13/03/2013
08:54:36
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[RP] Visite officielle par le Grand Kah

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Yo.

On avait, pour ce pour ce premier voyage à l'étranger d'un membre du comité "Estimable", déployé des moyens inhabituellement raisonnables pour ce qui était, au moins, de la communication et de la mise en scène des foules. La Révolution s'accommodait mal de la discrétion et avait jusque-là toujours représentée chaque étape de son existence avec la minutie grandiloquente des meilleurs Monsieur Loyal. Pas cette fois et cela tenait sans doute de la personnalité d'Actée.

La citoyenne Iccauhtli était une femme de lettre. Personnalité que l'on se plaisait à croire discrète et efficace, qui se complaisait dans l'étude de la Révolution et de ses composants plus que dans le fait d'y participer. On lui avait un jour reproché d'être une espèce de légiste des idées, se saisissant des mortes pour les étudier sous toutes les coutures et rendre des rapports parois anodins, parfois édifiants. Elle-même considérait qu'elle étudiait des idées bien vivantes – et s'opposait à la conception selon laquelle théoriser c'était figer la pensée – mais comprenait ce qu'on lui reprochait : dans une société qui mettait depuis deux siècles l'accent sur les grands discours, les figures populaires, et observait avec méfiance les tireurs de fils et les stratèges discrets, elle donnait la nette sensation d'être des seconds plus que de premiers. Manque de transparence, esprit hermétique, idéologie politique floue, valeurs constamment renégociée à l'aune de la situation plus qu'à celle de l'idéal. C'était bien pour ça, pour calmer les esprits et sécuriser sa position, qu'elle s'était alliée au citoyen Mayhuasca. Aquilon, le "radical", avait aussi un profil d'universitaire. De penseur. Mais s'il n'appartenait pas à la masse et ne la comprenait que dans les grandes lignes, il avait toute son approbation. Son fanatisme, son caractère de grand incorruptible, donnait au Kah tous les gages dont il avait besoin pour lui faire confiance : si Mayhuasca pouvait travailler avec Iccauhtli, alors c'est qu'elle était sans doute une vraie et authentique révolutionnaire. Quoi qu'elle puisse dégager. Malgré son froid polaire, presque bourgeois.

Cette fois, cependant, elle allait voyager seule. Les relations extérieures étaient son domaine d'expertise, et son allié était trop occupé à réarmer le Grand Kah pour s'égarer en visites diplomatiques.

L'avion qu'elle allait emprunter était une Goélette quadrimoteur, petit appareil de ligne mis au service de la Convention Générale par les syndicats d’aéronautique du Grand Kah. L'appareil en lui-même n'était pas à proprement parler la propriété du Comité de Volonté publique, mais prêté à l'ensemble de la députation nationale et pouvant être utilisé dans le cadre de déplacements urgents par – en principe – n'importe quel commissaire ou élu. Plusieurs appareils de ce genre avaient été prêtés à Axis Mundis de telle façon que, cette Goélette précisément, n'avait jamais été utilisée que par les membres du Comité. Il s'agissait d'une simple mesure de rationalisation qui n'avait rien d'exceptionnel. Il y avait aussi la question de la sécurité des appareils. L’Égide était très tatillonne à ce sujet, évitant avec soin que n'importe qui ne puisse approcher des véhicules destinés au transport des Comités. Des agents inquisiteurs entouraient d'ailleurs la Goélette, vêtus de leurs longs manteaux refermés à cause du vent, échangeant par radio avec ceux restés bien au chaud dans les halls de l'aérogare. L'avion était au milieu de la piste, Actée et ses équipes avaient été déposées devant sans passer par les terminaux. La citoyenne n'était pour autant pas directement montée à bord et, entourée de membres de la protection civile formant un écran la séparant des représentants de communes et journalistes invités pour l'occasion, s'était donnée à un très rapide jeu de question-réponse. La transparence était à l'ordre du jour. Comme tous les jours.

