12/03/2013
06:02:00
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Activités étrangères au Carnavale - Page 2

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L’aube étend ses premiers rayons sur l’île artificielle. L’air, lourd est putride. Le vent a soufflé toute la nuit, rabattant sur le chantier les émanations toxiques de Carnavale, matrice de toutes les pollutions. Maintenant l’extérieur ne correspond plus aux normes confédérales de sécurité atmosphérique. Et comme le chantier et tout ce qui l’entoure compte comme un territoire souverain du Grand Kah, la loi impose qu’on rende possible d’y travailler dans des conditions sûres ; Tout le personnel s’y trouvant étant déployé dans le cadre d’une affectation ou d’une autre – les ouvriers ne sont pas plus visiteurs que les soldats – un très important budget en masques, combinaisons, collyres a été alloué au secteur militaire par les Directeurs. En d’autre terme, les premières lueurs du jour accueillirent une armada d’ouvriers parés comme s’ils allaient déblayer les ruines d’une centrale nucléaire tout juste frappée par un météore lui-même radioactif, et escorté de Gardes Communaux équipés comme les méchants d’un vieux film d’anticipation. Avec leurs masques à gaz inquiétants, leurs combinaisons étanches et leurs airs vaguement étrangers, rappelant la fascination morbide du cinéma eurysien d’une certaine période pour le racisme décomplexé. Le péril jaune de la VHS, largement lié aux inquiétudes économiques accompagnant la soudaine entrée dans le marché de la très haute technologie de puissances nazuméennes, rappelant aux pays blancs l’existence d’un autre monde capable d’exister sans être colonie ou exploité. Un monde, doué d’une autre culture, qui pouvait lui aussi se développer, et exporter à l’internationale des biens manufacturés. Soudainement, les écrans de cinéma et la littérature bon marché s’étaient chargés de méchants aux yeux bridés, de décors asiatisants, inquiétants, d’une nouvelle vague de clichés odieux. En bref, ces soldats kah-tanais auraient sans doute eu l’air un peu moins "méchant de science-fiction" s’ils avaient été blancs. Ce cinéma était si vieux, maintenant, et si assimilé à la culture populaire qu’ils s’amusaient un peu de leur apparence. Ils se trouvaient amusants, à ressembler ainsi aux grands fascistes des films nuls d’alors.

Car les Gardes Communaux étaient beaucoup de chose, à n’en pas douter, mais fasciste, ça, non. C’était tout le contraire, même. Ils incarnaient une certaine forme d’idéal anti-fasciste. Et c’était bien connu : les Gardes n’attaquaient pas. Leurs déploiements avaient toujours été des déploiements défensifs. Même lors des opérations offensives, ils étaient là en protection. Protection de la jeune république de Damannie, protection de Kotios face aux putschistes, ainsi de suite. C’était le principe d’une garde. Elle montait... La garde. Et protégeait des lieux. Des idées. Des concepts. La nouvelle donne militaire du Grand Kah se faisant attendre, sa force armée conservait une posture attentiste et modeste d’autant plus sensée que l’industrie militaire de l’Union était assez limitée. Contrairement à ce qu’essayait de faire croire une certaine propagande, plus intéressée par des notions idéologiques et par sa crainte absolue de tout ce qui ne ressemble pas à un marché capitaliste sauvage et oppressif, le Grand Kah n’était pas, fondamentalement, une nation d’interventionnisme militaire. Dans les faits on redoutait même la notion. La situation avec l’Alguanera, qui pouvait se résumer en une mauvaise passe de Poker, avait gentiment rappelé à l’Union et à sa population sa sainte haine des conflits et de la guerre. Dans un même temps l’ONC avait prouvée à l’ensemble de la planète, et en moins de quelques mois, que ses prétentions économiques n’étaient qu’un paravent cachant difficilement les formes d’un complexe militaro-industriel obèse et, en bref, on se retrouvait avec une confédération extrêmement anxieuse, agacée, et hésitant entre brûler ses fusils et en créer plus, plus, toujours plus.

Ici, cependant, au milieu des méchants de mauvaise science-fiction et des excavateurs de déchets radioactifs, la question ne se posait pas en ce terme. Ce n’était pour ainsi dire pas le sujet du tout. Il n’y a pas à hésiter sur la question de la militarisation d’un pays quand on est déployé dans une forteresse en construction, aux portes d’un continent faisant office de poudrière mondiale. On ne peut pas vraiment hésiter quand on est envoyé sur ce genre de mission. À quoi bon hésiter ? C’est un coup à se faire tuer. Ou pire, à avoir des débats désagréables à la cantine. Carnavale et sa citadelle sont la preuve que le Grand Kah, même s’il a peur de la violence, même s’il répugne à tuer, même s’il aimerait bien se contenter de tirer sur du fasciste – du vrai et authentique fasciste, avec les chemises brunes et l’idéologie dégueulasse – et ne pas avoir à occasionnellement pointer ses armes sur des néolibéraux décérébrés et égoïstes, qui pourraient se contenter d’être des libéraux et, par conséquent, se montrer inoffensifs et aimables, finirait invariablement pas prendre le choix qu’imposaient les circonstances : celui d’une plus grande militarisation. La citadelle, en fait, globalement ignorée par le reste du monde et au mieux vue comme une espèce de curiosité aux raisons d’être floues, était surtout une forme de symbole. Symbole de l’âme profond du Grand Kah. Et on y avait pas conséquent expédié tous les aigles de guerre et militaristes outranciers de la Garde. Là où ils ne pourraient faire aucun mal, n’auraient aucune influence sur les décisions confédérales et se feraient un plaisir de saliver imaginant, au loin, mais plus si loin maintenant, les côtes de l’Eurysie où ils rêvaient de déverser la révolution salvatrice. Il y avait tant de peuples à libérer, de gouvernements dégénérés à fracturer, de régimes capitalistes, esclavagistes, à ouvrir dans le sens de la hauteur à coup de canons. Eh bien mes amis, rêvez encore, mais loin de nos yeux et plus important, de nos oreilles. Les fanatiques sont trop bruyants.

Depuis son arrivée ici, Rai Sukaretto survivait à cette ambiance limite chauvine avec une espèce d’amusement affecté. Tout le monde ici était très fan du Comité de Volonté Publique Estimable, malgré ses erreurs dramatiques et sa démission finale. Tout le mode ici était extrêmement méfiant du risque pourtant nul de restauration impériale (enfin ça ne serait jamais que la quatrième), et, par conséquent, tout le monde voyait en la princesse rouge, celle qui avait rejoint les rangs de la raison et du Bien plutôt que de fuir avec les blancs en exil, comme une espèce de divinité faite chair de la révolution.

C’était un peu absurde, d’autant plus que l’identité politique de Sukaretto n’était pas non-plus celle d’une irréprochable divinité publique. Personne au sein du Comité ne pouvait prétendre à un tel titre – quoi que les colères froides d’Actée étaient mythiques et la raison du citoyen de Rivera proverbiales – et elle d’autant moins qu’elle était, vraiment, dans les grandes lignes, une cruche.

C’était elle-même qui le disait, et avec une certaine ironie teintée de fierté dissimulée, la dépréciation cachant chez elle une modestie mal dégrossie. Elle n’était pas imbécile. Elle n’était pas non-plus naïve, ou ne manquait pas de culture. Mais son éducation impériale, cette éducation qui faisait d’elle la princesse d’un empire disparu, qui aurait un jour dû récupérer la couronne impériale et diriger le destin de soixante-dix millions d’âmes telle l’incarnation absolue d’une quelconque et ridicule volonté nationale, avait laissée de sérieuses cicatrices dans sa personnalité et sa façon d’être. Elle avait rejeté son héritage, mais ce rejet avait dû se faire par l’effort, et un véritable travail de déconstruction et de désapprentissage. Elle plus que beaucoup d’autres comprenaient ce que les féministes demandaient aux hommes, en quelque-sort elle était passée par un processus similaire. Analyser ses biais, les comprendre, travailler à les expurger. Pendant des années, donc, elle n’avait pas été à sa place au sein du Grand Kah. Elle avait les manières et la façon d’être d’une culture morte. Celle des tyrans. Dans un peuple libéré depuis tant et tant de générations. Les kah-tanais étaient bons avec les leurs, et ne lui avaient jamais tenu rigueur de son comportement. Elle était comme ces immigrés étrangers devant s’adapter. Sauf qu’elle émigrait du sommet vers la base. On lui avait pardonné des années durant ses idiosyncrasies, ses réflexes, son parlé. C’était quelque-chose qui l’avait touché et y penser l’émouvait encore profondément. Finalement, ayant été incapable de réellement abandonner son être profond, de rejeter l’ensemble de son éducation, et quand bien même on ne lui en demandait pas tant, c’était l’objectif qu’elle s’était fixée, elle décida de créer quelque-chose de drastique. Une personnalité publique trop caractéristique et trop ouvertement anti-système pour être celle d’une ex-petite princesse.

Alors elle était devenue un genre de punk. Progressivement, mais à rythme soutenu, elle était devenue cette femme du monde, faisant la mode plus que la suivant, et sortant de sa tombe un vieux style désuet pour en faire l’une des principales caractéristiques stylistique du Grand Kah. Elle était devenue créatrice de mode par pur goût de l’art et du porté, et avait remplacé ses créations classiques et élégantes pour un style défoncé, grunge, beuglant ouvertement au monde « Rien à branler ! ». Le Grand Kah avait adoré. C’était amusant, d’ailleurs, car pour beaucoup d’étrangers c’était cette décision, prise pour s’éloigner de ses racines (et aussi par goût personnel) qui lui donnait cet aspect inoffensif. Elle n’était que la petite créatrice de mode. Une artiste, quoi. On sait tous que les artistes sont stupides. Sauf qu’elle ne l’était pas. Elle avait été éduquée pour régner. Diriger. Savait être machiavélique. Et si ce n’était pas la direction qu’elle avait prise, même au sein du Comité elle n’était pas la plus capable, la plus douée ou la plus cultivée sur les principes de gouvernances, elle n’en était pas incapable. Loin, très loin de là. Maintenant elle ne se plaignait pas d’être perçue comme telle, et appréciait d’être en quelque-sorte le cœur visible du Grand Kah. Actée était son esprit, cette espèce de serpent auquel était confronté le monde extérieur et qui récitait sa théorie avec la facilité d’une encyclopédie consciente et malveillante, elle en était le cœur. Cette créature naïve et gracile qui survolait le débat pour lâcher quelques banalités d’usage et donner l’image de marque du communalisme. Bienveillant. Inoffensif. Probablement un truc de bobo. Parce qu’évidemment, aux yeux du monde extérieur, le Grand Kah était soit une dictature à capitalisme d’État sur le modèle des régimes fascistes ou soviétiques, où en bref tout le monde est prolétaire opprimé, soit une espèce de quartier chic de la taille d’un pays, où tout le monde est tellement branché mais tellement inefficace. Le « Cool-Kah », comme on disait.

