17/05/2013
10:00:54
Index du forum Continents Eurysie Pharois Merirosvo [ARCHIVES] le Pharois Syndikaali

[PRESSE] Brèves de presse, pour une actualité toute en objectivité - Page 4

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Un regard plus léger sur l'Humanité



Le Doyen Makku s'engage pour Lastenkoti !

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Alors que les élections ministérielles battent leur plein, le Doyen Makku est tenu à un devoir de neutralité en tant que représentant du gouvernement, et a interdiction formelle de prendre parti pour un camp politique. Une règle respectée scrupuleusement dans sa forme mais qui n’a jamais empêché Makku ainsi que les précédents doyens d’envoyer occasionnellement des messages, de manière détournée, pour tenter d’infléchir les termes de la campagne.

Cette année, troquant ses frusques traditionnelles, notre cher Doyen a décidé de se tailler la barbe et de s’habiller de frais avec une nouvelle garde-robe entièrement offerte par la marque Fantastinen et d’offrir en exclusivité pour Le Papillon le résultat du shooting photo. Les tenues se veulent chaudes et confortables, dans un style néo-urbain capable de résister au gros temps. Plutôt mondaines, elles siéront parfaitement aux capitaines désireux d’étaler leur succès en affaires à la face du monde.

Fantastinen l’a assuré, l’ensemble des revenus générés par cette campagne seront remis à l’orphelinat Lastenkoti afin d’améliorer les conditions de vie des pupilles de la nation. Une initiative symbolique pour un message on ne peut plus clair de la part du Doyen : n’oublions pas les plus faibles et les citoyens dépendants de la solidarité nationale. Au demeurant et pour assurer la visibilité de la campagne, le Makku a proposé aux orphelins de Lastenkoti de voter pour le cliché de leur choix qui sera désormais utilisé comme portrait officiel du doyen dans les administrations publiques.

Si les partis en campagne se sont abstenus de commentaires pour éviter d’être accusés de récupération politique, certains ultra-libéraux grincent des dents en off en accusant le Doyen de sentimentalisme paternaliste. Du côté de l’ultra-gauche, au contraire, on craint une banalisation d’une conception philanthropique et individualiste de la solidarité, une tâche normalement dévolue à l’Etat et aux forces démocratiques.

Quoi qu’il en soit, voici les photos que vous attendez tous !








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Papillon by Fantastinen


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Bleu gelé by Fantastinen


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Citrouille en décembre by Fantastinen


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Rose pourquoi pas by Fantastinen


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Rouge mitaine by Fantastinen


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Bonjour bonjour by Fantastinen


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Dada chic by Fantastinen


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Hey mister sexy by Fantastinen


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Toxiquesthétique by Fantastinen


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Masculinité by Fantastinen


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Les mots et les choses by Fantastinen


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Passion poisson by Fantastinen


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Urbain malin by Fantastinen


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Abysses by Fantastinen


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Couleurs Pharois by Fantastinen
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Un regard plus léger sur l'Humanité



L’étrange intégration (1/3)

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C’est un sujet crucial qui a été mis en pause ces derniers temps en raison de l’actualité brûlante que représentaient les élections mais le rattachement de la Caprice Coast « côte des caprices » au Syndikaali en tant que Port Libre n’est pas une affaire que le nouveau gouvernement pharois pourra ignorer bien longtemps, au risque de voir apparaitre ou s’aggraver des tensions en germe.

Retour sur les nombreux enjeux touchant cette région du monde.


PREMIÈRE PARTIE
La question culturelle, oui, mais attention à l’arbre qui cache la forêt.


C’est bien évidement le premier enjeu qui vient à l’esprit : même si les communautés du Détroit sont – pour des raisons économiques évidentes – en contact très réguliers depuis des décennies, il n’en reste pas moins qu’après cent ans de colonisation listonienne, les populations locales ont été fortement métissées aussi bien culturellement qu’ethniquement avec les populations latines venues de Listonie. Couleurs chaudes, nourriture épicée, vêtements brodés et teint hâlé, autant de signes distinctifs venant démarquer les anciens citoyens de l'Empire de nos pâlots et parfois bien austères Pharois.

Ce multiculturalisme survenant soudainement dans son histoire, le Syndikaali y a déjà été confronté par le passé avec l’accueil régulier de communautés de réfugiés politiques venus de tout le continent, mais reconnaissons-le : jamais dans de telles proportions. Plus original encore, les listoniens désormais intégrés au Syndikaali sont avant tout ici chez eux puisque la Caprice Coast possède toutes les infrastructures – ou presque – nécessaires à son autonomie. Le Pharois n’arrive donc pas en territoire conquis mais devra composer avec les dynamiques et forces en présence locale, d’autant plus que celles-ci ont l’habitude de l’isolement, étant l’une des quatre seules ex-colonies listoniennes en mer du Nord.

La question culturelle, prise dans son sens social, oblige à s’interroger sur le bon moyen de procéder à la transition de choses aussi fondamentales que de passer du statut de colonie impérial sans réel pouvoir de décision à celui de Port Libre qui offre une très grande marge de responsabilités divers sur la région. Plusieurs experts en géopolitique et sociologie s’interrogent par exemple sur la capacité des colons listoniens à intégrer un processus démocratique libéral et si, d’ailleurs, le Syndikaali ne ferait pas une erreur en cherchant à imposer un modèle politique préécrit pour la colonie. Le risque n’est pas négligeable : poser une forme politique à la Caprice Coast pourrait fatalement influencer durablement les rapports de force locaux et certains modèles de prise de décision démocratique favorisent plus ou moins tel groupe en fonction de la culture politique qui lui est propre.

Un casse-tête politique qui tarde à se résoudre puisque les trois factions au pouvoir au Syndikaali : pirate, libéraux et communistes, ont chacun une vision assez tranchée de la question et qui ne manquera pas de donner la primauté à leurs intérêts.

De manière plus générale, les commentateurs se sont montrés optimistes sur les rapprochements entre les communautés de la Caprice Coast et de Pohjoishammas – sa voisine immédiate – entre grâce aux nombreuses associations d’amitiés préexistantes au rattachement et échanges culturels avec le Syndikaali, l’écrasante puissance régionale, qui font de ces nouveaux pharois des étrangers fort familiers.

Bien sûr, les tensions existent et il serait d’une grande naïveté de prétendre que ce mélange assez brutal, disons le franchement, ne ferait pas naitre des inquiétudes. Si une partie de la population se félicite de pouvoir goûter à la gastronomie listonienne et ont multiplié les déclarations et démonstrations de bienvenue dans le Syndikaali – celui-ci étant depuis plusieurs siècles habitué à intégrer périodiquement des communautés et villes en faisant la demande – il n’en reste pas moins que certains grincent des dents, au-delà de la défiance attendue des groupes pharois les plus nationalistes.

Beaucoup en effet reprochent au gouvernement du Syndikaali d’avoir fait entrer le loup dans la bergerie, une crainte qui se cristallise autour de la création du Front Impérial National, ce nouveau parti d’origine listonienne qui entend bien se faire une place dans l’arène politique du pays aux prochaines élections. Pour la seconde fois après les réfugiés de l’Empire Latin Francisquien le gouvernement a en effet accueilli un grand nombre de nouveaux citoyens issus de cultures politiques très éloignées des traditions libertaires pharoises. Un geste généreux mais qui fait craindre la concurrence du côté de la droite souverainiste y voyant un péril pour l’identité historique de la région, mais également de la gauche qui craint que ces afflux d’électeurs étrangers sans connaissance de l’histoire et des valeurs du Syndikaali ne vienne fausser le jeu électoral à moyen termes.

Qu’en est-il maintenant des mœurs de manière générale ? Il est bien entendu difficile d’anticiper comment deux populations avec chacune un bagage culturel bien établi pourront être amenées à cohabiter dans les prochaines décennies. Bien entendu ce que craignent certains observateurs – et c’est déjà logiquement la réalité – c’est l’enclavement de la communauté listonienne dans le seul Port Libre de la Caprice Coast. Une forme d’isolement minoritaire qui pourrait aboutir à des phénomènes bien connus de discriminations, préjugés et communautarisme que souhaitent éviter les autorités gouvernementale.
Difficile toutefois de décider à la place des gens de leurs fréquentations, particulièrement dans un pays comme le notre où la liberté individuelle laisse parfaitement le droit aux individus de vivre en communautés centrées sur elles-mêmes. Certains observateurs antiracistes n’ont d’ailleurs pas tarder à dénoncer cette forme d’injonction à l’intégration et à la mixité dirigée uniquement vers les listoniens « projection de fantasme d’un séparatisme considéré comme allogène car éloigné de la culture dominante », des injonctions qui ne seraient pas du tout adressées aux communautés plus traditionnelles pharoises. Ainsi il ne viendrait à l’idée de personne de sommer les survivalistes du Parti des flots à abandonner leurs phares et leurs phalanstères pour « s’intégrer » avec des populations plus citadines. « Il n’y a pas de séparatisme – à savoir d’abord comment on le définit – si les gens sont correctement accueillis et sentent qu’une place correcte leur est laissée dans la société. Aucune communauté ne se renferme sur elle-même à grande échelle par désir d’isolement, cette forme de nationalisme n’apparait que lorsqu’il y a un sentiment d’insécurité justement, une perte de sens dans les autres domaines de l’existant. Travaillons à construire une communauté joyeuse et vous verrez que les Listoniens seront heureux de nous rejoindre. » a ainsi déclaré la porte-parole de l’association « Pour la vie amis de la Listonie » dans l’émission « débattre avec Floflot ».

Une analyse jugée « naïve » par le Citoyen Kaarl, porte-parole du Parti Populaire. « L’ancien gouvernement comme le nouveau joue aux apprentis sorciers avec notre culture et notre identité. Nous ne sommes pas un laboratoire pour lubbies bien-pensantes, si nous devons accueillir ces gens, et nous le ferons bien entendu, il faut que ceux-ci comprennent également que le Syndikaali ce n’est pas open bar. Le pays s’est construit à la force et à l’audace de générations de marins et d’aventuriers, on ne peut pas simplement débarquer avec ses mœurs se mettre les pieds sous la table et demander quand sera servi le dessert alors que les Pharois triment en cuisine depuis des plombes. »
Métaphore culinaire accueillie avec dédain « que le citoyen Kaarl aille se faire cuir un œuf, il nous dira ce que valent vraiment ses talents de cuisinier. »

Aussi surprenant que cela puisse paraitre, la question de la nourriture revient assez régulièrement dans le débat sur l’intégration de la Caprice Coast et les mœurs listoniennes qu’elle importe. La gastronome pharoise étant depuis très longtemps critiqué par ses habitants comme « propre dégueulasse », de nombreux habitants voient dans le multiculturalisme un bon moyen pour enfin varier un peu les menus.

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L’étrange intégration (2/3)

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Suite de notre article sur la situation des port-libres dans la région du Détroit et des enjeux autour du rattachement à ce statut de la Côte des Caprices, ancienne colonie Listonienne désormais sous juridiction pharoise.


DEUXIÈME PARTIE
Le poids économique de la Caprice Coast pourrait remettre en question l’équilibre politique des Ports Libres dans le Détroit Pharois.

Comme des sœurs ennemies, les deux « dents » du Détroit, Pohjoishammas et Etelähammas fonctionnement depuis maintenant plus de deux siècles en miroir l’une de l’autre. Une application empirique des règles de la concurrence et du marché pur et parfait puisque possédant l’une comme l’autre une totale autonomie sur leur politique économique, celle-ci se trouve de fait restreint pas l’opportunisme de sa voisine. Ainsi alors qu’aucune règle n’interdit spécifiquement la mise en place de mesures publiques coercitives dans le Détroit, la région a toujours fait preuve d’une extrême permissivité juridique.

Taxes portuaires frôlant le néant, conditions d’installation et d’obtention de visas réduites à peau de chagrin, ce jumelage pragmatique a logiquement conduit au nivellement de l’administration et de la bureaucratie des deux ports qui n’ont eut de cesse lors du siècle dernier d’essayer de se montrer attractif. Il faut dire que la région est riche et le passage absolument stratégique pour le commerce. Véritable porte d’entrée du Syndikaali et fenêtre ouverte d’une mer sur l’autre, le Détroit et ses ports libres est une arme redoutable pour la nation pharoise qui a su mener la concurrence jusqu’au cœur des nations voisines grâce à ses territoires sous statuts juridiques d’exception. La force économique des ports libres tient enfin à ce que les administrations de chacun des deux travaillent en étroite collaboration afin de construire une situation harmonieuse pour le développement des services et des marchés dans la région, au détriment des nations voisines.

Toutefois, cette relative bonne entente concurrentielle pourrait bel et bien se trouver troublée par l’entrée dans le jeu d’un nouvel élément : la Côte des Caprices. Il s’agit assurément d’un coup à double tranchant pour le Syndikaali qui voit dans cette prise de guerre un moyen de confirmer définitivement son hégémonie sur ce territoire disputé. En effet, la Côte des Caprices pèse, et pèse même beaucoup dans le poids économique régionale. Forte de plus de deux millions de citoyens, elle pèse à elle seule autant qu’un cinquième de la population pharoise traditionnelle. Un bouleversement économique tout à fait considérable, et particulièrement pour Pohjoishammas et Etelähammas qui en comparaison ne peuvent aligner autant de travailleurs.

Certes contrairement à la Côte des Caprices, les deux ports libres historiques peuvent compter sur les habitudes des commerçants et d’importantes diasporas étrangères qui, si elles n’entrent pas dans les calculs démographiques officiels du pays, comptent néanmoins comme une importante force vive au quotidien. Le calcul n’en reste pas moins cruel : à elle seule, la Côte des Caprices possède un poids suffisant pour balayer l’équilibre concurrentiel qui permettait aux deux « dents » de cohabiter ensemble. Une puissance qui lui permettrait d’imposer ses normes et ses lois en obligeant ses voisines à s’aligner, faute de représenter des marchés suffisamment concurrentiels. En première ligne se trouve les places boursières et le secteur des services offerts aux marins de toute l’Eurysie du nord. Le Détroit étant un lieu de passage obligé pour les commerçants et les procédures douanières qu’imposent les Pharois aux navires passant dans la région invitent naturellement les voyageurs à faire halte, d’autant que Pohjoishammas et Etelähammas sont bien connues pour les distractions qu’elles offrent aux équipages. Cinéma, salles de concerts, bars, bordels, casinos, ces deux provinces représentent à elles seules une grande part de l’attractivité du Syndikaali aux yeux des étrangers et concentrent la majorité du tourisme. La masse des voyageurs passant dans la région n’étant pas extensible infiniment, il est logique que libérée du carcan administratif listonien et en bénéficiant des mêmes avantages fiscaux et politiques que les deux autres ports libres, la Côte des Caprices en capte naturellement une part de la clientèle.

Si toutefois elle choisit de se positionner sur le même secteur que ces-derniers, ce qui n’est pas encore acté. Des pourparlers sont actuellement en cours entre les municipalités des trois villes afin de proposer une sortie de crise par le haut.

Au-delà de l’aspect économique – non-négligeable – c’est également une crise diplomatique et politique qui se profile. D’une part, Pohjoishammas et Etelähammas n’ont jamais donné leur accord pour l’intégration de la Côte des Caprices comme troisième port libre du Détroit. Certes le gouvernement du Syndikaali n’avait aucune obligation de le leur demander mais la précipitation des négociations avec la Listonie a semble-t-il forcé les diplomates pharois à négliger certains protocoles et règles de politesses naturelles qui s’imposent d’ordinaire entre le pouvoir central et les régions autonomes. Un manque de tact qui a vexé les autorités des deux ports et pourrait bien poser des problèmes dans les prochaines années lorsque le Syndikaali voudra négocier certaines politiques dans la zone. Plus généralement, il va de soi que la souveraineté économique impacte toujours la souveraineté démocratique : amputer Pohjoishammas et Etelähammas d’une part conséquente de leurs revenus et de leurs poids dans la région, c’est les priver d’autant d’autonomie politique. Désormais les conseils municipaux devront compter avec des acteurs ex-listoniens dont la culture et les ambitions vont assurément différer de celles des acteurs traditionnels de la région.

Certains experts mitigent néanmoins à la marge ce diagnostic. La Côte des Caprices, disent-ils, représente un poids économique officiel non négligeable. Mais la chose est connue, du moins c’est un secret de polichinelle, une grande part de l’économie pharoise se situe en dessous des radars traditionnels. En cela, Pohjoishammas et Etelähammas ont l’avantage d’avoir baigné dans cette culture pirate et contrebandière depuis des années et les capitaines faisant halte dans le Détroit savent pouvoir compter dans les ports libres sur d’importants réseaux clandestin et un marché noir particulièrement structuré. Des avantages comparatifs suffisant pour marginaliser le poids démographique de la Côte des Caprices ? Cela reste à voir, en tout cas c’est un acteur massif qui vient de s’inviter dans l’économie du Syndikaali et y prendra assurément sa part du gâteau. Si celle-ci peut être compensée par la captation d’une masse plus grande de richesses qui s’en allaient autrefois vers la métropole listonienne, seul l’avenir nous dira si ce gain en hégémonie commerciale pour le Pharois sera suffisant pour compenser les pertes de Pohjoishammas et Etelähammas engendrées par l’arrivé de ce nouveau concurrent.
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Les trois nouveaux ministres de la LEP annoncent une vaste réforme de la fonction publique

Un statut de fonctionnaire plus sécurisant mais également plus responsabilisant.
« Il est temps de mettre fin à l'évasion démocratique du secteur privé » déclare le ministre Kylliki.
« Une atteinte à la libre concurrence et un retour aux temps archaïques aux privilèges » pour les libéraux.



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Cinquante ans après la mise en place de la Nouvelle Doctrine, le Syndikaali prend un nouveau tournant stratégique majeur sous l'impulsion du Parti Communiste.


La mise en place d'un gestion collégiale de l'économie publique pourrait durablement transformer le tissu industriel pharois.

Les Trois Communs

Les Trois Communs est le nom informel donné par la population du Syndikaali au ministère de la Défense territoriale, au ministère des Propriétés publiques et du Bien Commun ainsi qu’au ministère de la Planification, tous trois remportés par la liste Ecommuniste Pharoise, alliance du Front de Défense Océanique (vert) et du Parti Communiste Pharois (rouge).

Sans attendre de posséder une majorité aux deux Assemblées législatives, les ministres Sakari, Kyllikki et Marketa ont médiatisé leur entrée au gouvernement (dont ils représentent désormais un tiers des élus) en annonçant une vaste réforme démocratique de leurs champs d’activité. Le ministère de la Défense ayant à sa charge la gestion du tissu d’industrie militaire du pays, celui des Propriétés publiques et Bien Commun s’occupant quant à lui du réseau scientifique, universitaire et plus généralement des services publics du Syndikaali, le tout coordonné par le ministère de la Planification, les Trois Communs représentent une synergie particulièrement stratégique au sein de l’exécutif Pharois.