"Et qu'espérez-vous obtenir du Necuil ?
– Un maximum. Vous disiez être du Miroir rouge ?
– Oui citoyenne.
– Je ne peux pas vous donner le détail de ce que je vais dire à nos interlocuteurs étrangers. Tout ce que je peux dire c'est qu'il est essentiel que le Kah s'ouvre à nouveau sur le monde et sur de futurs partenaires politiques ou économiques. Dans l'affaire le Necuil semble simplement être un bon début.
– Certains disent qu'il s'agit d'un État oligarchique dégénéré représentant le pire du capitalisme. Qu'avez-vous à leur répondre ?"

Actée haussa un peu les épaules et leva les yeux pour observer le ciel au-dessus de la masse compacte à laquelle elle s'adressait. Il était chargé de nuages noirs. Quant à l'air il était électrique. Typique, pour la saison. L'autrice retourna au journaliste.

"C'est possible. Mais si nous appliquons de tels filtres à l'appréciation que nous nous faisons de nos voisins nous finirons seuls. Et si nous restons seuls, nous finirons morts. Dans le grand ordre des choses l'ouverture sur le monde n'est pas que souhaitable. Elle est nécessaire. Enfin à ceux qui estiment qu'il y aurait là une forme de trahison face à l'idéal révolutionnaire, je tiens à signifier qu'il faudra en juger une fois la situation bien avancée. En attendant le Kah doit répondre à la nécessité d'ouverture. Ce qui suivra dépendra de notre capacité à nous montrer intelligent dans la manière dont nous la menons." Elle observa le journaliste prendre des notes sur un carnet, se demandant brièvement pourquoi les gratte-papier continuaient à se fatiguer à l'ère des enregistreurs, puis fit un geste général à l'intention de la foule. "Une dernière question ? Vous, dans le fond.
– Citoyen Burton. Je représente la cellule supérieure de Toho.
– Je vous écoute."

Le ciel gronda comme un animal en colère. La pluie n'allait pas tarder à suivre, ce qui crispa un peu Actée. Elle n'avait pas pris l'avion depuis longtemps mais se souvenait nettement de la façon particulièrement désagréable qu'avaient les intempéries d'influer sur le confort de vol.

"Sur le plan économique, comment comptez-vous inclure la question du commerce extérieur à celle de la planification communale ?
- Ah." Elle porta sa main gauche au niveau de son front et replaça une mèche de cheveux rabattus devant ses yeux par le vent. Du coin de l’œil elle aperçut qu'on commençait à distribuer des parapluies aux citoyens.

"Eh bien je suis en mission de représentation. Il ne s'agira pas de prendre des décisions – sur les questions ne dépendant pas pleinement des pouvoirs délégués au Comité – mais d'initier des actions que les commissariats et communes pourront ensuite prendre à leur charge. Les organes de commerce créés sous ma supervision ont déjà établis des plans et conseils sur lesquels je baserai mes éventuelles négociations ou offres, mais la décision reviendra au peuple."

Elle lâcha un petit rire joyeux, un peu gêné, et fit un geste de main sur le côté, comme pour évacuer la question.

"En tout cas je suis rassurée de voir que les communes sont impliquées dans la réouverture du Kah. Je..." Elle s'interrompit. Une goutte d'eau venait de lui éclabousser le visage. Elle cligna des yeux, s'essuya d'un revers de main et jeta un regard mauvais au ciel. "Je vous remercie. Maintenant nous allons devoir y aller."

Elle joignit les mains et s'inclina un peu en avant, puis se redressa au moment précis ou les cieux se déchirèrent, ce qui lui arracha un sourire vaguement amusé. Timing parfait. La pluie s'abattit sur l'aéroport avec un sens du dramatique qui ferait sans doute les grandes heures de futurs films historiques. Et pendant que les journalistes et représentants battaient en retraite vers les terminaux – à l'exception des quelques courageux armés de caméra, qui avaient pour pas plupart prévus le coup à grand renfort de capes plastiques – l'autrice grimpa quatre à quatre les marches de l'escalier d'embarquement, accompagnée de deux membres de l’Égide et d'un commissaire aux affaires économiques qui avait pris un peu de retard.

