Le cinéma populaire jashurien : Jollywood
L’élaboration progressive d’une industrie jashurienne du cinéma au cours de la seconde moitié du XXe siècle doit beaucoup à sa confrontation avec l’étranger et plus particulièrement avec les Hollywood aleuciens. Pourtant le Jashuria impose très rapidement sa singularité au sein du paysage cinématographique, grâce à ses nombreux atouts et particularités, tant dans la réalisation que la production ou les thèmes traités. Détailler les phases clés de cette confrontation d’hier à aujourd’hui permet de mieux comprendre pourquoi et comment le cinéma jashurien actuel s’imprègne des Hollywood de tous les pays pour finalement leur résister et tracer sa propre route. Les évolutions de la filière cinématographique jashurien s’inspirent directement du modèle hollywoodien présent dans de nombreux points du globe, mais elles se font au service d’un cinéma qui cherche à affirmer son autonomie, à maintenir ses particularismes, et désormais à s’exporter. Certes, depuis les années 1990, le cinéma mondial connaît une intensification de la mondialisation, des évolutions technologiques et de la concentration des activités en marche depuis la fin du XIXe siècle, pourtant, dans le cas jashurien, ces principes jouent en faveur d’une affirmation de soi, sur les scènes nationale et internationale, et contribuent par là même au pluralisme culturel.
Le cinéma jashurien des origines est avant tout marqué par sa proximité, voire sa dépendance avec le cinéma traditionnel de Fortuna. Les premières caméras et les premiers longs métrages sur le Jashuria sont avant tout des regards de Fortunéens sur le pays et il faudra attendre le milieu des années 30 et la réunification du pays pour que les premiers réalisateurs jashuriens parviennent à monter leurs propres équipes de tournage et bénéficient des fonds nécessaires de la part de l’Etat pour la réalisation des premiers documentaires sur un pays en pleine ébullition. Bien que le Jashuria se soit lancé dans cette aventure cinématographique, le pays a accusé un retard dans le domaine technique, comme dans le nombre de films produits – sans parler de leur réception à l’international. L’environnement technique du cinéma jashurien des origines reste extrêmement pauvre à ses débuts. Qu’il s’agisse de la main d’œuvre qualifié, des scénaristes, des techniciens ou des réalisateurs, tout manque au Jashuria à ses débuts, mis à part ses splendides décors naturels, qui alors, fascinent les Fortunéens. Pendant de nombreuses années, c’est bien le film étranger qui aura ses lettres de noblesse au Jashuria dans les rares salles de cinéma disponibles. Il faut reconnaître que dans les années 20, c’est bien 80% des films montrés en salle qui sont étrangers.
Dès le départ, le cinéma jashurien s’inspire des Hollywood aleuciens, qui dominent déjà le marché mondial du cinéma, pour ce qui concerne le mode d’organisation de la filière cinématographique et la mise en place d’un star-système, aussi bien que les thèmes de prédilection abordés dans les films. Néanmoins, le Jashuria se démarque rapidement du système hollywoodien en adaptant la plupart de ses principes à son propre contexte économique, politique et socioculturel. Le système des Hollywood aleucien donne la part belle aux grands studios de production et d’exploitation, avec des techniciens qualifiés, mais surtout, une organisation savamment orchestrée de la distribution des films, des contrats d’acteurs et de la médiatisation des films. C’est avant tout la création d’un réseau de distribution international et de contrôle de l’exploitation qui se met en place et qui se met à faire école au Jashuria, lors que le pays commence à se doter de ses propres structures de production et d’exploitation.
Il faut attendre la percée des producteurs indépendants, appuyés par des syndicats, pour que les systèmes pyramidaux des Hollywood commencent à se désagréger et que les acteurs et les réalisateurs acquièrent leur autonomie vis-à-vis des grandes structures. Entre les « Yes-Men » et la rationalisation à outrance de la réalisation cinématographique, c’est tout un marché de masse qui se met en place, sans pour autant tomber dans l’automatisation, car la réalisation et la production d’un film requiert des spécialistes et ne peut se décliner comme la production d’une voiture.
