06/05/2013
04:23:12
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El Diario Mundo

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El Diario Mundo

Journal bilingue d'actualités multilingues !

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Edmundo Estrela est-il en train de purger son administration ?

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L’abandon du statut de colonie listonienne par la ville de Porto Mundo (anciennement Port-Listonia) a certes préservé la stabilité de la cité, mais elle a également eut pour effet de la plonger dans un certain flou politique !

Contrairement à Port-Hafen où un referendum avait désigné José Esteban comme chef du gouvernement provisoire de la région, à Porto Mundo Edmundo Estrela, le maire et gouverneur de la ville s’est contenté de conserver ses fonctions tout en s’émancipant de la tutelle listonienne et en intégrant des éléments de la constitution pharoise aux lois de l’ancienne colonie. Si le statut de « port-libre » du Syndikaali est assez précis dans sa forme, la transition politique rapide de Porto Mundo laisse de nombreux trous juridiques à combler.

Le plus important d’entre eux est certainement celui qui concerne la démocratie et la gestion politique quotidienne de la ville. Pour faire simple : le Syndikaali nous laisse entièrement la main sur la manière de gérer nos affaires internes. Présenté comme une avancée significative par rapport à l’ancienne tutelle coloniale de l’Empire, plusieurs acteurs de la société civile commencent tout de même à s’interroger sur les risques inhérents à une telle indépendance.

Et si Edmundo Estrela ne rendait pas le pouvoir ?

Techniquement, rien ne l’en empêche. Maire de Porto Mundo, son élection était ensuite validée par le gouvernement impérial listonien qui faisait de lui le chef de la police locale. L’Empire disparu, Edmundo est désormais l’ultime garant du maintien de l’ordre et des institutions à Porto Mundo, le Pharois Syndikaali s’étant engagé dans les textes à ne pas faire pression sur la vie politique mundiste afin de garantir le port-libre contre toute forme d’ingérence métropolitaine.
Il ne faut donc pas s’attendre à voir demain les garde-côtes pharois débarquer en ville pour forcer le départ d’Estrela, ce qui est une bonne chose, une moins bonne si ce dernier décidait… de ne pas partir du tout.

Or les dernières informations nous parvenant de l’Hôtel de Ville sont inquiétante au regard des exigences démocratiques que la population de Porto Mundo est désormais en droit d’attendre à la suite de son indépendance. Plusieurs conseillers municipaux d’opposition auraient ainsi été démis de leurs fonctions, ainsi que des membres de l'administration, ce qui va à l’encontre des règles du jeu démocratiques, les conseillers ayant été élus. Bureaux scellés, portes entravées par des chaînes et gardées par des membres de la guarda municipal, tous ceux qui ont essayé de protester se sont vu expulser manu militari hors de l’hôtel de ville.

Estrela a fait valoir pour justifier ces exclusions que les conseillers municipaux d’opposition (il est vrai, élus du temps de l’Empire Listonien) avaient fait preuve de déloyauté envers Porto Mundo et travailleraient en sous-mains pour la couronne de Listonia. Il n’a toutefois pas apporté de preuves à ces allégations, renvoyant la responsabilité de rendre des comptes à la presse au chef de la guarda municipal, monsieur Nicolau Alonzo.

Interrogée, madame Ofelia de Piradas, conseillère municipale pour le parti Listonia Unida, dénonce « des accusations scandaleuses et sans fondements ». « C’est une honte » déclare-t-elle à notre micro, devant le parvis de l’hôtel de ville, ceinturé de policiers : « Estrela tente le coup de force et ne s’en cache même pas, il profite du flou démocratique entourant notre élection pour se débarrasser de ceux qui le gênent mais il se tire une balle dans le pieds, lui aussi a été élu sous l’Empire, si nous sommes illégitimes, il l’est tout autant ! »

Situation encore tendue pour l’heure dans le haut quartier de Porto Mundo où se concentrent les institutions de pouvoir, désormais complètement occupé par la guarda municipal. Difficile d’y circuler à l’heure actuelle et les journalistes ne reçoivent que des regards froids et mutiques lorsqu’ils cherchent à interroger les officiers sur la situation.

« Tout est normal. » déclare finalement Nicolau Alonzo sous la pression des micros qui lui sont tendus : « Il est normal que cette période de transition politique nécessite quelques ajustements, ceux qui essayent de monter tout cela en scandale sont indignes de leurs fonctions. » nous annonce-t-il avant de disparaitre derrière un cordon de policiers.

Nous n’en saurons pas plus pour l’heure mais une chose est certaine toutefois : dans un territoire comptant quelques deux-cents millions d’habitants, la situation devra se clarifier très rapidement sous peine de plonger la ville dans le trouble.
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Dans le silence des médias, les mains froides d’Estrela se referment sur Porto Mundo

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C’est une actualité qui a bien peu attiré l’attention, alors que la crise du Prodnov et les indépendances listoniennes occupent toute la place dans l’actualité des médias pharois. Pourtant, à quelques kilomètres seulement de la Péninsule d’Albi, se joue une autre pièce de théâtre non moins préoccupante.

Cela fait plusieurs mois maintenant qu’Edmundo Estrela, gouverneur et maire de la ville, s’attache à purger son administration des reliquats de l’époque impériale listonienne. Loyalistes comme nationalistes, pour ou contre l’indépendance, les postes de pouvoir ont été progressivement redistribués au sein de la société civile pour les arroger aux proches d’Estrela. Un petit putsch silencieux qui survient dans une société où les règles démocratiques et constitutionnelles ont été gardées volontairement floues afin de ne se mettre ni en porte-à-faux avec l’Empire Listonien, ni avec le Pharois Syndikaali.

Si cet entre-deux juridique a permis dans un premier temps de répondre aux désirs d’autonomisation de la province, portés par sa population, il avait pour défaut de faire reposer la responsabilité de la transition politique de Porto Mundo sur les seules épaules de son gouverneur Edmundo Estrela. En moins d’un an, ce ne sont pas moins de cent-vingt personnes qui ont été licenciées, souvent sans aucun préavis, et remplacées au pied levé par du nouveau personnel à la mairie. Si rien de tout cela n’est véritablement illégal, le renvoi d’élus municipaux a soulevé de vives craintes au sein de la société civile mundiste qui a soudain pris la mesure du tournant anti-démocratique de la gestion d’Estrela.

Plusieurs associations ont ainsi protesté contre ce qu’elles considères comme des atteintes aux libertés promises par le Syndikaali. Divisées quant à l’attitude à adopter vis-à-vis du « grand frère » Pharois, certaines ont tenté d’interpeler ses élus sur le sort de Porto Mundo, quand d’autres continuent de craindre l’ingérence. Si certains politiciens albiens sont ainsi pu condamner l’attitude d’Estrela, les traités unissant Porto Mundo au Syndikaali empêchent formellement toute action d’influence politique directe de ce-dernier. En garantissant la souveraineté intérieure du port-libre, le Syndikaali l’a rendu seul maître de son destin et s’est volontairement privé de leviers d’action pour garantir les droits de ses citoyens.

Les gages accordés par le Syndikaali à Porto Mundo pourraient ainsi se retourner contre lui, estiment plusieurs politologues. Un sentiment cruellement ressenti par les associations mundistes de défense des droits qui se découvrent livrées à elles-mêmes, spectatrices impuissantes d’un déni de plus en plus flagrant de démocratie. La mise à l'arrêt brutal du processus de libertarisation de la politique impériale qui avait pourtant été l’une des revendications principales lors de l’indépendance de la région.

Ce sentiment entre toutefois en contradiction avec la faible culture démocratique des Listoniens qui, s’ils ont pu élire leurs représentants dans certaines provinces d’outre-mer, restaient toutefois soumis à la tutelle impériale en métropole, limitant de fait leur capacité à influer sur la macropolitique de l’Empire. Cantonnée à un droit souvent strictement consultatif sur des ajustements d'échelle régionale, une majeure partie de la population s’est détournée des questions politiques, laissant la gestion des affaires courantes aux notables locaux, pour partie originaires de Listonia et venus dans le nord pour affaires.
C’est sans doute cet héritage qui explique la relative léthargie de la société civile face aux agissements d’Estrela, d’autant qu’avec le réveil récent de la Listonie et le déploiement d’une flotte militaire en Afarée, plusieurs commentateurs s’inquiètent de ce que des troubles populaires pourraient envoyer comme message à l’ancien colonisateur. Entre deux maux, les quelques abus de pouvoir d’Estrela paraissent assurément bien plus tolérables qu’une reprise des conflits entre Pharois et Listoniens pouvant aboutir à la ruine de la région.

De multiples facteurs expliquent donc le silence général qui accompagne le lent détricotement des contre-pouvoirs à Porto Mundo. Deux associations qui appelaient à manifester ont ainsi été dissoutes par décret municipal, sous le prétexte fallacieux qu’elles auraient propagé des appels à la violence et à divers actions illégales. Une très large interprétation de la loi de sécurité intérieure de Porto Mundo qui prévoit en effet l’utilisation de moyens policiers expéditifs face aux menaces – une disposition prévue pour empêcher toute tentative d’ingérence étrangère sur le sol mundiste – mais qui permet au pouvoir de censurer et d’interdire les mobilisations de l’opposition sur la simple interprétation de leurs slogans et mots d’ordre.

De nouveau mouvements sociaux se préparent, explicitement pacifistes pour éviter l’interdiction, mais pour l’heure la mairie n’a pas encore délivré de permis de manifester, sans apporter plus de précisions, ce qui contraint de fait les organisateurs à la patience.

Quant aux conseillers municipaux limogés, si un certain nombre se font discrets en raison des accusations d’accointances – parfois justifiées, reconnaissons-le – avec l’ancien pouvoir colonial, d’autres ont pris la tête de la contestation quand certains ont émigrés vers le Syndikaali afin d’y faire entendre leur voix. Le problème concernant l’administration listonienne est que plusieurs des griefs qui lui sont reprochés ne sont pas dénués de fondements et que des cas de corruptions ou de conflits d’intérêts ont bel et bien été relevés par la presse ce qui décrédibilise l’opposition à Estrela, renvoyée à sa supposée loyauté à l’Empire qui fait l’objet d’un fort rejet.

