Canal diplomatique

Cher monsieur Ctislav Valasek,

Avec le recul du temps, il est véritablement fâcheux de constater comme nos deux pays ont tardé à entrer en contact. La faute nous revient toute entière, balloté de crises en sommets, de rencontres en dîners mon ministère n'a pas su se montrer à la hauteur de l'ouverture des grandes nations voisines à l'international. J'espère que nous saurons dépasser la banalité des délais pour voir au-delà des choses plus fondamentales : celle de nos intérêts communs.

Comment vous portez-vous ? Pour ma part, délicieusement bien. Il semble que les affaires sourient au Syndikaali et notre pays, en toute modestie, surmonte les dangers comme on saute les vagues : non sans émotions, mais avec une certaine fluidité.

Nous n'avons pu que nous réjouir d'apprendre que le Tsar de Karpok avait choisi de rouvrir ses canaux diplomatiques au reste du monde. L'isolement est une chose sordide, à l'inverse, je crois que nous gagnons tous à tourner notre regard au delà de l'horizon de nos frontières. Sinon d'ailleurs dans l'idéologie mécanique qui consiste à s'ouvrir aux autres, mais tout simplement pour assouvir une certaine soif de curiosité. Ce n'est qu'à l'aune d'autrui qu'on se découvre soi-même, ne pensez-vous pas ?

Pour parler un peu plus concrètement, l'Empire Karpok et le Pharois Syndikaali partagent indiscutablement des intérêts communs, dictés par la géographie. A l'image du Reylos et de la République Communiste Libertaire de Boltorkhoy, votre nation se trouve stratégiquement située sur un détroit vous ouvrant la porte de l'océan du nord.
Le Syndikaali contrôle l'autre voie de passage de cet océan, le Détroit Pharois entre l'océan et la Manche Blanche.

Cette constatation nous amène à plusieurs pensées.

La première et la plus évidente est votre droit naturel à nous rejoindre au sein du très flottant Conseil de Défense de l'Océan du Nord (aussi parfois abrégé CDON). Cette organisation n'a rien de politique, vraiment, puisqu'elle accueille toutes sortes de nations aux idéologies très différentes. Notre but premier est unique est justement d’empêcher l'embrasement des nations et contenir l'étincelle dans une région qui aurait tout d'une poudrière si nous la laissions en proie aux intérêts de chacun. L'autre objectif, moins officiel, est de limiter ou d'empêcher les ingérances étrangères dans un territoire dont nous sommes seuls légitimes à décider du sort.
Si ce projet vous semble pertinent, nous serions heureux de compter votre voix parmi les notres. Vous y retrouverez le Syndikaali, la Lutharovie, le Reylos, la République de Peprolov, le Norstalkian à titre d’observateur, le Boltorkhoy et je l'espère bientôt la République Autonome de Priscyllia.

Autant dire, toutes les nations qui comptent véritablement dans la région.

J'en reviens aux détroits, si vous le voulez bien.

J'ai initié il y a quelques temps des pourparlers avec votre voisin Boltorkho qui a choisi de rejoindre notre alliance politique, le Liberalintern. Je ne vous ferai pas la même proposition, compte tenu de ce que des divergences politiques profondes existent entre vous et l'Internationale Libertaire, cependant cela ne vous exclue aucunement de la discussion.
En effet, l'océan du nord est une voie stratégique pour le commerce mondial et il est naturel que ses acteurs décident collectivement du destin de cette région.

L'Empire Karpok, s'il le désire, pourrait assumer son rôle de pièce maîtresse dans cette grande machine que nous tentons de bâtir collectivement, au-delà des querelles idéologiques. Nous sommes persuadés qu'un rapprochement politique, économique et diplomatique - voire militaire - avec le Syndikaali serait profitable à nos deux pays.

Faites moi savoir quant à vos sentiments à ce sujet.

Cher monsieur Ctislav Valasek,

Ne vous justifiez jamais d'avoir fait appel à la délibération collective pour prendre une décision. La discussion est une courtisane exigeante, mais néanmoins la plus satisfaisante de toutes. Je suis néanmoins heureux d'apprendre quelle vous aura susurré à l'oreille que le Syndikaali était de bon parti.

C'est d'ailleurs dans la continuité de ce fil de ma pensée que je dirai que je comprends vos ennuis avec la République Communiste Libertaire de Boltorkhoy. Rien de pire qu'un anarchiste pour voisin ! Mais laissez leur donc une chance, ils pourraient peut-être vous surprendre. En tout cas, si d'aventure troubles il y avait dans votre région, les liens que nous entretenons avec les libertaires, et bientôt avec vous, pourraient potentiellement découler vers une médiation, si vous le désiriez. Il n'y a rien dans ces eaux qui ne se règle pas un dialogue apaisé, un repas chaud et parfois quelques basses manœuvres diplomatiques aussi déplaisantes que nécessaires.
Mais c'est le lot des ambassadeurs ! Nous sommes gens à nous salir les mains pour la paix et la prospérité de tous.

