"Ta joie me manque ! Tes sourires me manquent ! Et j'aimerai tant revoir tes rires un jour ! Vis ! Vis ! Vis ! C'est ce que je veux en toi !" s'écria Kobo
"Souhaites-tu prendre ma vie ? Ou ma joie, me sourires et mes rires ?", répondit Makoto, presque dans un murmure
"Je ne veux rien prendre de toi ! Juste que tu sois humaine !"
"Humaine... Humaine... Je ne le suis donc plus. Je ne l'ai peut-être jamais été"Makoto, c'est un peu moi, c'est un peu mes amis, et de plus en plus, c'est un peu tout le monde. Je suis Masae, et c'est bien moi qui ai réalisé Makoto entre les mondes. Pas toute seule, loin de là. Et Sargylaana, elle est réelle.
Cette Makoto,
c'est bel et bien celle qui réanimait des poupées de bois en 2008, celle qui a voulu se battre pour des démons qu'elle apprenait tout juste à connaître, avant de devenir une femme maronhienne bien sage. La grosse production du pays destinée à toucher les petits comme les grands. Si à l'époque, j'avais aimé le film, il m'avait laissé un goût étrange. Sur une terre glacée craquelée de volcans, une spectatrice n'a absolument pas compris la leçon, mais a remarqué que quand bien même elle avait renoncé à utiliser ses pouvoirs, elle ne les avait aucunement perdus, et que le fait était qu'elle les avait au départ, cela ouvrant des dizaines d'implications. Elle a réuni des gens, et fait un court-métrage de 15 minutes, où Makoto était confrontée au fait qu'elle ne pouvait tout simplement pas ignorer les démons.
En 2009, Makoto a 12 ans, elle se sent un peu malade, les médecins ne trouvent pas. Ses rêves enfiévrés la voient retrouver des poupées de bois comme en en a connu. Va savoir comment, elle a entamé la discussion avec l'une d'elle.
"Vos arbres ne vivront pas dans ce monde" dit elle.
"Et d'ici trente ans, ils seront entremêlés""Trente ans ?" questionne-t'elle
"Trente de vos années, à peu près précisément"
"On ne pourra jamais vivre ensemble, l'un des mondes annihilera l'autre"
"Et pourtant, il y a toi, ici, mi-humaine"
"Mi-humaine ?", elle réalise soudainement la portée de cette affirmation.
"Non, c'est impossible". Son visage se fends d'horreur : seconde compréhension :
"Ma mère n'est pas..."Après cette mauvaise nuit, elle essaye de penser à la journée, de se comporter comme une Makoto telle qu'elle devrait toujours être, à mener sa vie quotidienne. Au soir, elle se prépare pour aller à la douche, quand elle voit sa tête. La même, mais avec des bois qui commencent à sortir. Elle veut les couper, elle renonce rapidement quand elle se rends compte que ça lui fait mal. Elle commence à paniquer, se dit qu'un démon est en train de prendre possession d'elle, va au temple le plus proche pour demander à un chaman de l'exorciser, celui-ci commence le rituel, puis arrête d'un coup elle n'est pas possédé par un démon, elle est la démone. Il fuit, elle se retrouve seule. Elle pleure. La suite, c'est l'histoire d'une personne capable de créer la vie, de la faire pousser sous forme de plantes, d'une force surhumaine qui voit des vieux, très vieux souvenirs remonter. Elle fait peur à tout le monde, et plutôt à raison. Que penserait son père si elle la voyait ? Elle a compris, elle n'est plus seulement humaine, ne pourra pas l'être, relève la tête, parcoure la rue. Si elle suscite la peur, ainsi soit-il. Elle prends le cahier contenant ses discussions oniriques, et y consigne sa situation. A priori, le livre l'a patiemment écouté, en le rouvrant, il comporte les plans d'une poupée de bois. Elle la fabrique patiemment, et lui "donne vie". Ils regardent les montagnes, puis le ciel nocturne ensemble. Elle repart dans les montagnes, vers l'atelier de son père, désormais parée d'imposants bois qui ne sont pas sans rappeler ceux de Masutāuddo. Elle emporte des outils de sculpture avec elle.
Ce court-métrage n'avait rien à voir avec ce qui se faisait en Maronhi. A la fin, Makoto n'était plus une fille normale, et elle n'avait plus à l'être. Ce n'était même pas l'idéal. Mais plus encore : ce n'était pas non plus une individu accomplie, mais une fenêtre sur un autre monde mystérieux, qui pourrait impacter notre monde sous peu, et un être dont les pouvoirs futurs ne se devinaient pas aisément. Dans tous les cas, la vie qui était attendue d'elle jusque-là n'était désormais plus possible. Makoto la demi-démone est probablement le personnage le plus attachant que j'ai vu dans un film, et justement à cause de son étrangeté.