Les débuts du cinéma jashurien sont assez différents du modèle aleucien. En l’absence de grandes structures de production capables de transformer un scénario préétabli en production filmique, les Jashuriens doivent composer avec des entreprises plus petites et spécialisées. Le scénario n’est généralement pas livré prêt à être filmé, mais directement adapté, transformé et conçu sur le terrain. Si quelques personnalités majeures du pays parviennent à organiser des studios de taille modeste, elles ne contrôlent pas l’entièreté de la filière et se retrouvent très vite dépassées par la puissance de frappe des productions aleuciennes. Les structures locales parviennent néanmoins à s’imposer sur la scène nationale, grâce à une structuration plus forte que les petites entreprises spécialisées et sujettes à un fort taux d’échecs, les films réalisés pouvant se retrouver sans distributeur du jour au lendemain.
L'industrie du cinéma jashurien est partie sur des bases peu stables. Héritière du cinéma fortunéen et grandement influencée par le cinéma aleucien, le cinéma jashurien a peiné pour sortir de son anonymat à ses débuts. L'environnement technique au début du cinéma jashurien n'est pas à proprement parler très reluisant. Bien que les techniciens du cinéma soient présents, ceux-ci travaillaient principalement pour les productions fortunéennes. Difficile dans ces conditions de créer l'appel d'air nécessaire à la création de studios jashuriens. De même, l'absence de production locale en terme de matériel rendait difficile la constitution de lieux de tournage et d'équipes équipées avec du matériel dernier cri. Faute de matériel dernier cri, les Jashuriens étaient obligés de se tourner vers du matériel importé à vil prix et à des locations couteuses.
C’est en 1930 que la Jashurian Film Company, créée par Rajmani Dahapali, voit le jour. Compagnie privée dotée de fonds conséquents, notamment par le biais de son fondateur, la Jashurian Film Company se dote de son propre réseau de salles et commence à structurer les relations de travail entre les acteurs, les producteurs, les réalisateurs et de manière générale, toute l’industrie filmique. Des personnalités publiques, qui devinrent plus tard les pionniers du cinéma jashurien standardisé, comme Anuraag Gharapure, Saahir Jaasim ou encore Nattasit Vilailuck, profitèrent de l’appel d’air créé par la Jashurian Film Company pour monter leurs propres studios et réseaux de distribution, après de longues années passées dans les industries cinématographiques aleuciennes. En structurant progressivement la filière cinéma, de la réalisation à la distribution en passant par la production, ces pionniers donnèrent aussi naissance à toute une gamme d’acteurs qui devinrent des étoiles montantes et des célébrités bien connues au Jashuria.
Dans un pays empreint d’Hindouisme, le star-system promu par le cinéma s’ancre particulièrement bien. En effet, l’Hindouisme jashurien valorisant les incarnations divines et les illusions, les célébrités jashuriennes ont été considérées comme les supports parfaits d’une publicité continue autour de leur image. Le terreau culturel et cultuel jashurien favorise largement le star-system et ses à-côtés, générant dès l’industrialisation du cinéma jashurien une publicité continue et des revenus permettant de développer de nouveaux domaines.
Le cinéma jashurien, bien que né d’interventions extérieures à tous les niveaux des filières cinématographiques, commence à prendre son indépendance dans les années 40, au moment où le modèle des majors aleuciennes bat son plein. Suivant de près les évolutions du milieu du cinéma aleucien, où beaucoup de cinéastes et acteurs jashuriens sont formés, la filière finit par consolider ses propres réseaux et profite largement de la démocratisation de la télévision pour asseoir une certaine indépendance. Les Jashuriens, conscients de leurs propres ressources, prennent très vite la pleine mesure des problématiques liées au cinéma parlant. Dans un pays où la multiplicité des langues parlées avait été réglée par l’imposition du Jashurien comme langue standard, l’avènement du cinéma parlant a permis la préservation et la diffusion de nombreuses langues locales, notamment via le cinéma documentaire. L’introduction de la musique et de la danse avait jusqu’à présent permis de rapprocher les individus par une certaine homogénéité esthétique, mais l’avènement du cinéma parlant a rebattu les cartes. C’est en tout état de cause le Jashurien, langue standardisée, qui finit par s’imposer sur le marché du cinéma parlant national, mais il ne faut pas sous-estimer l’importance qu’ont revêtu les danses et les musiques à l’époque pour permettre une plus large diffusion à des publics qui ne parlaient pas nécessairement la même langue.