Je suis absolument ravi d'apprendre votre désir de siéger au sein du Conseil de Défense de l'Océan du Nord. Pour l'heure ce n'est qu'une coquille un peu vide, qui fut fondée en urgence pour répondre à la crise du Prodnov, avec quelques succès, mais aussi du potentiel d'amélioration m'est avis. Il sera bientôt temps d'en réunir ses acteurs pour décider de la suite à donner quant à la politique économique et politique de notre belle région.

Vous faites bien de mettre en branle vos usines, les loups rôdent et les dernières exactions de certaines nations au tempérament impérialiste et belliqueux ont prouvé que nul n'était protégé, pour peu qu'il prête le flanc.
Sachez toutefois que le Syndikaali est à la pointe sur les questions d'armement militaire de marine. S'il vous prenait le souhait de collaborer avec notre flotte, nous pourrions envisager des exercices militaires dans votre partie du Détroit ce qui y réaffirmerait votre souveraineté, et dissuaderait sans doute certains Etats voyous d'y avancer des revendications infondées. Qui sait, cela pourrait même être objet de rapprochement avec votre voisin Boltorkho ?
De manière plus mercantile, si d'aventure vous souhaitiez faire l'acquisition de navires, nous ne vendons qu'au cas par cas pour des questions stratégiques. Vous savoir en protecteur du Détroit serait sans nul doute une raison suffisante pour que nos syndicats de l'armement acceptent de vous produire une flottille.

Pour en revenir à un sujet plus ambitieux, plusieurs ministres et moi-même avons soupesé l'idée qu'un rapprochement militaire entre nos deux nations serait extrêmement pertinent d'un point de vue géopolitique.
Nos deux régimes sont certes éloignés de bien des manières, mais j'y vois là la simple démonstration que le Syndikaali peut travailler avec tout le monde, au delà des guerres idéologiques épuisantes et qui confinent souvent à l'impérialisme ou au néocolonialisme. Les Pharois n'ont pas vocation à exporter leur modèle, la chose est claire, que chacun vive selon ses règles pourvu cependant qu'il soit libre de les choisir.

Dans ce but, je peux vous proposer plusieurs accords, du moins ambitieux au plus... innatendu.

Dans un premier temps, un simple pacte de défense mutuelle serait d'intérêt général. A la condition évidente que le-dit pacte ne contrevienne pas à d'autres alliances déjà signées - je pense à celle qui lie le Syndikaali avec le Boltorkhoy, la marine Pharoise pourrait sur votre simple demande aider à sécuriser les embouchures navales de votre Détroit, un type de manœuvres pour lesquelles elle a donné entière satisfaction à plusieurs reprises.

Plus ambitieux serait une harmonisation des tarifs douaniers. Comprenons nous : vous tenez une porte de l'océan du nord, nous l'autre. Si nous décidons à nous d'eux de certaines taxes sur les marchandises qui transitent par nos mers, nul ne pourra s'y opposer, ce qui nous enrichirait grandement au vu de l'importance majeur de cet axe commercial pour l'Eurysie, le Nazum et le reste du monde.

Ma troisième proposition est certainement la plus ambitieuse, mais également celle qui nous unirait le plus. Connaissez vous Merengrad ? Il s'agit d'une ville lutharovienne que nous avons fondé il y a de cela quatre ans maintenant et se développe à grande vitesse. Le régime communiste de Lutharovie n'autorise pas le libre marché mais de fait, a tendance à se couper des importations et exportations du reste du monde ce qui limite sa croissance.
Merengrad a été pensée pour servir de zone tampon entre le monde communiste et le monde libertaire, de sorte que le régime puisse perdurer dans ses traditions, tout en bénéficiant de la mondialisation. Un compromis en quelque sorte, qui tranche avec le nivellement imbécile des politiques libérales, tout en introduisant à dose contrôlée les bénéfices du commerce libre et des innovations.

Peut-être votre Empire serait-il intéressé par un projet similaire ? Un sas entre vous et le commerce mondial, tenu par nos soins, à vos conditions. Un projet similaire s'accorde d'avantage aux économies étatisées communistes, c'est vrai, mais pour des pays plus traditionnels et surtout en première ligne de l'influence des axes commerciaux et de ce que cela peut apporter en matière de déstabilisation culturelle, politique ou même d'ingérence - car n'en doutez pas, le sourire d'un libéral cache bien souvent le couteau dans sa chaussure.

Quel que soit votre intérêt, rien ne presse et je me ferai un plaisir de répondre à toutes vos questions, ou de vous rencontrer en personne si vous le désirez. Notre but est simplement d'étendre les amitiés du Syndikaali à travers le monde, tel est le sens que nous donnons au mot "libertaire", d'aucun se préoccupe de la liberté, de la morale, la religion, la science, l'ordre ou l'égalité, nous pensons pour notre part que ce qui guide le monde est avant tout la fraternité.