Une fois à l'intérieur de la Goélette elle donna son manteau à un aide-de-camp qui lui échangea contre une serviette avec laquelle elle put s'éponger les cheveux, puis se dirigea vers le bureau qu'on lui avait aménagé près du centre de l'appareil. Le voyage promettait de durer quelques heures qu'elle espérait bien utiliser pour réviser tout ce qu'il y avait à savoir sur le Necuil et la situation économique du Kah.


Un peu plus de deux heures après le départ de l'aéroport extra-communal de Lac Rouge/Commune Ville-libre, la Goélette se présenta dans les cieux de Necuil, prenant aussitôt contact avec la régie aérienne locale pour signifier sa présence, demander les autorisations d'usage et confirmer, en somme, que tout était en ordre. Après quoi l'avion se dirigea vers la piste désignée à Catarste et s'y posa sans plus de cérémonie.
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Quartier des affaires étrangères

Luis Garrido repassait sur les détails, harcelant chaque membre de son ambassade sur le moindre petit défaut, la moindre imperfection qui pourrait ternir l'image de la grande République Libre du Necuil.

Après tout, c'était la première visite d'un émissaire étranger depuis très longtemps à Catarste. D'habitude, lui était souvent ignoré, les seules visites officielles se déroulaient en privé, parmi les dirigeants de grandes entreprises, pour discuter de contrats, de brevets, de partenariats..., bref, de choses qui ne concernent pas la politique, de toute évidence.

Mais cet ambassadeur était différent, il venait d'un état différent. La visite du Kah avait remué les foules lors de la dernière session du parlement, et à raison. "Cet état va à l'encontre de nos valeurs", avait dit Garrido à un de ses aides. Mais il était résigné, après tout, comment un pays peut-il survivre sans relations avec ses voisins ?
Et voisin Kah l'était, tant en bien qu'en mal. Garrido était cependant convaincu que la vie au Necuil ne serait pas changée par les discussion avec le Kah. Dans le meilleur des cas, rien ne changera.

C'est avec cet état d'esprit que Garrido se prépara pour rencontrer son homologue du Kah. Veste taillée sur mesure du tailleur chic Léndido™, montre de luxe de la glorieuse marque Tanget™, bottes très sobre mais tout à fait convenables du célèbre fabriquant Monero™, Luis Garrido était prêt à accueillir la représentante du Kah.

Aéroport de Catarse

Les équipes diplomatiques se précipitèrent pour mettre en ordre toutes les extravagances que requièrent ce genre d'évènement. Petites barrières en velours, petit tapis rouge, deux drapeaux, celui de la République Libre du Necuil et le drapeau du Kah le plus convenable que les services aient pu trouver, posés côté à côté en bas des escaliers descendant de l'avion.
Une foule de journaliste, ne voulant pas rater l'arrivée de l'ambassadrice du Kah, était amassée non loin, derrière une barrière de sécurité gardée par plusieurs vigiles en costume. Certains criant des questions, probablement ignorées par l'ambassadrice.

Cette dernière fut conduite, avec ses éventuels aides, à une limousine noire, une Cabarello™ de toute élégance. La voiture se dirigea, sous escorte, vers le Quartier des Affaires Diplomatiques.

Quartier des affaires diplomatiques

Luis Garrido sortit par la porte principale, et se mis à attendre devant. Le silence était seulement interrompu par le flash des appareils de journalistes, qui eux aussi ne voulaient pas manquer l'instant.