Si de fait la Liste Ecommuniste Pharoise a été tenue écartée par les urnes des questions strictement maritimes et diplomatiques, elle semble toutefois avoir les mains libres pour entreprendre une série de réformes au niveau de la politique économique intérieure du pays. Une volonté marquée, qui se positionne en rupture avec le courant social-démocrate du gouvernement précédent en annonçant une plus grande ouverture des moyens de production aux travailleurs.


Quelle forme concrètement pour les Trois Communs ?

La réforme fait beaucoup de bruit ces derniers jours et pour cause : elle entend réintroduire le domaine de la défense militaire et de la planification d’Etat dans le champ démocratique. Finie l’impérialité absolue du secret défense, finie la gestion bureaucratique et procédurière de l’administration d’Etat, c’est désormais aux fonctionnaires de prendre en charge la gestion de la production.

Un projet qui ne va pas sans la titularisation de 100% des contractuels de la fonction publique, a annoncé la ministre Marketta, ainsi qu’un vaste plan à « double-entrée » : autogestion-nationalisation annoncé par le ministre Kylliki. Si cette appellation peut sembler un barbarisme aux esprits étriqués, elle vise à installer des monopoles d’Etat dans certains secteurs stratégiques tout en les ouvrant à la concurrence et à l’initiative privée pour les fonctionnaires. C’est donc un statut surprenant qui vient de voir le jour avec des travailleurs Pharois sous régime d’un fonctionnariat étendu et jouissant de plusieurs conquis sociaux non-négligeables (impossibilité du renvoi, salaire à la qualification, etc.) tout en atomisant complètement la profession au profit d’une gestion décentralisée et collégiale.

Assurément, cette réforme est particulièrement ambitieuse et vise autant à réduire le poids des forces capitalistes et libérales à l’intérieur du pays tout en garantissant aux Pharois que leurs libertés individuelles seront préservées et étendues. Afin de calmer les craintes qu’ont naturellement soulevées ces annonces, les trois ministres ont mis l’accent sur la question démocratique et sociale, avançant notamment des arguments légalistes pour souligner qu’il était impensable de préserver au sein du secteur public un régime de gestion interne, au mieux censitaire, au pire monarchique, et que l’entreprise « ne devait pas échapper aux standards de la démocratie sous prétexte d’un conception dévoyée de la propriété privée ».

Par cette déclaration, c'est bien le régime de actionnariat qui est visé. Déjà relativement peu important au Syndikaali, la possession par des fortunes privées des moyens de production du pays risque de prendre à nouveau un sérieux coup de boutoir. S'inscrivant dans la continuité des réformes sociales-démocrates ayant mis en avant le système des Coopératives, particulièrement développées dans le pays. Cette fois-ci, c'est donc la fonction publique qui devrait adopter le même système avec derrière l'idée que dans le privé comme dans le public, les décisions ne devaient pas être arbitrairement laissées à une poignée de décideur sans la validation ni de la population, ni des travailleurs concernés.

Une manière de couper l'herbe sous le pieds des libéraux qui critiquaient depuis longtemps le Syndikaali pour son régime de double-standard, contraignant l'actionnariat privé tout en favorisant la gestion par l'Etat de certains secteurs stratégiques, à commencer par celui de l'armée et l'important tissu de l'industrie militaire Pharois. Désormais cette accusation sera plus difficile à porter puisque c'est le concept même d’Étatisme traditionnel qui est remis en question avec un régime de fonctionnariat étendu mais moins dirigiste. La LEP semble manifestement souhaiter éviter l'écueil allant de paire avec l'affaiblissement du secteur privé, à savoir la bureaucratisation et l’alourdissement de l'économie. En délégant la gestion quotidienne aux kollektiivinen (les assemblées de travailleurs propres à chaque usine), les Trois Communs tentent de fluidifier la production en limitant au maximum les intermédiaires.

Une question toutefois qui ne semble pas si simple à trancher, puisqu'en mettant en avant le poids de la décision démocratique dans le processus de production, même si ce dernier est simplifié, c'est la stratégie industrielle à long termes du Syndikaali qui pourrait souffrir de plus aléatoire et d'incohérences à grande échelle. Un risque balayé par la ministre Marketa :

« Le ministère de la planification est justement là pour servir de chambre de résonnance à ces questions. Loin de le vider de sa substance, nous en changeons la fonction, désormais il n’est plus question de diriger depuis une position surplombante mais d’accompagner avec du recul les volontés et décisions prises à la base. »

Des annonces qui n’ont pas manquées de faire réagir notamment au sein du Parti Populaire et des formations de droite, mais également du côté du Parti du Progrès, y voyant « une atteinte idéologique à la sécurité nationale ». Critiques plus discrètes du côté du Parti Pirate, troisième force politique du pays et jouissant d’un tiers des ministres en exercices et dont le porte-parole, le Capitaine Ministre Nooa a simplement déclaré : « les lois de la terre et de la mer ne sauraient être comparables, les communistes s’occupent du plancher des vaches, grand bien leur fasse, les esprits véritablement libres et indépendants se sont quant à eux toujours tournés vers les immensités océanes. »
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Lofoten-Syndikaali, autopsie d'une fraternité conflictuelle

Alors que le Syndikaali travaille à normaliser ses relations en Eurysie, la défiance s'accentue outre-Espérance
La campagne des élections fédérales Lofotènes, triste illustration de l’inimité que nous voue les Provinces-Unies



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Dans l'adversité de nos climats arctiques, nos cœurs gagneraient sans doute à se réchauffer mutuellement.


Après Kotios, la Damanie et Jadis, le torchon brûle entre le Syndikaali et le Lofoten, une inimité qui s'invite jusque dans les débats aux élections fédérales.

Plongée dans l’œil du merlan farouche

« Pourquoi tant de haine ? » c’est la question qu’a, sur le ton de l’humour, posé le Capitaine Ministre Mainio en interview pour le journal de Pharot lorsqu'un de nos journalistes l'interrogeait sur la stratégie géopolitique internationale du Syndikaali et portant plus précisément sur les Provinces-Unies du Lofoten.

Si le débonnaire Capitaine n’a guère explicité sa pensée, se contentant de répondre avec philosophie que « on ne peut pas plaire à tout le monde, tant qu’il est respectueux, le dissensus est une saine et stimulante joute. », il est vrai que l’état des relations diplomatiques avec ce lointain voisin aleucien pose question.

Depuis quelques années, le merlan farouche (surnom informel attribué aux Provinces Unies du Lofoten chez les Pharois) a multiplié les coups de mentons et déclarations parfois insultantes à l’égard du Syndikaali. Il suffit de jeter un coup d’œil à la presse mainstream Lofotènes pour se rendre compte que celle-ci ne nous porte pas dans son cœur. Une étude quantitatives des journaux outre-Esperance indique ainsi clairement que le Syndikaali est sur-représenté dans les nations citées dans les pages portant sur l’actualité internationale, du moins en proportion des nations non-belliqueuses. Ainsi si c’est naturellement l’Empire Listonien qui a la part belle des attentions des Provinces-Unies, le Pharois arrive immédiatement en seconde position, alors que paradoxalement les rencontres et accrochages entre la pieuvre et le merlan ont été très anecdotiques au cours des cinq dernières années.

Les élections qui se déroulent actuellement outre-Espérance ont ainsi donné lieu à un florilèges de petits phrases et déclarations dépeignant le Syndikaali comme un rival, un ennemi, voire un danger pour la communauté internationale dont plusieurs candidats – plutôt droitiers – ont fait l’un de leurs axes de campagne.

Seuls les candidats plutôt de gauche, le socialiste Fjörgyn et le communiste Sütterberg, à la peine dans les sondages, ont eut des mots amicaux cherchant à temporiser la fougue belliciste de leurs concurrents.

Dans un le paysage politique fragmenté des Provinces-Unies du Lofoten, le Syndikaali serait-il devenu malgré lui un argument de campagne, un outil dialectique venant creuser parfois de manière un peu artificielle le clivage gauche-droite ?

L’explication est plaisante, mais pêche par simplicité. Notre journaliste et correspondante au Lofoten, la citoyenne Esteri, nous propose le compte-rendu de son enquête « plongée dans l’œil du merlan farouche » en exclusivité pour le Journal de Pharot.


A l’origine d’une inimité, il y a une proximité. Le paradoxe est là : bien souvent on ne déteste réellement que ce qui nous ressemble. Les malheureux épisodes génocidaires survenus à travers l’histoire en sont toujours un exemple redoutable : il est rare que deux peuples très différents l’un de l’autre se lancent sans raison dans une détestation mutuelle allant jusqu’au massacre méthodique et planifié d’une population par l’autre. Lorsque la haine émerge, elle se forme bien plus souvent contre une communauté sœur, voisine ou coexistante. On ne tue bien que son voisin, son frère.

C’est peut-être dans cet étrange élan du cœur humain qu’il faut trouver l’origine de ce rapport ambiguë que nos deux pays entretiennent l’un à l’autre. Séparés par un océan, ils n’en restent pas moins des jumeaux géographiques, semblables et dissemblables de sorte qu’il faudrait bien plus que ces quelques pages pour résumer tout ce qui rapproche et éloigne à la fois la pieuvre et le merlan. Listons en quelques-unes toutefois, pour le geste.

Nations septentrionales par excellence, issues de deux cultures historiquement voisines (Albienne et Maktoise), elles sont toutes deux tournées vers le nord et leur accès à la mer se fait via des routes maritimes complexes ce qui provoque régulièrement leur enclavement. Lancées dans la course à l’industrialisation et à la modernité à peu près à la même période, elles plafonnent chacune dans la liste des cinq premières puissances économiques mondiales, amenées à se rencontrer sur des front similaires : Damanie, Kotios et enfin Jadis. Ce sont deux démocraties libérales se réclamant de valeurs assez proches : le libre marché, l’émancipation individuelle et le respect des droits fondamentaux. Elles font également partie des nations le plus ouvertes sur le plan des mœurs et se spécialisent dans des secteurs industriels proches : marine, pêche, exploitation des hydrocarbures.

Mais ce sont sans doute ces similarités qui sont susceptibles d’attiser la défiance : la proximité culturelle entraine une concurrence pour le soft power, et de même pour les secteurs d’activités qui s’opposent sur les marchés extérieurs. De manière plus amusante, le Lofoten est très montagneux et parcouru de fjords quand le Syndikaali est connu pour sa platitude marécageuse, le Lofoten possède une histoire et une architecture classique remarquable quand le Syndikaali est connu pour ses centres urbains bétonisés et sa méfiance vis-à-vis de toute forme de patrimoine terrestre. Enfin, les Provinces-Unies ont à plusieurs reprises cherché à s’implanter en Eurysie du nord, des territoires sensibles et souvent incapables de se défendre par eux même, que le Syndikaali estime devoir protéger de l’influence économique et de l’ingérence politique étrangère.

Plus pernicieux encore, c’est sans doute le modèle politique et culturel de chacun de ces deux pays qui se retrouve en concurrence avec celui de l’autre. Si l’on pourrait s’attendre à ce que des démocraties libérales se rapprochent naturellement l’une de l’autre, il semble que certaines différences soient jugées indépassables des deux côtés. Le Lofoten affiche ainsi un anti-communisme autoritaire, faisant pencher le pays naturellement vers la droite. Capitaliste de connivence, son modèle économique relativement inégalitaire et reposant sur le mythe méritocratique pousse ses citoyens, moins à une émancipation parfois un peu trop hors-sol et mal définie comme au Syndikaali, qu’à l’intégration sur le marché du travail, perçue comme la réalisation et l'aboutissement finale du destin individuel. La marché comme forme flexible de la société est considéré comme un espace d'expression où l'individu peut se performer dans le cadre de lois et de règles optimales théorisées par les économistes et les philosophes du contrat social. Une mécanique de société radicalement efficace d'un point de vue économique et largement en faveur du secteur privé, compensée par un volet social dont l’objectif est ici d’assurer le renouvellement des forces vives du capital humain pour les entreprises et leur bien être pour préserver la paix sociale.

Le Syndikaali a de son côté un rapport inversé à l’émancipation puisque l’Etat comme le marché ne sont pas des finalités mais des outils au service des citoyens. De fait ces deux institutions peuvent être tordues et exploitées sans que cela ne vienne heurter les tenants de l’orthodoxie économique. L’individu est central au Pharois Syndikaali, ainsi toute la puissance collective doit lui servir de carburant, et c’est sans doute cela qui est perçu de manière très abusive par nos amis d’outre-Esperance comme du proto-communisme. A tort ou à raison, les règles économiques n’ont rien de sacré au Syndikaali et ne consistent pas comme au Lofoten en une loi d'airain du contrat social. Le marché est un outil dont le citoyen peut se saisir s’il le souhaite, ou le subvertir s’il en éprouve la nécessité. Le contrat social pharois repose sur l’idée que quelque soit la décision prise, le Syndikaali soutiendra ou du moins ne cherchera pas à l’entraver.

C’est donc bien deux modèles qui s’affrontent en réalité chez ces jumeaux nordiques. D’une part le libéralisme autoritaire Lofotène, d’autre part le libéralisme libertaire Pharois. Une opposition qui se cristallise par les choix d’alliances qu’on fait chacun des pays, le premier nouant des unions commerciales centrées sur le libre échange des marchandises quand le second fondait le Liberalintern basé sur l’ouverture des frontières, la collectivisation des brevets et l’accès à de nouveaux modèles et expériences économiques, qu’il s’agisse du communalisme Kah-tanais, de l’orthodoxie planificatrice des Eglises Australes Unies ou le marché noir Pharois.

Faut-il en conclure que nos deux pays sont irréconciliables ? Rien n’est moins sûr. Nous l’avons vu, plus de choses les rapprochent que ne les séparent et si certains de chaque côté de l’océan s’obstinent à dépeindre le Lofoten et le Syndikaali comme des frères ennemis, c’est bien qu’ils restent frères malgré tout.

Le Parti du Progrès, le plus proche idéologiquement du modèle Lofotèns dont le Capitaine Mainio est porte-parole, a d’ailleurs réaffirmé lors de son dernier congrès sa volonté de garder le pays ouvert à toutes les démonstrations de bonne volonté et souhaiter un apaisement des tensions « largement artificielles » entre les deux nations.

Reste que pour cela, le Syndikaali va devoir affronter un obstacle de taille : la triste réputation dont il pâtit dans l’opinion publique des Provinces-Unies, largement fondée sur des fantasmes incohérents et des paniques morales populistes. Près de 50% de la population des Provinces-Unies considèrent ainsi les Pharois comme "dangereux" et des rivaux assumés, une inimité heureusement moins partagée au Syndikaali où la majorité de la population déclare « s’en foutre ». L’obstination de toute une partie des experts Lofotèns à dépeindre les Pharois comme de furieux communistes autoritaires est une manière un peu grossière de détourner l’attention de leurs propres turpitudes. Le Pharois a ses torts, et notamment une diplomatie extérieur intimidante, c’est évident, mais présenter sa structure économique comme celle d’une dictature rouge est un non-sens de bout en bout qui témoigne d'une certaine méconnaissance (ou aveuglement) de la part des analystes outre-Esperance. Pour preuve, même le Parti Communiste Pharois se revendique comme communiste-libertaire, et travaille depuis l’élection de trois de ses élus aux postes de ministres à décentraliser, autonomiser et démocratiser l’industrie militaire du pays, jusque-là largement aux mains de l’État.

Une décision qui, s’ils étaient cohérents, devrait ravir les économistes libéraux. Malheureusement il ne faut pas s’attendre à beaucoup de tenue intellectuelle du côté de ce bord intellectuel-là pour qui toute décentralisation qui n’irait pas de paire avec un accroissement de la propriété privée est mauvaise à prendre. Pire, leur tropisme nationaliste leur fait naturellement se méfier de toute initiative visant à augmenter l’autonomie et l’émancipation réelle des travailleurs, qu’il considère – à juste titre – comme un avatar moderne de la lutte des classes.

Il y a donc une bataille culturelle et affective à mener pour le Syndikaali si celui-ci veut un jour prochain renouer avec son jumeaux d’outre-Espérance.

D’ici là, le merlan restera indiscutablement farouche. Charge à la pieuvre de s’en tenir éloignée, ou d’en calmer les ardeurs.
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Condamnation à mort en appel du capitaine Väinämöinen

La fin d'une affaire judiciaire qui aura tenu en haleine le pays plus de douze ans.
Plusieurs associations dénoncent la pratique de la peine de mort "indigne d'un pays civilisé".
Conformément à la loi du 8 juin 1994, l'exécution se fera à huit-clos en présence de la famille.



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Autrefois spectacles publics réalisés sur les quais, la pendaison des criminels a désormais lieux sur la base militaire de Suuretaallot, dans "la cage" où le corps restera exposé un mois plein avant d'être décroché.


Connu pour sa grande tolérance en mer, le Syndikaali est également renommé pour la sévérité de ses peines en ce qui concerne les troubles sur terre et figure dans le triste top-20 des nations comptant le plus d'exécutions au monde.

« La cage » c’est le surnom affectueux donné par les Pharois à cette étrange structure bétonnée où pendouillent les corps des condamnés à mort, corps que devrait bientôt rejoindre le Capitaine Väinämöinen à la suite de sa condamnation par le Tribunal de Grande Instance de Pharot. Une pratique aux apparences archaïques, presque folkloriques, qui tranche avec la dynamique générale des démocraties libérales dans le reste du monde, plutôt pro-abolition.
Il faut dire qu’au Syndikaali, la machine à tordre des cous n’a jamais vraiment connu de ralentissement et continue de condamner à mort presque rituellement une dizaine d’individus par ans en moyenne. Des chiffres assez élevés mais qui doivent être contextualisés au regard de l’histoire pharoise et de son rapport à la criminalité.

Gangrené par la piraterie depuis des temps immémoriaux, le territoire Pharois a longtemps opté pour une politique répressive à l’égard de ces équipages rendant quasiment impossible toute forme de politique ambitieuse en mer. La collecte des impôts, le développement d’infrastructures et même celui d’une armée permanente sont autant de projets longtemps minés par la criminalité endémique venant perturber le bon fonctionnement de l’Etat. Raison sans doute pour laquelle celui-ci est resté si longtemps marginal en tant que moteur économique au Syndikaali et ce encore aujourd’hui.
Reste que pendant plusieurs siècles, la Couronne d’Albi a consacré une part significative de ses ressources à donner la chasse aux flibustiers dont elle exposait fièrement les corps à la vue de tous une fois ceux-ci capturés, espérant en faire un exemple dissuasif.