Situation complexe, donc, dans laquelle le Syndikaali ne semble décidément pas décidé à se mouiller, ayant déjà fort à faire dans l’Est et toujours en pleine négociations avec la Listonie autour du sort du Shibh Jazirat Alriyh. Même les forces communistes, pourtant souvent partisanes, ont nuancé la situation, reconnaissant des torts partagés aussi bien du côté de la mairie que de l’opposition. Seule la Fédération anarchiste a apporté un soutien inconditionnel à « toute émanation populaire et libertaire, face aux velléités de tyrannie » ce qui part certes d’un bon sentiment mais se révèle au fond assez vague, aucun camp ni nom n’étant explicitement mentionnés.
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Sous les neiges du nord, Porto Mundo troque sa noblesse pour une oligarchie

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Dans le silence de la communauté internationale – qui en a quelque chose à faire du sort de Porto Mundo ? – et le désintérêt du grand frère Pharois, Edmundo Estrela achève sa révolution de Palais. Un véritable petit remplacement qui aura vu, en l’espace d’un an de travail de sape, l’ancienne administration substituée par une nouvelle élite locale, sous la coupe d’un seul homme.

C’est le dernier clou planté à l’héritage impérial, du moins en apparence. Sous le verni du nouveau régime où tous les pouvoirs gravitent autour du maire omnipotent, la structure politique de Porto Mundo reste la même : nous avons troqué les privilèges de la noblesse listonienne pour ceux d’une oligarchie de connivence, composée de nouveaux riches, et dont la sociologie n’a cela de différente que le fait d’être dans les petits papiers d’Estrela. La révolution démocratique n’a pas eu lieu, les élites ont tout simplement changé de visage.

Il faut les voir, les courtisans, les flagorneurs, aller et venir dans le quartier de l’hôtel de ville qui s’est gentrifié à toute allure. Les immeubles et les demeures modestes ont été rachetées, transformées en hôtels particuliers et en maisons de maîtres. Il a suffit d’une année pleine et de la réorganisation des flux de richesse pour voir la ville changer drastiquement, autant de population que de figure.

Autrefois plateforme militaire et commerciale de l’Empire, une grande partie des profits réalisés à Porto Mundo repartaient à Listonia où ils étaient ensuite redistribués selon le bon vouloir et les ambitions géostratégiques de l’Empereur. A présent que cet aspirateur à liquidité s’est partiellement tari – le Syndikaali ne prélève que très peu de taxes sur les Ports Libres – les élites mundistes ont quartier libre pour se redistribuer l’importante manne financière que représente les bénéfices du commerce dans le Détroit.

Le bannissement ou l’éloignement de l’ancienne noblesse listonienne par Estrela a laissé la place vacante pour une oligarchie d’aventuriers. Si la plupart sont des fidèles de longue date du maire, on compte aussi dans le lot nombre d’ambitieux Pharois ayant flairé à Porto Mundo le filon de la fortune. Ces nouveaux riches qui ont rapidement mis la main sur des secteurs entiers de l’économie, jusque-là restés vacants faute de stabilité politique, sont les nouvelles fortunes de Porto Mundo et toutes doivent leur position à leur proximité avec le maire, ce qui assure à Estrela la mainmise sur l’économie de la province par procuration.

Reste à savoir ce que fera Porto Mundo de ces secteurs et si ces-derniers seront véritablement capables de se démarquer de leurs concurrents dans le Détroit. Pohjoishammas et son économie du crime, Etelähammas et son économie de plaisance et de tourisme ou encore la Caprice Coaste qui, si son architecture et ses mœurs sont plus albiennes que listoniennes du fait d’une colonisation tardive, accueille toutefois une large partie des exilés de Listonia de la première heure. Il va donc falloir se démarquer pour Porto Mundo si la ville veut continuer de prospérer, coupée des liquidités et des ambitions impériales qui en faisait un lieu d’intérêt central pour l’ancien métropole. Point de chute stratégique sous l’Empire, Porto Mundo est désormais un Port Libre comme les autres, à ceci-prêt que son modèle politique se rapproche plus de l’oligarchie de cour que du municipalisme libertaire comme dans les trois autres villes sous régime similaire.

S’entourer d’aventuriers et d’entrepreneurs excentriques suffira-t-il à Estrela pour tenir la barre ? C’est un pari risqué car les citoyens bénéficiant de la double nationalité pharo-listonienne, les lieux d’émigrations sont nombreux pour sa population qui n’acceptera pas éternellement l’omnipotence de son maire en ce qui concerne l’économie et les affaires intérieures. D’autant plus qu’entre Albigärk et la Caprice Coaste, les destinations accueillantes pour les émigrés mundites de culture et de langue listonienne ne manquent pas.

Si Estrela veut transformer l’essai, il lui faudra donc plus que de simplement concentrer les pouvoirs entre ses mains car à l’instant où la population s’enfuit, c’est toute la province de Porto Mundo qui pourrait progressivement se dévitaliser, entraînant la fuite des investisseurs et un cercle vicieux de paupérisation générale.

La conclusion de cet article, majoritairement inspirée des travaux de la professeure Josefiina en géo-économie de la Musta Akatemia d’Albigärk, El Diario Mundo n'est pas le seul à l’avoir faite. Nombreux sont les opposants d’Estrela qui, bien que le maire leur ait coupé les ailes, attendent désormais sa chute voire s'agitent en sous-main pour l’accélérer. Si les plus farouches partisans de l’accélérationisme ont dès à présent entamé un travail de propagande visant à détourner les investisseurs de Porto Mundo, d’autres refusent encore de saborder une ville à laquelle ils sont attachés. L’enjeu pour eux est alors de faire porter à Estrela la responsabilité du déclin de la province et la nécessité de libéraliser aussi bien l’économie que la politique. Un message d’autant plus simple à faire passer que ce-dernier travaille activement à imposer son pouvoir de manière unilatérale sur la ville.

Dans cette partie d’échec qui se joue entre Estrela et ses opposants, le maire semble sans conteste avoir réussi son premier coup. Reste que le pouvoir à Porto Mundo demeure fragile et les crises qui se profilent à l’horizon sont l’assurance que les opportunités de rebattre les cartes seront nombreuses. L’avenir de Porto Mundo reste à ce jour une page vierge à écrire.
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Estrela prend la voie de la militarisation pharoise

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Réception donnée à l'hôtel de ville en présence de dignitaires Mundistes et Pharois pour célébrer la signature de l'accord.

Nous l’avions déjà évoqué dans un article précédent : la concurrence est rude dans le Détroit. De nombreux détracteurs d’Estrela et opposants à sa politique n’avaient pas manqué de souligner que celle-ci, parce qu’elle se menait dans une situation d’affrontement économique directe avec les autres ports-libres du Syndikaali, ne pouvait qu’être vouée à sa perte. Manifestement, Estrela est parvenu à sauter l’obstacle malgré tout, et à la surprise de ceux qui prédisaient sa chute imminente.

Quelle carte Porto Mundo peut-il bien jouer dans la vaste partie de poker menteur qui voit s’affronter les quatre ports libres du Syndikaali ? Pohjoishammas est de notoriété une plaque tournante de contrebande, offrant sans distinction d’acheteur tout ce qui se vend et s’échange dans ce bas monde. De l’autre côté de la mer, sa sœur, Etelähammas, préfère miser sur le tourisme et la tranquillité de la vie, au point qu’ils sont nombreux à faire le trajet entre les deux cités portuaires plusieurs fois dans la journée. La Caprice Coast, pour sa part, est un point de chute pour les amis des arts et de la culture, ayant très tôt été le point de jonction entre la culture albienne et listonienne, chacune historiquement d’une grande richesse.

Tandis que toutes les places semblent prises, Porto Mundo avait de quoi s’interroger : les économies d’échelle l’empêchant grossièrement de mener la concurrence aux autres ports libres sur leurs secteurs d’activités de prédilection, s’il ne souhaitait pas devenir la plus pauvre des trois villes, il fallait sans tarder trouver un marché vide où se tailler des parts. Un défi de taille, surtout qu’en se coupant d’une part non négligeable de la société civile mundiste, Estrela semblait bien parti pour devoir le surmonter tout seul, entouré qu’il était de conseillers opportunistes et n’ayant pour autres talents que leur loyauté.

C’était apparemment sans compter la ressource de l’ancien gouverneur impérial, gradé militaire et ex-conseiller ministériel aux affaires coloniales de l’Empire. Comme un plan préparé de longue date, Estrela avait commencé par étapes à se rendre indispensable à Porto Mundo. Pièce maîtresse de la politique provinciale, il était petit à petit devenu… la seule pièce du plateau. En s’entourant d’un cour de flagorneurs et d’aventuriers, et en balayant hors des cercles du pouvoir ses rivaux, il était devenu l’unique interlocuteur pour le Syndikaali qui suivait avec méfiance ses manœuvres.

A présent qu’Estrela possédait toutes les cartes en main, il lui a paru propice de passer à l’action. En résulte l’accord signé cet après-midi et annoncé par surprise et en grande pompe entre le gouverneur et l’état-major du Syndikaali : si Porto Mundo ne peut être une place commerciale dans le Détroit, il pourra en devenir la place fort. Un rôle qui semble tomber sous le sens au regard de la position géographique de la cité sur le Fjord, située à l’exacte embouchure du Détroit et faisant face à la province walserreichienne du Nörteborg.

C’est à ce titre que Porto Mundo est parvenu à négocier un investissement net s’élevant à un peu plus de neuf milliards d’écailles pharoises pour la ville. De quoi faire quasiment doubler son PIB annuel en un trait de plume, une manœuvre qui boostera à coup sûr l’économie mundiste. Celle-ci, d’ailleurs, semble bel et bien destinée à devenir un ville dortoir pour la garnison pharoise qui y logera et pour les ingénieurs militaires nécessaires à faire tourner les futures usines d’entretien militaire du Syndikaali.

Car il s’agit bien de cela : accueillir les silos à missiles Pharois dans le Détroit, dont Porto Mundo aura la charge de l’entretien. Une nouvelle qui ravira assurément les investisseurs et commerçants mundistes, mais qui fait l’horreur de l’opposition à Estrela :

« Comment le Pharois peut-il valider le tournant autoritaire du maire ? C’est à rien n’y comprendre ! Et lui donner le contrôle de silos à missiles, c’est de la folie. »

De la folie peut-être, néanmoins ces-derniers resteront sous la stricte protection de la marine pharoise qui seule pourra décider d’en faire usage. Pas de quoi rassurer les associations et ancien collaborateurs d’Estrela qui se sont organisés en collectif pour s’opposer à sa politique. Celui-ci a d’ailleurs appelé à manifester à Caprice Coast dès le lendemain de l’annonce de la signature du traité. Pas de quoi faire reculer ni Estrela, ni l’état-major pharois cependant, qui n’ont pas réagi aux accusations.

Pour Estrela, il s’agit sans conteste d’un joli coup qui vient de dynamiser sa ville de manière inespérée, balayant l’équivalent de six mois de pertes démographiques et économiques engrangées par la ville à la suite de la mise en place de politiques autoritaires par le maire.

