19/05/2013
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[EXTRAIT d'ETUDE] Rapport d'enquête : retour sur l’affaire Pontarbello et son impact sur l’opinion publique pharoise

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Ce document fut produit à l'initiative de la Seikkailunhaluinen humanistinen yliopisto, en étude de la communication et des médias, dans le cadre d'un projet de recherche visant à développer des outils de mesure de l'opinion publique albienne. Il fut mobilisé par le gouvernement afin d'orienter sa communication lors de l'affaire « du Pontarbello ».

Analyse de la communication et des médias
Retour sur l’affaire Pontarbello et son impact sur l’opinion publique pharoise

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Pêcheur Pharois, @Eerik photographie

L’affaire dite « du Pontarbello », est survenue le 26 mars 2009 et a eu un retentissement médiatique notable au Syndikaali, tout du moins en comparaison d’autres crises dont les conséquences auraient pu apparaitre, aux yeux d’observateurs extérieurs, plus importantes en termes de gravité. S’il est courant de dire, pour les commentateurs de l’actualité, qu’au Syndikaali « l’opinion publique n’existe pas », une formule sur laquelle nous reviendrons par la suite, force est de constater qu’un certain émoi s’empara de la société pharoise à la suite de la diffusion d’images mettant en scène des militaires exhibés comme des trophées par les autorités pontarbelloises. La nature dictatoriale du régime de cette petite province a sans doute pu peser dans l’agacement que ces images ont provoqué au sein du public pharois acquis en majeure partie aux idées libertaires. Quant aux factions nationalistes albiennes, celle-ci ont également été outrée d’un tel spectacle, vécu comme une humiliation nationale. A nouveau, nous reviendrons sur ces deux sentiments dans la suite de cette étude.
Reste que, fait rare, l’opinion publique pharoise s’empara de la question pontarbelloise avec une certaine vigueur, plutôt inattendue compte tenu du désintérêt habituel du Syndikaali pour les affaires de piraterie extérieure. Des pirates arrêtés, voire exécutés à l’étranger sont chose commune et il est rare que la société s’en émeuve, sans quoi elle passerait le plus clair de son temps à pleurnicher. Si l’affaire « du Pontarbello » provoqua au contraire des remous, il est donc intéressant de se demander pourquoi.


Introduction :

Pour en comprendre les enjeux et mieux appréhender les réactions qu’elle a suscité, il nous faudra d’abord réaliser une courte rétrospective sur le contexte dans lequel elle s’inscrit, en Aleucie mais également en Eurysie.

Depuis 2004, trois événements majeurs ont, l’affaire du Pontarbello étant le troisième, provoqué au Pharois une émotion comparable. Il y eut d’abord l’affaire des adolescents assassinés par l’Empire Latin Francisquien, amenant à la première et seule entrée en guerre du Syndikaali au XXIème siècle. Beaucoup plus récemment est l’affaire du Vogimska et l’expulsion sans compromis ni négociations de toute la diaspora pharoise, pourtant implantée sur place depuis plusieurs années. Et désormais, la capture et l’exhibition de soldats par le Pontarbello.

Pourquoi ces événements sont-ils qualifiés de majeurs tandis que des cas plus sordides sont, eux, passés sous les radars ? Dans ces trois situations, la réponse est relativement simple : il ne s’agissait pas de pirates. Que les ressortissants Pharois s’adonnent à toute sorte de trafics à travers le monde est un secret de polichinelle. Depuis des décennies, voire des siècles selon la manière de calculer, le territoire pharois fait l’objet d’une émigration soutenue pour fuir le climat et l’austérité du sol, mais surtout pour l’enrichissement et le commerce. Il n’est pas rare que des citoyens s’exilent ainsi volontairement, que des jeunes gens, à peine sortis de l’adolescence, prennent la mer pour courir la fortune. A ce jeu, tous les moyens sont permis. Non seulement la morale pharoise ne condamne pas avec autant de vigueur que ses voisins la plupart des crimes, mais le pillage, la contrebande et le trafics sont vus comme des moyens d’enrichissement pour l’individu ET pour le pays parfaitement traditionnels et légitimes. Après tout, longtemps le Syndikaali n’en eut pas beaucoup d’autres, la pêche étant certes une part conséquente de l’économie du pays, mais la dangerosité de l’océan du nord rendait sa pratique quotidienne éprouvante.