Une stratégie purement répressive qui fournira des résultats modestes vu l’ampleur du phénomène et finalement fatals à la Couronne puisque la révolution de 1830 verra se joindre aux armées républicaines plusieurs flottes pirates décidées à « mettre fin à la tyrannie du Roi envers son peuple ».

Malgré la nouvelle connivence du gouvernement républicain avec les pirates, ceux-ci s’entendent pour un compromis répressif et l’amnistie de tous les crimes des participants à la révolution va de paire avec un engagement solennel de ces-derniers à ne plus s’en prendre aux possessions pharoises. Les pirates sont donc devenus des corsaires… en théorie.

Dans les faits, la pratique de la piraterie va évoluer très rapidement au cours des deux derniers siècles. Malgré les tentatives de collaboration entre la République Pharoise et les équipages pirates, celle-ci reste laborieuse et inefficiente, faute de moyens réels pour efficacement contrôler les agissements de cette multitude d’équipages plus intéressés par le profit que par le patriotisme. Une proposition de réforme de grande ampleur est finalement votée en juillet 1846 et transformera durablement le pays en profondeur. La loi prévoit de distinguer les crimes commis en mer et ceux commis sur terre ce qui permettrait aux pirates de poursuivre leurs exactions tout en bénéficiant des retombés commerciales de celles-ci puisque dépensées sur terre.
Un aveu de faiblesse de la marine républicaine mais qui permet des résultats assez positifs et immédiats. La dichotomie terre/mer reste d’ailleurs encore aujourd’hui très présente au Syndikaali.

N’empêche, les crimes se poursuivent car tout n’a pas été légalisé, loin de là, et les condamnations à mort sont fréquentes. Le temps dilue trop rapidement les engagements des uns et des autres et un pacte signé avec une génération de capitaines se voit rapidement balayé par la suivante, éprise de subversion. La République opère à son tour un tournant répressif face aux équipages pirates dans lequel elle investit des sommes faramineuses pour des résultats absurdement peu probants.

C’est cet aveu d’échec qui donnera lieu à la seconde constitution, sur fond de coup d’Etat, et la chute de la République Pharoise au profit de la Libre Association, aujourd’hui connue sous le nom de Syndikaali. L’émergence de ce nouveau contrat social bouleverse profondément le rapport des Pharois avec la piraterie par la mise en place d’institutions de régulation et le changement de regard accordé aux activités de piraterie : « la Libre Association n’existe pas en tant qu’entité répressive, coercitive ou morale. Nous ne sommes que l’agrégat volontaire et volontariste de destins individuels. Chacune de nos décisions doit être pesée en ce sens, et aucun choix pris collectivement ne doit se faire au détriment d’un seul. Si nous nous devons à nous-mêmes en tant que groupe, en tant que peuple, c’est au titre de nos intérêts collectifs. Là s’arrête notre pouvoir. » ainsi commençait le discours du Capitaine Ministre Aleksanteri devant l’Assemblée Concitoyenne au moment de la création du Syndikaali.

Le pirate n’est donc plus un criminel mais un citoyen comme un autre dont la protection des intérêts se trouve conditionnée à ce qu’elle n’empiète pas sur l’intérêt collectif. L’intérêt individuel, lui, est soumis aux règles de la concurrence dans le cadre d’un marché « noir » c’est-à-dire très permissif. Le crime devient non pas une affaire de droit du citoyen, mais de prospérité territoriale et de maintien du statut quo : est considéré comme criminel ce qui contrevient au bon fonctionnement du territoire du Syndikaali comme garant d’un système de marché noir.

A partir de là, les exécutions diminuent drastiquement, mais les peines prononcées sont également beaucoup plus sévères. Il est considéré des citoyens que toutes les cartes leurs sont mises entre les mains pour poursuivre leurs aspirations individuelles et que la société pharoise les soutiendra dans leurs désirs de réalisation personnelle et d’émancipation. La seule règle à respecter est de ne pas entraver le bon fonctionnement de ladite société, considérée comme la meilleure alliée des citoyens.

Ainsi, un criminel reconnu n’est plus seulement coupable de crime contre un individu mais de crime contre tous les Pharois, ce qui mène à des sanctions particulièrement lourdes, bien que rares. C’est au nom de cette logique que la peine de mort reste appliquée au Syndikaali et pratiquée largement, y compris pour des crimes qui pourraient sembler de moindre importance.

« De fausses excuses ! » cependant pour les activistes pro-abolition. Ceux qui, contrairement aux habitudes de la vie militante pharoise extrêmement polarisée, viennent de tous les bords politiques. On en trouve aussi bien du côté des républicains libéraux du Parti Populaire qui souhaitent voir le Syndikaali s’aligner sur les mœurs et les normes juridiques des autres démocraties, mais également du côté des communistes pour des raisons humanistes, ou encore chez les pirates qui ont un intérêt bien entendu à ne pas se faire pendre leurs électeurs. Si ces activistes se font entendre à chaque exécution, sans manquer de relancer un débat vieux de plusieurs décennies, l’opinion pharoise reste encore largement pro-peine de mort. Presque 76% des citoyens se déclarent « en faveur du maintien des exécutions », dont 31% souhaitent néanmoins « une mort moins douloureuse, par injection » tandis que 24% au contraire réclament « plus de sévérité dans les peines » selon notre baromètre d’opinions.

On comprend de fait qu’assez peu de partis souhaitent mouiller la chemise pour engager des réformes en faveur de l’abolition, même si celles-ci sont régulièrement portées devant les Assemblées par des élus courageux. Sans résultats notables jusque-là néanmoins.

De manière plus générale, le rapport à la piraterie au Syndikaali fait l'objet d'une forme de tabou ou d’omerta nationale qui gêne la tenue de véritables débats apaisés sur ce sujet. On murmure plus aisément son avis dans les bars ou les couloirs de l'Assemblée que devant l’hémicycle où aborder de front la question du traitement réservé aux capitaines dissidents est assez mal vu et peut s'apparenter à une forme de déloyauté vis-à-vis des institutions et du fonctionnement de la société.

Il faut dire que c’est un secret de polichinelle mais la peine de mort au Syndikaali relève également d’intérêts beaucoup plus politiques. En réalisant occasionnellement des exécutions mises en scène, le gouvernement Pharois et ses collaborateurs se débarrassent des équipages trop gênants, en roue libre ou allant à rebours des stratégies géopolitiques mises en place par l’Etat. Une manière également de donner des gages aux nations voisines et leur rappeler que le premier et plus efficace acteur de la lutte contre la piraterie en Eurysie est le Syndikaali lui-même.


En ce qui concerne le capitaine Väinämöinen, il avait été arrêté par les garde-côtes dans le cadre d’une affaire d’association de malfaiteurs visant à dérober une navette de guerre sur un chantier naval tenu par l’Etat. Placé en détention puis présenté à la justice, celle-ci lui aurait simplement demandé pourquoi il n’était pas passé par les canaux traditionnels pour se procurer du matériel militaire détourné.
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Les populations pharo-listoniennes, actrices et enjeux politiques à l'heure de la chute de l’Empire

La coalition gouvernementale accusée de contrevenir à la Nouvelle Doctrine.
Le Parti Communiste Pharois espère tirer ses billes du feu.
Les citoyens du Syndikaali dans le trouble face à la situation géopolitique internationale.



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Habitué à se trouver de l'autre côté des barricades, le Syndikaali se trouve empêtré dans une position de gendarme tentant d'appeler au calme.


En appelant à organiser des referendum indépendantistes, le Parti du Progrès sème la confusion chez les loyalistes de l'Empire.

Connu pour être un carrefour d’intérêt, le Syndikaali est également, depuis quelques années et l’intégration de populations francisquiennes et listoniennes, un lieu de rencontre entre des cultures parfois très éloignées.
Si certains pays aux tendance autoritaires pourraient y voir un cauchemar civilisationnel, le régime politique du Syndikaali s’adapte relativement bien à l’intégration de populations étrangères, comme il en a fait la démonstration récemment en naturalisant un grand nombre d’habitants de la Côte des Caprices dont la part majoritaire était d’origine Listonienne.

De fait, le Syndikaali se trouve au cœur de la crise provoquée par la chute de l’Empire, autant parce qu’il y possède des intérêts concrets, matérialisés par ses protectorats, mais également parce qu’il abrite en son sein une part conséquente d’ex-Listoniens possédant désormais la double-nationalité et donc le droit de vote.

Une manne politique certes mesurée vis-à-vis du poids total de la population pharoise mais qui, si elle se mobilise, pourrait aisément faire gagner plusieurs points aux formations politiques raflant leurs voix. C’est d’ailleurs ce constat qui a motivé la création du Front Impérial National, nouveau parti se réclamant des intérêts de l’Empire et du Syndikaali et cherchant à orienter la politique de ce dernier vers une attitude plus belliciste et autoritaire.

Reste que la communauté Listonienne ne vote pas encore comme un seul homme et dans le jeu d’échec permanent qu’est la politique intérieure du Syndikaali, le Parti Communiste Pharois espère tirer son épingle du jeu.

En effet, le traité de Fraternité signé avec l’Empire Listonien l’a été sur l’initiative de l’alliance – toujours opportuniste – de deux des trois formations politiques triomphantes des dernières élections : le Parti Pirate et le Parti du Progrès. C’est dans une optique libérale et libertaire que le Capitaine Mainio et le Capitaine Nooa ont travaillé de concert pour négocier cet accord avec les autorités impériales afin d’étendre la sphère d’influence du Syndikaali et d’offrir à ses marins des comptoirs où stationner partout dans le monde.

Une ambition rapidement dénoncée par la troisième roue du tricycle : le Parti Communiste Pharois qui n’a pas vu d’un très bon œil ce qu’il qualifie de « coup impérialiste ». Le PCP, on le sait, lorgne plutôt vers les pays de l’Est et les nations communistes ou ex-communistes de Lutharovie, Prodnov et Vogimska où il espère renforcer son influence et parvenir à réunir autour d’une même table et d’une alliance militaro-économique.
Paradoxalement, le Parti Communiste Pharois peut également se réclamer de la Nouvelle Doctrine, cette politique pharoise adoptée dès 1950 suite à la défaite face à l’Empire Listonien et qui préconisait la sécurisation des intérêts pharois en Eurysie comme une priorité absolue. Une ligne directrice dont le Parti du Progrès et le Parti Pirate semblent dévier en cherchant à étendre leur influence hors du vieux continent.

Légitimes ou non, ces critiques sont toutefois de nature à faire écho aux craintes et appréhension de la communauté listonienne résident au Syndikaali. En effet, même si de plus en plus de voix étrangères commencent à réclamer l’indépendance, pour les Listoniens se sont des concitoyens qui meurent de faim dans les colonies et c’est leur nation qui semble ouvertement se déliter sous leurs yeux. Un délitement que le Syndikaali ne semble pas décidé à enrayer, multipliant depuis une semaine les déclarations et gestes politiques pro-autonomie.
Dans cette affaire, le PCP est ainsi tiraillé entre sa position anti-impérialiste qui voudrait qu’il soutienne les referendum d’autodétermination, et des intérêts électoraux. Une ligne de crète sur laquelle il parvient pour le moment à surfer : depuis quelques jours, les élus et ministres du PCP vont de plateaux en plateaux pour affirmer leur position anti-cynique.

« L’indépendance, oui, mais par pour tomber entre les mains des requins régionaux, l’anti-impérialisme c’est l’autonomie, pas la vassalité. Je ne souhaite à personne d'obtenir l'indépendance pour se retrouver aussitôt dans les griffes du Lofoten. »
Déclaration de la Capitaine Marketta, ministre de la Planification.

Quel est donc le compromis que propose le PCP ? Sans doute un peu démagogiquement, il réclame la mise en place d’une garantie d’autonomie internationale et internationaliste. En somme, que chaque colonie listonienne entre sous la protection d’une internationale démocratique s’assurant collectivement qu’aucun intérêt étranger n’interfèrera avec la souveraineté de ces régions.
Une proposition qui semble intéressante et recevoir le soutien d’une bonne partie de la communauté listonienne, bien que dans les faits sa mise en place reste très chimérique.

« Dans un monde idéal et avec deux ans de paix devant nous, nous pourrions envisager une telle solution. Mais l’Empire s’effondre plus vite que nos bonnes intentions, c’est une solution d’urgence que nous devons mettre en place. Agir dans l’urgence de donne jamais des résultats parfaits, mais c’est sans doute les moins pires. »
Réponse du Capitaine Ministre Mainio, interrogé par le groupe communiste à l’Assemblée Concitoyenne.

De fait, le PCP ne se mouille pas trop. Sachant très bien que dans cette affaire les députés pirates et progressistes marchent main dans la main et rassemblent quelques 60% du parlement, les communistes sont hors-jeu dans ce dossier, ce qui leur permet d’endosser le beau rôle.

Plusieurs députés rouges ont ainsi été présents aux nombreuses manifestations au Syndikaali appelant à ne pas abandonner les Listoniens à leur sort. Des marches sans troubles mais qui rassemblaient un nombre très conséquent de gens dans la rue et de toutes nationalités.

« Les gens qui marchent aujourd'hui, ce ne sont pas des militants, ils n’appartiennent à aucun camp, ce sont des gens qui s’inquiètent, qui espèrent, pour leurs amis, parfois leurs proches dans les colonies. On ne peut pas les abandonner à leur sort comme s’il s’agissait d’étrangers : Pharois et Listoniens sont unis désormais, entrelacés même, si le Syndikaali n’agit pas en faveur d’une sortie de crise ce sera une faute politique très grave et il perdra la confiance de beaucoup de gens comme moi. »
Maria Angela, pharo-listonienne venue manifester à Helmi.

La situation est donc particulièrement complexe, entremêlant enjeux intérieurs, électoraux, géopolitiques et géostratégiques, chaque pas que fait le gouvernement pharois lui fait prendre le risque de voir le sol se dérober sous lui. Dans cette affaire, le Capitaine Mainio qui jouit au Syndikaali d’une côte de popularité très importante, n’hésite pas à jouer de son image pour apaiser les esprits.

« Complexe, certainement, mais pas indémêlable. Nous avons engagé le dialogue avec plusieurs pays autour du monde pour essayer de trouver, au cas par cas, des portes de sortie de crise qui bénéficieront d’abord et avant tout aux populations Listoniennes. Pas un seul civil ne doit payer le prix de cette crise qui touche la métropole. Le Syndikaali n’a pas vocation à sauver le monde, mais face à des voisins en détresse, nous tendrons toujours la main pour éviter le pire. »
Capitaine Mainio, discours devant l’Assemblée Concitoyenne.


Quelle que soit la manière dont se terminera cette crise, une chose est sûre, la politique et la diplomatie pharoise s’en trouveront impactées durablement, à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières.
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Mini-mutinerie à bord du Kouluttaja

Le « navire-école » du contingent bloqué en mer depuis deux jours.
Le groupe à l’origine de la rébellion se fait appeler « l’avant-barbe » et réclame l'abolition du rasage obligatoire.
Retranché dans sa cabine avec les officiers, le capitaine Jalo assure que la mutinerie est « potache ».



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Le service militaire, la fin de l'innocence pharoise ?


L'indépendance de la jeunesse pharoise, déjà évoquée dans ces pages, se réalise parfois sous des formes franchement insurrectionnelles.

C’est un phénomène plus courant qu’on ne le pense : quand on reprend les archives de la marine pharoise, il semble que celle-ci ait fait l’objet d’une mutinerie en moyenne tous les six ans au cours du dernier siècle. Ramenées aux seules statistiques du contingent, ce taux monte à une « mini-mutinerie » tous les trois ans. Des révoltes relativement fréquentes, donc, mais qui semblent également bénignes au regard du nombre de victimes (frôlant le zéro) signe que la hiérarchie militaire semble avoir appris à les gérer.

Il n’empêche, d’un œil extérieur, le phénomène aurait de quoi inquiéter : un bâtiment de guerre immobilisé parfois pendant plusieurs semaines, des officiers retranchés dans leurs quartiers et plusieurs centaines de jeunes gens laissés à eux-mêmes au milieu de l’océan, c’est un problème autant pour la sécurité du pays que pour celle des marins. Pour autant, la situation n'émeut guère la classe politique et l'opinion publique, en dehors des citoyens directement intéressés.

Pour y voir un peu plus clair, essayons de comprendre un peu plus précisément ce qui se joue à bord du Kouluttaja !


D’après les exigences des mutins, revendiquées à l’aide de la radio du pont supérieur dont ils ont apparemment pris le contrôle, il semble que les cadets réclament le droit de se laisser librement pousser la barbe, revendication qui a donné son nom à leur mouvement. Traditionnellement c’est vrai, on attend des soldats mâles que ceux-ci se rasent chaque matin, dans un soucis à la fois d’hygiène et symbolique. Pour le jeune Pharois c’est un rituel censé participer à lui inculquer quelques gestes basiques d’entretien du corps, le Syndikaali étant caractérisé par l’hétérogénéité de son système éducatif, certaines garçons sortant de l’adolescence n’ont jamais été confrontés à ce type d’exigence. C’est particulièrement vrai pour ceux s’étant formés à la maison, ou directement sur des navires, comme cela se fait encore fréquemment.

Le rasage n’est pourtant qu’un élément parmi d’autres d’un certain nombre d’attendus, comme savoir faire son lit au carré ou tresser une corde de chanvre, mais ce qui semble-t-il a mis le feu aux poudres est que les officiers sont, eux, libres d’arborer une chatoyante pilosité.

Uniformes cherchant plus la praticité que l’uniformité, tenues multicolores laissées à la fantaisie de chacun, l’armée du Syndikaali est célèbre pour ses couleurs bigarrées et l’excentricité de certains accoutrements de ses soldats. Au regard de cette tradition, imposer le rasage a semble-t-il été perçu par les appelés du contingent comme une « volonté de la hiérarchie qui cherche se distinguer artificiellement en rabaissant les jeunes », de « brider l’individualité » et l’autogestion des corps, réminiscence de « tendances autoritaires archaïques » et tentative de remettre au goût du jour des « stratégies insupportables relevant du biopouvoir rappelant les pires dérives fascisantes ».

Face à cette contestation, nous explique Kyösti, l’un des leader de l’insurrection, un jeune de 19 ans habitant originaire d’Helmi, « le capitaine Jalo s’est montré particulièrement méprisant » allant jusqu’à rétorquer aux futurs mutins que « on ne fait pas la révolution pour du duvet ».
Manifestement la suite lui donna tort puisque les cadets ont pris le contrôle du navire il y a de cela deux jours et refusent de relancer les machines tant que le règlement intérieur n’aura pas été amendé et que le capitaine Jalo n’aura pas « rasé sa barbe en public ».