"Attends mais tu te rends compte que la forêt est en train de dépérir ?" demanda Makoto
"Mais qu'est-ce que tu racontes ? Elle s'est jamais porté aussi bien depuis des siècles ! Et les reboisements sont plus intensifs que jamais !" répondit, voire, Makoto en avait l'impression, récita Kao, son amie.
"Les feuilles commencent carrément à pourrir !"
"On est dessus depuis des décennies, on va bientôt trouver un antidote"
"Il y a un an, c'était complètement vert ici. Les forêts sont en train de pourrir à toute vitesse ! Ne me dis pas que tu as gobé la version du gouvernement ! C'est littéralement devant nos yeux !"Avant de continuer l'histoire, faisons un point sur le contrôle de l'information au Maronhi. Le gouvernement Maronhi dispose d'un chef suprême, le Gran Man, Awara Kouyouri actuellement, mais la plupart des lois sont pensées et votée au niveau de l'Assemblée des Man, qui se réunissent en différentes tendances politiques. Si celles-ci peuvent diverger, elles s'entendent toutes sur un point : le mode de vie maronhien considéré comme traditionnel doit être préservé. Un film qui prends à ce point les valeurs maronhiennes pourtant présentés comme traditionnelles à revers ne devrait pas circuler sur Internet. D'autant plus que les média et l'information sont très, très contrôlés. Pourtant, ce court-métrage a eu son petit succès, surtout parmi les jeunes intéressés de films un peu confidentiels. Premièrement, un VPN fait beaucoup de choses. Deuxièmement, le contrôle de l'information peut prendre du temps. Un film sur Internet comme le court-métrage de Makoto peut tomber sous la juridiction du Département de l'Information, dans la mesure où il peut être considéré comme un contenu médiatique et une information contraire à l'idéologie du régime. Sa circulation sous le manteau peut signaler la présence de gens constituant un risque potentiel qui tombe sous le coup du Département de la Sécurité Intérieure. Le Département des Communications dispose d'une mission de réglementation des contenus médiatiques, afin de préserver la morale et les principes de la République, de qui est assez proche de la mission du Département de l'Information. Enfin, si l'on assimile la circulation d'un film sur Internet à de la cybercriminalité, ça tombe aussi sous le coup du Département du Numérique. Dans cette situation, quatre bureau différents ont pour tâche d'interdire ce film, chacun selon ses propres règles et sa propre logique, et chacun souhaitant être celui qui se montrera efficace. Pendant que les différents départements se tirent dans les pieds, le film est toujours là, et peut circuler plusieurs semaines, voire mois, avant qu'il n'y ait des conséquences. Après quoi, le film est toujours présent sur son serveur étranger, un VPN et c'est parti pour quelques semaines de plus. Ce pays est tellement obsédé par le contrôle de l'information qu'il se ralentit tout seul, ce n'est pas pour nous déranger.
A l'époque où j'ai vu le court-métrage, ma famille ne me parlait plus, mes amies me trouvait juste bizarre, et j'avais un mec qui m'a jeté du jour au lendemain et dans le monde dans lequel je vis, l'amitié entre des hommes et des femmes n'est juste pas envisageable. J'étais sérieusement en train de remettre en question l'intérêt de ma vie. L'idée de transcender ma simple existence en épousant un homme et en lui faisant des enfants qui feraient la même chose me semblait absurde. Pourquoi je soutiendrais une société qui considérait ses femmes avec moins d'importance que les hommes au nom de traditions assemblées pièces par pièce pour former un héritage à protéger ? Et le seul plan, c'était, faire la même chose ? Pour toujours ? C'est ça notre transcendance ? Les dieux seront contents. Makoto la bonne citoyenne avait appris à en être heureuse, un idéal que je ne pouvais pas atteindre. Makoto la demi-démone, c'était autre chose. Elle ne pouvait pas non plus être une bonne fille, alors, elle a fini par accepter qu'elle était aussi enfant du monde des démons, portant en elle une subversion, un bris de l'absurdité de ce monde. Alors, j'ai voulu savoir d'où sortait cette nouvelle version.