C’était elle, ça. L’image modernisée d’une union ouverte sur le monde.

Parce que le monde extérieur oubliait aussi qu’on la surnommait la Princesse Rouge non pas en référence à ses origines et à son choix de la révolution, mais bien parce qu’elle était une ultra-radicale ; qu’elle croyait à la révolution mondiale et qu’elle avait, systématiquement, prêchée l’absence totale et absolue de pardon et d’efforts envers ceux n’étant pas disposés à en faire. Elle était la pire ennemie de ses propres ancêtres, au sein du Comité. Bon il y avait peut-être pire qu’elle. Aquilon, Styx Notario, entre-autre. Mais ceux deux-là étaient des fous et iraient probablement en enfer à leur mort, ou y retourneraient, car il y avait fort à parier qu’ils n’étaient pas venus au monde mais avaient rampé hors d’un quelconque trou dans le sol, puant le souffre et hurlant un quelconque passage du Capital en latin.

Non. Elle était une radicale raisonnée. Mais tout de même, elle n’était pas rouge pour rien. Et il ne fallait pas s’y tromper, le sang qui la couvrait était artériel, elle ne coupait jamais ses ennemis de façon superficielle.

Et donc c’était cet aspect qui lui valait l’amitié absolument fascinante des officiers élus de la Citadelle de Carnavale. Ces chauvins, militaristes, va-t-en-guerre, percevaient en elle l’alliée secrète au sein de la Convention Générale. La femme de la destinée, en quelque sorte. Celle qui un jour allait mener le Grand Kah vers son destin. C’est vrai qu’elle était jeune. Elle avait encore le temps de virer César et de défendre une ligne impérialiste. Un jour ou l’autre, durant ce long naufrage que représente la vieillesse. Ils ne manquaient pas de lui partager leurs espoirs, au gré des repas et des discussions amicales. En jouant au Ma-jong, par exemple, un type de la marine lui avait expliqué très ouvertement qu’il espérait la voir défendre un programme militariste lors des prochaines élections. L’ambiance était détendue et le petit salon de repos avait pris des allures de parloir comme on en trouve en métropole. Lumière tamisées, bruits des chantiers rappelant ceux d’un port industriel, allez et venue de soldats en permissions. Le marin s’était donc exprimé comme s’il se trouvait dans l’un de ces respectables établissement, en compagnie d’alliés, à conspirer. Sur le principe la base de son raisonnement se tenait, et il avait raison de dire que l’Union devait se militariser ou accepter la possibilité d’une invasion étrangère, quoi que son énumération de ses ennemis potentiels frisant à la paranoïa. Le discours, cependant, trébucha dans le franchement problématique lorsqu’il énuméra ensuite les pays qu’il faudrait frapper préventivement pour éviter tout problème à venir. Ce qu’un officier cru bon de rectifier en expliquant qu’il ne faudrait surtout pas frapper qui que ce soit en premier. Mieux. Avant d’ajouter, fier et sûr de lui, qu’il serait peut-être souhaitable d’organiser un changement de régime au sein des pays communistes eurysiens. Histoire de sauvegarder l’image du socialisme et de prouver une bonne fois pour toutes que ces dictatures, si rouges furent-elles, n’appliquaient jamais qu’une énième forme de capitalisme d’État. Et franchement, si ce n’est pas une raison suffisante de condamnation à mort hein, bon.

Encore raté, donc.

Sur ces questions Rai restait systématiquement évasive ou neutre. Ah ? Ah oui ? Intéressant. Hmhm. Très bien très bien. Elle déployait tout un vocabulaire de mot et d’expressions développées au fil des conventions, des visites et des rendez-vous qui avaient ponctué sa vie artistique. Elle s’était beaucoup produite à l’étranger, notamment, et avait côtoyé de nombreux grands patrons, des types voulant distribuer ses créations dans les pays libéraux, notamment. Ainsi, elle avait de l’expérience quand il s’agissait de parler avec des fous sans les brusquer. Tout de même, elle répondait parfois par des traits d’humour un peu cyniques, un genre de « Qu’est-ce qu’Actée ferait à ma place ? » La réponse et qu’elle les rabrouerait sans doute à sa manière passive-agressive. Absolument terrible à tout point de vue. Ou bien, en mettant qu’elle soit d’excellente humeur, leur aurait-elle fait remarquer qu’il était anormal et contre-révolutionnaire de vouer autant d’espoirs en un seul individu, d’autant plus quand l’individu en question est l’héritière "légitime" de la famille à l’origine des trois tentatives de renversement de la révolution au sein du Grand Kah. Et donc, parfois, Rai le disait à ses interlocuteurs. Qui riaient, ou s’excusaient, ou se contentaient de hausser les épaules. Rai n’est qu’une citoyenne parmi d’autres, mais rien ne l’empêcherait de porter la voix de ceux pensants comme elle, n’est-ce pas ? Des vrais de vrais radicaux. Elle pourrait défendre cette ligne, ce n’était pas centralisateur, de souhaiter avoir une voix au parlement.

Bon. Pas gagné, donc. Malgré tout son séjour sur la Citadelle et à Carnavale s’avéra être plutôt agréable. Elle n’était pas là en tant que vacancière, sa présence était motivée par des raisons précises, des objectifs qu’elle s’attelait activement à remplir, mais cela ne signifiait pas pour autant qu’elle se tuait à la tâche. La folie de plus en plus évidente de ces soldats, en poste loin de tout et aux portes d’une forme toute industrielle d’enfer, l’effondrement généralisé de l’écosystème régional, l’immense chantier à ciel ouvert, navigué par des fantômes en combinaison, Carnavale, immense furoncle urbain où se trouvait probablement la porte vers le monde des morts... Tout cela avait quelque-chose... Oui. De définitivement très très punk. Dans le genre industriel, antisystème, tout est pourri et mieux vaut crever que se faire crever du genre. Et ça lui donnait une inspiration artistique incroyable qu’elle exprimait pour l’heure en croquant, systématiquement, tout ce qu’elle voyait et les idées qui allaient avec. Pour quelqu’un n’y prêtant pas trop attention elle ressemblait un peu à une contre-maîtresse, ou une inspectrice de l’Egide, observant longuement le monde, notant (dessinant, en fait) ses conclusions dans un carnet.

À côté de ça il y avait aussi la proximité avec les membres de la famille impériale en exil. Quelque-part au sein de cette ville immense. Rai n’avait pas accès au détail de ce que faisait le Cabinet Noir, les services secrets. Elle pourrait, mais ne l’avait pas souhaitée. Tout ce qu’elle savait, c’est qu’il existait une cellule de tulpas qui avait infiltré le mouvement d’exilés, et que celui-là se trouvait – au moins dans sa large majorité – en ville. Quelque-part. Finalement, Carnavale était un Duché, une ville hystérique dirigée par des nobles. C’était une symbiose antithétique totale et absolue qui permettait à Rai d’exprimer, contre toute attente, l’expression parfaite de son être et de tout ce qu’elle avait été. Donner le bon titre de noblesse, respecter les codes silencieux d’une classe dominante aussi guindée que stupide et violente, tout en survolant habilement la folie ambiante, le décalage constant avec la réalité et la sensation surréaliste de progresser dans le rêve de fièvre d’un toxicomane en crise de manque.

En bref, la citoyenne passait un excellent moment.
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Suyiketu Orda s'était arrêté dans l'un des bars à peu près corrects de Carnavale, il finissait de consulter ses cartes, d'annoter, de passer en revue les sites potentiels. Pourquoi faire venir des gens ici ? A priori çà n'avait pas de sens, on dirait que la Synaptique y avait vu une faille, et se devait de l'exploiter. Au passage, cette faille était tellement simple qu'il était étonnant que les familles carnavalaises n'y aient pas pensé pendant leurs décénnies de conspirations : l'argent pouvait rendre tout puissant à Carnavale, seulement, personne n'avait dit que l'argent devait être une fortune personnelle ! La Synaptique pouvait tout à fait débloquer un budget, et voilà les Shuharris devenant la quatrième famille de la ville, mais une famille de trois milles personnes dans quinze villages campagnards autonomes, des règles radicalement différentes de celles des trois autres. Une famille libérée des contraintes de l'argent par des savoirs acquis dans le froid et libérés sur une terre corrompue. Les terrains choisis sont des massifs de roche incultivables - à priori - et inconstructibles - à priori. Une famille toujours liée au Traité, venant régulièrement à la zone de rencontre pour discuter de politique carnavalaise. Et lorsque chaque tête des trois autres familles voudraient conspirer, ils devront faire face à des milliers de têtes. Autant dire qu'il était possible d'y installer de jolis villages, et les déloger ne serait pas aisé. Le seul problème, c'était que ce coin était déprimant, et çà, même le meilleur savoir des Terres australes ne pourrait rien y faire, mais la Synaptique se disait qu'on avait des trucs à faire ici, ce sera fait. Il ne doutait clairement pas de la capacité des futurs villageois à prospérer malgré la corruption. Ni du courage ou de la férocité des combattants, un guerrier thuranni pourrait bien se défendre face à 100 soldats des Castelages s'il le fallait. Mais sérieusement, la seule chose plus horrible que cette ville, était cette campagne.