Partie 1 : Figure de pirate, figure ambiguë

Tout au long du dernier millénaire, la figure du « pirate », protéiforme, s’est peu à peu construite dans l’imaginaire collectif. A la fois dangereux pour la société, les pirates étaient également des individus ramenant des richesses et des biens précieux au pays. Il n’était pas rare qu’une famille (prise au sens pharois c’est-à-dire un clan) qui se concentrait tout entière sur l’exploitation de la mer et de ses terres, compte parmi ses rangs quelques pirates à travers le monde afin d’apporter du beurre dans les épinards à l’occasion. Le pirate est devenue avec le temps une figure ambiguë : proche, mais lointaine, toujours au large, et en rupture avec la culture traditionnelle pharoise car exposée au reste du monde dont elle rentre nourrie. Les pirates ont donc été des facteurs de progrès, de développement technique grâce au vol des technologies du reste de l’Eurysie, longtemps en avance sur le territoire pharois. Mais plus que tout, le pirate est une figure de liberté. Un individu émancipé de la pauvreté des sols de son pays natal, affranchi de la morale car en mer, dont la loyauté envers sa famille se substitue lentement pour celle envers son équipage.

Parce qu’il est une figure profondément individualiste et égoïste, le pirate est entier et ses actions sont donc perçues comme relevant de sa stricte responsabilité. Ainsi, lorsqu’il choisit de rentrer chez lui pour partager son butin avec son clan, rien ne l’y oblige, il s’agit donc de générosité sincère. A l’inverse, le pirate qui s’attire des ennuis, parie et perd, ne peut s’en prendre qu’à lui-même. Aucune solidarité ne lui est dû. Solitaire, maître de son propre destin et coupé de ses attaches, le pirate ne peut compter que sur lui-même, et sur son équipage. De là s’explique sans doute la notion de « fraternité » étendue pharoise, bâtie dans une conception existentialiste, elle se forge sur le terrain. Tout homme est un frère en potentiel, mais cette fraternité ne se réalise que dans l’adversité et l’expérience commune.

Cette conception ambiguë de la piraterie explique que d’un point de vue strictement moral, l’opinion publique pharoise reste relativement insensible aux tragédies pouvant s’abattre sur les équipages à l’international. Il est considéré comme normal qu’un pirate prenne des risques, il en tire richesse, et parfois drame. Malgré le pacte pharois, sorte de contrat social précédent à la création du Syndikaali et qui impose solidarité et fraternité à ses citoyens dont le rôle du gouvernement n’est en définitive que d’être un adjuvant, n’a pas pour autant transformé cet état de fait : globalement, les Pharois n’en ont rien à foutre de ce qui leur arrive les uns aux autres.


Partie 2 : Le corsaire martyr, fonction sacrificielle en miroir du pirate

Pour comprendre l’émoi qu’ont suscité les trois événements majeurs cités précédemment, il est donc nécessaire d'opposer la figure du pirate et celle du corsaire martyr qui peuvent, d’un point de vue extérieur, sembler comparable, mais sont assez distinctes dans l’imaginaire collectif. Si le pirate prend la mer à des fins d’enrichissement et se coupe de fait avec son pays d’origine – même s’il peut être amené à y revenir, particulièrement depuis l’établissement du système du Syndikaali – le corsaire, lui, n’a pas coupé les ponts avec la communauté pharoise. Au contraire, il se met au service de la collectivité afin de défendre la liberté des autres.

Pour bien comprendre cette seconde figure, il nous faut nous référer à la notion de « base arrière » précédent à la création du Syndikaali. La conquête albienne et la prise des territoires pharois par la Couronne d’Albi n’a pas mis fin aux actions de piraterie. Une obsession des rois d’Albi fut d’ailleurs sans cesse de la combattre pour s’imposer militairement dans l’océan du nord, des efforts continus n’ayant rencontré en définitive qu’un succès très relatif. L’idée de base arrière est assez aisée à comprendre : un pirate, pour jouir de son butin, doit disposer non seulement de lieux où en profiter, mais aussi d’espaces où recruter un équipage, réparer son navire. Il peut également souhaiter avoir une famille, qui ne pourra pas le suivre en mer. Tout cela, les Pharois l’ont bien compris, nécessite de construire des lieux dont le crime ne vaudra pas exclusion. Bien entendu, celui-ci est prohibé sur le territoire en lui-même. De là commencera à se mettre en place la dichotomie bien connue des anthropologues entre mer et terre. Sur terre, l’ordre règne et les conflits sont sévèrement réprimés. La terre est un espace de jouissance et de paix, stable et nécessaire pour pouvoir, en comparaison, profiter de la liberté en mer qui est, elle, un espace sauvage, dangereux et indomptable.