L’avant-barbe, le nom que se donnent les insurgés, se place donc dans cette longue tradition de conquêtes sociales, parfois un peu anecdotiques, qui a au fil des années transformé progressivement le visage de l’armée pharoise.

« Nous nous inscrivons dans la filiation de grands hommes et de femmes, des gens de conviction, comme la Capitaine Sohvi ou le Capitaine Samppa, qui par leurs actes héroiques ont montré la voie à suivre. »

La Capitaine Sohvi est une héroïne célèbre de l’histoire pharoise ayant préféré se mutiner plutôt que d’ouvrir le feu sur un village tenu par les républicains lors de la révolution de 1830. Sommée par les officiers royalistes de se jeter du haut de la vigie pour mutinerie et haute trahison, elle s’exécute non sans avoir sabordé son propre navire de guerre au préalable.
Plus récemment, le Capitaine Samppa provoque en 1978 « la grande mutinerie pour la soupe » quand, en raison de coupes budgétaires, l’état-major pharois envisage de supprimer les croutons dans le potage distribué aux marins. Après deux mois et demi de révoltes sur plusieurs fronts, les généraux démissionnent et la soupe a de nouveau de croutons.

Un imaginaire fertile pour nos jeunes mutins, donc, qui peuvent se réclamer d’éclatantes victoires et d’une tradition insurrectionnelle ayant les faveurs de l’opinion publique.

Interrogée sur nos ondes, la mère de Kyösti se serait ainsi déclarée « très fière de son fils » mais lui aurait tout de même demandé de « ne pas trop faire tourner en bourrique le pauvre capitaine Jalo » après avoir voulu savoir si personne n’avait « froid à bord du bateau ».
De nombreux parents d’appelés du contingent semblent partager son point de vue. Si certains condamnent tout de même des « excentricités », la plupart se montrent compréhensifs vis-à-vis des mutins. A l’image de la mère de Kyösti, plusieurs ont toutefois tenu à remercier le capitaine Jalo qui « ne faisait que son travail » sans pour autant critiquer l’action des jeunes gens.

« Mon garçon n’avait pas de barbe en partant. S’il en a une en revenant, je saurai qu’il est devenu un homme. C’est cela qu’on attend du service militaire après tout, non ? »
déclare Hesekiel, le père d’un des mutins.

Cette phrase semble à elle seule cristalliser une bonne part de l’opinion pharoise sur le sujet, moins attachée aux règles qu’aux résultats.

« On nous dit toujours que l’éducation de nos jeunes doit viser à leur apprendre l’esprit critique, j’estime qu’une mutinerie est une forme de réussite de ce point de vue. »
explique l’un des parents, souhaitant rester anonyme.

Cette tolérance vis-à-vis de la rébellion s’explique historiquement par deux facteurs à prendre en compte. Le premier est la durée dans le temps : la mutinerie s’est déclarée deux jours plus tôt et est donc encore très récente ce qui lui permet de bénéficier d’une certaine bienveillance vis-à-vis de ce qui ne semble qu’un phénomène potache. Il n’est toutefois pas certain que si les choses venaient à s’éterniser l’opinion publique ne se retournerait pas en faveur d’un retour à l’ordre.

« On peut bien leur permettre de s’amuser trois jours quand même ! »
déclarait ainsi Varpu, une mère de famille.

Probablement sans s’en rendre compte, cette-dernière exprime ici une ambiguïté pharoise : tolérance vis-à-vis du désordre, mais pas du chaos. Il faut que les affaires continuent de rouler coûte que coûte, la paralysie du système militaire et/ou économique n’est bien vu que si elle est interprétée comme une mécanique permettant à termes de les renforcer. Quand la révolte est considérée comme plus nuisible que positive, l’opinion publique finit par condamner.

« Une génération qui prend son destin en main, c’est une génération qui ne se laissera pas marcher sur les pieds. »
aurait ainsi déclaré le Capitaine Kaapo, ministre de la Terre, coupant l’herbe sous le pied du ministère de la Défense territoriale, resté jusqu’ici silencieux quant à cette affaire.

Cette « mini-mutinerie » des cadets est donc saluée car elle apparait comme un tour de chauffe pour des jeunes gens qui, demain, seront appelés à faire preuve d’indépendance et d’audace. Une audace qui pourrait toutefois finir par se transformer en témérité, voire en imprudence, des traits de personnalité beaucoup plus suspicieux aux yeux des Pharois. C’est ce basculement entre démonstration d’indépendance et démonstration d’imbécilité qui pourrait faire basculer la perception de la population.

Le second facteur à prendre en compte est, bien évidemment, que la mutinerie se déroule en mer. Un espace très permissif dans la tradition pharoise, où sont autorisées la plupart des excentricités.

« Je préfère qu’il se révolte là-bas, face à un commandement stupide, que chez moi. »
déclare Eetu, père d’un des mutins.

Nouveau paradoxe bien connu des sociologues qu’on pourrait littéralement résumer par cette phrase tiré de la célèbre comédie des années 90, Les poissons se cachent pour mourir : « En mer, tu fais ce que tu veux, mais dans mon salon ça file droit ! » déclare le père de famille à sa fille, adolescente rebelle, dont la relation forme le nœud comique du film qui joue justement entre la dichotomie mer/terre.

Ainsi, il est très probable qu’une mutinerie sur terre serait perçue avec beaucoup plus de gravité de la part des Pharois, promptes à condamner ce qui risquerait de troubler l’ordre social au sein d’un pays dont le modèle économique et politique est plus que jamais perçu comme un chemin de crête.


De manière plus générale, la période du service militaire pharois qui dure deux années pleines, est autant perçue comme un moment d’émancipation vis-à-vis d’un certain nombre de déterminismes sociaux, que l’occasion d’acquérir des savoirs utiles à la vie en mer.

A bord de ses deux navires écoles, l'Opettaja et le Kouluttaja – le premier pour les filles, le second pour les garçons – navigant côte à côte, les jeunes générations du Syndikaali se voient offrir des cours de natation, apprennent à entretenir un navire de guerre, découvrent pour certain la vie en collectivité – nécessaire dans un pays assez individualiste – ainsi que la fraternité. Dans la tradition autogestionnaire et partiellement pirate de la marine du Syndikaali, la prise de décision sur un pied d’égalité est un passage obligé qui va de pair avec la discipline et l’obéissance vis-à-vis du capitaine, mais également le respect des droits de chacun, défendus par un quartier-maître élu par les cadets.

Plus encore que des savoirs techniques et l’apprentissage de la sociabilisation, ce voyage est l’occasion d’explorer d’autres continents. Ainsi, partant de Pharot, la capitale, les deux frégates vont opérer un véritable tour du monde, quitter les mers gelées du nord pour naviguer vers l’Aleucie puis le Paltoterra, longer les côtes de l’Afarée et revenir par la mer blême, passer par le Détroit de Yangonie pour finalement retrouver l’océan du nord et achever leur périple à Kanavaportti.

Ponctué d’escales dans des pays amis où les navires stationnent parfois plusieurs semaines, ce périple est l’occasion pour les jeunes Pharois de découvrir des régions et des températures jusque là inconnues. Un bien nécessaire exotisme censé former la marine du Syndikaali à toutes les types de climats et de courants océaniques, à s’adapter aux mers calmes comme aux océans déchaînés mais surtout à voir un aperçu du monde et de sa diversité.

Un voyage très politique également, puisque les lieux d’escales sont choisis avec soin : la présence des cadets pharois – qui représentent tout de même plusieurs centaines de jeunes gens – dans une région provoque assurément un certain remu ménage. L’occasion de booster l’économie locale pendant quelques jours, mais également de faire se rencontrer des populations de nationalités différentes et qui sait, de donner envie aux Pharois de revenir plus tard pour faire des affaires.

Ainsi si les diasporas pharoises à travers le monde ont longtemps été le fruit d’un exode logique du territoire du Syndikaali, très inhospitalier et peu fertile, elles sont également depuis quelques décennies un rouage déterminant de la politique culturelle internationale du pays qui encourage ses ressortissants à s’installer un peu partout dans le monde. Une émigration stratégique puisqu’elle donne un excellent prétexte au Syndikaali pour avancer ses intérêts hors de ses frontières, mais également parce que, vivant de la contrebande et du marché noir, l’économie pharoise a tout intérêt à pouvoir s’appuyer sur des populations de confiance dans les pays étrangers.

Signer un partenariat de mouillage avec les navires écoles du Syndikaali est donc à double tranchant. Assurément il s’agit d’un grand pas en avant pour se rapprocher politiquement de la deuxième économie du monde. Mais avec les Pharois l’amitié est parfois un poison tout aussi dangereux que la rivalité et ces adolescents rieurs débarquant ponctuellement sur les côtes sont autant de potentiels partenaires commerciaux que de futurs contrebandiers qui, tombés amoureux pendant leur jeunesse, d'un peuple, d'une culture, de paysages ou d'un territoire, reviendront un jour y faire affaire… à leur manière.
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Un journal pour les gouverner tous.



La parution d’études elpidianes plaçant le Syndikaali en 9ème position dans le classement des grandes puissances militaires provoque la controverse devant les parlements

Le Parti Pirate accusé de donner la part belle aux détournement de matériel au profit du marché noir.
Les réformes des trois Communs pointées du doigt par les étatistes.
Plusieurs formations politiques demandent un bilan honnête de la Nouvelle Doctrine.



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Deuxième puissance économique mondiale, le Syndikaali s'interroge sur son potentiel réel et cherche à mesurer ses véritables limites.


La publication controversée du professeur Aristophon Enpeuplid a provoqué un petit séisme au sein de la classe politique pharoise.

Que dit l'étude exactement ?

C’est une étude qui fait déjà du bruit. Publiée le 27 juin 2007 par le professeur Aristophon Enpeuplid dans la revue Akademias de l’Université Fédérale des Sciences et de l'Ingénierie d’Elpida, il n'aura fallu que quelques jours pour que ces travaux se retrouvent entre les mains de l’état-major Pharois et circulent ensuite bientôt dans la presse. Si les résultats de l’étude encensent sans ambiguïté les performances pharoises sur les questions économiques, corroborant les analyses des stratèges et universitaires du Syndikaali qui documentaient déjà depuis deux ans l’étonnante croissance de la petite nation, le classement militaire est celui qui a le plus attiré l’attention des commentateurs.
Placé derrière la Cémétie, la Sérénissime République de Fortuna, le Jashuria ou même encore derrière le paisible Banairah, les résultats interrogent et la classe politique s’est vue sommée de rendre des comptes.

Il faut comprendre la désillusion : depuis la défaite face à l’Empire Listonien en 1950 et la perte d’Albigärk, le Syndikaali s’est engagé activement sur la voie de la réindustrialisation et d’un rattrapage militaire et économique à marche forcée. Un défi d’autant plus grand dans une nation aux ressources rares et difficilement exportables et où l’Etat décentralisé et libertaire ne peut assumer le rôle de moteur et de planificateur pour l’industrie.
Il a donc fallu compter sur d’autres ressorts et embrasser activement un capitalisme-libéral alternatif, basé sur une restructuration du marché noir et de la contrebande à échelle internationale. Faute de pouvoir piloter une grande nation industrielle, le Syndikaali piloterait le monde du crime organisé à son plus grand profit. La Nouvelle Doctrine était née.

Une stratégie payante mais qui entraine la nation pirate dans une course en avant : prospérant entièrement sur l’instabilité qu’elle provoque, les Pharois ne se sont pas fait que des amis en Eurysie et dans le monde, poussant certaines nations concurrentes à s’engager dans une escalade de tension qui mèneront périodiquement à des conflits militaires.
La Nouvelle Doctrine fonctionne, mais doit se doter des moyens de se protéger.

Dans ce but, plusieurs mesures ont été prises tout au long des cinquante dernières années : concentration des forces militaires navales pharoises sur la côte nord du Syndikaali afin de tenir l’embouchure du Détroit, mise en place d’un statut territorial d’exception dans le Grand Nord afin de laisser aux stations libres la responsabilité de protéger les mers gelées, sans compter l’extrêmement vigoureuse politique de rattrapage scientifique effectuée depuis des années et qui permet désormais au Syndikaali de se doter d’une puissance de frappe aérienne pour la première fois dans son histoire – ce qui ne fut pas sans provoquer controverse.

Tout semblait donc valider le choix de poursuivre la Nouvelle Doctrine : les succès militaires à Kotios et face à l’Empire Latin Francisquien, puis au Vogimska et maintenant le déploiement d’une force militaire dans les enclaves listoniennes paraissaient confirmer l'efficacité de la marine pharoise et son efficacité.
Le rapport du professeur Aristophon Enpeuplid fait douche froide : les succès du Syndikaali n’auraient-ils été qu’une illusion, des victoires faciles remportées face à des pays sous-militarisés ? Les défaites récentes de l’allié Kah-Tanais face à la puissance de l’Alguarena au Paltoterra prennent soudain un éclairage plus inquiétant et font douter de la capacité du Syndikaali à s’imposer sur la scène internationale comme il a pu se le permettre jusqu’ici.

Si la publication de l’étude de l’Akademias a assurément suscité le débat dans la société pharoise, tous ne lisent pas les chiffres de la même façon, on nous les explique pas par les mêmes causes. Une opportunité pour les différents partis et factions du Syndikaali d’instrumentaliser les décisions politiques prises ces dernières années afin de les infléchir dans un sens qui leur soit plus favorable.


Les méthodes du Parti Pirate de nouveau controversées

Dans le viseur d’une partie des députés : l’obsession farouche du Parti Pirate (qui possède trois ministres au gouvernement) à démilitariser l’Etat Pharois au profit de ses factions paramilitaires et de la société civile. Le Parti d’inspiration libertaire-libertarienne n’a jamais caché sa volonté d’ouvrir le marché de l’industrie pharoise au tout venant. Cette position historique s’explique par la part laissée par le Syndikaali à ses forces militarisées de l’intérieur, s’appuyant sur les flottes pirates indépendantes et de manière plus générale sur la réaction de sa société civile pour assurer sa défense.

L’Etat n’a jamais été perçu avec beaucoup de bienveillance par le Parti Pirate qui y voit un adversaire autant qu’un allié. La suspicion de traitrise hante les libertaires : on craint de voir le Syndikaali, sur le sort d’une élection, adopter un virage tyrannique. C'est cette peur qui a toujours poussé la faction pirate à tenter de nouer les mains et les pieds du gouvernement face à des équipages, syndicats et groupes paramilitaires puissants et jugés plus fiables car attachés à leurs droits et leurs intérêts. La cohabitation entre l’instance étatique et la société civile reposait alors sur un contrat social : le Syndikaali devait perdurer en tant que démocratie libertaire pour offrir un refuge et une légitimité à ses citoyens. Face aux puissances tyranniques et autoritaires dans le reste du monde les libertaires devaient pouvoir compter sur un territoire où s’armer et prospérer, mais sans que celui-ci ne risque de devenir ce qu’ils avaient cherché à fuir ailleurs.
Tout le reste était superflu.

Pour le Parti Pirate, le complexe militaro-industriel pharois doit donc venir constamment irriguer la société civile de moyens de se défendre à la pointe de la technologie.

Compromis fut trouvé avec les forces républicaines de l’époque puisque la force armée du Syndikaali est bel et bien nationalisée, mais elle n’a pas le monopole de la violence légitime et surtout la corruption endémique de la bureaucratie pharoise a toujours permis à du matériel militaire de disparaitre les hangars pour venir approvisionner les équipages de pirates en navires de guerre, sans que cela ne suscite beaucoup d’indignation au sein de la classe politique.

Récemment la victoire électorale du Front Démocratique des Kollektiivinen à l’assemblée syndicale a permis de mieux mesurer l’influence du Parti Pirate sur le complexe militaro-industriel pharois. Fort de sept sièges, c’est autant d’usines prêtes à irriguer directement le marché noir avec les armes du Syndikaali. Le Parti Pirate assume et parle d’un « processus sain de rééquilibrage des forces civiles et d’Etat par les leviers de la contrebande » quand d’autres partis plus étatiques dénoncent depuis des années une « fuite » et une « perte sèche de budget pour l’armée qui voit s’évaporer dans la nature plus d’un dixième de ses commandes. »

La situation toutefois semblait plutôt bien acceptée par l’opinion publique car pour le citoyen lambda, tous les investissements – même nécessaires – réalisés dans l’armée sont souvent invisibles. Qu’importe au pêcheur en haute mer d’apprendre que les garde-côtes possèdent de nouveaux fusils d’assaut sinon la frustration de ne jamais voir pour lui-même la couleur de cet argent provenant des impôts. Le passage d’une partie de la production du militaire vers le civil est donc assez populaire pour les marins et travailleurs de la mer qui, après quelques opérations de blanchiment de la marchandise, voient des navires et du matériel de dernière génération accessible sur le marché.

Ce statut quo, toutefois, pourrait bien s’effriter face à la pression parlementaire. Si le Syndikaali accuse encore un retard militaire, voire perd de l’avance sur des pays pourtant largement moins développés que lui, c’est que le modèle de production est une vraie passoire et incapable de rivaliser avec la concurrence. En cause, une industrie qui tourne en sous-régime du fait du détournement de son matériel et de ses fonds.
A cela, le Parti Pirate rétorque simplement que si le Syndikaali affiche un score aussi bas dans l’étude elpidiane, c’est que le mode de calcul se révèle incapable de saisir les spécificités de la stratégie militaire pharoise. Bien qu’elle repose en grande partie sur l’action de ses divers factions paramilitaires, celles-ci passent naturellement sous les radars de la comptabilité étatique. Ainsi le professeur Aristophon Enpeuplid aurait tout simplement mésestimé la force de frappe du Syndikaali qui a pu opérer sur de nombreux théâtres, Kotios étant un exemple évident, sans y engager son armée. La Fraternité des mers du Nord, ce groupe révolutionnaire anarchiste à l’origine de la révolution kotioïte avait permis de déstabiliser l’Empire Latin Francisquien tout en préservent la neutralité pharoise.

Cette « fuite » de capitaux et de matériel vers la société civile n’est donc pas une perte, mais elle dénote il est vrai des difficultés rencontrés par les outils de mesures traditionnels et les chercheurs étrangers à saisir pleinement les subtilités de la société pharoise. Une analyse partagée par plusieurs experts en sciences politiques d'Albigärk :
« Akademias, ce n'est pas vraiment une revue sérieuse, trop anthropocentrée, il y a un biais positiviste aussi. Ce sont des gens qui pensent pouvoir expliquer le monde avec des maths et des statistiques mais les sciences sociales montrent que les choses sont toujours plus complexes, se contenter de compter les fusils c'est assez primaire. Quid de la capacité de projection ? Des jeux d'alliances ? De la réaction de la population en cas de conflit ? Tout ça est fondamental, mais cela passe à la trappe dans cette étude. »


Les Trois Communs sont-ils adaptés aux enjeux du XXIème siècle ?