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Il avait vu les champs, comme sur les Terres australes, c'était de l'agriculture intensive utilisant des engrais et de la transgenèse, la comparaison s'arrêtait là. Les champs ici étaient des monocultures de plantes transformées pour la rentabilité maximale, un épi de blé produisait des graines, mais alors beaucoup de graines, mais elles étaient stériles, les plantes ici ne tiendraient pas deux heures sans irrigations, engrais et pesticides. Alors, les paysans noyaient leur champs d'intrants, autant dire que çà tranchait avec les serres soigneusement entretenues dont il avait l'habitude. Les paysans carnavalais ne pensaient même pas à leurs plantes. Pourquoi aller se foutre là-dedans ?

Il leva le nez de sa carte, et regarda autour de lui, et écouta. Beaucoup de voiture, il y en avait plus dans la rue qu'il n'en avait jamais vu dans sa vie. La musique, la quintessence carnavalaise de la pop branchée du moment. Autour de lui, des discussions. Qui couche avec qui, le dernier meurtre en date dans des bas-fonds dans lesquels ces petits cadres n'iraient jamais, le dernier vêtement acheté... En revanche, aucune discussion passionnée sur la maintenance d'une serre, sur le prochain chemin à prendre ou sur les plus belles sources d'eau sulphurées, pas de questionnements sur ce qui peut se trouver au-delà des océans, même les biotechnologies ici ne passionnaient pas. Ce pays ne laissaient pas les gens s'intéresser à ce qu'ils faisaient. C'était quoi la culture carnavalaise au fait ? On entendait toujours parler de Carnavale comme d'un lieu pourri, souillé, et autres jolis qualificatifs, mais il restait des gens, non ? Ils vivaient toujours là, ils avaient une vie. Il y avait des choses qu'ils aimaient voir, qu'ils aimaient manger, qu'ils aimaient sentir, non ? La ville, aussi souillée soit-elle, restait belle. Et probablement plus belle, plus intéressante que lors de son âge d'or.

Bonne chance pour savoir ce que la Synaptique pouvait faire là, mais pour Suyiketu, une mission valait le coup : faire rêver. Montrer aux Carnavalais que l'on pouvait vivre selon d'autre règles que celle des gangs et des trois familles. Ce que l'on cherchait était donc les terrains les plus intéressants, là où on pourrait s'amuser à construire des villages intéressants, là ou les prochains arrivants, mais aussi les autochtones, auraient envie de vivre. Ainsi que des lieux pour soigner et éduquer, l'un n'allait pas sans l'autre. Il avait vu des gens se dépassionner de tout sur les Terres australes, ils mourraient en général peu après. Ici, les Carnavalais semblaient comme leurs plantes, maintenus en vie à coup d'intrants, jusqu'à ce que la prochaine crise les plonge tous dans le chaos, et les grandes familles sauraient alors en tirer profit. Eux la famille aux milliers de têtes, seraient les cultivateurs, ils cultiveront ce pays comme une serre de leur terre natale car sinon, personne ne le fera. Avec un peu de chances, des choses pourraient changer. Ou du moins, il essayait de se convaincre que ce qu'il faisait avait un sens.

Il replongea dans sa carte. Il avait de nombreux repérages de prévu.
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"Ça existe vraiment ce truc ?"
Momonoi en avait entendu parler dans certains journaux, mais honnêtement, il y avait très moyennement cru, disons que le journalisme carnavalais était peu régulé et pas très connu pour son abnégation envers la cause journalistique (en général, un journal est là pour faire des profits, ou bénéficier à son propriétaire, et à moins de connaître les journalistes, disons que l'on connaissait plus fiable.
"Oui, çà existe, l'Ahak en a acheté quelques unes, quelques paquets sont parties dans les banques de semences... Quelques équipes scientifiques de la Station Drahe ont même eu l'occasion de tester, et çà pousse !"
"Sérieusement ?"
"Alors..." Kilalurak fouillait dans ses papiers, il semblait bien que les agronomes les avait inondé d'informations et qu'il faudrait du temps avant de tout comprendre.
"Alors, çà y est, je retrouve... En effet, çà pousse par, pas par - 30, mais par 5 °C, ce qui est déjà une prouesse, il faut dépasser les 15 °C normalement pour espérer une croissance de bananiers ! Disons que le bananier peut aussi supporter une courte période de gel si par exemple, une serre venait à être cassée, là encore, une prouesse !"
"Comment ils ont fait çà ?"
"Ça, c'est un sujet sur lequel planche pas mal de biohackers en ce moment, et c'est ce qu'ils voudraient qu'on sache"
"Et vu qu'on est à Carnavale, ils se disent qu'on pourrait faire des choses que les gens des Terres australes ne sauraient pas faire"
"C'est l'idée"
"Attends, on est à peine installée, on a même pas de labo fonctionnel, les biohackers sont arrivés hier !"
"Dis-leur, avec un peu de chances, ils nous enverront de l'aide !"

Momonoi était un arrivé de la première heure, çà avait été catastrophique ! Les premiers shuhs arrivés sur place avaient fait face à une violence humaine très différente de ce qu'ils connaissaient. Bien des Carnavalais se voyaient comme disposant de deux choix : être une proie ou un prédateur, alors, et on avait bien peu de respect envers les proies. Ce n'était pas tant la vision de tous, loin de là, mais une culture dominante. La pollution et la qualité de la nourriture pouvait rapidement les rendre malade, et plusieurs nouveaux arrivants, malades et assaillis de toutes parts par des groupes de criminels prêt à leur bondir dessus pour leur prendre tout se qui pouvait disposer d'une valeur marchande, organes y compris, étaient morts, portés disparus, ou dans le meilleur de cas, s'étaient eux-même suicidés avant qu'on ne vienne les attraper. La dureté de la vie à Carnavale et l'aspect déprimant des ses paysages pollués ou de ses campagnes mornes tapait sur les nerfs de tout le monde et pouvait déchirer toute une équipe. En apprenant la situation, les différentes institutions des Terres australes s'étaient rapidement organisées pour chercher une solution au problème, et c'était la toute nouvelle ORSU qui s'y était attelé. Elle était plus qu'heureuse de réellement travailler sur une problématique réelle : former des shuhs à survivre à Carnavale, et à s'y installer. Alors, l'ORSU, pour l'Union des Terres australes, c'était l'agence spatiale. Voilà comment le gouvernement avait décidé de percevoir Carnavale : un astre étranger et hostile sur lequel on menait un programme de colonisation spatiale. On formait des astronautes venus des trois régions du pays, chacun maîtrisant mieux une part de la survie à Carnavale, d'autres institutions fournissaient également un soutien. Les Shuhs aujourd'hui circulaient dans les bas-fonds par groupes de vingt personnes, formées au combat par plusieurs armées disposant de plusieurs doctrines militaires, dont certains étaient parfois armés et en armure, voire franchement d'anciens guerriers. Ils avaient appris à éviter la pollution, savaient au besoin maintenir des masques en état de marche, disposaient de fournisseurs pour la nourriture. Ils avaient eu l'aide de sociologues pour apprendre à intégrer la société carnavalaise. Dans les faits, Momonoi avait appris tout çà un peu différemment, directement sur place, la méthode la plu difficile, mais qui faisait de lui un pionnier capable d'aider les nouveaux venus, et de représenter un village entier. Et puis, l'ORSU avait aussi, tout simplement, recruté des Carnavalais, certains avaient même rejoint les équipes shuharries pour se lancer dans la construction de villages.

Qui imaginait qu'il fallait de telles entraînements et une discipline aussi extrême pour simplement exister à Carnavale ? Comment les Carnavalais avaient-ils réussi à se défendre des éléments à l'aide d'une société aussi hostile à ses habitants. Les nouveaux venus étaient quasiment des extraterrestres dans ce nouveau continent, et les Carnavalais qu'ils pouvaient rencontrer partageaient clairement ce constat : avec leur peau sombre ou leurs yeux bridés, ils ressemblaient trop à des envahisseurs venu d'on ne sait quelle planète fictive des années 60' pour être honnêtes. Là, il était impossible d'y changer quoi que ce soit, donc la stratégie adoptée était au contraire, de clamer leur étrangeté haut et fort, il fallait se montrer puissants et riches. La richesse était un savoir qu'il fallait développer très tôt à Carnavale. Un nouveau venu hésitant et ne disposant pour seule possession que de quelques habits, de quelques organes et de sa liberté se voyait dépouillé très rapidement par les petites frappes les plus motivées. Un groupe de nouveaux venus armés et visiblement en position de pouvoir incitait d'avantage à l'hésitation avant toute attaque. Les bons combattants recevaient des armures légères de qualité militaire exploitant les derniers savoirs des Terres australes. Les bons chercheurs recevaient tout l'équipement dont ils avaient besoin. Les personnes les plus empathiques, celles qui savait intriguer ou qui comprenaient le mieux le fonctionnement du Carnavale recevaient des robes de soie conçues à leur convenance par des tailleurs de Hohhothai et de grands bijoux d'argent et d'or (adaptation d'une vieille tradition Kharine qu'une bonne partie de la jeunesse des Terres australes avait repris à son compte un peu différemment), et plus le quartier était dangereux, plus il était conseillé de se montrer dans ses plus beaux atours. Il fallait que les criminels (et les racistes) carnavalais perçoivent le message : ils avaient les moyens matériels de se risquer là et les attaquer pouvait aboutir à des conséquences imprévues, mais également, ils étaient assez puissants pour que personne ne puisse leur imposer leur culture et leur mode de vie. Les Shuhs qui s'organisaient à Carnavale même pouvaient ainsi montrer une richesse non seulement matérielle (de l'argent et des équipements), mais aussi culturelle (les Shuhs étaient souvent les mieux éduqués du coin et montraient étrangement une assez bonne connaissance de la culture légitime carnavalaise, en bonne partie apprise grâce à l'ORSU dans les faits), symbolique (dans certaines rues dans lesquelles il fallait régulièrement passer, on reconnaissait immédiatement ces groupes exotiques de civils et d'experts en robe et de guerriers en armure, et parfois portant des masques à gaz finement ouvragés sur le modèles des masques de carnaval fortunéens, et l'on savait qu'ils travaillaient ensemble, quelques carnavalais se faisaient également embaucher comme domestiques), sociale (les Shuhs disposaient de hackers, d'enquêteurs, d'ingénieurs, de médecins et de bien d'autres experts, ils savaient se montrer utiles, c'était d'ailleurs l'un des rares moyens dont ils disposaient pour se rapprocher de la population générale... Et des groupes criminels, et de la police !), et bien sûr, économiques (la Synaptique avait fournit les fonds pour racheter quelques magasins et atelier, assez pour générer des fonds et apparaître forts, assez peu pour rester encore discrets à l'échelle de l'énorme ville que constituait Carnavale). Ça ne fonctionnerait probablement pas face à une grande famille, mais là n'était pas le but : les taux de survie des nouveaux arrivants s'étaient très grandement améliorées. Il ne seront jamais considérés pour des leurs par les Carnavalais, mais la couleur de leur peau et la forme de leurs yeux ne le leur aurait pas permis de toute façon. Au moins pouvaient-ils s'y faire des alliés.

