16/05/2013
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Un nouvel arrivant à Huon-Kuang

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Un nouvel arrivant à Heon-Kuang

Zafred Zacoumba se présenta essoufflé au premier bâtiment officiel qu'il pût trouver à sa sortie du bateau. Entrant d'une démarche hasardeuse dans le hall, il se fit interpellé par l'homme d'accueil.
"Vous allez bien Monsieur...?, commença-t-il.
-J'ai...j'ai besoin d'une protection. J'ai été chassé de chez moi, haleta Zafred.
-Vous n'avez pas de domicile ? Je suis désolé, mais je ne peux pas faire grand-chose pour vous, vous adressez à la mauvaise magistrature.
-Ah... un long silence gêné s'ensuivit, puis Zafred reprit ses esprits : Je viens de Sehras, au Banairah. Puis en voyant la perplexité de son interlocuteur : Un pays en Afarée, là où il y a plein de sable vous savez. J'étais en train de composer mon œuvre dans des rochers près des remparts. Il n'y a pas grand-chose à faire là-bas, vous savez. Je pensais faire plaisir aux gens en égayant ces tas de briques inertes, mais ces citadins sont si étroits d'esprit qu'ils m'ont fait sortir de la ville. En voulant rentrer chez moi, on m'a jeté ma peinture dessus, et les policiers m'ont expulsé de la région. Peu de temps après, on m'a informé que j'allais être cible d'un procès pour dégradation de lieux publics et que j'allais sûrement écoper d'une amende impossible à payer. J'ai dû partir en précipitation et donc j'ai avancé mon départ pour Heon-Kuang où je voulais aller depuis un moment pour recommencer ma carrière artistique. Seulement, je n'ai pu faire aucune démarche et je n'ai rien ici."
Ce discours décrivait bien ce maladroit incompétent qu'est Zafred. Mais comprenez-le, comprendre tout de travers est un défaut avec lequel il est difficile de composer. Seulement, par grande chance, il ne devait pas être le seul dans la situation dans l'histoire de l'exclave, alors l'homme d'accueil réfléchit, puis saisit un combiné...
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Les choses étaient bien faites, et encore plus dans l'enclave de Huon-Kuang qui avait joui tout au long de son existence d'efforts de planification urbaine parmi les plus aboutis de la région. Ainsi, quand on débarquait d'un navire sur les quais des cents jardins du vieux royaume, le premier bâtiment officiel n'était jamais bien loin, et était rarement autre-chose que tout à fait capable d'organiser le transfert des arrivants vers les administrations les intéressant. Dans le cas présent, celles gérant les procédures classiques d'immigration au sein du Grand Kah. C'est qu'une telle enclave, surtout dans une telle région du monde, était un refuge inespéré pour de nombreuses personnalités allant de l'agitateur politique au persécuté religieux. On avait, avec le temps, développé une véritable habitude des réfugiés.

L'hôte d'accueil fit signe à Zafred de patienter et porta le combiné à son oreille.

"Salut et fraternité citoyen, ici la Capitainerie des Communes de Banrak. Nous avons un réfugier ici." Pause. "Je ne sais pas. Je n'ai pas demandé, non." Pause. "Vous pouvez le prendre en charge ? Parfait, merci citoyen. A vous aussi."

Il raccrocha et fit glisser un papier et un stylo à l'homme.

"Si vous pouvez noter votre nom et prénom. Vous avez vos papiers avec vous ? Des gens de la protection civile vont vous amener à un centre d'accueil où il y aura un peu de paperasse. On recevra votre déposition, on prendra en compte vos connaissances et on verra si une commune de l'Exclave a des besoins correspondants à vos capacités, auquel cas on vous donnera en priorité un logement situé en son sein."

Il lui sourit d'un air compatissant.

"J'ai conscience que ça peut être compliqué de tout recommencer, mais vous ne pouviez pas choisir meilleurs endroit. Le Kah accueil tous ses enfants."
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Zafred ne pouvait espérer mieux. Enfin quelqu'un qui le traitait, lui artiste opprimé, comme il se devait. On allait enfin le laisser s'exprimer dans la plus grande de ses virtuoses, lui permettre de remplir sa mission de guideur des peuples, d'enluminer le monde si plat par son art si vrai, d'accomplir...
Il s'interrompit brusquement lorsqu'il aperçut le regard interrogateur du magistrat. Il recouvrit ses esprits et, gêné, fouilla dans ses poches. Il en sortit le crayon HB Seratah dont il se servait pour dessiner ses croquis. Il soupira : si l'exclave était tout ce qu'il espérait, il était sûr de ne pas trouver mieux comme crayons que ses préférés d'Al Kara. Il inscrivit son nom et prénom sur le formulaire, avant de se rendre compte que l'homme lui avait déjà prêté un stylo. Excusez-moi, bredouilla-t-il. Il rendit le papier et poursuivit son dernier croquis en attendant l'arrivée des agents de la protection civile.