Si le Parti Pirate encaisse les plus lourdes critiques, le Parti Communiste Pharois qui tient le ministère de la Défense territorial (chargé des armées) est également victime d’un feu nourri de reproches. En cause, les dernières réformes menées par les Trois Communs (ndlt : ministère de la Défense territoriale, ministère des Propriétés publiques et du Bien Commun, ministère de la Planification, tous trois tenus par des élus communistes au Gouvernement) cherchant à décentraliser, démocratiser et autonomiser le fonctionnement du complexe militaro-industriel du Syndikaali.

« Attaques de mauvaises foi » dénonce les communistes qui ne sont au pouvoir que depuis moins d’un an. « Difficile de nous accuser de tous les maux quand le précédent ministère de la Défense était justement tenu par le Parti Pirate. » explique un député du PCP. Les rouges, toutefois, retiennent leurs coups contre les pirates dont les voix sont nécessaires pour maintenir une coalition au sein des deux chambres, tripolarisée avec le Parti du Progrès.
La droite, elle, a moins de scrupules et déjà vent debout contre la mise en place d’une Assemblée des kollektiivinen indépendante de l’Etat, voit dans les faibles performances du Syndikaali la démonstration que leurs craintes et critiques étaient fondées.

« Le reste du monde s’arme à grande vitesse. Le commerce des armes est le plus lucratif à l’heure actuelle, notre pays doit urgemment se doter d’une capacité de production de grande échelle pour faire face aux multiples menaces qui remettent en cause notre système et notre mode de vie et que fait le Parti Communiste ? Il débranche des secteurs régaliens entiers pour les remettre entre les mains des syndicats. Les rouges agissent par idéologie au mépris complet de la réalité du terrain, ce n'est pas le moment de nous désarmer, à peu de choses près on pourrait penser à de l’auto-sabotage. »

La Citoyenne Esteri, porte-parole du PCP, balaye les accusations d’un revers de main :
« Les libéraux et les autoritaires persistent dans leurs vieilles croyances que seule une organisation pyramidale et tenue d’une main de fer peut fonctionner efficacement. S’il s’agissait de faire du profit sur un marché en concurrence, peut-être, mais l’industrie de l’armement est un service public, nous ne sommes pas soumis à une politique du chiffre, la seule considération qui s’impose in fine c’est : sommes-nous victorieux ? Et je pense qu’à l’heure actuelle nous pouvons dire que oui. »

Réponse immédiate du Parti Populaire (droite libérale) :
« La naïveté de la citoyenne Esteri serait touchante si elle n’était pas aussi terrifiante pour notre avenir à moyen et long termes. Bien sûr que l’industrie militaire est en concurrence : elle est en concurrence avec le reste du monde, tout simplement. Nous vivotons à l’heure actuelle sur nos acquis et notre suprématie navale qui nous offre un avantage stratégique certain. Mais qu’en sera-t-il demain si au nom de la démocratie syndicale une poignée de grévistes professionnels choisissaient pour la nation d’abandonner certaines productions stratégiques ? De la même manière qu’il existe un secret défense, certaines fonctions régaliennes ne peuvent être soumises aux mêmes règles que d’autre, on n’irait pas réclamer la transparence des services secrets par exemple ! Alors pourquoi, sinon pour coller à son agendas politique et théorique, le Parti Communiste s’obstine-t-il à calquer sur notre production d’arme un modèle syndical qui n’a rien à lui apporter ? »

Du côté des kollektiivinen eux-mêmes les syndicats ne sont pas restés complètement silencieux puisque, réagissant à la polémique, le porte-parole de l'Union des Travailleurs de la Mer pour la Défense de la Souveraineté Océanique (UTMDSO) a tenu à rappeler que l’assemblée des kollektiivinens travaillait en collaboration étroite avec l’état-major et le ministère de la Défense territoriale et que si les orientations de la planification de la production revenait en définitive au gouvernement, l’autonomie des usines permettait une meilleure efficacité.
Moins pédagogue, le porte-parole du syndicat Confédération Internationale Libertaire du Travail (CILT) a invité les députés du Parti Populaire à venir bosser à l’usine eux-mêmes s’ils n’étaient pas contents de ce qui en sortait.
Seule voix dissidente, le syndicat droitier Union d’Alliance (UA) qui dénonce depuis longtemps le poids donné aux travailleurs par la possibilité offerte d’exercer leur droit de grève sur le secteur stratégique de la production militaire, a souhaité jouer la carte de la raison en tranchant la poire en deux et proposé de rendre aux chambres législatives un pouvoir d’arbitrage en cas de dissensus politique entre les kollektiivinens et le gouvernement.


Quel avenir pour la Nouvelle Doctrine ?

Mais au-delà des traditionnelles récupérations politiques, c’est l’avenir de la Nouvelle Doctrine qui est aujourd’hui questionné. Cette planification géostratégique de long terme est parvenu à faire du Syndikaali une force majeure dans le concert des nations, mais des mesures décidées en 1951 ne seraient-elles pas tout simplement en train de s’essouffler ? C’est ce que redoutent certains experts à l’heure où la multiplication constante des fronts militaires fait craindre au Syndikaali d’être dépassé par des actions hostiles coordonnées dans le cadre d’alliances transnationales ou d’armées moins bien pourvues mais plus spécialisées et qui parviendraient à prendre l’avantage sur des troupes pharoises assez peu polyvalentes.

Si l’armée du Syndikaali excelle en mer – au point que mêmes les forces d’infanterie relèvent à l’heure actuelle de la marine – la question de sa capacité à soutenir des combats au sol et de l’équipement dont elle dispose à cette fin interroge. Les Pharois ne sont traditionnellement pas des guerriers terrestres or l’actualité immédiate laisse à penser que la supériorité navale seule ne pourra pas suffire à conserver une hégémonie dans certaines régions éloignées.

La puissance de frappe qu’a permis de construire la Nouvelle Doctrine est redoutable lorsqu’il s’agit de défendre le territoire pharois et c’était là son objectif, mais qu’en est-il des opérations extérieures ? Jamais jusqu’alors le Syndikaali n’avait prévu de devoir déployer ses forces jusqu’en Afarée, pour ne citer que cet exemple, et la menace d’une guerre ouverte entre les forces de l’Alguarena et du Grand Kah met les experts pharois au pied du mur devant leurs difficultés à concevoir et organiser un soutien militaire massif sur un autre continent.

Pire encore : s’armer ici c’est se désarmer là et beaucoup de citoyens du Syndikaali voient d’un très mauvais œil l’éventualité d’une mobilisation massive loin du territoire pharois. A juste titre celui-ci a toujours été en tensions, avec l’extérieur du fait de ses activités illicites, mais également à l’intérieur où beaucoup de groupes paramilitaires se tiennent tranquilles en raison de la force pacificatrice des garde-côtes. Qu’en sera-t-il en cas de déploiement de l’armée à des kilomètres de distance ? Certains conflits encore larvés pourraient très bien ressurgir de manière violente, sans compter Kotios dont le sort reste encore aujourd’hui précaire sans le soutien de la marine pharoise.

L’heure est donc au bilan pour la Nouvelle Doctrine qui pourrait bien s’avérer inadaptée aux nouveaux enjeux géostratégiques de ce début de XXIème siècle.

Pourtant, symbole d’un renouveau de la nation pirate et de son modèle économique et politique, la Nouvelle Doctrine reste encore un fétiche pour une grande part de l’opinion public. Plus de 80% des citoyens se déclarent « satisfait » ou « très satisfaits » des changements qu’ils associent directement à cette stratégie. Il n’est donc pas certain qu’un parti politique serait prêt à assumer de tirer un trait sur ce pan majeur de l’histoire pharoise contemporaine.
D’ailleurs, certains comme le Parti des flots militent déjà pour sauver la Nouvelle Doctrine en revenant à des ambitions politiques régionales et non plus intercontinentales.

« Que sommes nous allé foutre en Aleucie, je le demande ? Et en Afarée ? Une dizaine d’enclaves pour faire plaisir à quelques contrebandiers je veux bien, mais si le prix à payer c’est de perdre notre âme… Les eaux froides et les icebergs, voilà l’essence du Pharois, et je ne troquerait mes filets de pêches pour aucun commerce exotique, fusse-t-il mille fois plus lucratif. Des canons pour la sécurité et une petite maison en pierre sur la cote, il n’y a pas à rêver plus loin. »
déclarait le Capitaine Vilho, candidat malheureux au siège de ministre de la terre, des villes et des propriétés.

A contre-courant, le Parti du Progrès assume – seul pour le moment – que l’heure est aux réformes :
« La crise, nous libéraux le savons bien, est la dynamique principale de l’innovation et du renforcement de l’économie. La politique fonctionne de manière identique : ce qui aujourd’hui nous apparait comme une catastrophe ouvre la voie à une saine remise en question et la purge des scories doctrinales qui ne sont pas suffisamment compétitives. La Nouvelle Doctrine a fait son temps, elle sera remplacée par une autre stratégie. Ce qui nous tue ce n’est pas un mauvais score dans un tableau, ce qui nous tue c’est immobilisme. »

« Ce qui nous tue ce sont les flingues francisquiens, ouais. »
rétorque dans la foulée le porte-parole du Parti Populaire.

Reste que si la Nouvelle Doctrine doit bel et bien être dépassée, personne ne semble encore en mesure de savoir par quoi.

A demi-mots, certains députés évoquent l’intensification du soutien au développement des services secrets à travers le monde.
« Il est peut-être temps de cesser de jouer aux héros, même économiquement flamboyant un pays seul ne peut s’imposer au reste du monde. Ce qu’il nous faut c’est envoyer un message très clair à l’international que si quelqu’un s’en prend à nos intérêts et même en en ressortant victorieux, il en paierait le coût par ailleurs. »

D’autres, eux, envisagent l’avenir comme une multiplication d’opérations sous faux pavillons.
« Le nœud des alliances se resserre ce qui rend tout embrasement particulièrement dangereux. Là est notre force. Soutenir largement la piraterie et toutes les forces armées indépendantes de la nation fera peser sur nos adversaires l’épée de Damoclès de voir leur commerce complètement paralysé. Cela demandera des investissements massifs mais nous deviendrons une telle force de nuisance que tout le monde saura que s’en prendre au Syndikaali, c’est détacher le kraken. »
(ndtl : référence mythologie à une puissante créature sous-marine enchaînée dans les profondeurs des abysses mais que certains chants pourraient ponctuellement libérer)

En troisième piste fait écho aux derniers évènements survenus dans l’Empire Francisquien, touché par une frappe bactériologique de la Principauté de Carnavale.
« Est-ce que ce serait l’avenir de la dissuasion militaire ce ne serait pas les armes chimiques ? La frappe de Carnavale est évidement à condamner mais imaginez le Syndikaali doté de ce genre d’armes, personne n’oserait sérieusement nous menacer. »


En définitive, si le pays devait réorienter sa géostratégie à long terme, cette décision impliquerait l’ensemble des ministres du gouvernement et nécessiterait le vote des trois principales factions politiques actuellement aux chambres. Ce n’est donc pas une décision que prendra seul l’état-major ce qui laisse présager encore de longues cessions de débat et de réflexion avant de pouvoir mesurer l’impact réel qu’aura eu l’étude du professeur Aristophon Enpeuplid sur la société pharoise.
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Un croiseur nommé désir

Un agent du ministère de la Défense territoriale témoigne.
Inquiétude venue de tous les bords du spectre politique quant aux ruptures répétées avec la Nouvelle Doctrine.
Les coulisses du complexe militaro-industriel pharois révélées.



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Porte-hélicoptère pharois au large d'Helmi (aujourd'hui cédé à l'Empire Listonien), le projet de croiseur serait prévu pour atteindre une taille presque deux fois supérieure.


Le projet de super navire de guerre croiseur pharois, un secret de polichinelle dans le milieu de l'industrie lourde.

Autopsie des enjeux de la recherche militaire navale contemporaine

L’un des avantages du modèle pharois s’appuyant sur la transparence de ses institutions étatiques et régaliennes, même stratégiques, est sans nul doute la visibilité qu’il offre sur les rouages de celles-ci. Les dernières réformes des Trois Communs visant à démocratiser la production militaire du Syndikaali par le biais de ses syndicats ouvriers réunis en kollektiivinen forcent la transparence sur la production réelle du pays et les conditions de travail de son complexe militaro-industriel. Si certaines craintes ont pu être émises quant à l’imperméabilité du secret défense et des brevets de l’industrie, les closes de confidentialité restent les mêmes que dans les autres pays du monde, d’autant plus que les laboratoires en recherche et développement du Syndikaali font partie des plus développés de la planète.

Il n’en reste pas moins que les tendances électorales qui se dessinent au sein de l’Assemblée des kollektiivinen et la couleur politique de certains d’entre eux permet de se faire une idée assez précise sur la manière dont fonctionnent les usines. Typiquement, l'Union des Travailleurs de la Mer pour la Défense de la Souveraineté Océanique (UTMDSO) se concentre quasi uniquement sur la production de navires et sous-marins militaires, l'Union d'Alliance (UA) obéit fidèlement aux directives du Gouvernement, la Veille Pacifiste (VP) refuse de faire autre chose que de la maintenance, la Confédération Internationale Libertaire du Travail (CILT) rend systématiquement publics ses brevets et s’organise de manière autogestionnaire en collaboration avec les populations locales sous formes de phalanstères ouvriers, la Confédération Internationale du Travail (CIT) suit les ordres du Parti Communiste Pharois et enfin le Front Démocratique des Kollektiivinen (FDK) refuse de tenir la moindre comptabilité, probablement à des fins de contrebande.

Bref, du pain béni pour les journalistes d’investigation qui, en tendant l’oreille, n’ont pas beaucoup de mal à se tenir au courant de l’état de la production militaire du Syndikaali, véritable mine d’or pour tenter de deviner les ambitions à moyen termes du Gouvernement et spéculer sur sa stratégie.

C’est dans ce contexte que nos journalistes ont pu révéler l’étonnante et secrète compétition que se livrent à l’heure actuelle les principales puissances maritimes. L’enjeu de cette course : être le premier pays à terminer de construire un croiseur, le plus large modèle de navire de guerre possible imaginé à ce jour par les ingénieurs. Plus grand, plus long et mieux équipé que son petit frère le destroyer, la conception du croiseur le destine à devenir l’archétype du navire amiral des flottes du XXIème siècle. Au-delà de l’enjeu en termes de sécurité nationale, il est avant tout symbolique : le premier pays à sortir un tel monstre de ses chantiers navals ferait assurément démonstration de sa force en mer.

Pour le grand public, c’est une compétition que personne n’assume : difficile en effet de savoir précisément à quel stade de développement en sont les adversaires mais une source anonyme au ministère de la Défense territoriale nous confirme que les services secrets sont très attentives à la production navale des autres nations :

« La force du Syndikaali, c’est sa marine. Rien d’autre. Je sais que le gouvernement a annoncé récemment des mesures en faveur du développement de l’aéronautique mais tout ça reste encore bien discret par rapport aux sommes et aux efforts investis dans le naval. Alors forcément, quand votre principal atout c’est le contrôle des mers, vous essayez au maximum de savoir où en sont vos concurrents et qui pourrait venir mettre à mal votre point fort. »

Journaliste : « Comment se positionne le Syndikaali à l’heure actuelle par rapport à ces concurrents ? »

« Bien sûr quand on pense concurrence militaire on pense tout de suite aux Iles fédérées de l'Alguarena et à raison. Leur puissance navale est légèrement supérieure à la nôtre, d’après nos estimations, mais rien d’irrattrapable. Leur complexe militaro-industriel est plus performant mais aussi plus polyvalent, en se concentrant presque exclusivement sur la marine, le Syndikaali réduit chaque jour un peu plus son retard. Par contre cela nous laisse sans défense sur d’autres plans, comme l’aérien. »

Journaliste : « Mais il y a d’autres menaces. »

« En effet, la Fédération d’Albel est à ce jour la première puissance navale du monde, mais en théorie seulement. Le paradoxe c’est que leur production est inégalé en termes de navires de guerre, mais qu’ils n’ont pas les académies suffisante pour former leurs marins. A l’inverse le Syndikaali peut compter sur un plus grand potentiel avec une population naturellement compétente en mer. »

Journaliste : « Qu’en est-il du Grand Kah ? »

« Le Grand Kah accuse un certain retard dans ce domaine, ce qui explique qu’il ait décidé de délocaliser sa production en Aumérine. Ce n’est pas un problème, nous faisons la même chose avec les armes à feu, cela évite de monopoliser nos forces mais témoigne également d’un manque de polyvalence. Au fond la plupart des nations ont décidé de se spécialiser, on ne peut pas être excellent partout. »

Journaliste : « Et les autres puissances navales notables ? »

« Qui dit puissance navale dit évidement la Sérénissime de Fortuna, bien qu’elle se fasse plus discrète sur la scène internationale ces derniers temps. A cause de leur système politique et économique assez complexe je sais que le gouvernement Pharois rencontre des difficultés pour estimer correctement le potentiel de leur complexe militaro-industriel. Les projections plutôt enthousiastes estiment qu’ils nous devancent légèrement ou que nous sommes à égalité, cela reste à voir. »

Journaliste : « Qu'en est-il du Jashuria et le Lofoten ? »

« Ah oui, ce sont en effet nos deux derniers ‘concurrents’ si on veut, le Jashuria a un niveau équivalent au notre, surtout grâce à son avance technologique, le Lofoten accuse d’un léger retard d’après nos projections. Ce qui est pratique c’est qu’avec les exercices militaires et les sorties qu’ils réalisent régulièrement on peut estimer de manière plutôt fiable l’étendue de leur flotte. Bien sûr on n’est jamais à l’abri qu’ils nous sortent du jour au lendemain un prototype de sous-marin révolutionnaire mais c’est relativement peu probable. »

Journaliste : « Et les croiseurs dans tout ça ? »

« Eh bien par certains aspects c’est un peu le maître étalon. La production d’un croiseur est très longue alors peu de pays peuvent y consacrer cinq usines à temps plein sur quasiment une année. Les pays qui s’engagent dans ce genre de construction misent sur leurs flottes, sinon ce ne serait pas intéressant, donc regarder ceux qui s’engagent dans la course est révélateur de leur état d’esprit. Si l'enjeu est simplement de contrôler ses côtes, des frégates et des patrouilleurs y suffisent largement et leur nombre compense leur puissance de feu face à des bâtiments de guerre plus puissants. Et il faut aussi prendre en compte la défense lance-missile terrestre, de l'artillerie peut parfaitement couler un navire qui s'approcherait trop des côtes, pas besoin d'avoir une énorme flotte à lui opposer. Parier sur de gros chantiers c'est assumer de vouloir jouer la concurrence avec les flottes de premier plan, indirectement c'est un message adressé à l'ordre géopolitique mondial, même s'il est subtil. »