« Des Listoniens ou des soldats Pharois ? Qu'est-ce que j'en ai à faire, pourvu qu’ils travaillent ? » aurait déclaré Estrela, apostrophé par un journaliste militant sur le chemin du retour à l’hôtel de ville. « Porto Mundo ne va pas commencer à se plier aux caprices de petits politiciens sans envergures qui l’auraient de toute façon envoyé dans le mur. J’ai hérité d’une situation compliqué, et maintenant la ville va connaître une croissance sans égal dans son histoire, qu’on me juge sur mon bilan, pas sur mes méthodes. »

Reste que transformer Porto Mundo en ville caserne n’est assurément pas sans risque, en premier lieu pour le tissu économique de la ville, et la qualité du voisinage qui seront assurément bouleversés en profondeur par de tels changements. Mais faute d’élections pour le sanctionner, Estrela craint-il vraiment qui que ce soit à Porto Mundo ?
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Dans le concert pharois, Edmundo Estrella fait une fois de plus entendre sa propre partition

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C’est un retournement de situation un peu inattendu auquel vient d’assister Porto Mundo lors de la prise de parole de son maire, Edmundo Estrella, devant les caméras ce matin. Alors qu’il était attendu que celui-ci soit présent à l’inauguration de la base d’entraînement des réservistes de l’armée pharoise – un projet de grande ampleur, vanté par le gouvernement et dont le budget se chiffre en dizaines de milliards d’écailles, rien de moins – le noble Listonien semble vouloir persister à jouer ses cartes là où l’on ne l’y attend pas. Dans une conférence de presse improvisée, Estrella a non seulement annoncé qu'il ne se rendrait pas à l'inauguration de la base, mais a également fait valoir, à la grande surprise des officiers Pharois sur place, que cette-dernière représentait une atteinte à la souveraineté de la région et devait être compensée par des gages de garantie de son indépendance.

Voilà un coup auquel l’état-major du Syndikaali ne s’attendait sans doute pas. Pour rappel, Edmundo Estrella, en proie depuis plus d'un an à une fronde interne dans le port libre de Porto Mundo, ainsi qu'à une fuite massive de capitaux vers les autres provinces du Syndikaali, était parvenu à retourner assez magistralement la situation* en se voyant accorder l’implantation d’une base militaire pharoise sur son sol. Un projet gagnant-gagnant qui, en plus de renforcer la capacité de projection et d’intervention du Syndikaali à l’embouchure du Détroit du nord, assurait à Estrella le déblocage d’un budget militaire d’État estimé à quarante milliards d’écailles pharoises, soit un peu plus de cent-vingt mille équivalent or.

Une somme considérable destinée à moderniser le port et les infrastructures de la ville, et qui assurait à Porto Mundo la présence continue de plus de soixante-quinze mille militaires pharois sur son sol, dont la responsabilité de pourvoir à leurs besoins était réservée au marché mundiste. Autant dire une rentrée d’argent continue pour Estrella grâce aux taxes, des emplois pourvus et un regain de confiance pour les investisseurs. Le tout en légitimant son pouvoir et ses décisions de par la bienveillance dont faire indirectement preuve le Syndikaali envers Porto Mundo. Le gouvernement pharois s’était d’ailleurs vu vertement critiqué par des associations pharo-listoniennes, accusant les ministres et l’état-major du Syndikaali d’encourager l’autoritarisme au cœur même du bastion libertaire.

Le contexte, et la multiplication des conflits dans l’océan du nord avait toutefois réussi à convaincre l’opinion publique de la nécessité de renforcer les accès stratégiques aux mers sous contrôle pharois et la polémique s’était éteinte d’elle-même. Demeure que l’état-major avait sans doute cru acheter la loyauté d’Estrella en lui fournissant ainsi les capitaux économiques et symboliques pour poursuivre sa politique intérieure en paix, le gouvernement Pharois se refusant d’ailleurs à tout commentaire sinon pour rappeler qu’en vertu des accords signés entre le Syndikaali et Porto Mundo, ce-dernier gardait toute latitude sur sa politique intérieure, fut-elle autoritaire. En effet, rien dans le bloc constitutionnel pharois ne vient véritablement empêcher ce genre de coup de force, le pays ayant développé une grande résistance culturelle au césarisme, il est toutefois jugé qu’en cas de danger, ou de volonté populaire, des aventuriers providentiels peuvent légitimement émerger.

C’est donc avec surprise que les officiers pharois ont découvert ce matin même, par les médias, qu’Edmundo Estrella avait désigné la présence de militaires du Syndikaali à Porto Mundo comme une menace pour la souveraineté de la région. « Si votre voisin vous garantit la liberté mais vous fout un canon de 50 sous les fenêtres, pardon de ne pas être le dernier des perdreaux et d’y voir une menace. » a déclaré le truculent maire de la ville. Un franc parler qui a suffit à provoquer une petite polémique, mettant l’état-major pharois en difficulté pour répondre à des accusations auxquelles manifestement ce-dernier ne s’attendait pas. Un officier interrogé déclare d’ailleurs : « Tout a été négocié avec monsieur Estrella, nous ne lui avons pas fait de coup dans le dos, c’est incompréhensible cette attitude… »

Pas si incompréhensible que ça, si on prend la situation pour ce qu’elle est : Estrella n’est pas l’ami des Pharois, tout au plus se sert-il du Syndikaali pour renforcer sa propre position. Dans un tel contexte, la présence militaire pharoise a autant été une clef stratégique pour balayer les critiques de l’opposition l’accusant de ne pas donner à Porto Mundo les moyens de se développer, autant maintenant que ce but est atteint le maire peut-il changer son fusil d’épaule pour réclamer des compensations au Syndikaali.

« Vingt-mille hommes à Porto Mundo, c’est un minimum. Les Pharois comptent m’installer soixante-quinze mille soldats sous le nez, c’est pas trop demander que d’en avoir le quart à ma solde. »

Une proposition immédiatement refusée par l’état-major qui dénonce les ambitions « clairement inappropriées » d’Estrella. « Porto Mundo est un port libre, ce qui signifie qu’en dehors de ses forces de police, la défense militaire de la région revient exclusivement au Syndikaali. »

« Qu’on me donne vingt-mille gendarmes alors ! » a répondu du tac-au-tac le maire, par média interposé. « Quel port libre accordera sa confiance aux Pharois si à la première occasions ceux-ci vous pondent une base militaires dans votre jardin ? »

L’échange pourrait sembler un peu ubuesque si Estrella n’avait reçu des soutiens – parfois inattendus – au cœur même de l’armée Pharoise. Il faut dire que le maire de Porto Mundo a passé l’année dernière a s’entourer d’une petite cour d’aventuriers partageant clairement ses ambitions et sa soif de pouvoir. Résultat, le Parti Pirate, dont les députés représentent tout de même un tiers des chambres, a vu plusieurs de ses cadres se rapprocher d’Estrella et des noms importants du milieu tel que celui de Kylli la vipère bleue ou encore le capitaine Eero « trois putains » se sont invités dans le débat, brouillant les rapports de force.

Si le Parti Communiste Pharois a dénoncé unanimement « des revendications grotesques », fustigeant une attitude « de roitelet » du Listonien, le Parti du Progrès, la troisième force électorale du pays, pourrait bien jouer les arbitres. Or c’est bien cette formation politique dont la doctrine politique est la plus floue, sur le terrain. Souvent opportunistes, les libéraux accordent dans les faits moins d’importance qu’ils ne le disent au respect de la démocratie ou des droits fondamentaux, préférant souvent jouer leurs cartes selon les rapports de force en présence dans le but principalement de conquérir de nouveaux marchés. Si Estrella parvient à convaincre le Parti du Progrès que lui accorder ce qu’il demande est une bonne chose pour les intérêts pharois, les réticences de l’état-major ne pèseront pas grand-chose face à une décision votée par les deux tiers des députés des chambres.

Edmundo Estrella a rendez-vous ce mardi avec le Citoyen Ministre Kaapo, affaire à suivre. L'inauguration de la base militaire, quant à elle, s'est bien déroulée, malgré l'absence remarquée du maire sur fond de polémique. Ce sont pas moins de cinquante-mille cadets qui ont débarqué sur le port pour écouter un discours du Citoyen Sakari, le ministre de la Défense territoriale, avant de se lancer dans une visite de la ville qui les abritera pendant une année pleine, à leur retour de leur tour du monde initiatique.
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Estrella obtient gain de cause !
Porto Mundo autorisé à disposer d'une force militaire autonome

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Si tôt négocié, si tôt accordé. Au grand damne du Parti Communiste Pharois et des associations de défense mundistes qui militent depuis plus d’un an contre les méthodes de gouvernance d’Edmundo Estrella, le Pharois Syndikaali vient de voter la constitution d’une force militaire autonome à Porto Mundo, formée par des cadres de la marine pharoise. Un projet qui nécessitera, semble-t-il, de voter encore quelques augmentations des fonds supplémentaires pour les allouer à la base militaire du port-libre. Celle-ci en effet a désespérément besoin d’agrandir ses infrastructures, déjà critiquées en raison d'une sous-dotation budgétaire*.

Le gouvernement du Syndikaali a toutefois promis de débloquer 30 000 écailles dans les trois prochains mois. Une somme conséquente, il est vrai, mais nécessaire aux travaux devenus urgents à Porto Mundo. Les cadets ont déjà déposé plusieurs doléances à l’état-major en raison de leurs conditions d’hébergement et on craint une multiplication des mini mutineries. Dans ce contexte, la décision d’allouer à Estrella l’autorisation d’entraîner sa propre force militaire peut donc sembler inapproprié. Le Parti du Progrès et le Parti Pirate, les deux formations à avoir voté l’allocation du budget se sont toutefois montrées rassurantes :

« La formation d’une ‘guarda coloniale’ professionnelle ne pourra débuter que dans quelques mois, le temps pour l’industrie militaire de produire les armes nécessaires à l’entraînement. D’ici là, les formateurs militaires n’occuperont pas la base de Porto Mundo mais logeront en ville, ce qui ne devrait pas trop peser sur la capacité d’occupation du centre de conscription. Le temps que la production d’armes soit achevée, nous aurons terminé la rénovation de la base militaire. »

Une explication qui convainc modestement les officiers et les cadets présents à Porto Mundo. Edmundo Estrella, lui, s’est félicité de ce grand pas en avant pour les relations pharo-mundistes qu’il considère comme un symbole d’une fraternité internationale et anti-impérialiste. Il s’est d’ailleurs fendu d’une déclaration satisfaite sur le perron de l’hôtel de ville :

« Souvent, les gens parlent pour faire oublier qu’ils n’agissent pas. Les mots, les actes, ce n'est pas interchangeable. J’ai craint que le Syndikaali ne se comporte comme une énième puissance coloniale, un substitut impérialiste à l’autorité impériale de Listonia. Il n’en est rien, j’ai pensé à mal. Porto Mundo sera bientôt en mesure de se protéger elle-même, quel plus beau signe de respect de la souveraineté d’autrui que de lui permettre de voler de ses propres ailes ? si vous aimez les métaphores foireu… pharoises. »

En ce qui concerne les futurs uniformes de la guarda, ceux-ci feront l'objet d'un appel d'offre auprès des créateurs de haute couture. Les consignes de la commande d'Estrella furent aussi sobres que limpides : "garder l'esprit Listonien, mais adapté aux températures du nord". Voilà qui devrait laisser de la marge de manœuvre aux artistes.