La philosophie derrière tout cela est que l’être humain est pluriel mais qu’au lieu de chercher à se réaliser entièrement en toute circonstance, il est préférable de cloisonner sa nature en différents espaces. La mer, reliée à la nature, peut être affrontée mais jamais réellement conquise, les tempêtes, ouragans et monstres marins sont une menace toujours palpable pour le marin qui connaît les dangers inhérents à cet élément. En mer, les lois des hommes n’ont plus cour, seule la survie, la lutte et le plus fort l’emportent.
Mais pour que les hommes ne soient pas des bêtes, il leur faut également des espaces de civilisation, affranchis de la nature. D’où sans doute ces paysages bétonnés et austères caractéristiques des centres urbains Pharois : ici, la nature n’a pas sa place. Tout est sous le joug de l’homme.

Si, fondamentalement, le marin appartient à la mer, le corsaire, lui, appartient à la terre. Pas dans le sens où il ne la quitterait jamais – la plupart des « corsaires » ne sont pas moins capables de naviguer que les autres – mais dans celui-là qu’il faut des hommes pour préserver la civilisation. Sans civilisation sur terre, par de liberté en mer, et réciproquement. Les deux rôles sont donc fondamentaux et incarnent deux pôles politiques au Pharois. Petite anecdote, jusqu’à récemment le Parti Pirate n’était qu’une force assez marginale électoralement au Syndikaali, et ce malgré la puissance que représente la faction pirate dans l’équilibre des luttes internes du pays. Plusieurs travaux en politologie ont établi le diagnostique que les Pharois distinguaient les affaires de la cité – la terre – et celles de la mer – la piraterie – et ont ainsi longtemps préféré cloisonner ces deux forces en préférant des partis plus traditionnels. Fin de l’anecdote.

Engagé au service de la terre, de la civilisation et de la collectivité, le corsaire prend bien des formes. Prototypiquement, il est également marin et plus récemment, militaire. Mais c’est aussi le garde-côte (équivalent de la police), le politicien, l’ouvrier du chantier naval et, dans une moindre mesure, les travailleurs de la terre qui fournissent les marchés en nourriture, bien que celle-ci soit majoritairement importée des autres provinces d’Albi.

Contrairement au pirate, figure égoïste, le corsaire est une figure altruiste et est donc légitime à faire l’objet d’élans de solidarité. Celui qui choisit de renoncer à une partie de sa liberté en refusant de prendre la mer et de s’éloigner du Syndikaali, et cela au nom de la défense de la base arrière. Une figure qui s’est concrétisée depuis la révolution de 1830 avec l’avènement de la République Pharoise, suivie du Pharois Syndikaali. Le terme de Syndikaali réfère d’ailleurs à cette notion d’alliance d’intérêts. Il ne s’agit donc pas, comme dans d’autres Etats nations, d’un attachement au drapeau ou à l’histoire ou la culture, mais d’un contrat entre les citoyens Pharois. Protéger la base arrière, protéger l’espace de paix qu’est le territoire du Syndikaali, pour que l’espace de liberté qu'est la mer continue d’exister.


Partie 3 : Un pour tous, tous pour un

Il faut mettre la figure altruiste du corsaire en parallèle avec celle, convoquée plus haut, de fraternité pharoise. Le Syndikaali, depuis longtemps et face aux défaites et déconvenues successives de son histoire, s’est toujours perçu comme une citadelle assiégée. Le seul et unique régime pirate au monde ne pouvait en effet que s’attirer de nombreuses inimités. Sans approfondir ce point plus en détail, la crainte de voir la base arrière tomber a toujours été présente et ce particulièrement depuis la défaite de 1950 face à l’Empire Listonien. Ce n’est que depuis très récemment que le Syndikaali commence à oser s’envisager comme une grande puissance, et ce encore très timidement. La base arrière étant naturellement et constamment en danger, tous ceux qui participent à la défendre peuvent donc prétendre au régime de fraternité pharoise. Parce que les Pharois travaillent ensemble à se défendre mutuellement les uns les autres, notamment par le service militaire et la participation dans les coopératives qui sont l’exemple même de la conception fraternelle du travail, non au service de l’enrichissement d’un seul, mais de celui de tous, les citoyens du Syndikaali sont, de fait, des frères d’armes.

La fraternité est au cœur du contrat social qui fait tenir le Syndikaali.