Les agents prirent étonnamment peu de temps. Ils ont probablement l'habitude de traiter ce genre de dossiers, pensa-t-il. On lui expliqua qu'il allait devoir s'accomoder de quelques tracasseries administratives ainsi que d'un test de connaissances. 《Afin de trouver un emploi qui vous siez, expliqua un des agents. Mais tout d'abord, nous allons régler les démarches administratives. Puis on vous hébergera la nuit, nous avons des chambres à cet effet. Vous pourrez aller vous changer, continua-t-il. 》En effet, cela était bien nécessaire : son pantalon était constellé de tâches de peinture verdâtres et rose fushia. Zafred s'efforça de ne pas penser à la sculpture qu'il ne pourra jamais terminé et qu'il avait laissé sur place, à Sehras. Il soupira : elle était si belle. Il en était fier, il l'avait réalisé la nuit, alors qu'il peinait à voir son ciseau et son marteau. Un exercice d'ailleurs assez dangereux, maintenant qu'il y pensait.
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Zafred se rendit rapidement compte que le plus dur était à faire : si la paperasse n'avait duré que quelque temps et qu'on avait laissé passer la nuit, le test qu'il commençait ce matin était tout sauf plaisant et facile : des pages et des pages de physique, de mathématiques, de biologie, de géographie ou encore d'histoire en passant par des sciences pratiques attendaient d'être remplies. Il en fut pris d'une violente migraine nauséuse en recevant le sujet : il aborrait ce genre de travail, ses chiffres mornes, ses chemins tortilleux de résolution, tout ça pour trouver un résultat dont il n'avait absolument rien à faire. C'était un bon vivant, pas une calculette ou un chercheur chevronné. Il aimait les choses simples, à savoir l'art - qui d'ailleurs est tout sauf simple - et la promenade au large, et aussi, il devait bien l'avouer, les salades de croutons et de tentacules de pieuvre. Surtout à l'huile d'olive. Alors pour ainsi dire, la perspective de passer 8h à décortiquer un sujet interminable l'embêtait profondément. Dans un sursaut remarquable de bonne volonté, il s'extirpa de sa molesse flemmarde et entreprit de s'enquérir du sujet. Il nota conscentieusement dans sa tête les différentes parties qu'il estimait pouvoir réussir et répartit son temps. S'il voulait obtenir le droit d'avoir du temps libre pour créer, il fallait qu'il fasse ses preuves, et ce test en était l'occasion. Il commença par la géologie, repéra les dorsales et reconstitua le passé d'une île volcanique, indiqua les gisements pétroliers probables à l'aide des documents, récita par miracle les noms des différentes époques géologiques qu'il croyait avoir oublié et passa enfin à la chimie. Il aimait bien la chimie : la matière lui avait toujours paru plus clair que la physique et la façon dont ses colorants mui importait plus que celle dont on construisait les voitures. De toute façon il allait au travail à pied. Fichues voitures, à ne jamais marcher.
Il dût enfin se frotter à la physique. Au programme, l'étude de la chute d'une cornemuse du haut d'un immeuble de 60 étages. Toujours aussi réaliste les énoncés, pensa-t-il. Il savait bien que le but était de s'entraîner pour ensuite être capable de résoudre de vrais problèmes, mais là ils abusaient. Vous pensez vraiment que ce genre de situations arrive ? Puis il vit une date et un lieu, et enfin d'après des données réelles. Oh non. Il se plia donc à l'énoncé, enfin ce jusqu'à ce qu'il lise la première question, question qui était d'ailleurs l'unique question :
Test d'aptitude a écrit :
En rappelant les lois de Kooper-Merké, déterminer la composition de la anche.
Données :
Permittivité magnétique du vide : μ₀ = 4π × 10⁻⁷ kg m A⁻² s⁻²
Résonance de l'impédence verticale du corps humain : 5 Hz
Densité du bois : 0,8 g/cm^3

Le reste des 10 pages de physique ne paraissait constitué que de documents aidant à la résolution du problème, mais qui manifestement ne faisaient que l'obscurcir d'avantage. Il cligna plusieurs fois des yeux, convaincu d'être victime d'une quelconque supercherie, avant de s'apercevoir qu'il avait ignoré une partie bien plus accessible. Toute cette mauvaise blague était probablement celle de Zafred lui-même, en effet le pauvre avait une facheuse tendance à remplacer la moitié des mots qu'il lisait par totalement autre chose qui ressemblait de près ou de loin lorsqu'il était fatigué. Un chose est pourtant sûre : il s'agissait bien d'une cornemuse. Passablement lassé de l'exercice, il passa alors à l'Histoire. Autant les premières questions étaient accessibles, autant les suivantes lui étaient totalement inaccessibles. Si l'Histoire afaréenne et leucitanéenne luu disait quelque-chose, la culture sépulturale des peuplades préhistoriques de la Paltoterra ou l'accession au trône du premier Empereur du Yunaca lui échappaient. Après avoir excellé sur une série de questions pratiques sur la construction de mosaïques et sur les techniques de peinture à l'eau, il termina sur les mathématiques. Devant lui, un exercice de probabilité dont la propre chance d'exister méritait elle-même de donner lieu à un autre exercice. Heureusement, il pût en trouver un autre plus accessible, mais finit éreinté et démotivé.
《Voici pour terminer un test psychologique. Veuillez le remplir le plus sérieusement possible et sans trop réfléchir. Faites-vous confiance, cela rendra les résultats fiables et nous aidera à vous orienter》lui assura un agent. Zafred rendit son test et entreprit alors de remplir le formulaire. Il connaîtra ses résultats dans les jours suivants.
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