11/03/2013
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[RP] Le Temple de l'Esprit

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Maudite soit ma condition d'Homme pour m'avoir pousser hors du Sentier. Maudits soient les Adeptes. Et surtout maudit sois-tu, Temple de l'Esprit, toi le pavillon doré dardant de ses implacables rayons de sagesse... Comment suis-je arrivé ici ? Je n'en suis plus certain...

Un jour, il y'a de cela plusieurs décennies, je découvris de l'autre côté d'un canal, sur la rive, se balançant au vent, un arbre qui n'était pas très haut. Comme je le regardais, mon cœur se mit à palpiter. C'était un arbre d'une beauté saisissante. Il formait sur la pelouse un triangle aux lignes régulières mais légèrement incurvées, et ses nombreuses branches, qui s'étendaient symétriquement à droite et à gauche à la manière d'un chandelier, soutenaient son feuillage alourdi, sous lequel on apercevait un tronc solide, comparable à un socle d'un noir d'ébène. Parfaitement construit, délicatement fini, et sans perdre pour autant cet air de grâce nonchalante propre aux choses de la Nature, l'arbre se dressait là, gardant un silence radieux, comme s'il était lui-même son propre créateur. Et assurément c'était une œuvre. La terre fut frappée d'une pluie aussi soudaine que torrentielle qui m'obligea à presser le pas pour venir m'abriter sous ses branches. Là, bercé par l'impact des gouttes d'eau sur les toits de tôle, je m'assoupis rapidement contre son tronc. Je me réveillais bientôt, ne pouvant désormais mouvoir plus que mes yeux. La pluie n'était plus. Des passants se croisaient sur les trottoirs en se mêlant à d'étranges invités qu'ils semblaient ignorer. Des invités qui me fixaient du regard. Des invités qui n'avaient d'humain que la silhouette. Par la suite, ces cauchemars éveillés se sont multipliés. Les invités tournaient autour de mon corps endormi, venaient parfois jusqu'à m'étrangler. J'étais certain de ne pas avoir rêvé et compris bientôt que je n'étais pas le seul dans ce cas. Je n'ai malheureusement jamais trouvé d'explication scientifique à ce phénomène. Mais là où mes cauchemars éveillés différaient de ceux que l'on m'avait décrit, c'était sur une étrange lueur qui m'apparaissait quelques fois. Une lueur éblouissante, dorée, comme le reflet du soleil sur une parure faite d'or, qui semblait venir du plus profond de l'arbre au noir d'ébène. Sans même l'entendre, je savais qu'il m'appelait à ses côtés.

Depuis cette époque, j'ai appliqué mon coeur à rechercher et à sonder par la sagesse tout ce qui se fait sous les cieux : c'est là une occupation pénible, à laquelle les esprits, les démons et les dieux soumettent les fils de l'Homme. J'ai vu tout ce qui se fait sous le soleil ; et voici, tout est vanité et poursuite du vent. Ce qui est courbé ne peut se redresser, et ce qui manque ne peut être compté. Mais avec beaucoup de sagesse on a beaucoup de chagrin, et celui qui augmente sa science augmente sa douleur... On l'apprend souvent à ses dépens. Ma sagesse était vaine. C'est pourquoi je me suis tourné vers le Temple de l'Esprit.

Me voilà donc. J'ai oublié jusqu'au comment. Mais je m'avance lentement, un pas après l'autre, dépassant bientôt les Adeptes. Et voilà que toi, Temple de l'Esprit, tu t'offres à moi, vieilli, terne, loin de l'image que je m'en étais faite. Je ne retrouve pas l'ébène qui m'avait tantôt été promis. Les Anciens ont raconté tant de choses à ton sujet que ta simple évocation me provoque aujourd'hui l'effroi le plus glaçant, la terreur la plus sourde. On a depuis longtemps arrêté de compter les intrépides aventuriers a avoir quitter le Sentier, par delà les rêves et les cauchemars, pour tenter d'ouvrir tes portes, sans succès, ni retour... Temple de l'Esprit, tu étais là avant que mon peuple traverse la Grande Salée. Aujourd'hui, me voilà devant toi. Aujourd'hui, c'est moi qui me sacrifie. Entends ma voix. Je m'abandonne.