Journaliste : « Qui participe à cette course à l’heure actuelle ? »

« Au moins Albel, c’est certain. Les autres n’ont soit pas le niveau technologique, soit d’autres priorités. »

Journaliste : « C’est une course à deux en somme ? »

« Haha oui mais elle est assez serrée. Nous prévoyons que le premier croiseur pharois et donc le premier du monde sera terminé pour la fin de l’année, nous espérons le sortir de nos chantiers avant Albel mais c’est difficile de savoir précisément où en sont leurs ingénieurs, il faut rester prudent. En tout cas je peux vous dire que cela stimule tout l’Etat-major, en plus d’être une démonstration de force très symbolique pour notre pays et sa flotte, c’est une aventure technique passionnante : imaginez le plus grand navire militaire du monde fendre les eaux de l’océan du nord… pour tous les passionnés de navigation c’est très enthousiasmant. »

Journaliste : « Est-ce qu’il faut aussi voir dans cet enthousiasme la conséquence des controversées études elpidianes ? »

« Oui et non. Oui parce que cela a donné du grain à moudre à l’état-major et je sais qu’il y a une prise de conscience générale que la Nouvelle Doctrine arrive un peu à bout de souffle. Il y a un aspect un peu vertigineux pour les généraux de la vieille école, on prend conscience qu’il va falloir se réinventer mais on ne sait pas encore comment. Et non parce que le croiseur est en construction depuis bien avant la parution des études, donc ce serait idiot de les relier. C’est juste que probablement la comparaison internationale a poussé nos stratèges à relever un peu le nez de notre seul complexe militaro-industriel et font que désormais on est plus attentifs à ce qui se passe ailleurs. »

Journaliste : « Le croiseur a-t-il déjà été baptisé ? »

« Ça, c’est un secret. »


Le cas de cette « course au croiseur » qui au fond n’intéresse que les intéressés est donc tout de même un révélateur. Révélateur des enjeux militaires autour de la marine pour des nations en concurrence, un atout indéniable mais qui demande de gros et longs investissements pour être rentable. Révélateur également de la course à l’armement qui se joue bien souvent sous les radars médiatiques, et ponctuellement mise en lumière par des études étrangères. Révélateur enfin de la position qu’ambitionne chacun d'occuper dans l'ordre géopolitique mondial, en pariant sur une capacité de projection ou au contraire en préférant cantonner son influence à des territoires immédiatements à proximité.
Il ne fait en effet aucun doute que les différents états-majors du monde garde un œil attentif sur la production de leurs alliés et de leurs concurrents, dans la mesure des moyens offerts par leurs services d’espionnage. Une course ininterrompue de montées en gamme constante pour quoi ? En prévision d’un conflit généralisé ?

Au Syndikaali, plusieurs voix s’élèvent depuis quelques temps contre une logique belliciste. Si les gouvernements successifs se justifient en expliquant qu’il faut pouvoir défendre le territoire national et ses intérêts dans le cadre de la Nouvelle Doctrine, cet argument est de plus en plus faible à l’heure où l’influence du Syndikaali s’étend largement outre-mer désormais et que les fronts d’action se multiplient.
D’un côté une militarisation sans limite qui fait craindre un embrasement, de l’autre des intérêts à défendre pas toujours très compréhensibles aux yeux de la population, une population qui historiquement et culturellement se méfie de l’État ?

C’est peu dire que le Syndikaali s’engage sur la voie de la méfiance généralisée, à l’heure actuelle, et si les particuliers y trouvent leur intérêt grâce au détournement tacitement admis de la production militaire nationale vers le marché noir, et que les retombés économiques de la croissance pharoise remplissent les poches des grands coopératives multinationales, les populations moins touchées par ces bénéfice sont sceptiques.
Traditionalistes, conservateurs, révolutionnaires et anarchistes qui composent un important vivier de travailleurs et de soldats s’interrogent sur le sens à donner à ce qui ressemble de plus en plus à un impérialisme pharois.

Pour un pays s’étant précisément construit en confrontation avec l’autoritarisme des États-nations et sur le détournement des flux commerciaux des puissances coloniales, la situation est cocasse et la pilule pourrait être difficile à avaler.


La lecture féministe peut-elle permettre de mieux comprendre certains enjeux à l’œuvre ?

Une autre dimension de cet ambitieux projet, un peu plus inattendue mais également révélatrice de l’inconfort pharois vis-à-vis de ces ambitions de grandeur, c’est la critique féministe.
On pourrait aisément ce demander le rapport avec le schmilblick mais certains courants de féministes essentialistes pointent assez légitimement du doigt le dernier avatar d’un tournant phallocratique allant de paire avec le néo-impérialisme pharois.

Interrogée sur le sujet, la citoyenne Siiri nous explique :

« Le pouvoir et la conquête sont, fondamentalement, une geste masculine. Il faut comprendre par là que là où le féminin sacré est source et réceptacle de vie, le masculin est ce qui va à la rencontre de cette source, c’est une opération de concurrence primitive : concurrence pour la femme, mère de toutes les concurrences.

Le masculin, la virilité, c’est la conquête du pouvoir, conquête qui est généralement associé à l’accès aux femmes, dans les sociétés primitives. Nous, nous refusons ce postulat. Le Pharois est liquide comme la mer, un élément d’eau, aquatique, lié à la fertilité. Nous ne conquérons rien, nous sommes une alternative à la prédation capitaliste et impérialiste des Etats autoritaires. Nos navires sont petits, discrets, ils misent sur la compréhension du monde et de ses écosystèmes, nous nous fondons dans le décor sans chercher à le changer pour notre profit, ces caractéristiques sont essentiellement féminines et c’est sans doute ce qui explique l’ouverture d’esprit des Pharois sur les questions de féminisme politique.

Mais en nous engageant dans une lutte inter-Etat, en prenant le chemin de la concurrence, le gouvernement est obligé de se placer dans une logique masculiniste, phallocrate. Et c’est le retour de l’impérialisme au détriment de notre culture, et c’est ces rêves minables d’énormes navires de guerre qui ne font fantasmer que les hommes.

Je pense que le Syndikaali vaut mieux que ça. Notre force réside ailleurs, dans notre adaptabilité, notre tolérance aussi, nous sommes un peuple voyageur, cosmopolite. Venir nous mettre en position de concurrence avec le reste du monde est une folie qu’on s’était épargné jusque-là. »

Si le courant féministe matérialiste accueille cette analyse avec scepticisme, il propose également sa propre grille de lecture.

La capitaine Vanamo témoigne :

« Ce que raconte la citoyenne Sirii c’est quand même beaucoup du charlatanisme. Par contre elle n’a pas tort sur un point, c’est la spirale impérialiste dans laquelle nous nous engageons. La Nouvelle Doctrine avait établi très clairement notre zone d’influence et n’aspirait à rien d’autre qu’à en faire un lieu de prospérité commune. En s’étendant outre-mer le gouvernement s’engage sur une voie qui ne peut mener qu’à la surenchère et oui, je pense que dans cette affaire, la surreprésentation d’hommes au sein du gouvernement et la fonctionnement historique de certains partis comme le Parti Communiste Pharois, cela pose un problème structurel. La dialectique marxiste, parce qu’elle est positiviste et productiviste, ne peut pas voir ses propres limites et de ce que j’ai compris les élus du PCP y souscrivent sans sourciller. Ils peuvent bien se revendiquer libertaires et intersectionnels, fondamentalement leur conception de l’Etat comme outil émancipateur les pousse à voir l’armement de la puissance nationale comme une bonne chose, le citoyen ministre Sakari a été très clair sur le sujet. Cela, ça nous inquiète car c'est une façon très masculine de penser le monde dans le sens où cela souscrit à des théories économiques qui ont clairement été identifiées comme genrées. L'économie féministe, même si encore minoritaire, permet de comprendre les limites des théories classiques dont fondamentalement Karl Marx a été le dernier représentant. »

Sur ce sujet, l’encre ne semble donc pas avoir fini de couler.
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Un journal pour les gouverner tous.



Des expérimentations militaires sur la faune marine ?

Une vidéo qui sème le trouble.
La société civile partagée sur la question.
La marine pharoise dément toute instrumentalisation des animaux.



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Les centres d'étude de la faune marine, très appréciés au Syndikaali, y compris par l'armée qui dispose des ses propres programmes de recherche.


Après l'usage assumé des goélands par les gardes-côtes, la marine pharoise accusée d'entrainer des dauphins kamikaze.

Une vidéo qui sème le trouble

C’est un constat qui fait grincer des dents animalistes et amoureux de la nature, mais dans un pays où la recherche militaire est l’une des plus performante au monde, les passions pharoises passent souvent un jour ou l’autre devant une commission du ministère de la Défense territoriale. La biologie marine ne fait pas exception.
Le Papillon y consacrait un long article entier l’année dernière, une grande part des légendes pharoises tournent autour des fonds marins. Il est plutôt normal que très vite les habitants de la région se soient donc intéressés à leurs habitants. De manière générale, ayant pendant des siècles vécu principalement de la pêche, le territoire pharois a toujours entretenu un lien particulier avec la mer et ses occupants, apprenant à exploiter les migrations saisonnières des bancs de poissons et cohabiter en bonne harmonie avec la faune marine et sous-marine. Une des pratiques les plus emblématiques de cela est certainement la coopération homme-dauphin à la pêche traditionnelle, ces derniers frappant les poissons de la queue pour les envoyer directement sur le ponts des navires. Les dauphins sont ensuite récompensés par les pêcheurs.

Aujourd’hui encore, selon une statistique du ministère de la terre, des côtes et des propriétés, les voyages éducatifs à la rencontre des animaux marins sont les plus courants dans les écoles pharoises. Ainsi il n’est pas un enfant du Syndikaali qui, au cours de sa scolarité, n’ait pas un jour pris le bateau pour partir observer à la jumelle des colonies de phoques ou apprendre à nager avec les dauphins.
Si ces sorties à la découverte du biotope pharois ont ces dernières années pris un tournant plus écologique et soucieux de sensibiliser les nouvelles générations au respect des écosystèmes marins, on n’efface pas aussi aisément des siècles de rapport utilitaire entre l’homme et la nature.

Territoire austère et partiellement inexploitable, le nord-est de la péninsule d’Albi se caractérise majoritairement de zones marécageuses et de côtes rocheuses. Un environnement peu fertile, où l’agriculture a longtemps été moins présente que l’élevage et où – outre le commerce – les Pharois ont dû se reposer quasi exclusivement sur l’exploitation des ressources naturelles halieutiques pour survivre et prospérer.
Ainsi c’est sans grands états d’âmes que les animaux marins sont encore aujourd’hui largement perçus comme des ressources dont l’exploitation par les hommes est parfaitement légitime.

Un état d’esprit qui donne des idées, pourrait-on dire, et en particulier à la marine pharoise qui a mis en place depuis quelques années un plan expérimental pour dresser dauphins, phoques, morses et éléphants de mer à des fins militaires.
S’il est naturellement placé sous le sceau du secret défense, la marine pharoise a récemment choisi de s’exprimer sur le sujet dans un plan de communication visant à recruter au sein de la jeunesse.

« La marine a un nouvel ami ! » titre la campagne de publicité du Kalastustutkimuksen strateginen tutkimuskeskus (ndtr : Centre de recherche stratégique des études halieutiques) de la base militaire de Suuretaallot, accompagnée d’une photographie :

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Image de brochure publicitaire.

La campagne explicite ensuite un peu plus ses intentions :

« La marine pharoise s’engage pour la protection du territoire et de ses habitants. De tous ses habitants, humains et non humains. Au Syndikaali, nous avons compris l’importance d’intégrer nos stratégies de défense dans une philosophie plus vaste : protéger un territoire, c’est d’abord le comprendre, en intégrer les règles et les enjeux.
En nous engageant dans la lutte de protection des animaux, nous préservons les écosystèmes qui ont toujours fait la richesse et la beauté de notre pays. Aussi sûrement qu’un bon marin pharois sait naviguer entre les icebergs, apprivoiser la faune sauvage du Syndikaali est d’une importance cruciale pour ne pas sacrifier ce qui compte en cherchant à le sauvegarder.
»

De bien belles intentions qui ont toutefois soulevé des critiques au sein de la société civile. Plusieurs associations de défense de l’environnement et de protection des animaux dénoncent depuis longtemps une hypocrisie, basée sur divers scandales incluant des suspicions d'utilisation de dauphins équipés de mines lors de la guerre francisco-pharoise. Des accusations qui sont récemment revenues sur le devant de la scène médiatique suite à la publication d’une vidéo amateur filmant depuis la côte une vedette militaire. Les soldats à son bord semblent s’adresser à quelque chose dans l’eau puis un dauphin va sauter à bord, manifestement pour recevoir du poisson. Les soldats l’aident à se hisser dans la vedette et manipulent ensuite sa queue dans ce qui semble être une opération pour retirer un dispositif électronique sanglé à l’arrière de l’animal.


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Capture d'écran nettoyée de la vidéo en question.


Si les images ne permettent pas de déterminer clairement ce que les militaires récupèrent, plusieurs experts y voient la preuve que le Syndikaali utilise ou cherche à utiliser des animaux marins à des fins de reconnaissance, ou pire, de sabotage.
Le Kalastustutkimuksen strateginen tutkimuskeskus de Suuretaallot a réagi rapidement en répondant qu’il s’agit d’un simple dispositif GPS installé pour pouvoir suivre et étudier les colonies de dauphins afin de constituer des bases de données exploitables pour la recherche en biologie marine, mais interrogée sur leur partenariat avec les universités pharoises ou d’Albigärk, la base n’a pas souhaité communiquer.


Une polémique qui repose sur des sables mouvants

« C’est une chose connue que l’armée cherche à utiliser des auxiliaires non-humains. Un dauphin dressé, vous lui apprenez à se cogner la tête contre la coque des navires et vous lui coller une mine dessus, ça vous perce un bâtiment militaire sans avoir besoin de s’approcher. C’est indétectable et quasiment imparable. »

Nous explique la citoyenne Saija, militaire à la retraite et formatrice en navire école.

« Évidement ça n’a pas besoin d’être aussi agressif, mais on sait depuis longtemps que le Syndikaali utilise des goélands pour repérer les navires de contrebande ou ennemis dans ses eaux, ce n’est pas nouveau. Un phoque fait ça tout aussi bien, il suffit de l’équiper d’un système radar qui envoie les données en permanence à un centre de surveillance, on compare les données avec les navires déclarés dans la zone et si elles ne correspondent pas on prévient les garde-côtes qu’il y a un bateau fantôme qui se ballade. Avec un phoque ou un morse on peut même mettre une caméra embarquée. C’est petit, c’est discret, ça peut se détacher à distance pour faire disparaitre les preuves. Parfait pour faire de la reconnaissance. »


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Photographie prise au moment de la guerre francisco-pharoise. La provenance de la mine n'a pas pu être identifiée tandis que certains internautes n'y voient qu'un "chapeau folklorique".


Les preuves semblent donc bien indiquer que malgré ses dénégations, la marine pharoise s’entraine à travailler avec les animaux. Autre signe qui ne trompe pas, le Journal de Pharot a épluché les recherches d’emplois publiées ces dernières années par l’armée et pour un certain nombre des compétences en biologie marine sont requises. Bien sûr, de nombreux travaux, notamment d’entretien, nécessitent une solide éducation dans ce domaine mais cela reste un indice fort.

« Dès qu’il y a quelque chose qui sort de l’ordinaire, les gens s’imaginent tout un tas de choses. Vous savez, moi aussi j’aime les films d’espionnage, les gadgets, tout ça, mais dans la vraie vie les choses sont souvent plus simples et aussi plus décevantes. Une cigarette-pistolet c’est amusant mais dans le vrai monde le recule vous explose les dents. Ce sont les vieilles techniques qui fonctionnent, si il y a besoin de faire de la reconnaissance en mer, une vedette à fond plat et peinte en bleu suffit largement. »

Nous répond le lieutenant Iikka, chargé de communication du ministère de la Défense territoriale.

Des arguments qui peinent à convaincre les sociétés de défense des animaux toutefois.

« Imaginer qu’on puisse instrumentaliser des animaux pour la guerre, dans une perspective kamikaze en plus, c’est au-delà de la maltraitance, c’est une véritable barbarie cynique. »

Explique le citoyen Eemil, porte-parole de l’association Sanctuaire.

« Il y a une certaine naïveté au sein du règne animal qui ne se rend pas compte du danger que représente l’homme pour lui. N’importe qui d’un peu débrouillard peu dresser un dauphin, ou un animal marin avec un peu de nourriture et de travail. Est-ce que cela signifie que nous avons le droit d’en faire de la chair à canon ? Est-ce que la possibilité de faire quelque chose fait que cette chose est automatiquement permise ? Je ne crois pas, surtout avec les animaux qui ne peuvent jamais donner leur consentement. Nos guerres font déjà de grands ravages au sein des écosystèmes, des guerres qui ne regardent que nous. Si nous pouvions nous éviter d’embarquer en plus le règne animal dans nos folies, ce serait une grande preuve de sagesse de la part du genre humain. »

Reste que dans un conflit armé, l’adage « tous les coups sont permis » demeure encore bien souvent la règle d’or.

« Ce n’est pas vrai. » répond Eemil. « Il y a des lois sur le traitement des prisonniers de guerre, notre pays a ratifié la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, nous sommes capables de prendre des mesures pour que nos affrontements ne tournent pas à la boucherie. Attaquer des civils est considéré comme un crime passible de la cour pénale au Syndikaali, si un de nos soldats déconne il sera jugé par un tribunal militaire. Pourquoi assassiner un innocent est-il permis si c’est un humain, mais autorisé si c’est un animal ? »

Quoi qu’il en soit, les « recherches » de l’armée sur les animaux marins de combat pourraient devenir plus compliquées dans les prochains temps. Plusieurs collectifs issus de la société civile se sont engagé à veiller au grain et signaler tous les animaux qui porteraient sur eux du matériel électronique non destiné à des fins de recherche scientifique.
Des déclarations qui ont été condamnée par les militaires, mais également par plusieurs chercheurs :

« Le risque est que des citoyens bien intentionnés ne faussent des expériences en cherchant à protéger les animaux. Il y a à l’heure actuelle plusieurs centaines de spécimens bagués et équipés de différents systèmes pour suivre leurs déplacements et étudier leurs comportements. Y compris avec des caméras d’ailleurs. Si des associations de protection des animaux commencent à les retirer en pensant qu’il s’agit de matériel militaire, ils risquent en réalité de faire plus de mal que de bien. »

Nous explique le professeur Onni, directeur de recherche à la Polyteknillinen Yliopisto d’Albigärk.