Le Soleil ne se montrait que peu dans les bas-fonds de Carnavale, c'était au moins un point commun avec les Terres australes.

Désormais, ils disposaient de quelques parcelles de cailloux, sur lesquelles avaient été installées des tentes thurannies le temps d'entamer la construction du village. Autour d'eux, il y avait des champs de blé d'hiver encore verts à perte de vue au Sud et un océan s'étendant au Nord, la pollution était une menace tout autant directe ici qu'en ville, et la construction du village devrait être rapidement entamée. Autant dire que l'étude des bananes à priori n'aurait pas été une priorité. Mais elles étaient intrigantes. Les Daloyoha pourraient-ils faire pousser des forêts en Paltoterra du Sud là ou la chaleur des volcans n'atteignait pas le sol ou l'air ? Changer complètement les EAU, ou même terraformer le Pôle Sud ? Pas exactement, on restait en 2009, mais les bananiers arctiques restaient tout de même intrigants. Un bananier tenant le gel et poussant par 5 °C pourrait tout de même pousser près des sources chaudes. Bon, il y avait d'autres limitations, que détaillait alors Kilalurak :

"A priori, ils seraient plus adaptés aux Glisois, il faut quand même beaucoup d'ensoleillement direct pour les faire pousser, les Terres australes étant sous les tempêtes la moitié de l'année et la nuit australe une autre bonne partie de l'année, il faut toujours disposer d'une lampe horticole. Les bananiers consomment également beaucoup de nutriments, ils sont difficiles pour une ville ou un clan à insérer dans un cyclage nutritif, ils s'enracinent profondément, donc il faut une serre contenant une grande profondeur de terre pour éviter une dispersion des nutriments, et en bonne plante carnavalaise, elle supporte très mal les maladies. Les agronomes de la Station Drahe ont déjà réussi à perdre une bananeraie entière sur les Terres australes dans une serre isolée, à cause de champignons. Autant dire qu'avec cette variété, une culture en pleine terre serait difficile sans pesticides - que bien sûr, la famille Dalyoha serait heureuse de nous vendre -, pas moyen qu'un gouvernement local ou que l'Union laisse des bananeraies polluer des eaux qui contiennent également nos poissons, même économiquement, çà n'a pas de sens, si on a le choix entre l'un et l'autre, on gagne plus de temps à pêcher qu'à produire des bananes"
"Attends, on va les proposer aux Glisois ?"
"Peut-être une version adaptée, c'est pourquoi l'Ahak a demandé aux communautés de biohackers s'ils voulaient bien se mettre sur le coup, même en terme de colonisation spatiale d'ailleurs, c'est intéressant !"
"Et du coup, qu'est-ce qu'on pourrait faire, nous, qui n'est pas fait aux Terres australes ?"
"Essayer de comprendre comment pense un laboratoire d'agronomie carnavalais : on a un exemple de leur travail, on ne cherche pas seulement à comprendre comment ils l'ont fait, mais pourquoi !"
Kilalurak resta pensif, quelques secondes, puis reprit :
"Après, figure-toi qu'ils se sont mis à faire de la pub aux Terres australes, attends que je te retrouve ça..."
Il prit l'ordinateur qui était face à Momonoi, et chercha rapidement sur Internet...
"Le voilà !"
Les bananiers, l'avenir en mode Carnavale
Il fallait ne pas connaître Carnavale pour vouloir une avenir en mode Carnavale !
"Ils parlent de chercher des nutriments au fond de la banquise ?"
"En fait, toute étendue de glace est la banquise pour eux, tu imagine bien que distinguer une banquise d'un glacier d'un pergélisol d'une vallée volcanique, ce n'est pas crucial pour la survie d'un Carnavalais"
Moins de temps consacré à la culture, c'est plus de temps pour profiter de mes enfants et de mon cheval ! Merci Blaise Dalyoha !
"C'est qui qui dit çà, un client potentiel ? C'est pas un truc qui s'établit collectivement normalement ? Pour la gestion de la chaleur, de l'eau, des nutriments, de l'électricité..."
"Justement, c'est çà qui est intéressant ! Je soupçonne fortement qu'ils viennent de nous découvrir et qu'ils ont utilisé une variété de bananiers en phase de recherches et mis en route une campagne de pub très rapidement pour vendre aux Terres australes avant la concurrence. Et il sont très peu familiers des économies non capitalistes ! Ils sont partis du principe qu'ils allaient vendre leurs graines comme partout ailleurs ! C'est très, très révélateur"
"J'essaie d'imaginer, pour que cette pub marche, il faudrait que l'on ait plus de lumière..."
"Imagine que les agronomes carnavalais aient pensé à tout et que les bananiers tiennent toutes les promesses de la pub. Quelles implications économiques çà aurait si on adoptait une telle culture !"
"... Il faudrait qu'on ait le droit de planter des bananes arctiques sans l'aval des autres... Que l'on n'ait pas de problème de gestion des nutriments, que les cultivateurs n'aient pas à gérer les externalités des traitements de bananiers, que les cultivateurs aient une monnaie reconnue à l'internationale dès qu'ils voudraient acheter des graines..."
"Et en fait, qu'il y ait des propriétaires à ces parcelles ! On commence à avoir une idée d'un système économique idéal pour eux !"
"Attends"
Momonoi venait d'avoir une fulgurance, le genre d'idée que l'on avait normalement le soir, après quelques verres de saké.
"Peut-être qu'on pourrait faire pousser les bananes ici !"

Une nouvelle variété de banane, les agronomes étaient heureux !
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30 décembre 2009 - Le Premier Mandrar, Rakoto Manorohanta, trouve que la malbouffe carnavaloise est une aide à l’identification des personnes qui méritent (ou ne méritent pas!) d’être sauvées.


Croque-monsieur au chewing-gum, le catalyseur de toutes les critiques gastronomiques et culinaires, dirigées contre la Principauté du Carnavale.
Le croque-monsieur au chewing-gum, que l'on peut possiblement trouver au sein de la Principauté du Carnaval, est un symbole de la malbouffe et de la déconstruction culinaire présente dans ce pays eurysien, où le Premier Mandrar s'est juré de ne jamais rien y manger.


“Dégueulasse et génocidaire” voilà les qualificatifs avec lesquels le guide suprême Rakoto Manorohanta a désigné le patrimoine culinaire de la Principauté de Carnavale. Le culte caaganiste fait grand cas des modalités de désignation des populations à sauver lorsque nos créateurs extraterrestres reviendront sur notre planète et que leurs alters égos mal-intentionnés, chercheront quant à eux à nous détruire. Jusqu’à présent, les éléments de détermination des populations respectables, ou disons-le vulgairement, à sauver, étaient fondés sur des critères relatifs à leur intellect, leur capacité à innover ou même à développer des aptitudes physiques exceptionnelles. Aujourd’hui, les lignes ont un peu bougé et la Principauté du Carnavale y est pour quelque chose, contribuant à sa façon, à la désignation d’une personne méritant de vivre. En cause, la gastronomie et l’art culinaire carnavalois, que le guide suprême s’est refusé de goûter, jugeant leur cuisine infâme et la composition de leurs mets “relativement abjecte”. En effet, il arrive qu’au nom de l’universalité, le Premier Mandrar goûte des plats d’horizons divers, assurant par-là son souhait de communion avec le plus large éventail de la population mondiale. Un rituel répété chaque mois et qui ne souffrait jusqu’ici, d’aucune action contradictoire. “Mais ça c’était avant” dit l’adage, car la proposition qui lui a été faite de manger un repas carnavalois, a connu un vif rejet de la part de notre guide, peu enclin “au suicide par ingestion” nous narrait un proche collaborateur du Premier Mandrar, ayant recueilli sa réaction à chaud lorsque le menu carnavalois lui a été présenté.

Il faut dire que la proposition était audacieuse car implantée en Eurysie occidentale, aux côtés de la Sérénissime République de Fortuna, la Principauté du Carnavale et son homologue latine, connue pour avoir intronisé la pizza à l’Ananas, défraye la chronique de gastronomie, en cultivant des plats au mieux exotiques, au pire carrément excentriques diront les détracteurs.

Renommée pour sa gastronomie et ses mets riches, l’Eurysie entretient pourtant à travers ses deux états, l’absurdité même de la recherche des saveurs à tout prix. Et sur le sujet, si le cas de la Sérénissime République du Fortuna avait déjà matière à interpeller avec la pizza ananas, les mets carnavalois, soumis à d’importants produits chimiques, colorants et conservateurs en tête, poussent encore plus loin l’effet repoussoir de cette cuisine hors norme.

“J’ai mangé une pizza à l’ananas fortunéenne et un croque-monsieur au chewing-gum carnavalois, je peux mourir en paix après ça” dit un jeune mandrarikan sur les réseaux sociaux et auprès de ses abonnés, connu pour entretenir une chaîne où il se veut un “casse-cou” des nouveautés diverses et variées. “Fais donc ça, meurs” lui répond ce qui semble à priori être un compte internet lambda, d’un internaute aigri et malveillant. Il n’en est rien, après avoir cliqué sur le profil en question, il est permis de reconnaître la page officielle de notre Guide, dénonçant de pair avec ce message, le caractère “autodestructeur” de ces personnes prêtes à manger un croque-monsieur au chewing-gum, pour marquer la société. “Nos jeunes ne peuvent-ils pas briller autrement, le monde a besoin d’eux” renchérit le compte de notre Premier Mandrar, soulignant le caractère absurde et nocif de tels agissements sur sa santé.
La Sérénissime République du Fortuna et la Principauté du Carnaval, sont donc les mauvaises élèves de la bonification de l’Homme par le corps et l’esprit. Des tendances en matière de nourriture, viennent en effet tirer vers le bas, le sort de l’humanité qui s’en approche et s’approprie les modes de consommation associées.