Après quelques minutes très longues, la voiture diplomatique arriva devant la cour. Suite à un petit moment de flottement, un vigile ouvra la porte arrière de la limousine, pour laisser sortir la diplomate du Kah.
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Actée Iccauhtli, membre du Comité de Volonté Publique, émergea de la limousine noire Cabarello™ comme elle avait émergée de l'avion l'ayant transporté du Kah à Necuil. Avec un bref regard et un sourire rassurant adressé aux journalistes. Elle les haïssait déjà, ces petits serviteurs de la bourgeoisie locale, qui écriraient ce qu'on voudra bien leur laisser écrire – quand ce ne sera pas ce qu'on leur dictera. Au moins, elle espérait limiter l'inévitable casse en offrant le portrait d'une femme du monde si aimable, si propre sur elle. Si fashion, aussi. Sur ce point elle avait suivi les conseille d'une collègue du comité, Rai Sukaretto, qui en connaissant un morceau sur le sujet étant elle-même la coqueluche de sphères culturelles du Grand Kah.

Il n'y avait pas à proprement parler de marques au sein de l'Union. Plutôt le vieux principe des marques d'artisans avait évoluée différemment que dans le reste du monde. On avait établi un principe d’appellation d'origine contrôlée assurant que, par exemple, tel produit émanait bien de telle commune dont on savait qu'elle offrait une qualité particulière. Quand l'industrialisation avait permis un partage des méthodes de production et une uniformisation des résultats et des expertises, on avait adjoint à ce premier principe une seconde notion : celle d’Appellation d'origine partagée. En pratique une commune ayant appris d'une autre pouvait ainsi créer des produits qui, pour un peu qu'ils témoignent d'une qualité similaire et de méthodes de production similaires, pourraient dès-lors être considérés très pragmatiquement comme comparables au produit d'origine et être présentés comme tels.

Pas des marques, donc, mais tout comme. Le secteur du textile et de la mode Kah-tanais n'était pas étranger au principe et quelques personnalités pouvaient ainsi jouir des services de tailleurs d'excellences ou mettre la main sur quelques rares habits de luxes produits en quantité limitée, pas tant pour entretenir une quelconque artificialité de la demande que parce que les tailleurs travaillaient généralement selon leur inspiration du moment, ce qui tendait assez naturellement à limiter les stocks disponibles (ce bien qu'on pouvait par ailleurs leur commander un modèle épuisé à titre individuel).

Actée, donc, avait finement préparée le voyage et fait en sorte de rééquiper sa garde-robe officielle – d'une relative austérité – sur les conseils avisés de sa collègue. Elle portait ainsi un tailleur ardoise d'Andrée Chichen-Ixleavec veste croisée et pantalon coupe droite de longueur mi-mollet, des babies pailletés à verni sombre de chez Uzerto Sol, une chemise gris perle de la commune du Kal inférieur, une cravate Carmin faite sur mesure par Anton Jodorowsky et, malgré la saison et le climat général de la région, un par-dessus de soie, étanchéifié, à motifs Kah-tanais traditionnels, de la maison Yukiko & affiliés.

Derrière elle la suite de ses aides, assistants et gardes du corps était bien moins remarquable. On avait décidé d'une part qu'il n'était pas nécessaire de changer la visite en défilé de mode, d'autre-part que les efforts assez exceptionnels de présentation effectués par la citoyenne ne devait pas être ternis par un festival de bon goût. Alors c'était l'uniforme habituel. Des carmagnoles et des chemises.

Actée grimpa en direction de l'Associé Chargé des Affaires Étrangères, le saluant d'un signe de tête et d'un fort aimable "Salut et fraternité, monsieur l'Associé". Puis, jugeant que cela ferait bien sur les photos, elle se plaça sur sa droite et lui tendit la main.

"Je vous remercie pour l'accueil que Necuil nous a fait." Elle regarda les journalistes, parcourant leurs visages des yeux sans quitter son demi-sourire de circonstance. "Lesquels travaillent dans l'un de vos consortium ?"
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