De son côté, l’armée a tenu a rappeler qu’interférer avec des expériences scientifiques, qu’elles soient civiles ou militaires, pouvait être considéré comme un crime. Le lieutenant Iikka nous confit d'ailleurs ses inquiétudes quant à un emballement de l'opinion publique et les initiatives privées qui pourraient en découler :

« Tous les dispositifs placés sur des animaux marins ont un système d’immatriculation harmonisé avec Albigärk ce qui signifie qu’avec les bons appareils nous sommes capables de savoir presque immédiatement si un animal équipé l’a été par nous ou dans le cadre d’expériences homologuées. La traque des systèmes embarqués frauduleux est donc de la responsabilité de la marine pharoise et pas de la société civile. »

Une explication qui passe mal dans un pays où les citoyens considèrent comme un droit le fait de prendre en main les choses par eux-mêmes. Pour certains, il s’agit de l’aveu évident que les militaires cherchent à dissimuler des choses au grand public. Pour d’autres, ces-derniers doivent craindre que la pratique d’embarquer du matériel sur des animaux marins ne se retourne contre le Syndikaali. Préserver le monopole de cette technologie est donc un enjeu de sécurité nationale. Enjeu qui naturellement déplait au sein des cercles libertaires et pirates.

« Moi, quand le gouvernement dit qu’il est le seul à avoir le droit de faire quelque chose, je m’empresse de le faire aussi. Déjà, il y a souvent de l’argent à se faire puisqu’on est le premier sur le coup, ensuite ça fait chier des condés et ça ça me plait bien. »

Nous déclare un anonyme.

Une chose est certaine en tout cas : le potentiel de cette technologie est tangible. Nul doute que dans les prochaines années, militaires comme contrebandiers ne se priveront pas d’en explorer et exploiter au maximum toutes les applications possibles.
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Un regard plus léger sur l'Humanité



Les bois de rennes réfléchissants inspirent les gardes-côtes pharois

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C'est une vieille pratique au sein des communautés de bûcherons qui habitent le marécage de Suo : habitués à circuler sur des chemins de terre au cœur de la forêt, les collisions avec les grands cervidés ne sont pas rares. En plus d'être souvent fatales pour l'animal, elles provoquent d'important dégâts au matériel, un problème qui a pris une nouvelle ampleur avec l'ouverture des lignes de trains intérieures au Syndikaali et traversant les marais.
En concertation avec les associations de défense des animaux et les projets étudiants de la Magna Universita d'Albigärk, une solution plutôt ingénieuse a été trouvée : la pulvérisation sur les bois des cerfs de peinture réfléchissante, invisible en plein jour mais qui s'illumine dans les phares des voitures ou des traines de marchandises. Ce signal lumineux alerte le conducteur qui peut alors ralentir et donner un coup de klaxon pour faire fuir l'animal. De plus, le reflet de la lumière sur les bois a pour effet d'illuminer légèrement les environs du renne et donc de lui offrir une meilleure visibilité pour s'enfuir. En général les animaux, éblouis par les phares du véhicule qui leur fonce dessus, restent tétanisés car incapable de se projeter sur un chemin immédiatement identifiable faute d'avoir la vue claire. Le spray, conçu pour être respectueux de l'environnement et non-toxique pour les rennes, permettrait ainsi de largement diminuer les accidents.

Cette pratique modernisée par l'ingéniosité des étudiants d'Albigärk, n'est en réalité pas neuves dans la région. Plusieurs traditions et même certains contes folkloriques mentionnent ainsi le fait d'accrocher des objets et tissus sur les cornes des rennes. Ainsi le village de Poroja, dans l'ouest de Suo, qui élève ces animaux pour leur viande et leurs fourrures, accroches des grelots et rubans de couleurs dans les bois des animaux pour les reconnaitre mais également pour les protéger des prédateurs (ce qui a paradoxalement l'effet de les mettre plus en danger, selon une étude). Heureusement ces-derniers sont rares et les enclos plutôt bien protégés aujourd'hui.
Dans le sud de Suo, le conte du renne qui avait une forêt sur la tête est un récit d'aventure pour enfants narrant l'histoire d'une petite fille et de son ami le renne dans les bois duquel elle accroche jour après jour des fleurs sauvages. Quand un hiver particulièrement rude s'abat sur son village et que la nourriture vient à manquer, les habitants vont cueillir des fruits qui poussent dans les bois du renne, venu sauver son ami.

Bien entendu le processus s'applique pour l'heure surtout aux animaux d'élevage, il est très difficile et peu utile d'essayer d'attraper ces animaux vivants pour ensuite les relâcher une fois leurs bois peints. Néanmoins certains chercheurs avancent l'idée que modifier génétiquement la population de renne pour rendre leurs bois lumineux dans les phares ne seraient pas impossible, prenant exemple sur les travaux de pointe réalisés au Grand Hôpital de Carnavale.
Les associations de défense de l'environnement se sont toutefois insurgés, dénonçant le dévoiement de l'intention originelle.

Quoi qu'il en soit, ces pratiques plutôt ingénieuses inspirent les garde-côtes qui peinent à réguler certains populations de morses, phoques et éléphants de mer endémiques sur les côtes du Syndikaali et dont la collision avec les navires est non seulement dommageable pour l'animal mais peut, le cas échéant s'agissant de petites embarcation, provoquer un retournement du bateau ou la percée d'une voie d'eau.
Ces collisions ayant généralement lieu de nuit, quand la visibilité est mauvaise pour les navigateurs et pour les animaux, l'utilisation de produits réfléchissants les phares sur les populations de la côte rocheuse est envisagée avec intérêt.


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Un journal pour les gouverner tous.



L’anoblissement du Capitaine Mainio au cœur des méandres de la politique intérieure pharoise

L’opposition au Parti du Progrès tire à boulet rouge sur sa gestion des affaires étrangères.
Les stations libres et le Parti Communiste Pharois dénoncent un archaïsme.
La confiance populaire du Capitaine Mainio se mesure au risque du césarisme.



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Le Capitaine Ministre Mainio posant avec sa femme, la pirate Lahja.


Alors que la crise du Prodnov semble trouver un débouché diplomatique, l'action du Capitaine Mainio doit faire l'objet d'un examen.

C’est une cérémonie, pourtant strictement honorifique, qui fait couler beaucoup d’encre au Syndikaali. Le 4 janvier, le Capitaine Ministre Mainio, ministre des Intérêts internationaux Pharois, sera reçu par Harøld IV du Norstalkian pour recevoir médaille, jacquette et épée, ainsi qu’un titre de noblesse : Baron de Port-Köning.

En soi, disons le franchement, rien de très problématique. Il est commun que certains diplomates ou personnalités notables soient récompensées dans un autre pays que le leur, pour services rendues à la patrie. Au Royaume-Uni du Norstalkian, cette distinction qui prend la forme d’un titre de noblesse est purement honorifique et n’offre tout au plus que quelques privilèges mineurs. D’ailleurs, ce n’est pas le premier Pharois à être décoré à l’étranger. Encore récemment, c’était le Doyen Pêcheur, Makku, qui recevait les honneurs de la part de Clémence 1ère, Impératrice de l’Empire Démocratique Latin Francisquien. L’histoire du Syndikaali, ponctuée par des actes de mercenariat ou d’engagements d’équipages au service de causes étrangères est ainsi truffée d’anecdotes sur des capitaines décorés, anoblis ou récompensés dans d’autres pays. Loin d’être infâmant, ce genre de distinctions sont au contraire assez valorisées, le modèle politique Pharois ayant toujours encouragé l’émigration et pendant des siècles, voir un pirate retrouver la « légalité » en se faisant reconnaitre par une nation étrangère était en général associé à la réussite sociale. Une sorte de « hack » où des brigands s’étant rendus si utiles et indispensables à d’autres pays que ceux-ci se voyaient contraints de les réintégrer dans la société, à la grande satisfaction des intéressés qui passaient alors d’une vie de rapine et de dangers au confort matériel des fastes de la haute société.

Alors pourquoi l’anoblissement de Mainio fait-il autant de bruit ? Les raisons sont multiples mais la principale tient en un seul mot : le contexte géopolitique.

Rendons à César ce qui appartient à César : du début à la fin, les évènements du Prodnov, en bien ou en mal, furent de l’entière responsabilité du Parti du Progrès et par voie de conséquences, du Capitaine Mainio, leader de cette formation politique. Pour comprendre le rôle qu’ont joué les libéraux dans cette crise, il faut faire un petit retour en arrière et rappeler les ambitions de ces-derniers dans l’Océan du Nord.
Au sein de la coalition libérale – le précédent gouvernement regroupait des ministres issus du Parti du Progrès et du Parti des Travailleurs, deux formations politiques tendance centriste – l’ambition d’étendre la politique de la Nouvelle Doctrine dans les mers du nord a toujours été assumée. Cette stratégie pharoise mise en place à partir des années 1950 consistait à délimiter et sécuriser un territoire stratégique autour du Syndikaali afin de « protéger la base arrière ». Tant que le Syndikaali tient bon, la piraterie prospère en pouvant compter sur un lieu de repli pour ses activités. Anticipant qu’un tel modèle économique ne pourrait à termes qu’attirer de nombreuses inimités au Pharois, ses dirigeants de l’époque prennent conscience – suite à la défaite face à la flotte listonienne – de leur vulnérabilité et choisissent de concentrer leurs forces sur la défense en militarisant des points stratégiques : l’entrée du Détroit et les provinces polaires.
Une grande part de la stratégie pharoise régionale s’explique à ce prisme : le fait que Mainio négocie d’une part la fondation d’une alliance régionale en Albi afin de sécuriser la péninsule dont les acteurs sont regroupés autour d’intérêts politiques, tout en soutenant par ailleurs l’indépendance de Kotios qui sert de base avancée au sein de la Manche Blanche, le Syndikaali cherche par tous les moyens à assoir son influence sur une région qui lui est naturellement hostile. L’indépendance de Porto Mundo, place forte militaire dans le Détroit, va dans ce sens tout comme les négociations en cour avec le Canta.

Reste que si cette stratégie se révèle payante face à l’Empire Francisquien, plusieurs factions politiques, les libéraux en premier chef plaident pour renforcer l’autre versant du Pharois : l’Océan du Nord. Cet espace, bordé majoritairement par des puissances communistes autoritaires, échappe complètement à l’influence pharoise qui ne s’y maintient que très indirectement, en soutenant des groupuscules pirates et terroristes qui en ont fait leurs bases. La Fraternité des mers du Nord, flotte anarchiste, martyrise sporadiquement les flux commerciaux des nations communistes, globalement incapables de se défendre face à des marins insaisissables.

Cette situation chaotique prend néanmoins un tournant majeur avec la fondation de Merengrad, ville portuaire en Lutharovie qui échappe partiellement aux lois sur le commerce qu’impose la dictature communiste. Alors que le libéral Syndikaali s’opposait jusqu’alors aux bolchéviques de l’Océan du Nord, Merengrad devient un sas de cohabitation pour deux modèles économiques très différents. C’est le début du réchauffement des relations en mer du Nord. La révolution vogimskane illustre alors parfaitement la position ambivalente du Pharois qui soutient les capitalistes révolutionnaires en donnant le siège à l’unique port du pays, Mostigrad, dernier bastion de la résistance des rouges. Ceux-ci sont finalement évacués pour éviter les purges, et amenés en Lutharovie pour leur sécurité.
Ainsi, le Syndikaali continue de jouer sur tous les tableaux, soutient des communistes d’une part et partisan du libéralisme de l’autre.

Reylos et Boltorkhoy suivent, malgré leurs différences les nations de l’océan du Nord semblent trouver un équilibre sous la houlette pharoise qui achève son projet en profitant de la crise du Prodnov pour les unir derrière un unique Conseil de Défense, chargé de sécuriser cette région du monde.

Toutes ces manœuvres diplomatiques, qui sont en majeure partie de belles réussites, sont à imputer au Capitaine Mainio dont les déclarations de politique générale devant les Chambres pharoises témoignent de son intérêt porté à la protection de la région contre les influences étrangères.

On comprend alors mieux en quoi l’actuelle crise du Prodnov apparait aux yeux d’une grande partie des Pharois comme le premier véritable camouflet politique reçu par le Capitaine. Alors que ce-dernier travaillait depuis des années à unir les nations de l’Océan du Nord en dépassant leurs spécificités politiques et économiques, au nom de la souveraineté de la région, voilà que l’ONC parvient à poser ses valises en plein cœur de celle-ci et que le Vogimska trahit l’amitié pharoise et le Conseil de Défense auquel il avait pourtant accepté de siéger.

Bien que les élus du Parti du Progrès continuent de vanter les mérites de la diplomatie du Capitaine Ministre, reste que les résultats de celle-ci sont indiscutablement en demi-teinte. La casse semble limitée mais la guerre mondiale n’est pas passée loin. Or, il n’est pas du tout certain que le Syndikaali, dont la philosophie militaire est héritière de la Nouvelle Doctrine, souhaite s’engager dans un conflit généralisé qui mettrait en péril son modèle politique et économique. Tant que Mainio tient la situation, les députés font bloc derrière lui au nom de la défense de la base arrière, mais si les choses venaient à déraper leur loyauté serait loin d’être acquise et une reconfiguration rapide des alliances politiques pharoises pourrait se mettre en place, désavouant le Capitaine Ministre.

A cette perte de confiance envers l’infaillible Mainio – toujours très populaire auprès des électeurs Pharois, rappelons sa large réélection aux dernières ministérielles – s’ajoute la conscience grandissante au sein de la population des gaffes de l’allié Norstalkien. La proclamation d’une république albienne, sans concertation avec ses alliés au préalable, dans un territoire qui n’était pas complètement contrôlé par les forces de la coalition, a indiscutablement gêné la diplomatie pharoise, obligée de justifier l’établissement d’une entité politique aux pieds d’argile. Des initiatives que n’a pas manqué de dénoncer l’opposition dans les Chambres, pointant du doigt le choix d’offrir le rôle d’invité au Royaume-Uni du Norstalkian au sein du Conseil de Défense de l’océan du Nord où sa place n'a pas l’évidence de la légitimité.
Mis en difficulté par cette alliance qui peut être jugée bancale, que le Capitaine Ministre Mainio se voit aujourd’hui décoré par ce même allié fait grincer des dents. Sans aller jusqu’à l’accusation de conflits d’intérêts, plusieurs voix de l’opposition se sont élevées pour dénoncer un mélange des genre et la collusion d’intérêts purement personnels avec les affaires de l’Etat.

En vérité, cette polémique pourrait être assez anecdotique si elle ne s’appuyait pas sur des accusations plus graves et plus anciennes : la crainte du césarisme au Syndikaali. Dans un pays dont l’organisation politique s’est fondée sur l’antiétatisme et le rejet de l’autorité sous toutes ses formes, des passions plus sombres menacent ce modèle de société depuis des siècles. La « geste pirate », aujourd’hui incarnée par les partisans de l’Alliance Septentrionale, propose la remise au goût du jour des hommes forts, capitaines héroïques et aventuriers, prêts à prendre tous les risques au nom de la gloire et de la fortune, quitte à emporter le monde avec eux dans leur détermination. Un récit qui trouve ses adeptes au sein du Syndikaali, d’autant qu’insidieusement, son charme romantique inhérent en a fait l’une des pierres angulaires des stratégies de soft power pharois mises en place ces dernières années pour s’opposer à un discours morale de plus en plus hégémonique dans les grands pays démocratiques. La « geste pirate » c’est la tentation sourde d’une épopée glorieuse et lucrative derrière une personnalité charismatique.
Or, à l’heure actuelle, c’est le Capitaine Mainio qui – à son corps défendant l’a-t-il expliqué – est le plus susceptible d’incarner cette figure entrainante. La crainte du césarisme est donc réelle au sein des partis attachés à la démocratie et la décentralisation : le Parti du Progrès, rattrapé par des besoins et logiques capitalistes, s’est formé autour d’une certaine forme de verticalité interne qui rend ses élus très soudés derrière leur chef. De plus, ces-derniers ont prouvé n’être pas insensibles aux sirènes de l’autoritarisme et de l’interventionnisme, menant des opérations – certes ponctuées de succès – très critiquées bien au-delà de la zone d’influence pharoise, en Aleucie et en Afarée, rompant de fait avec la Nouvelle Doctrine.

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Le Capitaine Ministre est connu pour ne jamais se déplacer sans emporter son fusil mitrailleur, expliquant que ce-dernier lui rappelle de sa jeunesse.

Mainio serait-il en train de devenir mégalomane ? Ou ses tendances libérales le pousseraient-elles naturellement vers les sirènes de l’impérialisme ? C’est en tout cas un diagnostique posé par les élus communistes et anarchistes qui dénoncent depuis plusieurs années l’expansionnisme irraisonné Pharois, jugé dangereux et insoutenable dans le temps, en plus d’exposer inutilement le pays à la méfiance des autres nations. Une stature de seconde puissance mondiale qui, si elle fait le bonheur de beaucoup de Pharois, en inquiète d’autres qui estiment que la force du Syndikaali repose au contraire sur sa capacité à naviguer sous les radars pour profiter en toute discrétion des failles des modèles économiques de ses concurrents.

Que Mainio soit anobli, ce qui l’inscrirait dans la longue tradition des princes pirates et autres contrebandiers devenus grands seigneurs par la faveur des nations auprès desquelles ils avaient su se rendre indispensables, fait donc écho aux craintes que sa position suscitait déjà jusqu’alors. Si le Capitaine Ministre s’est toujours montré jovial et humble – ce qui a d’ailleurs fait sa popularité – qui sait quelles ambitions se sont nichées au fond de son crâne ? Comment s’assurer que cette popularité, justement, et ses indéniables succès diplomatiques, ne lui sont pas montés à la tête, nourrissant des projets personnels à contretemps des besoins du pays ?
Une critique alimentée en off par certains élus communistes qui dénoncent depuis leurs prises de fonction la mainmise du Parti du Progrès sur certains rouages du pays. Ainsi, même si ces accusations ne visaient pas directement le Capitaine Ministre Mainio, le Parti du progrès dans son esnemble est critiqué pour faire de la rétention d’informations et d’entretenir des liens très – trop ? – étroits avec les services secrets et le directeur de la C.A.R.P.E., le taiseux Capitaine Ilmarinen. L’avenir politique du Syndikaali se joue-t-il toujours dans les chambres, par l’action de ses coalitions politiques, où s’est-il secrètement déplacé ailleurs, résidant à présent entre les mains de quelques individus centraux dans l’architecture du système étatique pharois ?