“Il n’y a rien à manger ce genre de pitance, choisir ces plats à tout autre chose devrait constituer un indicateur décisif, pour la décision des personnes saines, à sauver” avait lancé le Premier Mandrar en sortie de cette “dégustation avortée”. Bien que la dégustation d’un croque-monsieur au chewing-gum résulte principalement d’une volonté d’épater la galerie et constitue par conséquent un acte marginal, opéré une seule fois par l’auteur de cette aberration culinaire, le Premier Mandrar juge les gastronomies fortunéennes et carnavaloise comme inquiétantes, par leur capacité à entretenir le “meilleur du pire”, par la poursuite d’une logique de surenchère qui amènent ces états, à “sublimer l’infâme comme on chercherait à surperformer au sein d’une discipline sportive…”

Il faut dire que sur les réseaux sociaux de la jeunesse carnavaloise, les clichés ne manquent pas, entre la prise de vue d’enfants dégustant un cirque-monsieur au chewing-gum, d’autres privilégiant des boissons aromatisées ou alcoolisées avec un dosage inversé.

“La jeunesse carnavaloise se suicide à petits feux, nous ne pouvons pas être solidaires d’un comportement aussi irrationnel que celui-ci. C’est pourquoi il nous appartient même de considérer de facto, que le choix délibéré de consommer des mets tels que ceux listés au sein de ces pays, comme le croque-monsieur au chewing-gum, constitue une preuve indéniable de la déficience mentale et cognitive des personnes impliquées… Une déficience notable et aiguë, au point de considérer les consommateurs de ces plats honnis, comme des personnes indignes d’intérêt pour être sauvées lors du jugement dernier, lorsque les créateurs supraterrestres viendront soit nous sauver, soit nous détruire, selon le niveau de grâce qu’il nous sera permis de motiver auprès d’eux.

Le croque-monsieur au chewing-gum, un emblème de la malbouffe dans la Principauté du Carnaval, mais plus encore un emblème de lutte contre celle-ci, amenant la gouvernance mandrarikane, à identifier les choix d’alimentation des êtres humains, comme un élément déterminant de leurs capacités physiques et mentales, à se bonifier. En choisissant sciemment d'ingurgiter des plats aussi toxiques et aussi incongrus que ceux-là, les consommateurs semblent perdre un droit à la vie, considérant l’absence totale de respect qu’ils semblent dédier à leur corps.

Les carnavalois dépravés et souillés, privés d’une main salvatrice tendue par le culte caaganiste? L’idée est trop forte, se jure-t-on dans les institutions religieuses du pays. “Les mandrarikans font toujours le choix de l'universalité et s’autorisent de pardonner à quiconque mesure le poids de ses erreurs. Dans le cas de la Principauté de Carnavale, il est surtout mis en cause la volonté de se pavaner et de se complaire dans la médiocrité, présentement celle culinaire et gastronomique. Si les carnavalois s’obstinent à entretenir ce genre de plats peu ragoûtants. ils se détruiront eux-mêmes leur santé et la vitalité qui en découle, nul besoin d’appeler à l’expurgation de cette nation que beaucoup qualifient déjà comme anticonformiste, elle fait déjà ça très bien toute seule, seul nous importe d’identifier et de considérer comme particulièrement déviationnistes, les personnes qui s’intéresseraient à la consommation de ces biens marginaux et nocifs.

Ainsi donc, si le Premier Mandrar Rakoto Manorohanta n’était déjà pas connu pour s’octroyer le droit d’entamer quelques excursions à l’international, l’idée même qu’il puisse se projeter l’espace d’une semaine ou même quelques jours dans la Principauté du Carnavale, appartient désormais au domaine du chimérique.
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Les Sœurs de l'OCC débarquent en Carnavale

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Ces dames arrivent en Carnavale pour porter assistance aux nécessiteux, notamment les lépreux, qui sont hélas fort nombreux dans cette société hautement inégalitaire dans la répartition de ses ressources. Ainsi, outre un hôpital pour indigents, les sœurs vont également ouvrir de nombreux services sociaux afin de tenter, à leur petite échelle, de faire sortir de la misère les âmes perdues des bas quartiers de la mégalopole.

En ce qui concerne l’hôpital pour indigents, il s'agira en quelque sorte d'un dispensaire qui traitera, en plus des urgences médicales, des maladies de la marginalité et de la pauvreté.L'alcoolisme, les addictions, les maladies sexuellement transmissibles, les maladies infectieuses de la rue, tout cela et bien d'autres choses encore, possédera son service dédié.

En ce qui concerne les services sociaux, il y a bien entendu les centres ambulatoires dits également de « jour » pour les services déjà mentionnés : alcoolisme, addictions, maladies chroniques, auxquelles s'ajoutent des structures pour les maladies mentales et psychiques. Tout cela se fera parallèlement aux structures plus classiques que sont les ressourceries, les foyers pour filles-mères, les orphelinats et autres choses semblables dont le nombre est rarement suffisant quelque soit le pays, à l'exception de quelques pays particulièrement favorisés.

En ce qui concerne les maisons en elles-même, c'est à dire le bâti, la méthode est ici la même qu'ailleurs, rachat de châteaux, manoirs et maisons de maitre, ou bien de vieux bâtiments industriels ou commerciaux, ou encore d'immeubles délabrés ou insalubres que les sœurs retapent elles-mêmes assistées parfois de bienfaiteurs.

Concrètement, les sœurs de l'OCC arrivent avec 1 000 sœurs pour ouvrir 23 maisons , à savoir ceci :
- 1 hôpital
- 15 centres d'action sociale
- 4 orphelinats
- 3 écoles pour jeunes filles pauvres (tout le cursus initial)
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A monsieur Blaise Dalyoha, directeur de la Dalyoha Compagnie, association non seulement de marchands cupides mais aussi de malfaiteurs, de la part de Charles, par la grâce de Dieu roi de Prima, le deuxième du nom, Serviteur de la Sainte Église en son Royaume mais aussi en dehors, et Protecteur de l'OCC, salut.

C'est avec stupéfaction que j’apprends de ma sœur paniquée, l'abbesse générale de l'Ordre des Clarisses de la Charité, l’enlèvement de pas loin de mille religieuses de son ordre. Ces dames de bienfaisance, servantes du Christ, ont étés enlevées après la mise à sac de leurs maisons. On leur reproche d'avoir ouvert un hôpital pour indigents sans le consentement de ceux qui, l'ignoraient-elles, pouvaient s'y opposer.

Ce 'on', c'est toi, Blaise Dayoha ! Ne pouvais-tu pas recourir à la diplomatie, exiger que tes droits coutumiers ou ta prébende soient respectés ? Fallait il attaquer préventivement des membres du clergé comme on attaque par surprise un repère de bandit afin d'en surprendre et d'en abattre le plus grand nombre possible ?

N'aurait-il pas été plus simple et plus sain, pour ne pas dire plus moral, de faire valoir ton droit, sereinement, comme un chef de famille calme et avisé ? J’apprends maintenant que tu me rançonnes, moi, comme un maure rançonne des captifs, ou un bandit demande sa rançon … Honte sur la famille de Dalyoha qui rançonne des nonnes ! Des servantes de Dieu ! Des épouses du Christ !

Et tu les rançonnes auprès de moi car je suis leur protecteur. Mais c'est contre les païens que je suis sensé être le protecteur de ces saintes femmes, contre les païens ! C'est donc que tu es un païen, Blaise ! Un ennemi de Dieu et de son Église, et tu fais pire que les Maures, car eux, ils auraient prévenus leur cible de ce qu'elles bafouaient leur droit et leurs usages.

Dire que ces sœurs allaient chez vous en pensant se rendre dans un pays civilisé et chrétien ! Que nenni ! C'est chez les barbares qu'elles se rendaient ! Car c'est dans les pires états d'Afarée que l'on voit ça et non en Eurysie. Encore une fois : honte sur toi, Blaise ! Honte sur ta maison ! Honte aux bédouins coupeurs de caravane que sont les Dalyoha !

Mais puisque tu es marchand et homme d'argent, Blaise, et que tu m'a ravies ce qui m'est précieux et ce qui appartient à Dieu, je veux bien te donner en partie satisfaction et te payer le quart de la somme astronomique que tu as l'audace de me demander. Je te donnerais donc 2 500 onces d'or des 10 000 que tu me demandes. Accepte cette somme, prend l'argent et rend les religieuses de Dieu, Prima oubliera Carnaval. Refuse cette offre, maltraite les épouses du Christ, et je fais au nom de Prima le serment de haine perpétuelle envers toi et ta famille.

Accepte cette offre Blaise sinon, aussi vrai que Dieu est mon juge et l'honneur ma guidance, je déclare au nom de tout les Primains, pour l'amour du Créateur qu'il n'y aura pas de paix entre toi et nous, ta famille et Prima, non pas tout Carnavale mais seulement ta famille, et que les saints du Ciel soient témoins de ce que je déclare ici : Rend les nonnes sinon il n'y aura pas de paix pour toi ni pour aucun des tiens.

Médite bien ces paroles et que Dieu t'éclaire de sa Divine Clairvoyance. Pour ma part, j'ai ma conscience pour moi si je dois tomber dans les sentiers pentus qui mènent aux Cieux. Mais plaise à Dieu que jamais mon bras ne faiblisse pour châtier et protéger.