Beaucoup plus discret, ont noté certains, est le départ d’un nombre de formateurs équivalent vers la République de Peprolov. Une petite ligne dans un texte de loi que certains semblent espérer voir passer inaperçue.

*[hrp] au moment de la rédaction de l'article, seules 3 usines militaires sont construites, pour une quantité de matériel qui en réclame 4 d'entretien.
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En prenant position face aux crimes de guerre du Pontarbello, Estrella prend le chemin d'une posture de chef d’Etat

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L’aristocrate Pharo-Listonien avait encore tout à prouver aux yeux de l'opinion publique, d'autant que la presse et les divers associations de défense des droits n’ont pas été tendres depuis la prise d’indépendance de Porto Mundo vis-à-vis de l’Empire. Méthodes mafieuses, exploitations du flou juridique de son statut de maire, et une lente prise de contrôle des principaux secteurs d’activité de la ville au profit de ses proches, c’est peu de dire que la politique d’Edmundo Estrella est loin de faire l’unanimité. Si le Syndikaali est un grand habitué des petits arrangements entre amis, pots-de-vin et autres mises en place de baronnies du crime ou de copinage, c’est principalement le caractère autoritaire du maire qui déplaît à ses opposants. Mais de manière générale, la fronde vient surtout des Pharo-Listoniens qui ont, pour certains, cru aux promesses de démocratisations de la ville sur le Fjord. L’immigration vers le port de la Caprice Coast, où réside une grande communauté listonienne, est toujours possible, mais elle se fait le cœur lourd et non sans quelques projets de revanche à l’égard du petit despote.

Reste qu’au grand damne de ses adversaires politiques, Estrella poursuit son bonhomme de chemin et vient, en se présentant aux côtés du Syndikaali et de plusieurs autres ex-colonies Listoniennes, de se doter d’une stature politique internationale. On oublie aisément les crimes des uns, lorsque ceux-ci sont victimes de crimes plus abominables encore et la prise de pouvoir d’Estrella et de sa cour sur l’économie de la province de Porto Mundo pèse peu face à la dénonciation, relayée par les vastes réseaux de communication pharois, de crimes de guerre en Aleucie. Il faut dire aussi qu’à côté des visages graves et fermés de l’état-major Pharois ou des représentants de Port-Hafen et du Shibh Jazirat Alriyh, la personnalité du maire détonne, et ses annonces outrancières indignent autant qu’elles séduisent. Alors qu’il sans doute le moins parlé de la conférence de presse, Estrella crève l’écran et même lorsqu’il ne parle pas, ses regards sombres et hargneux semblent sans cesse promettre la prochaine éruption.

En prenant la parole en tant et aux côtés de chefs d’Etat, le maire de Porto Mundo a confirmé sa place et son rang sur l’échiquier international. Celle d’une nation mineure, certes techniquement assimilée au Syndikaali dont elle est un port-libre, mais capable de prendre la parole pour elle-même, et d’agir de sa propre initiative, y compris a contre-courant de la parole pharoise. Si certains y verront un jeu de dupe, un petit théâtre de marionnettes répété à l’avance où chacun a joué son rôle de bon flic ou de méchant flic, c’est selon, pour une partie de l’opinion publique, et les Mundistes particulièrement, il ne fait désormais plus grand doute qu’il faudra composer avec Estrella dans l’avenir. La perspective de voir l’aristocrate battu dans les urnes – rappelons qu’aucune élection n’a été ne serait-ce qu’évoqué à Porto Mundo depuis l’indépendance – ou que le Syndikaali puisse faire pression sur lui pour le pousser vers la sortie s’éloigne.

Car la seule épine dans le pieds d’Estrella à ce jour était son manque de légitimité politique et populaire. En prenant le contrôle de l’économie de la province, dont il a donné les clefs à ses proches, clique de nouveaux riches et d’oligarques pour moitié nobliaux Listoniens, pour l’autre aventuriers pirates, Estrella craignait peu du côté d’une fronde de sa bourgeoise. D’autant que son intégration à l’économie pharoise a définitivement éloigné les risques de pénuries. Côté militaire, le maire a obtenu le droit de former sa propre guarda, soit quelques dix-milles gendarmes dont le statut est assez bâtard puisque, si la défense du territoire reste de la responsabilité du Syndikaali, la sécurité intérieure et la fonction policière, elle, sera assurée par cette nouvelle milice aux ordres de la municipalité. Tenant l’économie d’une main et la force militaire de l’autre, glissé sous l’ombre du Syndikaali, Estrella manquait encore d’une carrure politique internationale pour pouvoir définitivement se lancer dans le grand bain. C’est chose faite.

Reste maintenant à savoir ce que le maire, qui semble avoir une haute idée de son destin personnel, fera de ce champ libre. Ses dernières déclarations pourraient laisser penser qu’une opération militaire serait prévu, avec tout ce que cela implique d’embûches et de questions aussi bien logistiques que juridiques. Pas certain que le Syndikaali, qui a toute souveraineté sur Porto Mundo en termes de défense nationale, laisse un hussard tenter la grande aventure sans rappeler qu’ils ont leur mot à dire. De toute façon, Porto Mundo n’est pas en mesure de produire son propre armement, l’ensemble de son industrie étant celle de la base militaire pharoise sur laquelle repose littéralement une partie de l’économie de la province, en concurrence avec les autres ports-libres de la région.

Dans l’absolu, il faut rappeler qu’Estrella n’a pas besoin de jouer les chefs de guerre pour se légitimer. Son parcours de militaire au sein de l’armée Listonienne est déjà susceptible de séduire les quelques bandeurs de galons que compte son entourage. Côté Pharois, c’est moins la carrure martiale qui impressionne que la capacité des aventuriers à parvenir à leurs fins, l’audace pirate, la débrouille contrebandière. Mais il n’est pas certain non plus que le maire de Porto Mundo cherche au fond à séduire qui que ce soit. Le chemin que semble dessiner Estrella pour lui-même est avant tout le projet d’un seul homme, éduqué au sein de l’aristocratie impériale, et que les circonstances politiques ont hissé au plus au niveau d’un micro-Etat sur lequel il n’a depuis cessé de renforcer sa mainmise. Littéralement courtisé, assis sur la manne de richesse que représente la région du Détroit, sans doute l’une des plus florissante du monde, Estrella demeure un vieil homme ambitieux qui, au soir de son existence, n’a plus de temps à perdre pour parachever ce qu’il croit être son destin.
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Plusieurs sites pontarbellois fermés pour « apologie du terrorisme »


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Cyberpiraterie, le Syndikaali prend également la main.

ATTENTION
Considérant les crimes de guerre dont s’est rendu coupable le Pontarbello et sa qualification d’État terroriste par la justice de plusieurs nations dont celle du Pharois Syndikaali et celle de Porto Mundo, le site que vous essayez de consulter n’est plus disponible dans votre pays.

A l’heure où les VPN ne font pas encore de publicité partout sur internet, la propagande de Santialche vient de subir un sacré coup d’arrêt avec sa récente qualification de « soutien et/ou apologie d’actions ou de groupes terroristes ». Une décision de justice qui autorise les instances de régulation d’internet à fermer les canaux de communication jugés dangereux. Résultat, plusieurs internautes ont pu voir s’afficher, au moment de cliquer sur certains sites ou en dessous de postes sur les réseaux sociaux, des messages d'avertissement renvoyant à un article décrivant le contexte international et les crimes commis par le gouvernement de Santialche.

Si certains internautes n’y verront que de la propagande démocrate cherchant à censurer le seul véritable pouvoir anti-colonial listonien, cette mesure a l’intérêt évident de cibler la population moins informée ou intéressée par ces questions. Monsieur et madame tout le monde qui, susceptibles d’être mollement touchés par la communication pontarbelloise, découvriront horrifiés les crimes de l’ANPL et pourront, en quelques clics, tomber sur la traumatisante vidéo de cette-dernière ouvrant le feu sur des civils. Une vidéo dérangeante que le gouvernement pharois ne semble pas très pressé de faire retirer de l’internet, prétextant y travailler mais avoir des difficultés à cause des internautes qui la repostent sans arrêt.

Face à cette offensive médiatique, les partisans du Pontarbello se retrouvent quelque peu démunis et devront trouver d’autres voies pour partager la propagande du régime. Il faut dire que sans aucun moyen de diffusion culturelle, le régime de Santialche en est à compter sur la bonne volonté de sa population civile – pas toujours très motivée à l’idée de justifier d’embarrassants crimes de guerre – ou éventuellement sur l’aide de l’Alguarena, ce qui risquerait d’éclabousser Aserjuco de l’opprobre internationale qui frappe son encombrant voisin. Pour l’heure, donc, la communication du Pontarbello se cantonne à des initiatives privées et de plus en plus anecdotiques en raison des efforts engagés par les services secrets pharois pour limiter leur diffusion ou la délégitimer.

Une initiative qui pourrait bien s’étendre à toute la sphère listonienne, si on en croit les services de gendarmerie de Porto Mundo qui ont communiqué sur cette initiative ce matin, en portugais et en nouveau pharois.

« Nous travaillons en étroite collaboration avec monsieur Esteban, le président de la République Hafenoise, et nous espérons également pouvoir compter sur l’aide de nos concitoyens Jadidiens. L’apologie du terrorisme est un crime grave dans nos sociétés et nous savons au Pontarbello qu’il a pu mener à de nombreuses atrocités. Nous ne laisserons pas nos concitoyens ainsi menacés par une propagande meurtrière. Le sang a suffisamment coulé, il est de notre devoir de protéger la population civile. »

Si les sites sont fermés en apparence, il est toutefois assez simple de s’y rendre malgré tout… à raison. Informée des tentatives d’influence engagées par le Pontarbello à Porto Mundo, la C.A.R.P.E. s’est mise à surveiller assez étroitement certains groupes mundistes connus pour leur ultra-nationalisme. Il faut dire que dans un pays ultra libéral et tolérant, ces-derniers ont peu de raisons de se cacher et Estrella, dont le pouvoir autoritaire repose en partie sur le fait qu’il incarne une certaine résistance au pouvoir Pharois en s’arrogeant des pouvoirs étendus dans sa ville, n’a jamais jugé bon de réprimer la frange la plus radicale de sa population.