On comprend mieux alors la différence de réception entre, d’une part, l’exécution de pirates à l’autre bout du monde, et les troubles pouvant venir mettre en difficulté des ressortissants du Syndikaali non-pirates. En fait, même si ces-derniers n’ont au fond pas fait grand-chose pour mériter le titre de corsaires (on pense par exemple aux adolescents tués en Francisquie), le fait que des Pharois soient pris pour cible, non pour ce qu’ils ont fait, mais pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire ressortissants pharois, en fait de fait des martyrs de la défense de la base arrière.
En expulsant la diaspora pharoise du Vogimska, cette dernière ne paie pas sa prise de risque ou une quelconque entreprise individuelle et égoïste, elle paie son appartenance au Syndikaali. Elle paie le fait de travailler au service de la base arrière. C’est donc la base arrière qui est mise en danger.

Le déploiement de la marine pharoise au large du Vogimska, comme la mise en place de la Fatwarrr ! contre l’Empire Latin Francisquien, ont été complétement plébiscités par l’opinion publique pharoise. Il était en effet impensable que des camarades de lutte, des frères, soient mis en danger au nom de leur défense du collectif, car cela mettait en danger jusqu’aux fondations de l’alliance unissant les Pharois ayant abouti à la création du Syndikaali. Dans une telle situation, ne pas répondre, c’est fracturer le pacte, et précipiter l’effondrement tout entier du pays. Pourquoi les Pharois voudraient-ils défendre un petit bout de territoire austère et lugubre, perdu au milieu d’un océan gelé, si celui-ci, en retour, ne leur assurait pas l’appartenance inconditionnelle à une communauté d’intérêt, extrêmement puissante ? Chacun a en tête les enjeux autour du contrat social, c’est une chose que tous les petits Pharois apprennent très jeunes. Quant à ceux qui ne souhaitent y avoir affaire qu’occasionnellement, ils se font pirates, ou s’expatrient, rester au Syndikaali sans y posséder un intérêt n’ayant… aucun intérêt.


Partie 4 : l’opinion publique n’existe pas

Il est désormais temps de revenir sur cette maxime bien connue au Syndikaali. Si l’opinion publique n’existe pas, c’est pour plusieurs raisons, certaines simples, d’autres complexes. La première et la plus évidente tient à l’histoire et à la géographie. Pendant longtemps, le territoire du Syndikaali était complétement morcelé en petits villages, phalanstères et fermes côtières, généralement organisés autour d’un phare. La présence de marécages gênant l’établissement de routes, la circulation à l’intérieur du pays se faisait majoritairement en longeant les côtes, soit à pied, soit, plus généralement, par des routes maritimes. Très tôt les Pharois ont ainsi été un peuple marin, le regard tourné vers l’océan, dédaigneux des terres, de l’agriculture et de l’élevage, jugés basses besognes. De fait, les grands agglomérations sont apparues très tardivement, avec la révolution industrielle, mais est restée cette culture de l’isolement. Les Pharois ont mis du temps à communiquer les uns avec les autres, et ce d’autant plus que les raids de pirates étaient fréquents, entraînant méfiance vis-à-vis de l’étranger. La culture du débat, au sens que lui donnent les démocraties libérales, c’est-à-dire un marché des idées, reste assez peu présente au Syndikaali où les factions préfèrent chacune théoriser sur leurs intérêts matériels, et se tirer la bourre politiquement ensuite.

Ce contexte explique, par certains aspects, les difficultés pour une opinion publique à se former au Syndikaali. Même si internet y est désormais très développé et les nouvelles technologies et réseaux sociaux connectent les gens entre eux, la pratique concrète des Pharois est principalement de se regrouper en petite communautés de passions plutôt qu’en une vaste agora. Ceci explique également le peu d’intérêt qu’accordent les Pharois à la politique intérieure de leur pays, le gouvernement n’ayant, en définitive, qu’un pouvoir très limité et complétement dépendant du bon vouloir des factions. Il n’y a pas et n’y a jamais eu l’ambition de voir l’élection démocratique comme un processus de réconciliation et d’union du peuple derrière un projet commun. Le projet existe : il s’appelle la défense de la base arrière. Cela étant posé, chacun est libre de faire ses affaires de son côté.