Des critiques qui suscitent autant de craintes que de fantasmes et soumettent depuis quelques temps le Parti du Progrès à un procès en illégitimité qui vient fragiliser ses actions et prises de paroles politiques. Dans cette défiance installée, le paradoxe est que le Capitaine Mainio en sort renforcé, alors que les élus de sa formation politique se voient accusés de faire de l’obstruction démocratique, le sympathique capitaine demeure une valeur sûre pour beaucoup d’électeurs qui lui conservent leur confiance malgré tout. De fait, au sein d’un paysage politique miné par les dissensus internes, l’hégémonie de la figure du Capitaine Ministre se fait de plus en plus concrète.

A cette méfiance politique, il faut également rappeler que le Parti du Progrès doit également composer avec des adversaires idéologiques dont certains tiennent de vrais leviers d’actions. Les stations libres, à commencer par elles, se sont à plusieurs reprises montrées critiques envers les choix de Mainio, notamment dans son soutien militaire à la révolution vogimskane. « Une action impérialiste menée moins au nom de la démocratie que du capitalisme et qui n’a réussit à produire que plus de désordre au Vogimska, loin des promesses de liberté qui ont servi de justification à cette intervention. »
Plus discrets, les factions pirates s’inquiètent également de l’usage fait de la marine pharoise, destinée à protéger le pays et non à se projeter sur des théâtres internationaux comme c’est le cas actuellement au large du Shibh Jazirat Alriyh. Position qui n’est toutefois pas partagée par tous, le Parti Pirate ayant pour sa part validé l’opération au nom de la défense de la stratégie du chemin noir.

Si le Capitaine Mainio n’a théoriquement pas la main sur l’armée, celle-ci étant sous l’autorité du ministre de la Défense territoriale, le Citoyen Ministre Sakari, reste que les décisions et initiatives diplomatiques du Capitaine Ministre Mainio ont plus d’une fois mis le Parti Communiste Pharois devant le fait accompli. Comment ne pas déployer la flotte au large du Prodnov quand Mainio vient de négocier la création d’un Conseil de Défense opérant justement dans cette région ?
Même si les décisions les plus importantes sont négociées et validées dans les Chambres, l’aura du Capitaine lui a permis de remporter plusieurs votes cruciaux, y compris lorsque les prévisions donnaient sa position minoritaire. La confiance qu’accordent les parlementaires à Mainio l’a jusqu’ici autorisé à organiser la géostratégie pharoise quasiment selon son bon vouloir et avec très peu de véritables garde-fous. Ses succès diplomatiques répétés ont renforcé cette confiance, mais la crise du Prodnov pourrait bien être instrumentalisée par ses adversaires politiques pour écorner cette image de politicien immaculé et réintroduire des voix dissidentes quant à la manière de gérer les affaires étrangères.

Nonobstant ces enjeux, une grande majorité de Pharois se réjouit de l’anoblissement du Capitaine Mainio, un honneur jugé « mérité » pour ses efforts. Pour rappel, le Capitaine Ministre Mainio occupe une place de ministre depuis 1996, et est actuellement dans son troisième mandat. Dans un premier temps Capitaine Ministre de la Mer, de la pêche et des côtes à l'intérieur d’une coalition de centre-gauche dont il prend la tête. Il devient ensuite ministre des Intérêts internationaux en 2001, renforçant au passage la place du Parti du Progrès au sein de l’échiquier politique pharois. En 2006, il est réélu avec une confortable avance sur son adversaire du Parti Populaire. Le Parti du Progrès conserve ses sièges au sein du gouvernement mais la chute du Parti des Travailleurs met fin à la coalition centriste et l’oblige désormais à composer avec un paysage politique tripartisé entre le Parti du Progrès, le Parti Communiste Pharois et le Parti Pirate.
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Un regard plus léger sur l'Humanité



L'arrivée massive d'anciens esclaves venus d'Elpidia met au défi les capacités d'accueil et d'intégration du Syndikaali

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Sur les plages d'Etelähammas, les garde-côtes arborent des lanternes pour orienter les réfugiés Elpidiens vers les centres de soin et d’enregistrement


Qu’on se le dise, dans ce carrefour culturel et commercial qu’est le Détroit, passe centrale pour les navires circulant entre la Manche Blanche et l’Océan du nord, le cosmopolitisme est la norme. Certains des ports-libres du Syndikaali ont d’ailleurs construit leur richesse autour de ces lieux de passage, à l’image d’Etelähammas, Pohjoishammas, de la côte des caprices ou plus récemment de Porto Mundo qui, sans mauvais jeu de mot, porte bien son nom.

L’arrivée, même massive, d’étrangers, ne devrait donc pas être de nature à nous surprendre. Pourtant, force est de constater que ces Elpidiens attirent l’attention ! La raison à cela tient aux circonstances très particulières de leur arrivée, qui les distinguent en bien des points des voyageurs habituellement de passage dans la région. Pour saisir ce qui est en train de se passer en ce moment même dans le Détroit, il faut comprendre d'où nous viennent ces hommes, femmes et parfois enfants, qui fuient leur pays d'origine en quête de droits et de libertés. Récit :


Agáthonas a trente-cinq ans. Père de deux petites filles – sa femme est morte trois ans plus tôt broyée dans un engin agricole, il a récemment été affranchi en Elpidia, son pays de naissance. Un statut de sous-citoyen, meilleur que celui d’esclave, mais pas suffisant pour ce fermier qui « souhaite offrir un avenir meilleur à ses enfants ». Le 11 décembre 2007, il contacte un ami qui aurait, d’après les rumeurs, des connaissances permettant de les faire sortir, ses filles et lui, du pays. « Un pari pour la vie » nous explique-t-il malgré quelques difficultés de traduction, qui le pousse deux jours plus tard, sur les conseils de ce même ami, à prendre la route de l’Est, en direction de la frontière pidoine. Une zone de tension politique et militaire depuis quelques mois mais qui a le mérite d’accueillir quelques populations étrangères venues pour affaires. C’est là qu’il rencontre les passeurs pharois. Deux hommes taciturnes, barbus et hâlés, avec qui il discute sommairement, le temps de se renseigner sur les prix et les conditions d’immigration. Les Pharois restent évasifs mais Agáthonas nous dit n’avoir eu guère le choix « ils étaient recommandés par mon ami qui m’a assuré avoir un cousin qui avait pu sortir du pays grâce à eux ». Après le versement d’un acompte substantiel, rendez-vous est pris, dans trois jours à l’aube, dans une gare routière de la banlieue de Xiphea.

Si Agáthonas craint dans un premier temps de s’être fait voler, il patiente plus d’une heure sur place avec ses filles en esquivant les contrôles de police, jusqu’à être soudain pris à parti par une troisième personne, une femme Elpidiane cette fois, qui lui explique qu’elle leur servira de passeuse jusqu’au Novigrad. « C’était une ancienne propriétaire » explique Agáthonas, « cela se voyait à ses manières et son accent ». Une Elpidiane hellène, donc, à même de donner le change à ces trois affranchis d'origine slave, comme la majeure partie des (anciens) esclaves dans cette région. D’après certaines sources journalistiques sur place, nombreux seraient les Elpidiens à s’être reconvertis de manière opportuniste dans le trafic d’êtres humains depuis l’abolition des lois esclavagistes. Le marché est en effet juteux…

Il faudra cinq heures de voiture et un contrôle de police où leur passeuse assurera partir à la mer avec sa famille, pour finalement atteindre l’enclave de Novigrad, à l'Est de Hellades. Là, elle les dépose non loin des quais où un Pharois vient les chercher immédiatement. Ce-dernier les fait embarquer sur un navire où Agáthonas et ses filles se dissimulent derrière un faux battant.

Deux heures d’attente dans le noir avant qu’enfin le bateau ne largue les amarres. C’est à quelques miles des côtes que les Elpidiens seront autorisés à quitter leur cachette. La suite du voyage durera une semaine, direction le Syndikaali Pharois, en compagnie d’une trentaine d’autres réfugiés et de l’équipage. « La compagnie était bonne, c’était la première fois que je voyais la mer, je crois que quelles que soient les conditions du voyage, j’aurai été heureux tant qu’on m’aurait permis de la contempler. » nous explique-t-il alors que l’émotion semble monter.
Non loin d’Agáthonas, deux petites filles jouent à la corde à sauter. Ce soir encore elles dormiront sur des lits de camp, mais il n’est pas impossible que notre lecteur soit amené à les croiser bientôt, dans l’école de ses enfants.


Ce sont donc quelques dizaines de milliers d’âmes perdues qui ont, quasiment du jour au lendemain, débarquées sur les côtes du Détroit, sans plus d’explications. Habituées aux voyageurs et marchands fortunés, ce débarquement massif a quelque peu surpris les autorités locales, de leur propre aveux, qui doivent désormais gérer un afflux grandissant de réfugiés, ne parlant ni le Pharois ni le Listonien ni aucune des langues d’Albi en vigueur dans la région, la plupart sans le sous et parfois dans un état de santé physique et mentale inquiétant.
Un certain nombre de familles ont ainsi dû être rapidement prises en charges par les services médicaux en raison de carences nutritionnelles graves. Quelques cas (heureusement rares) de début de scorbut ont également été détectés. De manière générale, bien qu’un grand nombre d’Elpidiens se soient déjà dispersés dans les ports-libres, les autorités locales invitent les migrants à se présenter sans délais à l’administration ou aux associations d’accueil pour procéder un check-up complet, notamment vaccinal, et se régulariser.
Pohjoishammas, connue pour ses positions marginalistes vis-à-vis de la loi pharoise a même assuré qu’aucune démarche pour obtenir des papiers n’était nécessaire si la personne n’en faisait pas la demande. Une stratégie « pragmatique » défendue par sa mairesse, la Maire Josefiina, « afin d’inciter à engager un suivi médical sans que la crainte de l’expulsion ne vienne s’interposer ». Certaines associations de défense des réfugiés ont toutefois dénoncé une manœuvre visant à maintenir les migrants dans une forme de précarité afin de les faire intégrer directement le marché noir et les livrer à l’exploitation des réseaux illégaux, très présent à Pohjoishammas.

L’heure, toutefois, est d’abord et avant tout à canaliser un flux d’arrivée qui semble sans fin. A ce jour, les estimations les plus basses avancent le chiffre de soixante-dix mille à quatre-vingt-dix mille Elpidiens débarqués dans le Détroit, un chiffre qui pourrait continuer d’augmenter. Sans compter Porto Mundo, la population pharoise totale du Détroit est estimée à environ un million cinq d’habitants, c’est donc presque un dixième de cette population totale qui viendrait soudainement s’ajouter aux locaux. De quoi donner des vertiges aux autorités.


« Une situation exceptionnelle mais pas nouvelle »

Heureusement pour le Syndikaali, celui-ci commence à avoir l’habitude de gérer ce type de phénomène migratoire. Déjà à l’époque l’arrivée massive de Francisquiens (cependant sensiblement moins nombreux alors que les Elpidiens aujourd’hui) avait contraint la ville d’Helmi à des mesures de d’urgence telles que l’ouverture de camps d’accueil en périphérie de la ville. Le Syndikaali avait alors mis en place un « plan de répartition » afin de disperser ces nouvelles forces vives dans les divers zones du pays nécessitant de la main d’œuvre, au motif de faciliter leur intégration par le travail.
Une stratégie qui avait relativement fonctionné à l’époque, malgré quelques accrochages dû à des différences culturelles compréhensibles.
Un autre exemple, plus récent, est celui de la naturalisation de presque 4 millions de pharo-listoniens à Albigärk. Si la plupart d’entre eux sont toutefois restés dans la Commune, celle-ci est encore en phase de redynamisation ce qui incite ses habitants à chercher du travail plutôt du côté de la Caprice Coast, elle aussi très imprégnée de culture listonienne, ou des grands centres industriels comme Helmi et Pharot.

Enfin, et c’est plus tragique, l’expérience de Peprolo au Prodnov a permis à l’état-major d’apprendre à gérer une grande masse de réfugiés en perdition. Des techniques similaires à celles déployées dans la région du Prodnov ont d’ailleurs été mises en place dans le Détroit : quartier dédiés à l’accueil, fléchage, espaces dortoirs, orientation rapide des nouveaux arrivants selon leurs compétences et leurs souhaits vers des bassins d’emploi où se reconstruire. Car le Syndikaali n’est pas avare en aides pour l’intégration des Elpidiens. Puisque le cosmopolitisme du Détroit est une chose acquise, les réflexes conservateurs et xénophobes du Pharois profond y sont assez marginaux car concentrés dans d’autres lieux du territoires. Par ailleurs, le pays est désespérément en manque de main d’œuvre depuis son grand boom économique qui l’a en quelques temps placé dans le top 3 des pays industrialisés de la planète. Tout le monde ou presque voit donc cette arrivée massive comme une aubaine, mais encore faut-il avoir les moyens de la gérer.

L’enjeu désormais est donc la vitesse de réaction des autorités locales : si les centre d’accueil ne traitent pas assez vite les demandes, le risque est de les voir s’engorger ce qui commencerait à poser des problèmes sanitaires, humanitaires et de sécurité publique. D’autant que l’hiver est là et se fait rude dans cette partie du monde. Avec des nuits où la chaleur descend parfois sous les -20°C, laisser des populations dormir dans la rue revient à les condamner à mort, il faut donc s’assurer qu’a minima chaque personne dispose d’un toit sous lequel trouver abri.


« Identifier les principaux obstacles »

Face à ces enjeux, l’administration des ports-libres doit faire face à deux défis majeurs dans cette crise : le premier est bien entendu la barrière de la langue. Malgré la présence de quelques diasporas pharoises au Novigrad, en Cémétie ou dans l’Empire Rémien, ces dernières pèsent très peu au regard de la masse de réfugiés à orienter. Les services de traduction se paient à prix d’or ce qui a poussé les municipalités à recruter des « mercenaires » venus de ces régions, proposant leurs services de traductologie. C’est un véritable petit business qui se met en place et n’échappe d’ailleurs pas à ses arnaques, l’administration n’ayant pas vraiment moyen de vérifier si le traducteur est bel et bien en train de répéter ce que lui a dit l’Elpidien, plusieurs Pharois ont été démasqués en train de juste baragouiner des suites de syllabes à consonnance grecque et improviser les prétendues réponses des réfugiés.

Second problème : la globale sous-qualification des réfugiés, puisque ces-derniers sont majoritairement d’anciens exclaves, spécialisés dans les travaux agricoles. Or l’agriculture est précisément le parent pauvre de la production pharoise qui se repose sur la pêche et l’importation depuis d’autres régions d’Albi pour nourrir sa population grandissante. Une situation qui ne pose guère de problèmes en temps normal, le Syndikaali étant LA puissance industrielle dominante de la région, elle a les moyens de ses dépenses.
C’est toutefois un obstacle assez concret lorsqu’il s’agit de réinsérer des individus – certes pour la plupart demandeurs d’intégration – mais ne pouvant s’appuyer sur aucune formation technique. Les études sont couteuses à financer, l’apprentissage également, particulièrement au Syndikaali où 100% du secteur de l’éducation est privé. Difficile pour un réfugié Elpidien de débourser quelques milliers d’écailles pharoises par an pendant deux ou trois années en espérant in fine obtenir un diplôme qui lui permettra enfin de vivre décemment. D’autant qu’une fois de plus, la barrière de la langue est un obstacle lourd pour ce genre de démarches.
Si le ministre de la Terre, des villes et des propriétés, le Citoyen Kaapo, a dit ne pas exclure de débloquer des fonds dès qu’une véritable stratégie sera mise sur la table, pour l’heure ce sont les associations qui peinent à orienter les gens. Résultat, les Elpidiens bouchonnent dans les lieux d’accueil une fois leurs papiers en règle.

Dernier enjeu, et il est de taille : surmonter le traumas et la méfiance d’une population qui, quelques mois encore auparavant, était esclave. Outre le fossé culturel massif qu'implique le fait de se voir offrir du jour au lendemain la citoyenneté dans un pays étranger lorsqu’on n’a connu toute sa vie que les champs d’oliviers, il faut également panser un certain nombre de plaies morales et psychologiques. Des difficultés d’autant plus exacerbées que, d’après les associations d’aide et d’accueil aux réfugiés, un certain nombre d’entre eux ont été sortis d’Elpidia et ramenés au Syndikaali dans des conditions douteuses, voire proches de la maltraitance. Entassés dans des cales de navires, enfermés dans des conteneurs ou dissimulés sous des bâches, pendant plusieurs jours de traversés, parfois abandonnés à leur sort ce qui a entrainé des cas de déshydratation et de malnutrition sévère, en particulier sur les enfants.
Bien que rares, les mineurs isolés sont d’ailleurs une partie concrète du problème, les associations craignant que ces-derniers ne soient kidnappés ou « embauchés » comme mousses sur des navires avant d’avoir pu être identifiés et pris en charge par l’administration.

« J'ai vu un navire débarquer des gens en les foutant par dessus bord, à deux cents mètres des quais. On a été obligé d'aller les récupérer en zodiac ! » déclare une bénévole, manifestement ulcérée par le comportement de certains de ses compatriotes. Autant donc de raisons légitimes aux yeux des Elpidiens de se méfier des Pharois, d'autant qu'une part substantielle d'entre-eux n'avait jamais entendu parler du Syndikaali jusque là et y a été amenée un peu par défaut.


« La réponse doit être à la fois locale et nationale »

Autant de défis qui ont au moins eu le mérite de repousser à plus tard toutes les questions d’intégration et de compatibilité culturelle que certains médias conservateurs n’ont pas manqué de soulever. « Pour l’heure, l’urgence est aux soins et au bon accueil », a déclaré le Citoyen Kaapo, annonçant également être prêt à « casser personnellement la gueule du premier connard qui me fera chier avec ses paniques morales à deux balles » pour le citer dans le texte.
Sur ce coup-ci, les communistes, pirates et libéraux ont voté collectivement pour des naturalisations massives, chaque faction politique ayant ses raisons propres, il n’en reste pas moins que c’est le devoir moral de venir en aide à des frères en humanité qui a systématiquement été mis en avant pour justifier cette décision.

La proposition de la Fédération Anarchiste de « razzier un peu les côtes des esclavagistes, histoire de leur faire goûter à leur propre régime » n’a pas été retenue, des députés du Parti du Progrès ayant souligné qu’Elpidia ne possédait de toute façon pas de côtes à attaquer. Le pragmatisme l’aura emporté sur la colère.
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