J'ai commencé avec le principal indice que j'avais sur ce film : Sargylaana. Je l'ai rencontré sur un serveur kah-tanais, alors qu'elle parlait de cuisine avec des communards. Elle est Orik m'a-t'elle dit, ce qui n'est pas non nom mais celui de son peuple. Je ne connais pas le nom qu'elle utilise dans la vie courante, et elle ne souhaite pas le partager. Je lui demandé comment elle en était venue à faire ce film. Elle m'a répondu que déjà, elle ne l'avait pas fait seule, mais que l'anonymat était apprécié par ici, et qu'elle que des Maronhiens leur avaient proposé de donner leur vision de Makoto la petite montreuse de démon (donc le premier film), et qu'ils avaient décidé de s'amuser avec ce film. Le court-métrage vise à explorer une idée simple : Makoto a gardé ses pouvoirs mais veut les ignorer. A partir de quand cela devient-il impossible ? Il s'agit de véritables questions que toute une communauté pose à l'échelle de sociétés entières, et c'est là que l'on commence à parler de transhumanisme. L'idée est qu'en améliorant nos technologies actuelles, il pourrait être possible, voir souhaitable ou inévitable, de modifier les humains pour en faire des hybrides entre les humains tels qu'on les connait et des créatures et machines conçues par les humains. L'hybride pourrait faire plus de chose que l'humain qui l'a formé avant qu'il n'ait été modifié, et cela pose des questions éthiques et sociales en cascade.
"Une fois qu'un démon infuse un corps, il en est irrémédiablement changé. Toute sa perception du monde, et tout ce qu'il imagine possible se fera au travers de ce corps. Dans mes mains sont fabriquées la moitié entremêlée d'un futur démon, alors, je la soigne, je fabrique un corps pour être puissant, et surtout, aimé"Dans les faits, si le gouvernement met en avant le respect des ancêtres, l'importance de la famille, et la spiritualité, il y a des parties de notre héritage historique volontairement oubliés. Dans notre cas, il s'agit d'une part de notre culture artisanale, la recherche de la perfection, jamais atteinte. Les Shintos sont des animistes, pour qui le monde est parcouru d'esprits. Même des objets fabriqués par des humains peuvent contenir un esprit. Alors, un automate pourrait également être un esprit, l'idée d'hommes-machines n'est pas inconnues des Shinto. Autant dire que lorsqu'on leur parle de fusionner les humains et les esprits, ils sont déjà à moitié convaincu. Internet a permis l'émergence d'une véritable communauté transhumaniste au Maronhi, communiquant régulièrement avec ceux du Sud qui ont possiblement été l'étincelle qui a allumé le feu, mais créant une vision de l'augmentation humaine qui corresponde à leur société, et à leurs rêves. La communauté est petite, mais active, la grande majorité des transhumaniste maronhiens sont des shintos. Autant, je n'a jamais fréquenté les milieux transhumanistes auparavant, autant cette façon de penser a quelque chose de passionnant. Pour la société, l'augmentation humaine est quelque chose de très discutable, mais le fait est qu'ils sont parmi les quelques-uns qui proposaient quelque chose, autre chose que l'absurdité. Je me suis mise en tête de les rencontrer, et de voir si l'on pourrait faire un film ensemble.
Finalement, nous avons beaucoup discuté pour écrire ce film, et cela a mobilisé une équipe entière, non seulement ici, mais avec l'aide de Sargylaana et de ses contacts également. Ce sont des mouvements qui se font en grande partie en ligne et qui s'organisent sur le temps libre des participants. Il faut être très patient ! L'activité informatique pourrait alerter le gouvernement, aussi c'était Sargylaana qui hébergeait le film et les images, on travaillait des animations à part que l'on s'envoyait avec un minimum de contexte, le tout était assemblé une fois que tout était prêt, et le film final était monté par l'équipe étrangère. L'on s'échangeait des textes, des dessins, des idées. Ça a été important pour moi, de faire un projet commun, avec des dizaines de personnes. Je me suis fait des amis dans le processus. Aujourd'hui, c'est probablement le projet duquel je suis la plus fière.
Beaucoup de thèmes ont constitué la maille de ce film, la réalité, sa manipulation, et l'illusion, le maintien d'un héritage collectif, le voyage initiatique, le lien avec des valeurs nouvelles et la crainte de la modernité, l'humanité, la solitude et le lien social, le rapport à l'altérité, à la Nature, le patriarcat, le patrimoine, la guerre, le futur... Et comme pour le premier, c'est des moments suspendus dans le temps. Un lézard parcourant la pierre. Une plante malade perdant ses feuilles. Un ciel étrangement coloré, ou alors normal, on cherche bien des anomalies partout. La pluie tant attendue qui tombe sur le toit. Un champignon aux spores luminescentes sortant lentement d'un banc. Des chicots se balançant au vent. Un navire passant lentement sur la côte. Un moustique, pas très loin. Une forêt de champignons recouverte de cendres. Un lent crépuscule...