Parce que les Pharois se sentent plus aisément appartenir à des groupes d’intérêts, des lobbys, des classes sociales et autres caractéristiques individuelles, ils n’ont que peu le sens du collectif et encore moins de la nation. Celui-ci n’est pas valorisé, le drapeau est souvent substitué à celui que les équipages se sont choisis, quant à l’hymne national, il est littéralement inécoutable. Ces éléments sont d’ailleurs assez proches des choix de représentation qu’a pu prendre la Commune d’Albigärk, en devenant, d’après ses propres mots, une monarchie ironique. La fierté nationale étant inexistante ou jugée sans intérêts, le lien unissant les Pharois n’est que rarement présenté comme culturel ou historique. De fait, n’importe qui peut intégrer le Syndikaali, en témoigne les nombreuses politique d’accueil mises en place ces dernières années . L’important n’est pas tant ce que les hommes ont en commun, mais ce qu’ils peuvent s’apporter mutuellement et leur participation et le renforcement d’un acquis unique dans l’histoire : une nation pirate et libertaire.

Le concept d’opinion publique, en cela qu’il soit forgé par l’école ou les médias pour construire des représentations collectives dans l’esprit d’une population, est donc relativement inopérant au Syndikaali qui pullule de médias privés, de chambres d’échos et de communautés ne s’adressant pas la parole. On comprend alors qu’il soit rare d’assister à des indignations collectives, plus encore, les transformations des opinions se construisent sur le temps long car, pour toucher une part significative de la population, il faut que les idées de celle-ci lui soient infusées par le bas, de l’expérience concrète et partagée. Ainsi, les bouleversements qu’a connu le Syndikaali depuis 2004, son enrichissement massif et sa place de seconde – voire première selon plusieurs études – puissance économique mondiale, on infiniment plus participé à transformer ce qu’on pourrait appeler une « opinion publique » que les paniques morales ou micro-évènements survenus pendant l’histoire.


Partie 5 : L’indignation, malgré tout

Reste que les événements du Pontarbello ont indigné. Cela tombe bien, à l’heure actuelle plusieurs politologues et chercheurs en sciences politique s’accordent sur le fait qu’une réponse militaire est assez improbable, compte tenu de la proximité du territoire pontarbello avec les Îles Fédérées de l’Alguarena. Le gouvernement démuni risque-t-il une crise politique ? Tout aussi improbable, selon ces mêmes experts, pour la simple et bonne raison que les Pharois n’attendent pas grand-chose de l’État. La rumeur qu’une nouvelle Fatwarrr pourrait être annoncée est infiniment plus probable et ouvrirait la porte, non pas à une réponse militaire, mais économique. Comme toujours, le Syndikaali compte moins sur la puissance de l’Etat que sur les initiatives de sa population qu’il encourage et soutient.

Dans un tel contexte, l’indignation devient alors un moteur de violence, comme on avait pu le voir lors de l’assassinat des adolescents Pharois par le régime dictatorial francisquien. Une vague de piraterie s’était alors abattue sur les routes commerciales de l’Empire, mettant à terre son économie en quelques semaines, et ce avec le soutien affiché des sous-marins de la marine pharoise. Un exploit certainement plus difficile à réitérer au vu du contexte régional, le Pontarbello ne représentant économiquement rien et pouvant tout entier s’inféoder au poids économique de l’Alguarena, mais qui pourra toutefois ouvrir des opportunités de nature différente.

Les militaires capturés par le Pontarbello, parce qu’ils défendaient les intérêts de la base arrière, sont prototypiquement ces figures de corsaires martyrs convoquant la solidarité immédiate du reste du Syndikaali. Impensable de laisser des frères d’armes dans une telle situation, s’il nous est en définitive permis de parler d’opinion publique, il faudra acter que celle-ci est loin de se contenter d’être une simple force de contestation politique interne au Syndikaali, et est plutôt de nature à prendre les armes, comme l’histoire l’a prouvé.


Conclusion :

La réception médiatique et dans le débat public pharois de l’affaire du Pontarbello est éclairant sur les dynamiques et le fonctionnement politique intérieur du Syndikaali. Loin des réflexes habituellement attendus face à ce type de situation, certaines réponses sont de nature à surprendre pour des observateurs extérieurs. La non-sanction du gouvernement, la mobilisation de la colère, le deux-poids deux-mesures du sentiment d’indignation sont autant de facteurs à prendre en compte pour comprendre la situation.
Bien entendu, le caractère encore « chaud » de cette actualité invite à la prudence et des bouleversements pourraient avoir lieu dans les prochaines semaines, ou mois, selon l’évolution du contexte. Une chose est certaine toutefois, malgré les difficultés que cela peut représenter en raison des spécificités de la culture pharoise et du fonctionnement du pays et de ses médias, il sera particulièrement intéressant et important de scruter la réaction de « l’opinion publique », celle-ci se traduisant généralement en actes tout à fait concrets.
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