Ce sont plutôt les libéraux qui se sont éloignés de Porto-Mundo, à vrai dire, laissant le champ libre aux fidèles du maire et aux Listoniens soit nostalgiques du pouvoir autoritaire impérial, soit pas très convaincus par l’afflux de libertés civiles offertes en intégrant le Syndikaali. A mi-chemin entre les fastes impériaux et l’émulsion anarchiste, Porto Mundo se dresse comme une voie centrale, littéralement entre Listonia et Pharot. Portés par la présence de deux autres ex-territoires coloniaux listoniens, la Caprice Coast et la Commune d’Albigärk, l’opposition démocrate à Estrella n’a pas tardé à préférer l’expatriation plutôt que la confrontation, d’autant que le maire n’est pas connu pour son amabilité avec l’opposition.

Ce sont quelques cinq-cents milles Pharo-Listoniens qui ont donc quitté la province pour une autre région du Syndikaali, pendant les deux premières années de la gouvernance d’Estrella. Une perte sèche qui, si elle avait pu inquiéter le maire à un moment, a été rapidement comblée par l’arrivée de groupes pirates, attirés par le clientélisme de la mairie, puis par l’immigration tahokaise et vasque, début 2009. Si cela s’est fait un peu aux forceps, aujourd’hui Porto Mundo est à l’image des autres ports-libres du Détroit : cosmopolite, pluriel et bigarré.

« Il faut bien cela, si on veut que notre ville ait de l’avenir. » commente un vieux Pharo-Listonien, assis sur son banc. « Les ports-libres Pharois nous ont toujours fait concurrence : pourquoi est-ce qu’un navire s’arrêterait chez nous alors qu’il bénéficiera de la taxation minimale quelques milles plus loin ? On peut s’en désoler mais c’est comme ça : isolé Porto Mundo ne tiendra pas la route plus de six mois, notre seule chance c’est d’intégrer la sphère pharoise. »

Un reniement pour les nationalistes ? Sans aucun doute, mais les alternatives sont pour ainsi dire inexistentes, et les arguments du Syndikaali nombreux.

« Sortir du Syndikaali, d'accord mais pour quoi faire ? Retourner sous la coupe de Listonia ? J’ai entendu un type parler de l’Alguarena une fois, Jésus Christ, c’est à plus de 15 000 kilomètres d’ici, qu’est-ce qu’on irait foutre là-bas ? Entre Albigärk et la Caprice Coast on a beaucoup de concitoyens listoniens ici et avec le système fédéral notre culture est respectée, personne nous fait chier en fait. Il y a même pas mal d’initiatives de rapprochement et on a un parti qui porte nos intérêts. Franchement, je veux bien entendre ceux qui rêvent que Porto Mundo soit autonome mais qu’est-ce que ça nous apporterait de plus ? On a déjà la liberté politique quasi-totale et on profite du système économique du Syndikaali. Je serai pas contre virer les militaires, c’est sûr, mais d’un autre côté, eh, ce sont de bons clients. »

Il faut dire que la situation à Porto Mundo n'est pas du tout comparable à celle du Pontarbello. Si ce-dernier était l'unique tête de pont listonienne à des milliers de kilomètres à la ronde, Porto Mundo, lui, n'est qu'une des trois têtes de la présence coloniale dans les mers du nord. En collaborant avec la Caprice Coast et Albigärk, le sentiment régionaliste s'est réparti entre plusieurs territoires dont deux sont bien intégrés au Syndikaali qui, pays fédéral, libertaire et décentralisé, se montre particulièrement respectueux des identités individuelles. Vouloir l'indépendance de Porto Mundo seule est donc assez absurde d'un point de vue historique, et nécessite de la part de ceux qui défende ce projet une gymnastique intellectuelle et argumentative assez peu convaincante. Porto Mundo n'a pour ainsi dire pas d'identité propre, si elle en possède une, c'est celle des territoires coloniaux du Détroit et de la mer du nord, fortement influencés par la culture albienne puisque issus d'une conquête et non d'une colonisation. Les Listoniens ne se sont pas juste "installés" sur des territoires vierges, ils les ont conquis par la force. En résulte que si une partie des populations locales sont effectivement originaires de Listonia, d'autres sont typiquement albiennes. D'où le fait que le national-régionalisme porté par le Pontarbello sonne assez déconnecté de leur réalité.

Entre dilution des communautés listoniennes selon leurs sensibilités affinitaires et disqualification de la communication pontarbelloise, les arguments de Santialche ont plus que jamais du mal à se diffuser hors de leur petite sphère régionale, réduite à peau de chagrin.
Et si certains ultra seront certainement outrés, que pèsent ces excités face à la masse tranquille et pleine de bon sens du plus grand nombre qui, elle, n’a pu simplement que constater que d’un point de vue économique comme politique, les choses se sont arrangées par rapport à la période impériale ?
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Mercenaires, crapules et mafias, Estrella fait feu de tout bois

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On savait déjà que le maire de Porto Mundo, Edmundo Estrella, s’était entouré d’une galerie de courtisans des plus hétéroclite : pirates, mercenaires, criminels et anciens militaires de Listonia en quête de gloire, la grande permissivité du modèle pharois autorise la cohabitation de cette cour des miracles tant qu’elle ne se rend pas coupables d’exactions sur la terre ferme. De fait, Estrella a le champ libre pour se constituer une petite gendarmerie aux allures d’armée privée.

Officiellement, c’est une guarda coloniale héritée du modèle de maintien de l’ordre impérial. Il faut dire que si les citoyens de Porto Mundo possèdent la double nationalité pharo-listonienne, l’indépendance de la ville a toujours plus tenu de l’opportunisme que d’une véritable allégeance au modèle pharois. Une situation qui semble autant convenir au maire qui a désormais les mains libres hors de la tutelle impériale, qu’aux Pharois dont Porto Mundo est devenu un poste avancé dans le Détroit, ou qu’aux habitants qui jouissent à présent d’un niveau de vie bien plus élevé, fruit d’une meilleure intégration régionale.

Reste que le pouvoir d’Estrella reste précaire, et notre maire en a conscience. Pris en tenaille entre ses anciens alliés de Listonia et ses nouveaux alliés du Syndikaali, dont on peut raisonnablement penser que ni les uns ni les autres ne seraient contre voir rouler sa tête dans le caniveau, l’ancien Gouverneur impérial ne peut compter que sur ses propres ressources pour se maintenir à la tête de la ville. Des ressources qu'il doit soit aller piocher dans son environnement immédiat, soit créer de toute pièce, à l'image de cette force de gendarmerie autonome qui se dessine depuis plus de six mois.

Si la présence militaire pharoise a acheté l'indépendance de Porto Mundo et douché (au moins provisoirement) les prétentions de reconquête par le pouvoir Listonien, le principal adversaire d’Estrella se trouve désormais à Pharot, qui achèverait d'étendre sa main mise sur le Détroit en plaçant à la tête de Porto Mundo un loyaliste. Estrella se trouve donc bien sur la corde raide, obligé de garder ses ennemis à l’intérieur même de sa ville s’il veut garantir son intégrité territoriale, il s’expose de fait à un coup de poignard dans le dos.

On comprend donc mieux la raison qui pousse le maire, après avoir neutralisé la menace représentée par Listonia, à revenir vers elle quémander de l’aide en invoquant son influence passée. Véritable girouette, Estrella combat seul sur deux fronts qui se disputent son allégence. Une guerre fébrile qui ne peut se mener qu’avec une solide assise sur sa ville, ce qui explique certainement qu’il se soit créé des soutiens de toute pièce en redistribuant une part conséquente des secteurs de production de la richesse à des hommes et des femmes dont la solidité de leur loyauté pourrait faire l’objet de sérieux doute.

Estrella travaille à produire une société de toute pièce, qui lui soit fidèle et fidèle à ses ambitions. Pas question de ne s’appuyer uniquement que sur les Listoniens, soupçonnés de connivence avec l’Empire, ou sur les Pharois, que le Syndikaali n’aurait aucun mal à acheter. Il faut trouver un équilibre et c’est sans doute ce qui explique les derniers mouvements de migration qu’a connu Porto Mundo, dont les factions démocrates et libérales ont pris la poudre d’escampette, tandis que s’importait un nombre conséquent de travailleurs étrangers et largement dépolitisés venus du Tahoku.

La présence du Parti Pirate, ainsi que d’un grand nombre d’aventuriers et de mercenaires fait sans aucun doutes de Porto Mundo un panier de crabe, mais c’est aussi une opportunité pour Estrella d’y piocher des fidèles qui lui devront fortune et influence. Une élite choisie sur-mesure pour servir les intérêts du maire et qui poursuit son œuvre en se dotant d’une gendarmerie autonome, comme dans les autres Ports-libres. A ceci prêt que si Etelähammas, Pohjoishammas et la Caprice Coast ont tous procédé pour se faire à un recrutement sur concours, Porto Mundo a laissé la sélection et la formation de ses recrues à l’arbitraire de certains élus municipaux chargés de la sécurité intérieure.

De quoi faire craindre le clientélisme et l’usage de critères ethniques pour favoriser les intérêts du maire. Le contenu de la formation dispensée à cette nouvelle guarda coloniale donne lui aussi matière à s’inquiéter. Bien que confidentielle, El Diaro Mundo s’est procuré plusieurs livrets thématiques adressés aux nouvelles recrues. Outre l’absence totale de formation à l’éthique, aux pratiques de maintien de l’ordre non-violentes et à la médiation – des compétences pourtant mises en avant par les Gardes Côtes dans le reste du Syndikaali – les cours dispensés forment au profilage et s’apparentent d’avantage à une formation paramilitaire qu’à ce qu’on attendrait d’une police.

Estrella souhaite-t-il se constituer une armée privée, sous couvert de maintenir l’ordre à Porto Mundo ? Plusieurs indices semblent le laisser penser. Une question subsiste toutefois : pourquoi le Syndikaali laisse-t-il faire ?

Outre les questions d’ordre juridique évoquées dans un article précédent, il n’est pas impossible que les Pharois voient dans la dissolution des intérêts nationaux à Porto Mundo une porte d’entrée pour s’imposer à termes. On sait que le Syndikaali, de tendance autonomiste, anarchiste et libertaire, prospère sur un modèle de société individualiste et faisant coexister divers intérêts antagonistes. C’est par la vitalité du tissu social et l’impossibilité d’établir des normes fixes et pérennes que la société pirate se glisse dans les interstices en proposant des services en creux des manquements politiques.