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Roi Charles II de Prima, Protecteur des Sœurs de L'OCC
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Arrivée de Sœur Marguerite en Carnavale

La sœur Marguerite, une jeune femme énergique et bourrue de 20 ans, était une religieuse idéale avant les sombres jours durant lesquels se déroulèrent les funestes événements qu'il est de coutume d'appeler « le drame de Carnavale ». Contrairement à celle qui deviendra l'abbesse générale de l'OMMAS, Marguerite ne connaissait aucune des moniales de Carnavale. Ce qui ne l’empêcha pas d'être terriblement secouée par le drame quand elle en apprit la nouvelle par le biais du vieux post radio de la salle de repos de son hospice pour folles au fin fond des montagnes du Lac Jaune (Prima).

Elle se souvint alors des paroles prononcées quelques jours plus tôt par une aliénée visionnaire, au nombre de ses pensionnaires les plus hautes en couleur, qui, lors d'une crise de délire furieux comme elle en avait régulièrement, lui avait hurlé qu'elle devrait partir en Carnavale et qu'elle y servirait le Seigneur beaucoup efficacement que chez les fous. Il va de soit que sur l'instant, la sœur n'y donna aucun crédit. Cependant, notre bonne sœur Marguerite, dont la famille est issue de la campagne profonde de Plaine Castrale et qui est donc tendanciellement portée à la superstition, vit à posteriori un présage dans cette prédiction délirante quand les malheurs furent de Carnavale furent publiquement annoncés.

Elle se perdit en prière et en méditation pendant des jours avant de prendre la décision irrévocable de défroquer, quitter la Charité pour la Croisade. Elle serait partie d'elle même en loup solitaire, elle s’apprêtait d'ailleurs à le faire, si elle n'avait pas entendue la rumeur d'une maison particulière ordonnée à la mise à mort des antéchrists ou plutôt d'un Ordre à part entière destiné à servir la Colère de Dieu: L'OMMAS, dirigée par une sainte abbesse que motive seule le désir de libérer le monde des dégénérés dont le nombre est, depuis quelques temps, devenu excessif.

Il n'est pas ici question de narrer les diverses actions qui ont permis à la sœur de trouver l'OMMAS, ni de narrer en détail l’entraînement à la chose militaire et au renseignement qu'elle y reçue. Retenons simplement que la sœur est maintenant capable d'utiliser et d'entretenir une arme et connaît quelques trucs du métier d'espion. Elle se déplace toujours habillée en civile (mocassin, jupe longue, cerf-tête, on ne se refait pas) avec un couteau et un 9mm, tout deux dissimulés sous ses vêtements, ainsi que quelques chargeurs dans la valise qui contient également cachée une bure de l'OMMAS et une quantité d'argent suffisante pour s'installer en Carnavale (le tout fourni par le baron Balmer, le bienfaiteur de l'Ordre).

L'infiltration en Carnavale commence par le passage de la Clovanie. Il s'effectue sous visa touristique, par moyen terrestre, lequel moyen permet d'éviter un sérieux contrôle (puisque les relations entre Prima et Clovanie sont cordiales). Une fois passée la frontière, le visa est détruit et l'arrivé en Carnaval se fait par taxi.

La sœur se fait déposer dans un quartier convenablement pourri (pas assez pourri cependant pour que ça devienne l'enfer, mais tout de même suffisamment pour que ce soit discret). Elle se fait embaucher dans une entreprise de soin à la personne (elle est vraiment infirmière), et loue une piaule sûre à l’hôtel le temps pour elle d'acheter une maison quelconque et discrète qu'elle sécurisa à fond et dont laquelle elle entreprendra d'installer un salle dissimulée dans une partie du sous-sol pour y ménager une planque à arme ainsi qu'un lit et de la nourriture pour accueillir une sœur conventuelle de passage.

Tout cela se fera en un certain temps, mais l'action est avant tout une action furtive de préparation logistique et l'OMMAS ainsi que ses méthodes sont encore totalement inconnues.


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Sœur Marguerite
Converse de l'OMMAS
En sous marin en Carnavale
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Un nouvel établissement de nuit ouvre ses portes à Carnavale - Une nouvelle vie pour le croiseur loduarien Lorenzo Geraert-Wojtkowiak

croiseur loduarien rénové



Qui aurait pu imaginer l’incroyable seconde vie du croiseur loduarien, le Lorenzo Geraert-Wojtkowiak, après la Bataille du détroit de Leucytalée, fleuron de la marine communiste de la Loduarie, l'orgueil et la fierté de son leader suprême, au point que ce dernier lui avait accordé son propre patronyme en guise de nom de baptême transformé en…établissement de nuit !
D’aucuns se délecterait à la vue de la réaction du dictateur rouge voyant son magnifique navire amiral exhibant ses canons et ses armes, devenu un club de divertissements et autre antre des plaisirs ?

Que voilà une bien curieuse histoire, pour cet imposant navire de guerre, mortellement blessé, à moitié coulé, portant les balafres et les impacts d’une violente bataille navale, mais dont la structure et l’armature avait suffisamment résisté pour permettre au bâtiment de continuer à flotter. L’épave avait alors été remorquée par l’UP Navy, jusqu’aux chantiers navals de Wälfjørd de la Freyå Grupp Corporation afin d’y être désarmé et finalement recyclé. Enfin c’était le plan initial

C’est alors qu’un homme d’affaires avisé originaire de Brügge, capitale de la Nouvelle-Makt eu une idée de génie, celle de convertir ce fantastique monstre de fer et d’acier en un établissement de divertissement. N’y a t il pas idée plus révolutionnaire que celle de transformer un symbole du communisme en machine à cash ? Et bien ce pari insensé semble avoir séduit des responsables du Département d’Etat Fédéral à la Défense, qui y ont aussi vu un opportunité de faire rentrer une coquette somme de monnaie sonnante et trébuchante directement dans le budget, ne serait-ce que pour alléger les frais engendrés par cette coûteuse opération. La boucle était bouclée.



edmond de montarpin

Pour 2 millions de Dråkks ₭, l’affaire fut pliée, et Edmond De Montarpin fut l’heureux propriétaire d’une épave du communisme, ce dont certains pourraient parler d’euphémisme.
Mais Edmond de Montarpin, n’était pas seulement un homme d’affaires Lofotène avisé. La famille des Montarpin détient et administre plusieurs casinos, bars et restaurants au sein de la capitale et de son fameux quartier des spectacles, le Golden Square, ainsi que de très nombreux actifs immobiliers, que les De Montarpin avaient fait fructifier au fil des générations.
Mais Edmond ne s’était pas arrêté comme ses parents aux frontières des Provinces-Unies, le cinquantenaire avait également quelques entrées parmi les grandes familles aristocratiques carnavalaises, proches de la famille des Castelage à qui il avait fait part de son projet fou de convertir une idole de militarisme et d’austérité ultime en lieu de débauche et d’amusement. Une sorte de comble de l’ironie. Et voilà que l’occasion se présentait.
Après quelques graissages de pattes, des accords et transactions fort douteuses, et une expropriation inexplicable de terrains et bâtiments à proximité des quais de Carnavale, et boom, l’épave du Lorenzo Geraert-Wojtkowiak projetait sa silhouette sur les maisons et immeubles environnants.
Quelques mois de travaux de restauration furent nécessaires pour remettre d'aplomb le gros bâteau, le rendre attrayant.
Le croiseur loduarien fut restauré, on prit soin de le repeindre afin d’effacer les stigmates et traces de son tumultueux passé. Si l’extérieur subit un très basique et simple toilettage, l'intérieur en revanche, fut totalement ré-aménagé et remanié.

Le résultat fut incroyable et Edmond de Montarpin put annoncer en grande pompe l’inauguration d’un nouveau cabaret dans les quartiers dits populaires de Carnavale, et qui porterait le doux nom de Lorenzo Geraert Klub, et qui se voulait être un lieu d’amusement de détente et de plaisir, non réservé à la seule aristocratie mais accessible à la classe moyenne. Si la haute noblesse carnavalaise évitait, du moins officiellement, ce genre d’endroit, il n’était pas rare de voir s’encanailler quelques dandys et autres bourgeois aux manières bien trop aristocrates pour être honnête. Mais ce n’était pas qu’un un temple de la luxure, comme l’on peut en trouver légion dans les quartiers chauds du Golden Square de Pembertøn, mais un music-hall où se produisaient des artistes locaux et des groupes musicaux divers et variés, souvent issus de la scène alternative, ceux à qui l’entrée des grands établissement de bonne réputation ou des salles de concerts privées leur était refusée.


symbole des années rugissantes

Mais pour la soirée inaugurale, Edmond De Montarpin avait tout spécialement choisi le thème directeur, cela serait les fameuses Années Rugissantes, cette période d'intense activité sociale, culturelle et artistique, synonyme d’insouciance et de fête perpétuelle , qui avait caractérisé les Provinces-Unies entre 1900 et 1920, avant la période dite du Grand Repli. Les Années Rugissantes sont très populaires aux Provinces-Unies, un engouement prononcé qui ne se dément pas, empreint de nostalgie pour une époque débridée qui avait profondément transformé le modèle sociétal des Provinces-Unies, et fait entrer le pays en tête des nations figures de proue du progressisme.
A cette occasion, une partie de la classe moyenne supérieure, la petite bourgeoisie Carnavalaise, et bien entendu les touristes lofotènes, présents en grand nombre et qui avaient acheté leur billets sur internet, se pressaient sur le pont supérieur du Croiseur Loduarien, illuminé par les feux d’artifices lancés depuis la passerelle pour accéder à la salle principale.
La noblesse elle, le bonne société issue de l'aristocratie carnavalaise n’étaient pas de la partie et avaient boudé l'évènement, par snobisme bien sûr, mais également probablement par une forme d'anxiété sociale, le cabaret n’étant pas situé dans un quartier chic et huppé, sans être non plus dans les bas-fonds de la ville.

Le propriétaire était là pour accueillir en personne chacun de ses invités de marque, la plupart des petits notables et quelques personnalités locales. Des journalistes étrangers pour couvrir l'événement, un attaché consulaire de l’ambassade des Provinces-Unies, un homme d’affaires carnavalais bien connu des réseaux locaux de contrebande et de proxénétisme…que du beau monde en soi.