Cher monsieur Ctislav Valasek,

Vous prêchez là un convaincu. Sans dire que le Syndikaali ait jamais été terre coupée du monde, nous avons aussi notre lot de conservateurs et une frilosité bien naturelle à laisser autrui se mêler de nos affaires. Il n'existe pas de nation cosmopolite par nature, c'est une mue qui s'opère délicatement, car la peau en dessous est fragile et la tentation de rester à l'abri est grande.
Prenez soin de votre peuple, ou laissez le prendre soin de lui-même, il ne le rendra que mieux. Toute nation qui déploie ses ailes doit le faire à son rythme et pouvoir piocher sans pression ni contrainte dans les délices bizarres que le monde extérieur a à nous offrir.

C'est par le mélange qu'on fait de la bonne soupe. Mais chacun a sa recette !

Sachez simplement que je suivrai avec attention et curiosité la transformation de l'Empire Karpok. C'est en regardant qu'on apprend.

Je me réjouis de vos réponses concernant nos propositions.
En ce qui concerne la première, attendons donc un peu ! Le CDON sera convoqué bientôt, je gage, et nous aurons à cette occasion des opportunités de discuter coopération militaire.

En ce qui concerne les douanes, je comprends vos craintes. Toutefois pour que celles-ci adviennent, faudrait-il encore que le reste du monde s'organise or, pour l'heure, je ne connais guère de passages qui ne soit disputé par des puissances s'opposant. Si vous n'aimez pas l'Alguarena, passez par le Grand Kah, et inversement. En Leucytalée, entre les Rémiens et les Cémétiens la concurrence ne manque pas. Le sud Nazum fourmille de nations antagonistes, quant au passage de l'Afarée, personne ne le revendique. La vérité est que les premiers qui sauront s'allier tireront les marrons du feu, ayons l'intelligence de dépasser nos différences pour voir ce qui nous rapproche.
En l’occurrence, le contrôle des voies commerciales en est un élément.

Quand à notre proposition de ville, je comprends votre réticence mais peut-être me suis-je mal exprimé, il ne s'agit en aucun cas de planter chez vous un bastion de liberté débridée. Une ouverture totale, comme vous dites. Les lois exceptionnelles qui y seraient mises en place seraient de toute façon décidées à votre convenance.
Non ce que nous proposons est justement un sas entre le monde mondialisé et l'Empire Karpok. Un accès aux richesses de l'extérieur, sans pour autant s'y confronter directement.
Voyez le Pharois comme un filtre entre des univers, des cultures et des économies distinctes. Notre position à cheval entre les mers nous a habitué aux compromis et aux aménagements.

Néanmoins, je ne vous forcerai certainement pas la main, un refus est parfaitement compréhensible et légitime.

Nous pouvons nous rencontrer à Pharot si vous le désirez ? Je multiplie les rencontres diplomatiques ce mois-ci, le 20 juillet vous conviendrait-il ?

Cher monsieur Ctislav Valasek,

Comment vous portez-vous ? Bien je l'espère ? Pour ma part, agréablement bien je dois dire, quoique les mers soient troublées, mais ce n'est pas de nature à inquiéter un Pharois.

Je tenais d'abord, au nom du gouvernement du Syndikaali à vous présenter nos excuses pour l'usage quelque peu cavalier que nous avons fait de l'accord signé avec vous. Je pensais que nos forces auraient le temps de s'acclimater et de se faire accepter des vôtres, voilà soudain que nous déployons la marine de guerre à côté de vos côtes comme des malotrus. Cette situation n'a pas vocation à s'éterniser, je vous l'assure, nous souhaitons simplement envoyer un message à notre voisin commun, le Vogimska, dont le gouvernement semble avoir fait un grand pas vers la tyrranie en expulsant dès hier des citoyens honnêtes et installés sur son territoire, les spoliant de fait de leurs droits et de leurs biens.

La défense de votre peuple est, j'en suis certain, quelque chose qui vous tient à coeur, et à nous aussi, d'où ce... "débordement" impromptu.

Rassuez-vous en tout cas, il n'est et ne sera pas question de vous impliquer quelconque manière dans tout cela. Sauf bien entendu si vous en exprimiez le souhait, dans ce cas, mon canaux diplomatiques vous sont ouverts à toute heure du jour et de la nuit.

Par ailleurs, je tenais à vous remercier pour vos propos tenus à la télévision. Il est évident que les accusations portées contre le Syndikaali sont honteusement mensongères et je suis heureux de voir qu'elles ne trompent personne. La paix et la prospérité de l'océan du Nord ont toujours été la première de nos priorités, vous le savez, et si nous montrons parfois les muscles, c'est toujours dans l'idée d'un retour au calme. L'escalade des tensions appelle à être maîtrisée sans délais, sans quoi elle s'étend dans des proportions inarrêtables.

Sur un tout autre sujet, la République Communiste Libertaire de Boltorkhoy semble avoir réouvert ses canaux diplomatiques. Souhaitez vous que nous entamions un sommet avec eux, afin de discuter de vos intérêts vis-à-vis des tensions frontalières que vous évoquiez il y a quelques mois ? Nul doute que nous parviendrions à une résolution profitable à vos deux nations.