Inquiété par la fragilité de ses revendications sur Porto Mundo, son double-jeu vis-à-vis de l’Empire et la nécessité d’intégrer une population d’origine et de culture listonienne, les Pharois doivent sans doute penser qu’Estrella sera leur cheval de Troie, le bélier destiné à enfoncer et transformer l’ordre social mundiste par la force. La concurrence des ports-libres, les flux migratoires, la constitution d’élites aux origines et aux loyautés très hétéroclites est autant une force d’émancipation pour l’hôtel de ville qui forge Porto Mundo à son image, qu’un avantage pour les Pharois qui s’assurent qu’aucune faction politique n’y devienne un jour hégémonique.

En concentrant tous les pouvoirs entre les mains d’Edmundo Estrella, ce-dernier se retrouve à faire le sale boulot et en endosser toute la responsabilité. Une fois que Porto Mundo aura pris l’apparence souhaitée par les Pharois, il suffira alors de décapiter le maire pour récolter les fruits de son travail. Une stratégie cynique mais qui fonctionne puisqu’elle va à la fois dans le sens d’Estrella et dans celui de Pharot, chacun des deux camp étant certainement persuadé d’être celui qui fera échec et mat à la fin de la partie.

C’est en tout cas notre interprétation des choses, reste à savoir à quel point Estrella a conscience du jeu dangereux qu’il mène. En devenant la seule véritable figure d’autorité locale, il est également l’homme à abattre. Mais peut-il vraiment jouer une autre partie que celle-ci, entouré qu’il est d’ennemis ? Piégé dans l’engrenage d’une course en avant ou maître des échecs, pour l’heure Porto Mundo et le Syndikaali disputent une partie qui semble leurs convenir à tous les deux. Mais à tout moment, celle-ci peut dévier de sa trajectoire. Reste à savoir qui fera le premier pas en dehors du plateau de jeu.
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Promotion Kielo Loviatar, guarda coloniale
les deux visages de l’héritage listonien au Syndikaali


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Que sont devenus les Listoniens néo-Pharois ? Dans les ports-libres, à la Caprice Coast et Porto Mundo plusieurs millions d’individus de nationalité listonienne ont été naturalisés Pharois en 2005 puis en 2007. Si pour un certain nombre d’entre eux, leurs origines étaient albiennes, c’est bien au sein d’un territoire gouverné par le régime colonial de l’Empire qu’ils ont grandi et vécu. D’autres sont quant à eux des Listoniens purs souches, arrivés depuis la métropole, et ayant pour des raisons leur étant propres décidés de rester au Syndikaali après la décolonisation.
Un héritage qui, compte tenu de la politique agressive d’assimilation et de peuplement menée par l'Empire pendant près d'un demi siècle, n’est pas sans laisser des traces visibles aujourd'hui.

Faible culture démocratique, habitus martiaux, ce sont paradoxalement les questions culturelles qui demandent le moins d’acclimatation, beaucoup de Listoniens ayant gardé des pratiques albiennes et les ports-libres étant tolérants au communautarisme. Reste que certains sondages anticipés des intentions de votes aux élections de 2010 laissent entendre que l'attitude listonienne pourrait se distinguer des réflexes électoraux classiques du Syndikaali, en se déportant notamment vers des partis d’avantages nationalistes et droitiers.
Un bouleversement dans les équilibres politiques locaux surveillé de près par les commentateurs du débat public en raison du poids de la population listonienne et qui a fait porter un grand intérêt au devenir de ces nouveaux citoyens.

Le destin de deux jeunesses, celle des appelés du contingent, et celle qui a préféré se fédérer derrière la figure d'Edmundo Estrella, pourrait être de nature à illustrer les réussites et les échecs de l’intégration listonienne au sein du très individualiste système fédéral pharois.


Promotion Kielo Loviatar : cinquante-mille nouveaux conscrits terminent leur service militaire

La promotion Kielo Loviatar – nom de la célèbre poétesse – est la première promotion du service militaire pharois à avoir pu accueillir dans ses rangs des jeunes adultes naturalisés après 2005 et l’intégration au Syndikaali d’Albigärk et de la Caprice Coast. Pour rappel, le service militaire pharois dure deux années pleines, mais les complexités administratives et l’absence de base militaire à Porto Mundo – qui ne fut indépendante qu’en 2007 – a conduit à distribuer dans le temps la prise en charge des Pharois ayant récemment obtenu leur majorité.

Fin 2006, la promotion Kielo Loviatar était donc la première à ouvrir ses portes à des citoyens d’origines listoniennes, qui ont entamé leur service par le traditionnel tour du monde avant de retourner à Porto Mundo dont le chantier de la base avait débuté pendant leur année de voyage en mer. Sur le papier, le service militaire pharois a pour objectif d’initier les nouveaux citoyens à la culture de la vie en mer, aux savoirs militaires et civiques fondamentaux – nage, vote, autogestion – ainsi qu’au combat. Mais il est également l’une des rares institutions travaillant à créer de la cohésion nationale en éduquant quant au principe de contrat social.

Très concrètement, pendant deux ans, les citoyens seront informés de ce que le Syndikaali leur doit, et de ce qu’il peut être exigé d’eux en échange. Un éventail de possibilités mais aussi de sanctions ou d’options de refus leurs sont présentées.
Ainsi le citoyen pharois est garanti dans ses droits fondamentaux, sera soutenu par la collectivité dans ses initiatives, il a le droit à la propriété privée de son logement et de ses outils pour vivre. Rien ne s’oppose à ce qu’il monte son entreprise, s’il trouve d’autres citoyens pour l’accompagner dans ce projet. Il est maître de ses capitaux et de ses bénéfices, on ne peut exiger de lui qu’il rende des comptes sur la manière dont ceux-ci ont été obtenus. En cas de problèmes, il trouvera refuge au Syndikaali qui n’engage aucune procédure d’extradition vers un pays tiers.
En échange, il lui est demandé de respecter la dichotomie terre-mer, de ne pas voler, tuer ou malmener l’un de ses concitoyens, de payer les impôts et les taxes exigées – principalement sur le capital – de participer à la vie démocratique de sa localité et de contribuer à défendre la base arrière pour perpétuer le contrat social.

S’il ne souhaite pas respecter ces règles, il lui est possible de partir. Des procédures existent pour abandonner la nationalité pharoise. Celle-ci peut cependant être récupérée à tout moment, sur simple demande en préfecture et sous condition de ne tomber sous le coup d’aucune procédure juridique en cours au Syndikaali.

Les termes et les enjeux du contrat social du Syndikaali étant posés, le citoyen est inviter à signer symboliquement ledit contrat à la fin de son service militaire, ce qui donne l’occasion à une grande fête. Cependant, le contrat étant clair et signé en toute conscience, il est bien rappelé que la justice pharoise est très loin de laisser la part belle aux peines réabilitatrices et se montre expéditive dans ses sanctions. Chaque année, plus d’une vingtaine de personnes sont exécutées par pendaison.

Le service militaire est donc le lieu où des personnes majeures renouvellent officiellement leur adhésion au contrat social du Syndikaali, ou bien quitte le pays. Rien n’est d’ailleurs fait pour empêcher les désertions – en moyenne deux ou trois par promotions – qui sont parfaitement autorisées. Le tour du monde des Pharois est l’occasion pour ces-derniers de découvrir des cultures et des paysages, ainsi que le mode de vie de certaines diasporas installées sur place depuis longtemps, et peut-être une occasion pour certains volontaires d’engager des démarches pour changer de nationalités, si les conditions énoncées par le contrat social ne leurs conviennent pas.

A ce titre, la promotion Kielo Loviatar est donc un premier test pour l’intégration des Listoniens au Syndikaali. Pas qu’un refus massif de signer ait réellement été redouté par les autorités mais il s’agissait de prendre la température de la nouvelle génération de citoyens, dont certains n’avaient aucun reliquat de culture albienne en eux. Heureusement, la proximité historique et géographique de la Caprice Coast, d’Albigärk et de Porto Mundo avec la péninsule albienne a pu contribuer à créer rapidement un sentiment d’appartenance commune ainsi qu’une certaine familiarité des mœurs pharoises dont les Listoniens ont été les voisins pendant plus de cinquante ans. L’acceptation des principes fondateurs de la citoyenneté pharoise ont donc été globalement accepté, aidés également par la cohabitation des jeunes Listoniens avec les jeunes Pharois pendant deux ans en mer, un milieu favorable à créer des rapprochements et de la fraternité.

L’apport de la culture listonienne aux traditions pharoises a toutefois été noté par les officiers de bord. Outre les évidentes questions de nature linguistique et traditions folkloriques qui ont trouvé voie de cité à bord, c’est surtout au niveau de la mentalité que des différences ont été notées. Plus de rigueur et de respect spontané de l’autorité du côté des jeunes d’origine listonienne, ainsi qu’une moindre grande prise d’initiatives individuelles. Le mélange des cultures a cependant été profitable à tout le monde et il n’aura fallu que quelques semaines ou mois pour que la promotion s’encanaille à hauteur de Pharois.


La guarda coloniale, Esteban façonne sa gendarmerie sur le modèle impérial

L’exemple des appelés du contingent doit être observé à comparaison des Listoniens, plus âgés, qui ont choisi de rejoindre la nouvelle gendarmerie de Porto Mundo, négociée par son maire Edmundo Estrella comme gage de souveraineté. Il est vrai que les ports-libres, si l’armée reste une prérogative pharoise, ont le droit et le devoir de mettre sur pied leur propre force de police. Une loi constitutionnelle sur laquelle le maire a pu jouer pour exiger qu’on le laisse créer sa guarda personnelle, qui après examen confine d’avantage au groupe paramilitaire qu’à une véritable force de gendarmerie.

Peu regardante sur le recrutement, celle-ci a recruté pêle-mêle au sein de la population sans se soucier des origines ou des motivations. Un seul critère semble prédominer : la disposition à la violence et l’obéissance aux chefs. Le reste est affaire de discipline et depuis bientôt un an qu’Edmundo Estrella a lancé la création de sa guarda, les officiers formateurs ont pu dresser tout ce que la région compte de chiens fous, de mercenaires et d’aventuriers ayant senti à Porto Mundo le filon de la richesse.