Pour Sargylaana et moi, et tout ceux qui ont travaillé dessus, ça a été un grand moment de notre vie, et je suis heureuse de le voir enfin vu, téléchargé et partagé.
Plan sur le ville émaillée par les affrontements. Les ruines de barricades encore fumante, sur fond de chants d'oiseaux. D'appartements vides, de femmes en pleurs. Un léger vent souffle sur la ville. Plan visant l'horizon au-dessus de la vision d'un quartier entier, fumée flottant au vent. Plan sur Kayoko en train de nettoyer sa maison, où les débris de la mobilisation de son mari, qui s'est faite dans la lutte, jonchent la pièce.Makoto a 22 ans, elle est désormais une jeune femme mariée, travaillant en ville dans une menuiserie fabriquant des meubles et des jouets. La vie est calme, le soleil tape sur la ville. On est en 2022, le temps est presque suspendu. En regardant au large, il est possible de voir des navire manœuvrer sur les mers, maronhiens comme burujois. Et surtout, sur les arbres, apparaissent des marques, des champignons. A la radio, l'on présente le maïs comme l'un des aliments les plus représentatifs de la tradition maronhienne depuis la période précoloniale (petite note, ce n'est absolument pas une position officielle en 2010). Un hélicoptère passe au-dessus d'un quartier, s'arrête, se déplace, il projette des lumières dans les ruelles en contrebas, ils cherchent quelque chose.
Un jour, un collègue, Iemochi, est absent. Personne ne sait où il est. Quelques jours passent, et il ne réapparaît pas. Elle va poser la question au contremaître qui lui assure qu'il n'a jamais travaillé ici. Finalement, des policiers arrivent devant sa porte pour la questionner sur Iemochi, en lui faisant comprendre qu'elle est fortement suspectée. Elle apprends le jour suivant qu'elle ne travaille plus à l'atelier, et on la remercie de sa contribution. La femme de Iemochi ne donne pas signe de vie. Kobo, son mari, de plus en plus abusif, la soupçonne également, alors, elle commence à vouloir enquêter sur cette disparition. Elle part à la bibliothèque pour accéder à un ordinateur, et découvre ainsi Internet.
Au départ, elle enquête donc avec l'aide d'internautes sur la disparition d'Iemochi dont on n'a retrouvé aucun corps, mais les quelques indices identifiés sur ses dernières activités laissent à penser qu'il était impliqué dans des activités secrètes, et qu'il se passe quelque chose de particulièrement inquiétant, comme si la vie elle-même était en train de muter. A ce moment-là, la ville est parcourue de rumeurs contradictoires sur l'action de groupes militants, l'étendue de la pègre, la prise de pouvoir de familles d'industriels sur l'économie du pays, une guerre possible avec Péronas, les descentes de l'armée et d'une mystérieuse police secrète, et possiblement, de quelque chose de plus ésotérique, le tout sous fond de propagande changeante. Trouver où était impliqué Iemochi va donc devenir compliqué.
Alors que les forêts sont en train de dépérir rapidement et que le monde qui l'entoure reste faussement calme mais apparaît en crise, Makoto commence à avoir des rêves étranges, elle se retrouve à marcher dans un monde froid rempli de cendre, et à discuter avec des démons, qui lui expliquent que son monde arrive vers sa fin, mais que l'avenir reste incertain. Cela lui rappelle étrangement son enfance, elle le voit malgré tout comme des mauvais rêves, jusqu'à ce qu'elle finisse par en croiser un au détour d'une rue habillé en kimono et marchant comme n'importe quel humain. Elle commence à avoir peur, et à se dire qu'il falloir qu'elle comprenne son lien avec les démons et qu'elle apprenne à maitriser ses pouvoir pour espérer avoir une idée de ce qui est en train de se passer, et que tout le monde semble ignorer.
Elle va donc devoir arpenter le monde cendreux et faire appel aux démons pour faire quelque chose à ce qui est en train de se passer, mais cela la changera irrémédiablement, l'on pourrait même dire qu'elle en perdra la tête, voire son humanité. Finalement, son mari finit par s'éloigner d'elle, et elle perds la plupart de ses amis, et continue de changer, jusque dans son corps. Elle en devient méconnaissable, et en vient à se questionner sur l'importance de sa vie, de celle des autres, du monde qu'elle a connu, de ce qu'elle fait, alors qu'elle commence tout juste à trouver le moyen de passer d'un monde à l'autre.