Un conseiller municipal de quartier, Jean-Charles Pigeonneau, en tenue de smoking, se réjouissait d’un nouveau venu dans le monde de la nuit :


“Ah ca remets du piquant dans la vie, cela donne un peu plus de bonheur dans la vie de ces rotur…personnes en situation de richesse précaire…dans notre quartier qui n’a pas toujours connu des jours faciles mais qui attire toujours autant les investisseurs” témoigna t il en tentant maladroitement d’essuyer avec ses doigts des résidus de poudre blanche qui émanaient encore de ses voies nasales….
“Sniiffff, quoi…pardon…de la drogue ?Que nenni… non, pas de ça chez nous, jamais …bon des fois cela arrive vous savez, je ne vous cache pas qu’entre nous, hein une ou deux lignes, ca n’a jamais fait de mal…mais attention hein, la prévention et l’hygiène d’abord. On se lave toujours les mains avant et après, et surtout on ne prête pas sa paille au voisin. C’est comme sa brosse à dent….”


On prétendit même également apercevoir parmi les nombreux clients se bousculant à l’ouverture du club quelques figures bien connues de la pègre locale, dont certains voulaient probablement prélever au passage leur dîme, un impôt juste pour qui souhaitait avoir un commerce pignon sur rue à Carnavale. Toutefois rien ne se faisait dans la sombre et bouillonnante métropole sans que les oligarchies régnantes ne soient au courant et ne l’y autorisent. Les Dayloha, les Castelage et les Oberons, avaient dû officieusement apposer leur sceau, sans quoi le croiseur loduarien aurait fini en pièces détachées dans les nombreuses décharges avoisinantes. Et cela eut été fort dommage.

devanture du Lorenzo Klub

“ Bienvenue au Lorenzo-Geraert Klub ! Entrez donc dans l’antichambre de ce que le socialisme a de plus malsain et que nous avons converti en pur bonheur ! “ tels étaient les slogans avec lesquels les clients étaient accueillis.
La devise même du club :
“ Qui mieux que des capitalistes pour rendre le communisme fun et excitant” trônait au -dessus de la devanture de la passerelle qui menait des quais au pont inférieur du croiseur. L’image publicitaire était explicite, autour du drapeau loduarien flanqué d'une croix noire en son centre pour masquer la faucille et le marteau, emblème de l’idéologie collectiviste, se trouvaient deux meneuses de revue en tenue vestimentaire volontairement provocatrice.
L’uniforme auxiliaire féminin du soldat soviétique revisité à la sauce lofotène, en cuir noir et en dentelles rouge, nul doute que cela émoustillerait même le plus austère et froid des maniaques de la faucille. Voilà qui plaisait de par son anti conformisme un brin...révolutionnaire afin de bousculer le bon goût bourgeois et de choquer la ménagère moyenne.

Mais s’il y a bien une caractéristique qui réunit clairement les deux nations capitalistes que sont le Lofoten et Carnavale, c’est un certain goût immodéré pour la provocation et la subversion, et surtout l’humour et l’impertinence libertine, qui sont bien deux choses inexistantes dans les nations socialistes, oscillant entre rigorisme moral et ascétisme matériel.


“ Si vous ne pouvez pas aller en Loduarie, alors c’est la Loduarie qui viendra à vous, “
scandait les danseuses en tenue légère qui distribuaient des flyers aux badauds et aux potentiels clients.

“L’opportunité unique de visiter Lorenzo de l’intérieur Mesdames ! “


ou encore

“On peut toujours tirer quelque chose des épaves communistes, et on ne parle pas seulement des navires !”

Cette dernière faisait bien rire les gens

Quoiqu’il en soit, Edmond de Montarpin était très fier du réaménagement de l’intérieur du navire de guerre loduarien. Les coursives avait été re-décorées avec de la tapisserie rouge bordeaux, et les barrières de maintien avaient été repeintes et redorées, le dépôt de munitions avait été reconvertie en vestiaires, celui des officiers en salle de réception privé, et la grand réfectoire principal, qui était par ailleurs la plus grand pièce en terme de volume et d’espace au sol du navire. Au-dessus de l’endroit où mangeaient assidûment les marins loduariens en grandes tablées, trônait un énorme portrait en majesté accrochée en bonne place probablement destiné à surveiller de son regard implacable les militaires loduariens. Si le portrait pouvait parler il aurait certainement dit :


“Méfiez vous le grand leader vous observe”.

portrait du leader communiste Lorenzo

Mais aujourd’hui, le portrait était beaucoup moins menaçant, devenu un support d’expression artistique afin de laisser aux invités la liberté d'exprimer la fibre créatrice qui était en eux : graffitis, tags, recouvraient le portrait. Pire, ce dernier servait occasionnellement de cible pour les fléchettes.

“Plantez votre javelot de la liberté directement dans l'œil du leader suprême de la Loduarie et gagnez une consommation gratuite “ était affiché au-dessus du portrait. D’autres accessoires également se trouvaient parfois négligemment suspendus au portrait du dirigeant, et on se demandait bien vraiment comment ils avaient pu atterrir là, mais souhaitaient t on réellement le savoir ?
Le dictateur soviétique ne faisait plus peur et était devenu un objet de raillerie et de moquerie, tant l'orgueil, l'arrogance et l'égocentrisme excessif du dirigeant loduarien frôlait le ridicule et l’absurdité absolue.



Dans la nouvelle grande salle de bal, orchestres, DJ et platines avaient été installés, ainsi qu’une immense piste de danse. Au menu, meneuses de revues de toute origine, spécialistes du Charleston, et d’autres danses probablement considérées comme interdites et offensantes dans la plupart des pays extrémistes et intégristes, comme le Lindy Hop, le Lofoten Cancan, et d’autres danses beaucoup plus suggestive telles que le Bunga Bunga et le Tango Alguarenos.

Grand Hall d'entrée du lorenzo Klub2

Un immense escalier qui permettait également de rejoindre le pont supérieur, avait été restauré, et on avait pris soin de préserver les symboles communistes, pour mieux les railler et les détourner. Une immense verrière avait été installée permettant aux invités d'admirer les feux d’artifices tirés depuis la passerelle de commandement, tandis qu’au pied du grand escalier, un bassin avec une fontaine à champagne avait été aménagé.
Bon, ce n’était pas vraiment du champagne, plutôt du mousseux mais l’effet waouh était le même.

Dans une ambiance surréaliste et survoltée, les invités et clients dansaient, consommant de l’alcool à outrance, bref, faisant tout ce qu’il était interdit de faire au pays de Lorenzo : s’amuser et profiter de la vie. Paillettes, cotillons, danses endiablées, dans ce microcosme de la débauche et du divertissement. La décoration elle-même semblait en décalage absolue avec le reste du monde, à savoir des drapeaux lofotèns flottant aux côtés de drapeaux loduariens, tandis que partout ailleurs que les deux nations ennemies s’affrontaient.
Les emblèmes communistes, les faucilles et les marteaux que les Loduariens avaient ostensiblement affiché partout et dans tous les coins et recoins du navire, étaient détournés, servant de patères, de porte-manteaux, de bougeoirs, et certains même tentaient de les décrocher comme pour ramener un souvenir ou un trophée pour pouvoir dire fièrement :
“Regardez, j’ai un petit morceau du croiseur loduarien , cela fera déco au dessus de l’écran plat”


la fontaine du Lorenzo Klub

Dans tous les cas, c’était une véritable success story, le Lorenzo Geraert Klub faisant salle comble tous les soirs même si Edmond de Montarpin aurait souhaité attirer une clientèle plus aisée et éminemment plus dépensière. Si l'alcool de contrebande et la drogue n'apportaient pas de substantielles liquidités dans la trésorerie, nul doute que le croiseur aurait cette fois ci bel et bien coulé...financièrement parlant.

Mais la société carnavalaise étant ce qu’elle est, il y a toujours maints opportunités d’amasser des sommes d’argent facilement, de manière légale ou illégale, pour qui sait les saisir.
Malheureusement pour Edmond de Montarpin et en dépit de tous ses efforts, la haute aristocratie carnavalaise ne se trouva pas séduite par ce nouveau “bouge” aux relents socialistes. N’oublions pas qu’à Carnavale, le communisme est classé comme maladie mentale, nul doute que la noblesse préférait fuir ce lieu, davantage synonyme pour eux de foyer contagieux, plus que de lieu de divertissement.

Toujours est t-il que les soirées du Lorenzo Klub se terminaient presque toujours, tradition des fameuses nuits lofotènes oblige, en représentations plus intimes et coquines, dans les lumières tamisées d’un lupanar qui sentait encore la poudre et la vieux vestiaire, sous l’oeil toujours aussi déconcertant du dirigeant loduarien, de tous ces corps enlacés dans le stupre du capitalisme à la Carnavalaise….mais ceci chers amis est une autre histoire.


soirée masques
2507
PARDON ?

Tels fut le mot qui résonna dans tout le bureau du Secrétaire Général à Lyonnars.

Vous vous foutez de ma gueule, et je l'espère ! Comment se fait-il, que le navire qui aurait du faire la fierté de notre nation, a été transformé en lieu de la décadence capitaliste ? Comment se fait-il que le navire n'ai pas été auto-détruit par l'Amiral Ibranohv, comme je lui avait ordonné ?

Les deux agents visés par cette colère tentèrent de se justifier.

Camarade Secrétaire Général, nous ne faisons que vous apporter les nouvelles de Carnavale...
En effet, le croiseur lourd lance-missiles Amiral "Geraert-Wojtkowiak" a été détourné par la marine du Lofoten. Il a très certainement été renfloué et réparé. La zone d'auto-destruction elle-même compte de nombreuses réparations visibles. Nous ignorons pourquoi le navire est actuellement à Carnavale, mais nous pensons que l'argent du Lofoten a grandement contribué à ce que cela arrive.


Ils ne saventr pas ce qu'ils font. Rien que pour cette action, j'ai une forte envie d'envoyer balader toute possibilité de négociations avec ces nations et de raser la Youlèvie.

Camarde Secrétaire Général, je doute que cela soit une bonne idée...

Comment pouvez vous savoir ce qu'est une bonne idée en géopolitique ? Doit je vous rappeler que vous n'êtes qu'un simple agent de renseignement ?

Veuillez accepter mes excuses, camarade Secrétaire Général.

Soudain, l'autre agent eu une illumination.

