"Instant Vérité" - Journal indépendant sous la République du Varanya.5 juin 2006 - Crise démographique, économique et politique dans la Satrapie de Bina : les experts n'hésitent plus à évoquer une "nouvelle Révolution".Devant l'adhésion populaire aux contestations et revendications faites à l'autorité impériale, nombreux sont ceux qui parlent aujourd'hui d'une nouvelle révolution varanyenne.Si la presse étrangère ou impériale n’a pas manqué de spéculer sur les intérêts de puissances internationales présentes dans le conflit, il est indéniable de s’entendre sur le fait que la survenue d’une révolution démocratique au Varanya résulte avant-tout de l’échec impérial dans sa gestion du pays, dont le bilan peut être fait sur la base des cinquantes années qui séparent la naissance et la chute de l’Empire du Varanya. “La Révolution au varanya était-elle prévisible? certainement. Mais était-elle prévue et préparée? je n’y crois pas une seule seconde” nous raconte face à notre caméra le politologue Zakaria Mozafari.
Une impréparation qui vient selon lui traduire le lourd bilan humain initial, lorsque les forces loyales au Shah débutaient la répression contre des civils haletants, attelés à défaire le pavement des rues, à barricader les avenues principales de certaines moyennes et grandes agglomérations. C’est la répression qui a durci la Révolution et l’a forcée à prendre d’assaut les premiers bâtiments institutionnels tels que les postes de police, afin de trouver quelques équipements minimum pour armer le noyau dur de leur révolution. “Les puissances étrangères telles que la Fédération d’Alguarena, le République du Fortuna, ont également été prises de court dans ce conflit puisque les premiers contingents déployés face à l’Empire du Varanya et ses alliés étaient minimalistes, un déploiement qui s’est conclu par la survenue de quelques défaites militaires à l’instar de
la bataille de Raad où les troupes révolutionnaires et une compagnie alguarena, déployées sur des positions strictement défensives, essuyées l’assaut meurtrier et victorieux des troupes loyalistes. Si la Révolution varanyenne était une action militaire préparée depuis l’étranger, nul doute que les premiers contingents internationaux ne se seraient pas montrés aussi minimalistes et dépendants des volontaires étrangers, affectés au sein de groupes paramilitaires autonomes comme
le Régiment libertarien ou la
Brigade des Martyrs Volontaires.” Pour notre expert, il ne fait aucun doute qu’une révolution populaire préparée depuis l’étranger ce serait inévitablement dotée d’une force armée autrement composée que celle déployée lors des manœuvres initiales au commencement de la guerre.
Malgré cette impréparation, la Révolution varanyenne s’est, compte tenu de la fuite de la famille impériale et de la programmation à venir des premières élections au suffrage direct, soldée par une profonde réussite. Une réussite politique et militaire telle que celle-ci est de nature à faciliter les mouvements sociaux, contestataires sur les dix prochaines années à venir… Aussi, la situation démographique et humanitaire dans la Satrapie de Bina interroge sur la capacité de celle-ci à maintenir hors de portée les flammes révolutionnaires qui ont jusqu’ici consumé l’Empire du Varanya sur le continent. “On parle d’une Révolution, pas d’une guerre conventionnelle… L’autorité impériale ne peut pas être hors de portée de tous les dangers, y compris sur une île, fut-elle défendue par cinq divisions d’infanterie cémétéennes…”
Depuis la mort par immolation du jeune Mahdi Faramarzian, les protestations populaires sont effectivement bien vives eu égard aux conditions de vie et aux perspectives d’avenir des 200 000 réfugiés arrivés sur l’île depuis l’éclatement de la guerre civile. Une île qui, rappelons-le, abritait en son sein à peine 150 000 habitants au démarrage du conflit.
La paupérisation du territoire et la mise en relief des drames humains qui s’y déroulent quotidiennement viennent alimenter des actions contestataires inédites sur le territoire, un territoire que les autorités impériales en exil avaient souhaité imperméabiliser au risque révolutionnaire présent sur le continent, sans jamais tenir compte que le “danger” résidait avant-tout dans le peuple qui donnait chaque jour vie au pays.
Ces actions populaires, dictées par les conjonctures socio-économiques de la région de Bina, ont vocation à entretenir une détermination plus vive que les mouvements sociaux qui touchaient le Varanya continental. En effet, bien que la situation économique était déjà compliquée au démarrage de la guerre civile, c’était également le clientélisme pratiqué par les pouvoirs impériaux qui cristallisaient l’opinion publique et marquaient une rupture durable entre les élites et son peuple. Si la quête de liberté peut paraître facultative dans un pays où l’on peut manger à sa faim et subvenir aux différents besoins de ses proches, il faut bien comprendre que la Satrapie ne coche actuellement aucune de ces cases, avec parmi ses citoyens plus de 50% de réfugiés. Dans un contexte tel que celui-ci, le processus révolutionnaire risque d’être beaucoup plus virulent que celui d’un pays où l’on peut manger à sa faim, habiter un logement décent mais ne pas choisir qui dirige le pays. “Dans une situation comme celle actuellement affichée dans la Satrapie de Bina, la quête de démocratie devient le moyen et non le but, un moyen de satisfaire aux différents besoins existentiels de la population. Ce sont ces besoins qui sont poursuivis par les mêmes classes populaires qui veulent renverser le Shah et instaurer la démocratie, la démocratie n’étant plus qu’un moyen pour eux, d’appliquer et d’assumer les décisions futures qui mettront fin à la misère sociale de plus de la moitié de l’île…”
En effet et dans l’esprit de plusieurs experts interrogés, la Révolution qui couve sur le territoire de Bina apparaît comme d’autant plus dangereuse que celle exercée sur le Varanya continental, en ce sens qu’elle répond à une question de survie des communautés de réfugiés déclassées après leur venue sur l’île de Bina. La Révolution varanyenne et ses répliques ont profondément changé le rapport de l'État à ses citoyens. Pour en parler, nos équipes sont allées à la rencontre de Marzieh Taheri, sociologue varanyenne en instance d’une demande d’asile en Alguarena, elle est également à la tête d’un observatoire non gouvernemental très présent sur la région. Elle a accepté de nous accorder de son temps pour accomplir le décryptage de la société civile de Bina.