Le monde qui l'entoure commence à s'embraser. La guerre avec Péronas est confirmée, le Maronhi honore son alliance avec le Burujoa et mobilise la population, dont une bonne part n'est pas motivée à délaisser son mode de vie pour une dangereuse guerre d'agression, l'armée envoie des soldats recruter les hommes, et quelque chose de nouveau les accompagne, des automates, dont l'un des premiers usages est de traquer la pègre et les déserteurs sans relâche jusqu'à ce que l'objectif soit atteint. Par la suite, ces machines de maintien de l'ordre deviendront la terreur du pays.
Et Makoto, désormais lien entre la Terre et le monde cendreux, va devenir l'une des rares personnes à peu près humaines capable de leur tenir tête.
Cette portion de forêt était morte, touts les arbres étaient des chicots. La lune haut dans le ciel, Makoto et Yuria se tenaient au centre de la clairière.
"Je vais te montrer un truc" lança Makoto avec avec l'enthousiasme réservé qu'elle développait dernièrement. Elle appuya sur un carpophore de champignon poussant sur ces troncs morts, qui éjecta une volute de spores luminescente. Elle dansa dans les tourbillons de spores, touchant d'autres champignons.
"Il y en a dans le monde cendreux, t'imagines pas ma joie quand je tombe dessus !"
"Tu sais ce qui me fait peur chez toi ? Tu vois de la beauté dans des trucs horribles, et je finis par la voir aussi" révéla Yuri, au bord des larmes.
"Désolée... Si je peux faire mieux..." Répondit Makoto
"Tu me fait peur, mais pour rien au monde je n'y renoncerais. Tu est ma meilleure amie, et tu l'est restée tout du long, je veux juste être avec toi"
"Allons faire un truc ensemble, quelque chose que tu aimes"
"Un jour, je danserais avec toi"La suite elle fait état de pérégrinations de Makoto, quelque chose de nouveau dans un monde en train de se déchirer. La plupart des gens luttent pour maintenir leur vie, garder une routine rassurante, mais le dépérissement des forêts et l'émergence des démons achève toute illusion de constance, il ne devient plus possible de croire que ceci est le monde d'avant. Les humains en deviennent méconnaissables, incohérents, tristes, apeurés. Les gens se réunissent et font communautés, ils ont plus que jamais besoin les uns des autres. Les pays les ont alors abandonné, préférant s'affronter à mort pour ramener un semblant de normalité.
Makoto, elle n'est pas une héroïne, elle n'incarne rien, elle est simplement post-humaine. Elle entends l'agonie du monde, et rêverait de faire venir un démon en lui pour lui redonner vie. Tailler du bois et tailler un monde, ce n'est malheureusement pas la même chose. Elle est la servante et la reine de l'entre-monde, une vagabonde et une constructrice, ou un peu rien, tout est confus. Que ferons-nous lorsqu'il n'y aura plus d'arbres, ou alors les arbres vont eux aussi faire venir ce monde en eux. Et surtout, personne n'existe sans les autres.
Que se passerait-il si l'on refusait catégoriquement de transformer les humains. De les voir faire des choses différentes de ce qu'on leur connait ? Le monde serait-il idéal ? En intégrant les gens dans une seule nation, en menant tout le monde à suivre les traces de certains ancêtres, on se spécialise. L'on perd inévitablement en polyvalence, et l'on a que peu d'outils pour résoudre les problèmes. Au bout d'un moment, les problèmes s'accumulent, et le seul moyen de les résoudre est de dissoudre la réalité même. Ce qui suit, sera radicalement différent. Makoto, il ne lui reste qu'à faire ce qu'elle peut faire : sculpter des démons, faire porter la musique à travers le vent, réapprendre à vivre et explorer ce monde qui est désormais le sien.
Petite surprise : à la fin, il y a des arbres, qui restent vivants, mais de ceux qu'on ne connaissait ni sur terre, ni dans le monde cendreux.
Vous pouvez être sûr d'une chose : vous n'aurez aucun moyen de connaître l'avenir de Makoto, ni d'aucun autre, ni même du monde lui-même.
"Il y a quoi à ton avis, au-delà de l'horizon ?"
"Regarde les étoiles"
"Ce n'est... Plus le même ciel"
"Il va falloir tout explorer"