Si la guarda est bigarrée, elle n’en reste pas moins à prédominance listonienne malgré tout. Composée d’anciens militaires de l’Empire ayant prêté allégeance au gouverneur local, mais également de recrues tirées de la population civile pour leur patriotisme culturel, ou bien des citoyens Listoniens venus de la métropole dans l’idée de faire carrière. On sait qu’Estrella se serait par ailleurs entouré d’officiers impériaux à la retraite, sans qu’on ait beaucoup plus d’informations à ce sujet.

La guarda de Porto Mundo incarne donc l’autre visage de la population listonienne au Pharois Syndikaali. Celle qui n’a pas renoncé à l’héritage martial de l’Empire, aux grands projets d’expansion, à la culture hiérarchique et à la discipline militaire. Une population qui, pour partie perdue par les changements politiques et économiques de ce début de siècle, ayant vu progressivement advenir le déclin de Listonia, cherchent du sens autour de grandes institutions porteuses de valeurs et de messages. Estrella semble l’avoir bien compris et cherche à construire sur les ruines de l’hégémonie impériale, un bastion de fidèle prêts à le suivre et le défendre.

Côté Pharois, on laisse faire. Il vaut mieux qu’Estrella fédère autour de lui les plus excités de l’Empire, leur fournisse un cadre et du travail, plutôt que de les retrouver à ruminer dans la nature. On envisagerait même d’autoriser l’extension de la guarda, d’après certaines bruits de couloir, pour éponger les populations inadaptées au modèle libertaire du Syndikaali. Au risque de trop renforcer Estrella ? Il serait d’une naïveté confinant à la bêtise que d’imaginer que dans le pays du marché noir, le maire ne pourra équiper ses troupes de matériel de pointe, si l’envie lui en prend, mais la tradition libérale pharoise tend a tolérer les armées privées qu’elle compte par ailleurs en grand nombre sur son sol. Si des parties extrémistes peuvent financer et entretenir leurs propres milices, qu’Edmundo Estrella fasse de même est assez naturel.

La question semble en définitive avoir été laissée à l’appréciation des services secrets, tant on constate que la scène politique pharoise se désintéresse des agissements d’Estrella, pourvus que ceux-ci aillent dans le sens des projets régionaux du Syndikaali. Il faut dire que même fort de dix ou vingt mille hommes sous sa coupe, la base de Porto Mundo en compte toujours aisément trois ou quatre fois plus que le maire. Un ratio implacablement arithmétique et de nature à faire planer une épée de Damoclès sur l’hôtel de ville en cas de prises d’initiatives jugées déplaisantes par les Pharois.


Adhésion au contrat social du Syndikaali ou autonomisation politique et militaire, l’avenir des Listoniens se dessine et se recompose au gré du jeu macropolitique pharois. N’oublions cependant jamais que pour quelques chiens qui hurlent à la lune, il y a vingt fois plus d’honnêtes et silencieux citoyens qui, eux, n’aspirent qu’à une paix bonhomme et une vie tranquille. Il faudra bien plus qu’une poignée d’années pour voir quelle place les héritiers de l’Empire se seront trouvés au sein de la société pharoise, et celle-ci se fera certainement bien loin des projecteurs de la politique politicienne et des slogans nationaux.

Dans l’océan du nord, les cachalots si gros soient-ils, ne pèsent pas grand-chose face au poids des icebergs dérivants, poussés par des courants sous-marins et des mouvements de fonds.
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Porto Mundo a sa guarda, quelles conséquences et anticipations pour le port-libre ?

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C’est fait ! Pour le meilleur ou pour le pire, les « dix milles » d’Estrella ont achevé ce mois-ci leur formation, venant offrir à Porto Mundo sa propre force militaire autonome, du moins dans une certaine mesure. Dans les faits, il s’agit d’une milice à mi-chemin entre la gendarmerie et la garde prétorienne, à ceci prêt qu’elle est composé en bonne part de crapules et d’aventuriers. A prendre en compte : l'interdiction formelle d’agir sur des théâtres extérieurs, sauf en cas d’autorisation délivrée par le Syndikaali. Porto Mundo a beau avoir franchi une étape supplémentaire vers sa souveraineté, le port-libre n’en reste pas moins soumis au bloc de constitutionnalité pharois à qui sont délégués les affaires militaires.

Officiellement, donc, les tâches de la guarda consisteront avant tout en des missions de maintien de l’ordre public, protection civiles, garder les rues calmes et rassurer la madre. Des travaux dévolus jusque-là aux forces de police, mais dont la formation s’est musclée pour transformer les placides gardiens de la paix en de véritables forces de l’ordre. Seul l’avenir pourra nous dire si la formation de la guarda était adaptée aux besoins de la ville, nous avions déjà dans un précédent article souligné quelques-unes de nos craintes vis-à-vis d’enseignements d’avantages tournés autour du cassage de gueule que de la médiation pacifique.

Une autre question se pose néanmoins : outre leurs tâches quotidiennes de maintien de l’ordre, la guarda a-t-elle vocation à s’inscrire dans le plan plus large de défense militaire pharoise ? Si Edmundo Estrella a toujours juré que non, et que la création de sa gendarmerie n’avait vocation qu’à servir les intérêts du Pontarbello, la situation pourrait être amenée à évoluer malgré tout. En effet, ce sont désormais quelques quarante milles soldats professionnels qui stationnent en ville, pour la formation annuelle d’un peu plus de cinquante-mille réservistes destinés à l’armée pharoise.

Constatant les infrastructures et le budget alloué à la défense ces dernières années, il serait tentant de doubler ces chiffres et donc de monter le nombre de réservistes formés (cent-milles par ans à l’heure actuelle) à deux-cents milles par an. Un chiffre tout à fait impressionnant et qui acterait définitivement le tournant pris par la doctrine de défense nationale du Syndikaali depuis 2007. Une population civile éduquée et formée aux armes rappelle en effet – et l’héritage est explicitement assumé par certaines formations politiques au pouvoir – l’héritage du citoyen soldat, défenseur de la République.

Car forte d’un peu moins de deux-cents milles soldats professionnels, auxquels s’ajoute autant de réservistes, les chiffres sont implacables : le potentiel militaire pharois est supérieur à celui de toutes les autres nations du monde. Un constat qui ne prendrait réellement sens qu’en cas de conflit de haute intensité, mais qui permet malgré tout une projection militaire du Syndikaali sur plusieurs théâtre d’opérations, sans avoir peur qu’habiller Pierre déshabille Paul.

A cela s’ajoute également les récents accords signés avec le FInnevalta et auxquels pourraient s’ajouter les forces de la Saare, le Syndikaali ne compte pas, au moins à moyen termes, réduire ses opérations de formation. Simplement on peut raisonnablement se demander si entretenir plus de deux-cents ou trois-cents milles soldats professionnels est pertinent aujourd’hui, il est probable qu’avec le temps le pays se tourne d’avantage vers la formation de réservistes, plus polyvalents, que de son armée permanente, plus coûteuse.

Si ce projet d’atteindre un quotas de deux-cents milles réservistes formés par an était décidé, en l’état il faudrait peut-être compter sur la guarda d’Estrella, qui ne manquerait pas de réclamer des « dédommagements » et des investissements en cas de mobilisation de ses forces de gendarmerie à des fins militaires. Bien qu’à l’heure actuelle le projet ne soit pas encore officiellement sur la table, les Mundistes doivent s’attendre à accueillir dans les prochains mois de nouveaux investissements dans les infrastructures militaires, et le doublement de la capacité d’accueil des jeunes Pharois venus faire leur service militaire au Porto Mundo.
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Tourisme : Porto Mundo tente de séduire la noblesse listonienne

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Pour le secteur du tourisme listonien, le monde vient brutalement de se rétrécir. Appuyé jusqu’ici sur un vaste empire colonial, la multiplication des mouvements (et parfois réussites) indépendantistes et des conflits militaires de manière générale rend un certain nombre de destinations impropres au voyage de plaisance. Les colonies des continents aleucien et paltoterran sont à couteaux tirés avec la Couronne, l’Afarée semble s’enliser dans les tensions, le Nazum reste plus que jamais une terre inquiétante. Quant au nord de l’Eurysie, la situation est au mieux ambiguë.

C’est bien sur cette ambiguïté que compte s’appuyer Edmundo Estrella, maire autocrate de Porto Mundo, qui s’est ces derniers mois lancés dans une vaste opération diplomatique de reconquête de l’opinion publique listonienne, grâce à ses contacts au sein de la haute société nobiliaire. On a écrit des pages et des pages sur la tension dans laquelle se trouve actuellement Estrella, partagé entre sa fidélité au Syndikaali et son héritage Listonien, et contraint pour ne pas se faire écraser par leurs poids de jouer sur les deux tableaux, ménageant l’une comme l’autre selon ses besoins du moment.

En mauvais termes avec son ancienne patrie avec qui il a sans scrupules coupé les ponts lors de son effondrement politique en 2008, Edmundo Estrella semble donc travailler à se racheter une réputation. Les avantages d’une telle opération sont multiples : outre se poser en acteur incontournable de la diplomatie pharo-listonienne et pouvoir à l’occasion jouer l’un contre l’autre, Estrella vise également les retombées économiques pour son petit territoire, pour l’heure dépendant des liquidités pharoises dû à la formation des recrues du Syndikaali.

Or, jouer le sas commercial entre la seconde économie mondiale, et la dix-neuvième, laisse entrevoir des bénéfices tout à fait conséquents si Porto Mundo devenait demain une plate-forme privilégiée d’échange humains, de capitaux et de marchandises entre les deux. Mais pour cela, il faut attirer les investisseurs Listoniens. Le Syndikaali possède bien assez de ses propres paradis fiscaux et ports-libres dédiés au commerce international pour les préférer à Porto Mundo. Listonia, en revanche, a perdu de son assise dans le nord et situé à l’embouchure du Détroit, son ancienne colonie représente plus que jamais un enjeu commercial stratégique. La porte vers l’économie pharoise.

La reconquête passera d’abord et avant tout par le tourisme et notamment l’accès aux ports-libres du Syndikaali, lieux de plaisance et de loisirs. Pour cela, Porto Mundo est idéal. Grâce à son administration largement lusophone et ses accords territoriaux avec le Pharois, il est largement plus intéressant pour un voyageur Listonien de se déclarer aux douanes de la ville sur le Fjord, pour ensuite accéder aux restes des ports-libres.