Temple de l'Esprit

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Je ne sais que ce qu'il y avait à savoir jusque là... Le soleil se lève, le soleil se couche ; il soupire après le lieu d'où il se lève de nouveau. Le vent se dirige vers le midi, tourne vers le nord ; puis il tourne encore, et reprend les mêmes circuits. Tous les fleuves vont à la mer, et la mer n'est point remplie ; ils continuent à aller vers le lieu où ils se dirigent. Toutes choses sont en travail au delà de ce qu'on peut dire ; l'œil ne se rassasie pas de voir, et l'oreille ne se lasse pas d'entendre. Ce qui a été, c'est ce qui sera, et ce qui s'est fait, c'est ce qui se fera ; il n'y a rien de nouveau sous le grand soleil. Tout ce que je sais, c'est tout ce que je suis. Ouvre-moi donc tes portes, Temple de l'Esprit.

D'abord, un silence... Puis soudain, une voix, chaleureuse, réconfortante. J'entends la voix même du Temple jusque dans mon cœur : « Ce corps-même est le vide, et le vide-même est ce corps. »
Ce corps n’est autre que le vide, et le vide n’est autre que ce corps. Il en va désormais de même pour les sensations, les perceptions, les formations mentales et la conscience. Le vent se lève... Les portes s'ouvrent. Les Adeptes disparaissent. Les sensations, les perceptions, les formations mentales et la conscience, ne sont alors plus des entités dotées d’un soi séparé.

Soudain, un bol au bois délicatement laqué glisse depuis l'intérieur jusqu'au parvis. Le bouillon dans son creux produit alors un nuage de vapeur qui vient pénétrer mes narines. C'est là mon premier contact avec la douce amertume de la liane aux esprits. « Bois. » Sans même hésiter, je porte à mes lèvres cet étrange breuvage...

Rien. Rien... Puis, rien. La voix ne dit plus un mot.

J'essaye alors de reculer, sans succès. Mes muscles, paralysés, m'empêchent ainsi de me mouvoir. Tout est comme cette fois-là. Rapidement, mon corps s'affaisse sur le sol. Je m'en sens étranger. Pourtant, je me sens comme parcouru par une nouvelle sensation, quelque chose que je n'ai jamais expérimenté, comme un nouveau sens... Pouvant sonder comme la nature même de mon corps, celui-ci ne me semble porter que la simple empreinte du vide. Sa nature véritable n’est ni la naissance ni la mort, ni l’être ni le non-être, ni la pureté ni l’impureté, ni la croissance ni la décroissance. La connaissance venait lentement à moi.

Les six consciences, ne sont pas des entités dotées d’un soi séparé.
Les douze liens de la co-émergence interdépendante et leur extinction ne sont pas non plus des entités dotés d’un soi séparé.
Le mal-être, les causes du mal-être, la fin du mal-être, la compréhension et la réalisation ne sont pas non plus des entités dotées d’un soi séparé.

Je sais désormais que la sagesse qui me mènera au cœur du Temple se trouve sur l'autre rive. Là-bas est, je le sens, la grande invocation, la plus lumineuse, la plus élevée, une invocation au delà de toute comparaison, la sagesse véritable qui a le pouvoir de mettre fin à toutes les souffrances. Et à la tienne...

Ainsi, je proclame celle qui me mènera à l’autre rive. Ma bouche réussit à s'ouvrir.

Vanité des vanités, tout est vanité.
Quel avantage revient-il aux fils de l'Homme de toute la peine qu'ils se donnent sous le grand soleil ?
Trop au couchant, il y'a le levant.
Une génération s'en va, une autre vient.
Vois ceci, puis continue de prier et d'agir.
Il en sera toujours ainsi.
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