D’abord attachée à enquêter sur le respect de la dignité humaine lors des théâtres de conflits sur le continent, Marzieh Taheri a reporté son attention sur la marginalité et la pauvreté présentes sur l’île de Bina, après l’arrêt des combats sur le continent. Selon elle, la contestation populaire en place sur l’île de Bina est distincte de la Révolution qui avait sévi plusieurs mois auparavant sur le continent puisqu’elle répond davantage à la nécessité impérieuse de survivre, que celle d’être, bien que la relative ghettoïsation des communautés de réfugiés récemment arrivées sur l’île de Bina, tend à solidariser ses membres autour des causes revendicatrices telles que celles présentement défendues.
Les exactions en cours par la société civile de Bina pourraient donc s’inscrire dans une nouvelle vague de protestations, tournées vers l’amélioration immédiate des conditions de vie avant toute autre chose. Seulement voilà, considérant l’importance du tissu industriel présent sur le continent, il apparaît pour les communautés de réfugiés présents dans la Satrapie de Bina, que seule la République du Varanya est en mesure de pouvoir mettre en branle une économie suffisamment solide pour absorber un flux migratoire atteignant les 200 000 individus. De là à dire qu’il faudrait solliciter le rattachement de la Satrapie à la République du Varanya, il n’y a qu’un pas que les autorités républicaines n’ont pas encore et officiellement franchi, mais dans certains mouvements de manifestations, cette revendication ne fait plus l’objet d’une quelconque dissimulation et des soutiens à la République du Varanya de plus en plus probants émergent de la contestation populaire naissante.
Croire que la grogne sociale n’affecte à ce jour que les quartiers de cases aménagés pour accueillir les réfugiés de la Satrapie de Bina est une erreur, elle touche également les résidents permanents de l’île, soit par solidarité avec la situation plus que précaire des réfugiés, soit par antagonisme avec ces derniers puisque leur présence affecte durablement la situation économique de l’île et donc le quotidien des citoyens natifs de celle-ci… La mobilisation populaire a donc vocation à être totale et à se rejoindre sur le fait qu’une autonomie de la Satrapie de Bina n’est pas possible pour redresser la situation économique, sociale et humanitaire de la région. Le ralliement de la Satrapie de Bina au reste de la République du Varanya devient alors un objectif standardisé pour la grande majorité des cortèges de manifestants qui battent aujourd’hui le pavé au sein de l’île.
Cette mobilisation populaire doit donc interpeller les autorités par le fait qu’elle transcende les catégories sociales ainsi que les âges des personnes y adhérant. La relance économique du territoire, l’amélioration des conditions de vie, la fin du clientélisme imposé par une élite régnant sans partage, la fraternisation avec la République du Varanya, une meilleure représentativité populaire au sein de la gouvernance de l’état, la prévention du drame sanitaire qui couve après la survenue d’une vague de 200 000 réfugiés sur la petite île de Bina, sont autant de facteurs marquant dorénavant la convergence des luttes initiées par les manifestants. Durant les manifestations, il est en effet criant de voir que les tendances politiques se font relativement discrètes et que la grande majorité des manifestants se présente à ces rassemblements en tant qu’individus, avant toute représentation politique. C’est une nouvelle démonstration selon laquelle la Révolution appelée par le peuple dans la Satrapie de Bina est sans précédent, comparativement à celle ayant eu lieu sur le continent. Effectivement lors de la première Révolution, les tendances politiques restent relativement marquées avec d’un côté la Ligue Communiste de Libération, d’un autre les fondamentalistes islamistes et même les libéraux encore à part.
L’autorité impériale est-elle plongée dans le déni, l’incompréhension ou l’ignorance?
La classe politique encore loyaliste au Shah a conscience de la gravité de la situation économique et humanitaire sévissant dans le pays, mais au regard
des mesurettes annoncées on comprend que le pouvoir impérial en est encore à gérer une hypothétique reprise des affrontements avec les républicains du Varanya, faisant fi des solutions concrètes, des mesures palpables, pour absorber le flux de réfugiés enregistrés sur le territoire et relancer durablement l’économie d’un micro-état comme la Satrapie, en perte d'indépendance sur tous les fronts : économique, énergétique et social. Des oeillères qui peuvent coûter cher et qui font l'effet d'un enfermement à domicile alors même que celui-ci apparaît en flammes à la vue de tout le quartier...