Mais Porto Mundo « n’a pas vocation à être un simple lieu de transit » explique Edmundo Estrella devant le conseil municipal de la ville. « Porto Mundo est au croisement du monde et forte de ses cultures, de son histoire et de son héritage, a vocation à briller. » On avait rarement entendu le maire aussi lyrique, plus habitués aux saillies hargneuses, celui-ci semble avoir pour l’occasion policé son discours qui se destine d’avantage à l’internationale qu’à ses administrés. Car si les Mundistes ont vu leur niveau de vie augmenter et s’intégrant pleinement au marché intérieur pharois, dont ils bénéficient des subventions militaires, cette richesse n’est rien en comparaison de celle de la noblesse Listonienne, connue pour son opulence fondée sur des siècles d’exploitation coloniale. Société aristocratique et autoritaire où la concentration des niveaux qui rivaliseraient presque avec ceux de Carnavale, attirer à Porto Mundo touristes et investisseurs de la noblesse listonienne représenterait pour Estrella un afflux de capitaux étrangers sans limites.

Le paradoxe à relever, toutefois, est que cette remise en avant de la culture et de l’héritage listonien de Porto Mundo vient après que celle-ci ait précisément été mise à mal par les recours aussi bien à l’émigration des populations locales, qu’à l’immigration des Pharois, puis des Tahokais jugés « nécessaires à la stabilisation de l’économie locale ». Ce que propose Estrella ressemble donc d’avantage à une mise en scène un peu factice, une « parc d’attractionisation » du port de plaisance de la ville, reconfiguré sur mesure pour plaire à la noblesse étrangère amatrice de voyages sans pour autant trop se dépayser.

Cette folklorisassions de la culture listonienne semble donc être une nouvelle étape dans le projet de Porto Mundo de s’abâtardiser, non pas au nom du multiculturalisme libertaire, selon la promesse pharoise, mais du grand capital qui ne voit dans l’histoire et la culture qu’un énième produit de consommation. C’est cela que propose Estrella à ses anciens pairs : consommer les restes prémachés de leur ancienne gloire, le frisson des casinos, des maisons de passes et du luxe ostentatoire des ports-libres, le tout baigné dans un vague air de « bien connu », culture des services et du servage pour assurer à ces messieurs-dames des vacances de rêves, paisiblement déconnectées de tout conséquentialisme.
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Guerre au Prodnov : en prévision de l’effort logistique déployé pour le maintien de la paix, le Syndikaali rappelle cinquante-mille réservistes sur son territoire

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« Tchao les jeunes ! » voilà ce qui est inscrit sur la grande banderole déployée par la capitainerie du port de Porto Mundo. Leur formation vient tout juste de se terminer mais ce n’est pas pour autant le moment de chômer. Alors que les nouveaux appelés du contingent viennent tout juste d’arriver dans le Détroit, les nouveaux diplômés resteront quelques mois encore sous le coude de l’armée pharoise. Pas question de servir la patrie ou autre charabia nationaliste, le contrat social est le contrat social et la société civile peut être mobilisée pour des tâches mineures si le contexte le demande.

Le contexte semble le demander, du moins c’est ce que pense l’Amirauté pharoise. La faute à l’ouverture des hostilités au Prodnov qui mobilise la marine au large des côtes, et surtout de la société civile. Contrebandiers, commerçants opportunistes, mercenaires éventuels, les Pharois sont nombreux à suivre ce qui se déroule chez leur voisin prodnovien, considérant que la défense de la base arrière fait partie intégrante de la Nouvelle Doctrine. De manière générale, l’ingérence pharoise au Prodnov ne date pas d’hier, les concessions aux ports de Peprolov et Karabanovo ont permis l’implantation de diasporas marchandes dans ce pays encore très étatisé. Il est donc assez naturel que la situation sur place intéresse les commerçants de tous bords.

L’intégration de la société civile au processus militaire en cours fait donc sens et outre le support logistique que fourniront ces quelques dizaines de milliers de réservistes à l’armée pharoise, c’est tout le tissu commercial pharo-prodnovien qui se tient prêt à se reconfigurer dès les premiers jours de conflit. C’est qu’il y a des marchés à prendre, et cyniquement, de l’argent à se faire sur une économie de guerre, d’autant que certains font d’ores et déjà le pari que le conflit pourrait potentiellement s’étendre sur la durée. Une aubaine pour les marchands d’armes pharois qui se mobilisent sous l’œil désintéressé de l’armée régulière.

Autre considération de la part du Syndikaali, la mobilisation, même partielle, d’une grande quantité de militaire implique assez logiquement leur désengagement d’autres fronts. Or la société pharoise étant partiellement dominée par les groupes paramilitaires et autres groupuscules d’intérêts armés, l’appel sous les drapeaux dépeuple mécaniquement une partie du tissu associatif, syndical et partisan. Dans une telle situation, l’apport d’expérience des réservistes peu palier, au moins en partie, le départ des militaires de formation professionnelle. C’est le cas par exemple pour les compagnies de défense privées et, plus généralement, les équipages pirates qui ne peuvent se permettre d’être désertés pendant plusieurs mois. Le recrutement au sein du vivier d’une nouvelle génération de soldats doit permettre d’éponger les départs.

« Tchao les jeunes ! » donc, même s’ils ne vont pas bien loin. C’est toujours un petit pincement au cœur de voir une partie des nouvelles recrues s’éparpiller au Syndikaali, après les avoir côtoyés pendant plus de deux ans. On a presque l’impression de les avoir vu grandir. Ils sont bien entendu remplacés par de nouvelles vagues d’arrivants, pour le plus grand plaisir des commerçants locaux et la fatigue émotionnelle des officiers formateurs qui repartent de zéro. Tandis que les réservistes peuvent entrer dans la vie active, les hauts gradés, eux, n’auront pas volé leurs quelques jours de vacance loin du Porto Mundo !
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La politique intérieure d’Edmundo Estrella a-t-elle fait de Porto Mundo le nouveau laboratoire de la piraterie ?

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Il arrive malgré tout parfois qu'on morde la main qui nous a nourri.

C’est assez contre-intuitif, quand on y pense : comment une région, peut-être la plus listonienne du Détroit du nord, pourrait-elle d’avantage que le très pirateux Pharois s’imposer comme une pépinière de talents pour la piraterie mondiale ? Cela s’explique en fait assez bien, quand on y regarde de près. L’histoire du Syndikaali, et ses choix politiques, a saturé ses secteurs économiques de capitaines et d’organisations pirates, devenues non seulement indispensables au maintien du statut quo, mais également omniprésentes dans la vie quotidienne. Au point de perdre de vue ce qui faisait autrefois les spécificités - disons-le, criminelles - de cette profession ? La forte propension des marins à prendre leurs retraites prématurément, fortune faite, fait que ces-derniers sont un maillon incontournable de la société civile pharoise, expliquant à la fois ses hauts niveaux de violence, mais aussi sa capacité d'adaptation. Du moins jusque là.
Les indicateurs économiques le montrent assez clairement : il y a comme un effet d’asphyxie par saturation, pour les nouveaux entrants du secteur, qui doivent bien souvent faire leurs armes auprès d’équipages déjà installés avant de prétendre en prendre le commandement. En résulte une certaine aristocratie pirate qui ne dit pas son nom – heureusement modérée par la forte mortalité du milieu – où les places sont chères et les outsiders peinent à se dégager des espaces viables pour faire du profit.

Mais pas à Porto Mundo. Vierge des activités de piraterie, la ville sur le fjord s’est, en quelques années, transformée en un nouveau hub pour les aventuriers et pirates en quête de projets lucratifs. En opérant une grande purge parmi ses proches et son administration, mais également au sein du tissu économique local, Edmundo Estrella a créé un appel d’air auquel ont répondu présent tous les ambitieux de la région. En véritable aristocrate, le Listonien s’est entouré d’une cour de jeunes gens aux dents longues dont la principale caractéristique était d’en vouloir et de ne pas avoir froid aux yeux.

Résultat, bien loin de l’hégémonie pharoise menant à une certaine cristallisation des pratiques, Porto Mundo s’est révélée un espace d’avantage anarchique et ouvert aux opportunités pour la piraterie régionale. Une conséquence peut-être pas totalement bien anticipée par le maire de la ville dont l’influence se retrouve aujourd’hui disputée par la faction pirate qui grouille sur les quais. Et la base militaire pharoise locale n’y changera rien ! Pourtant, c’est bien la présence d’Estrella, indiscutée et indisputée, qui tient tout ce petit monde en place et empêche les ambitieux de s’entre-déchirer. La houlette ferme du maire de la ville assure une concurrence saine, à défaut d’être équitable.

Si Edmundo Estrella risque encore de perdre le contrôle de la situation, il en tire malgré tout quelques bénéfices. Le premier d’entre eux : écartée la menace d’une destitution musclée, qu’elle vienne de l’Empire Listonien ou du Pharois Syndikaali. Avec quelques cent-milles brigands en ville, dans un espace géographique aussi stratégique pour la région, la force brute est à exclure sauf à plonger – pour on ne sait combien de temps – le paysage dans le chaos.
Par ailleurs, la ville s’enrichie, et ce malgré qu’une part conséquente du commerce continue d’être absorbée par le Syndikaali voisin et les territoires finnevaltais frontaliers.

Mais au-delà du destin de son maire, Porto Mundo ouvre une fenêtre à la piraterie pharoise. Emancipée de ses structures historiques, qui ont fait autant sa fortune que son début de sclérose, c’est indéniablement dans la ville sur le fjord que se construit l’avenir de la profession et des pratiques d’un nouveau genre. Au Pharois le hacking, arnaques, trafics et contrebandes, à Porto Mundo le coup de poing et le service à la personne. Une armée de gros bras qui entend renouer avec les méthodes musclées de l’ancien temps, partiellement délaissées par la politique d’apaisement pharoise. De la culture du Syndikaali et de celle de l’Empire Listonien, Porto Mundo fait la synthèse violente et n’entend visiblement pas abandonner, sous prétexte de modernisation et de financiarisation de l’économie, un certain rapport à l’action physique et à la rue.

Au-delà des grands schémas, cependant, c’est la rencontre des genres et des gens qui permet l’expression d’une nouvelle piraterie. Porto Mundo, de par sa petite taille et sa forte densité d’habitants, fait caisse de résonnance pour les débats du siècle et il n’est aujourd’hui plus possible d’entrer dans un lieu public sans y croiser quelques têtes patibulaires d’ambitieux en mal d’aventure. Dans les hauteurs, la mairie de Porto Mundo, partiellement délaissée par Estrella qui concentre son attention ailleurs et laisse à dessein se créer un écosystème viable autour de lui, les couloirs et bureaux semblent s’être transformés en un forum d’un genre moderne, propice aux chuchotements et aux débats passionnés.

Du plus discret au plus flamboyant des pirates, en public comme en privé, chacun trouve son compte de projets et d'ambitions à Porto Mundo qui semble, du moins depuis quelques temps, porter la flamme d’un horizon des possibles, laissant à la traîne un Syndikaali devenu lourd et pataud de sa richesse et de ses succès.
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