C’est dans les années 60 que la production cinématographique jashurienne parvient à s’extraire de sa forte dépendance historique aux compagnies aleuciennes. Fort de ses succès sur la scène nationale et disposant d’un vivier de spectateurs capables de soutenir l’industrie, les cinéastes et producteurs jashuriens finissent par ne plus avoir besoin du soutien des firmes aleuciennes pour générer leurs propres films et n’importent plus que du matériel.
La croissance du cinéma jashurien, bien qu’impactée par la problématique du matériel, de la structuration prudente et la barrière des langues, reste constante dans les années qui vont suivre et conduire le cinéma jashurien à affirmer son indépendance, à la fois économique et culturelle. De plus en plus familiarisés avec le cinéma, les spectateurs deviennent plus exigeants quant au fond et à la forme des films qu’ils souhaitent regarder. Ils sont à la recherche de thèmes ancrés dans la culture et les traditions locales.
Le marché du cinéma jashurien se doit, dans les années 60, de répondre aux attentes parfois contradictoires d’un public varié : des films à la fois modernes, parlant du monde globalisé qui vient progressivement au contact du Jashuria, mais aussi ancrés dans les traditions locales. Difficile dans cette situation, d’établir une synthèse idéale avec des films étrangers. La créativité locale, alliée à une industrie de mieux en mieux structurée, permet aux Jashuriens de relever le défi d’une scène cinématographique indépendante. De nouveaux producteurs indépendants prennent donc le pas sur les studios, mais doivent continuer à fournir des films populaires auprès du plus grand nombre et doivent alors opérer des compromis entre leurs standards esthétiques et les exigences du box-office. Ils souhaitent se distinguer des formules établies par les studios dans les années 1920 à 1940, pourtant paradoxalement, ce sont eux qui mettent au point les films masala, mélange d’épices, formule par excellence puisqu’il s’agit de fournir au public du divertissement total, en lui offrant à la fois de la danse, des chansons, du drame, de la comédie, de l’action et du romantisme.
Rapidement, c’est la région des perles qui s’impose comme le bassin principal du cinéma jashurien. Plusieurs pôles de production apparaissent autour d’Agartha et, bien que d’autres studios apparaissent à Azur au même moment, c’est bel et bien Agartha qui sera dans les décennies suivantes le fer-de-lance de l’essor du Jollywood. La compétition des villes du bassin des Perles finit par être perçue par l’Etat jashurien comme un moyen d’unir une nation disparate sur le plan ethnique et d’utiliser le cinéma pour promouvoir le Jashurien sur le plan national.
Dispersée sur le bassin des Perles, la production cinématographique jashurienne du sud entre doit aussi entrer en concurrence avec les municipalités d’Agartha et d’Azur, qui disposent de leurs pôles propres. Mais rapidement, c’est Agartha qui va s’imposer, de par son dynamisme économique et industriel qui permet à la mégalopole de rester en tête. La production cinématographique, bien que dispersée sur le bassin des Perles, permet à des pôles régionaux de se structurer et de gagner en importance. La proximité géographique des différents studios, alliés à la production de plus en plus rapide de matériel de cinéma permet l’essor du cinéma jashurien d’Agartha. En effet, les studios du Jollywood en train de s’affirmer dans les années 60 offrent tout à la fois des équipements, des techniques et un professionnalisme aux équipes de tournage, combinaison qu’on ne retrouve pas forcément ailleurs. Et cette efficacité attire les meilleurs éléments des autres pôles de production, qui souhaitent faire carrière. Petit à petit, on en vient à parler des Jollywood et non d’un seul Jollywood, tant la compétition entre les différentes industries cinématographiques autour du bassin des perles est féroce.
Rapidement le cinéma jashurien doit faire face à l’entrée du pays dans les marchés globalisés et à la forte pression des studios aleuciens, désireux de s’imposer sur le marché national. Il devient de plus en plus compliqué pour le pays d’ignorer les lois de la compétition dans l’industrie cinématographique, mais les expériences menées durant les précédentes décennies vont servir de base à l’essor du cinéma jashurien au Nazum. Fort de plusieurs décennies de compétition acharnée, le cinéma jashurien va envisager de « jouer collectif » à partir de 1990 pour parvenir à devancer les studios aleuciens. La prolifération des supports de diffusion, ainsi que la globalisation accrue des échanges poussent le Jashuria à tabler son développement sur les technologies de communication et d’information pour diffuser son image et ses produits sur la scène internationale.