellaire et y installer une pépinière d’entreprises jashuriennes. Nous sommes persuadés que cette pépinière sera l’occasion de consolider les échanges professionnels entre les Novigradiens et les Jashuriens, qui pourront apprendre à travailler et à développer ensemble les technologies de demain. Qu’en pensez-vous ? »
« Il est vrai que la course à l’armement menée par la Listonie est inquiétante surtout au vue de l’inconstance de sa diplomatie, néanmoins la capacité de projection listonienne reste bien inférieure à certains mastodontes interventionnistes d’Eurysie. C’est pourquoi nous préférons tempérer cette situation qu’est la menace listonienne, celle-ci restant pour le moment minime. »

Le Chancelier savait très bien que les tensions diplomatiques entre le Jashuria et la Listonie s’étaient intensifiées, il ne pouvait se résoudre néanmoins à adopter un discours guerrier. Même si le Novigrad s’était récemment doté d’une capacité de projection offensive suffisante, la guerre n’était pas au centre des intérêts novigradiens qui espéraient encore pouvoir faire du pays la pierre angulaire du futur commerce mondial. Alexandrov savait qu’il devait toutefois offrir un petit accord d’ordre stratégique aux Jashuriens. « Très bien, j’ordonnerais à la direction générale de la DRN de se mettre en relation avec le commandement de la Sérénité, je suis certain que nos renseignements peuvent apprendre beaucoup les uns des autres et peut-être même coopérer sur certaines opérations. »

Un sourire charmeur puis il reprenait. « Je dois dire que c’est une requête surprenante mais intéressante. Ce secteur de la capitale nécessite une remise en état, il ne fait aucun doute que l’arrivée d’un quartier jashurien pourrait consolider l’attractivité renouvelée de l’îlot. Bien sûr cela ne dépend pas seulement de moi, il vous faudra négocier le prix auprès de la Mairie Centrale de Novigrad C.F, néanmoins je peux vous garantir que vous aurez notre appui sur ce dossier. » Il se doutait que l’endroit allait rapidement devenir une succursale des renseignements jashuriens, il nota dans sa tête qu’il allait devenir demander à la police secrète d’installer des micros secrets dans les bâtiments abandonnés qu’ils allaient léguer aux Jashuriens.

« Eh bien ! J’apprécie votre efficacité en termes d’affaires, les accords se font facilement avec vous ! Souhaitez-vous rajouter quelque chose ou voulez-vous que nous passions à la rédaction du traité ? »
Les Jashuriens parurent satisfaits de cette entente avec les Novigradiens. Et pourquoi auraient-ils été déçus ? Le Jashuria aimait prendre soin de ses partenaires commerciaux et n’y allait pas avec le dos de la cuillère pour faciliter les échanges diplomatiques. La diplomatie jashurienne se révélait assez efficace sur le long terme : proposer des partenariats gagnant-gagnant entre pays était toujours un bon pari, surtout quand ces derniers n’avaient aucun intérêt à lui nuire directement ou indirectement.

Lalana Preecha joignit les mains et sourit :

« Nous mettrons en contact la Sérénité avec vos services, sans faute. Nous espérons de grandes choses de cette collaboration, cela va sans dire. Quant à notre offre de rénover un îlot de votre capitale, il va sans dire que nous jouerons le jeu des négociations avec le plus grand soin. Nous savons pertinemment que nous ne pouvons pas nous imposer à vous. »

Lalana Preecha supposait – à raison – que le chancelier ne se priverait pas d’espionner les activités jashuriennes dans ces édifices … et c’était exactement ce qu’elle voulait. En focalisant l’attention des Novigradiens sur cet îlot qui au final, ne servirait que de façade à leurs activités, Lalana Preecha permettait aux agents de la Sérénité d’opérer tranquillement depuis d’autres refuges. Car les renseignements jashuriens ne traquaient pas les Novigradiens … La Sérénité recherchait des proies plus juteuses pour ses services : des agents listoniens. Le Novigrad était l’endroit rêvé en Eurysie pour pouvoir en dénicher et les … amener à coopérer. Les services de renseignement jashuriens savaient parfaitement faire disparaître les corps et chasseraient leurs proies désormais en Eurysie avec Novigrad comme base avancée.

Et tout ceci en gagnant de l’expérience avec les services novigradiens. Que demander de plus ?

« Monsieur le Chancelier, si cela vous convient, nous pouvons passer à la rédaction du traité. Nous avons vu l’ensemble des points qui nous concernaient.

Après plusieurs heures de travail rédactionnel, les spécialistes en droit international présentèrent ce document que les représentants diplomatiques devaient signer, le Chancelier s’empressa de présenter le traité aux diplomates jashuriens.

Traité Novi-jashurien.
Accord bilatéral de 2006 entre Novigrad et le Jashuria.

Préambule.

Les présents accords diplomatiques concernent les gouvernements de la République fédérale de Novigrad et la Troisième République de Jashuria. Ces accords font office de garantie légale de droit international en l’attente des ratification par les institutions législatives des états concernés. Le respect des accords engage la responsabilité des autorités novigradiennes et jashuriennes.

Article I – Ce présent traité entérine un accord de libre-échange entre Novigrad et le Jashuria, celui-ci implique une diminution des taxes et des contrôles douaniers pour les sociétés en provenance des deux pays et souhaitant investir ou vendre leur produit sur ces deux marchés.

Article II – Ce présent traité confirme la candidature de la RFN au programme Universitas avec le soutien du Jashuria, il implique aussi un accord de coopération universitaire entre les deux pays afin de permettre des échanges d’étudiants et de professeurs ainsi qu’une collaboration entre les différents départements universitaires et une reconnaissance des diplômes.

Article III – Cet accord annonce la création d’une route aérienne ainsi que d’une route maritime, toutes deux réglementaires, entre le Jashuria et Novigrad, les deux nations s’engagent à assurer la sécurité des routes.

Article IV – Cet accord autorise la création de visas spécifiques afin de faciliter l’accès des citoyens au territoire des deux pays respectifs.

Article V – Novigrad et le Jashuria entameront une collaboration entre leurs services de renseignements afin de contribuer à la paix dans le monde.

Article VI – Le Jashuria obtiendra des autorisations spéciales afin d’acquérir des bâtiments au sein de Novigrad C.F, la capitale fédérale de Novigrad.

Rédigé à Novigrad C.F, en présence des représentants légaux des deux nations,

Signature du Chancelier de Novigrad :
Signature de la Première Ambassadrice du Jashuria :
Signé par Lalana Preecha, Première Ambassadrice du Jashuria
A Novigrad C.F
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