Camarade Secrétaire Général, j'ai une idée.

Dites toujours, au point ou j'en suis...

L'apparition soudaine du navire à proximité de nos côtes est une bonne chose.
En décidant de placer le croiseur Loduarien proche de la Loduarie, les capitalistes font une erreur monumentale. Nous avons toutes les cartes en main pour agir, et pour récupérer notre navire Amiral.


Je reconnais en vous le génie Loduarien. Expliquez moi comment vous comptez procéder et nous verrons si nous pouvons organiser cela. Nous pourrons ainsi rendre hommages à nos nombreux morts, et prouver que la Loduarie n'est pas un pays que se laisse faire sans rien dire.

Voici ma proposition.
Pour commencer, nous devons nous assurer que la navire puisse encore se mouvoir. Nous aurions l'air bêtes si il ne peut plus se déplacer, n'es ce pas ?
Ensuite, nous devons corrompre une partie du personnel chargé de la maintenance. Ce navire est grand, et doit donc pouvoir être propre pour les bourgeois qui s'amusent dedans.
Ensuite, nous avons deux choix. Soit l'équipe corrompue fait partir le navire, soit des unités de forces spéciales se chargeront de le récupérer. A voir, de toute manière je pense que les otages que nous prendrons si nous réussissons auront un destin tragique.
De plus, je pense qu'il serait utile que nos batteries de missiles antinavires stationnées sur la côte soient activées et visent le navire, juste au cas où. Qu'en pensez vous ?


Vous êtes un agent talentueux, je m'en souviendrai. Maintenant partez tous les deux. J'ai un plan d'action à mettre en place.
2400
Allez hop, dépêchez vous !
Cette opération ne va se faire sans vous !


Le grondement des hélicoptères Loduariens faisait trembler la terre.
Marchant au pas, les parachutistes des forces spéciales Loduariennes montaient dans ces hélicoptères.

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La nuit tombait sur la base militaire navale de Port-Lodin. Une opération d'envergure se préparait, une opération qui pourrait faire changer la Loduarie toute entière.

Les hélicoptères, entièrement remplis par les forces spéciales Loduariennes, décolèrent, en direction de la mer. Ils furent rapidement rejoints par une dizaine d'autres hélicoptères, hélicoptères conçus pour le combat.

https://img.20mn.fr/JpR27gJ_TwO75i9Fi3HPjQ/1200x768_helicoptere-mi-8-armee-russe

Les soldats Loduariens purent apercevoir, en traversant la mer, les navires Loduariens qui se plaçaient en formation de combat.

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Opération Militaire Loduarienne a écrit :

La Nation Communiste de Loduarie, suite à la décision du Lofoten de vendre le navire Amiral "Geraert-Wojtkowiak" à un homme peu scrupuleux ayant fait le choix de transformer le navire en boîte de nuit, à décidé d'employer les gros moyens pour récupérer son navire, quoi qu'il en coûte.

Des parachutistes des forces spéciales Loduariennes sont déployés par hélicoptère. Elles seront largués au dessus du navire à chacune de ses extrémités. Leur objectif est de récupérer le navire sans perte civile, mais toute personne tentant de leur barer la route se prendra une balle ou deux.

Les forces spéciales Loduariennes ont pour ordre de sécuriser le navire, et une fois cette chose faite, des unités d'infanterie seront envoyés sur le navire par les airs et les mers.

La marine Loduarienne a pour ordre de sécuriser l'espace aérien. Toute opération aérienne en provenance de la Principauté de Carnavale sera ainsi interceptée, voir éliminé en cas d'hostilité de la part de la Principauté.

Les hélicoptères de transport Loduariens sont protégés par des hélicoptères de combat, qui pourront au besoin attaquer des cibles au sol.

Si besoin, la surface du navire pourra être attaqué par des armements lourds, tant que ceux-ci ne menacent pas l'intégrité du navire.

Soldats et matériels déployés :
  • 600 soldats professionnels
  • (50 parachutistes, 500 marins sur les navires, 50 pilotes/soldats à terre)
  • 600 armes légères d'infanterie de 5ème génération
  • 5 hélicoptère de transport moyen de 3ème génération
  • 10 hélicoptères d'attaque de 3ème génération
  • 10 hélicoptères légers polyvalents de première génération
  • 2 destroyeurs de première génération
  • 5 vedettes de 2nd génération
  • 5 chalands de débarquement de première génération
  • 5 missiles sol-mer de première génération
1806
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Une dizaine de soldats sortirent de l'hélicoptère militaire Loduarien. Ils n'étaient là que pour assurer un soutien armé en cas d'urgence, mais néanmoins ils prenaient tous leur mission bien au sérieux, malgré l'absence de menaces sur eux.

L'état-major Loduarien avait su négocier avec la Principauté de Carnavale, et suite à une négociation acharné, la Loduarie avait obtenu le droit de récupérer quelque chose qui comptait beaucoup pour elle : la récupération du Croiseur Loduarien "Amiral Geraert-Wojtkowiak". C'était une journée histoirique pour la Loduarie, encore une fois. Après avoir subit une défaite navale importante au Kronos Afaréen, la Loduarie avait perdu le fleuron de sa flotte de guerre, un croiseur lance-missiles lourd. Il s'agissait à l'époque du navire le plus puissant au monde, mais il n'avait pas su combattre l'ennemi qui s'était acharné sur lui. Après avoir été sauvé in-extremis de la "noyade" le croiseur avait été remorqué jusqu'au Lofoten, où il avait été désarmé, et racheté par un grand entrepreneur Lofotens. Mais celui-ci, dans sa grande opulence, avait fait une erreur monumentale : il avait décidé de placer le navire tout fraîchement transformé en boîte de nuit dans l'espace maritime de la Principauté de Carnavale. La Loduarie avait donc vu une importante opportunité : récupérer son navire. Et cela s'était réalisé, après maintes négociations avec la Principauté de Carnavale.

https://encrypted-tbn0.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcQ1wqHwET3DmApFqBBYzNFOmeDm9F6y3bA2Bw&usqp=CAU

Le navire en lui-même était dans un état de délabrement avancé, malgré les réparations qui lui avait étés prodigués. Mais cependant, il était encore globalement fonctionnel au niveau de ses moteurs, et après beaucoup de mal, les techniciens Loduariens finirent par le faire démarrer. Il reparti en direction de la Loduarie, sous bonne garde, en adressant un dernier au-revoir à Carnavale. Il fallait bien remercier ceux qui vous avaient accueillit avant de partir, pas vrai ?
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Les gardes mutés dans la Citadelle, à Carnavale, y arrivaient souvent dans un état d’esprit particulier, qui n’était pas si éloigné de la paranoïa latente propre à la culture de la métropole, le confort de la maison en moins. C’est que la ville avait sa réputation, méritée au demeurant, et que la Citadelle, bien qu’elle ait réussie à éviter toute forme de contamination de la cité sur son fonctionnement, restait l’îlot de civilisation le plus exposé à ses déviances. On arrivait à Carnavale comme on arrivait au bagne, et on savait qu’on y passerait sans doute un très mauvais moment.

Pour les officiers en charge du lieu, cela soulevait une question importante : celle du moral des troupes. Qu’il fallait confronter à celle non-moins importante de leur expertise. Les forces de la Garde postées dans la Citadelle développaient progressivement une méthode, voyez-vous. Une habitude du climat local, et les exercices navals qu’organisait continuellement l’amirauté dans la Mer des Empires assuraient à une partie des troupes en faction un changement d’air des plus sains. Pour le reste, il fallait compter sur le risque de la morosité. On ne pouvait pas vraiment aller en ville, car elle était dangereuse. On ne pouvait pas vraiment prendre l’air sur la surface de l’île artificielle, car l’air y était profondément toxique. On pouvait rester là, se terrer, attendre.

La solution avait d’abord été d’organiser un roulement régulier des troupes en faction. Plus régulier, au moins, que ce qui était normalement prévu par le fonctionnement de la garde communale. La solution s’avéra coûteuse et contre-productive. Malgré tout le professionnalisme des troupes, l’endroit était tel qu’il fallait, pour les pousser à faire un bon travail et éviter qu’elles ne vivent leur passage sur la Citadelle comme un genre de punition sordide, leur donner une vraie mission, ce qui signifiait, dans l’esprit général, les envoyer là-bas pour une période conventionnelle de temps. Reconnaître l’aspect particulier de la situation en écourtant leur séjour revenait à donner un aval officiel à des sentiments que l’on cherchait au contraire à faire disparaître.

Le contre-amiral Presley, qu’on avait réélu à la gestion de la citadelle une fois sont mandats de gestion durant les travaux terminés, avait finalement cherché des exemples préexistant de société s’organisant dans une vie troglodyte du fait d’un extérieur trop agressif. Bien-entendu les conditions particulières de Carnavale, la pollution chimique totale et absolue, l’utlra-violence faite fait culturel des autochtones, n’avait pas d’égale. Mais on pouvait trouver quelques parallèles. Son premier réflexe avait été de s’intéresser aux tributs autochtones de l’Antarctique, avant de se rendre compte que la comparaison avait assez peu de sens : ceux-là habitaient la région et leurs failles thermiques sans se poser de question. C’était simplement chez eux. Une comparaison beaucoup plus apte pouvait être faite avec les communistes pharois, ceux qui habitaient ces stations au nord. On ne pouvait pas non-plus sortir à la surface de leurs bunkers sous peine d’affronter le froid du cercle arctique. Ils suivaient une forme d’organisation profondément militante et militaire, au même titre que la garde. Enfin, s’ils n’avaient pas Pandemonium à leurs portes, ils faisaient face, en un sens, à la fin du monde. Après eux, le déluge. Quant à la Citadelle, elle lui faisait face, attentive, le remerciant poliment d’approuver son installation dans la région. Trop aimable, monsieur, mes remerciements sincères.

Il s’inspira donc des stations nord. Déléguant quelques-uns de ses hommes à Axis Mundis pour convaincre le Directoire de la Garde d’étudier la question et d’envoyer quelques représentants dans les installations des nébuleux eurycommunistes pharois. Ce fut l’affaire de quelques mois, mais on obtint effectivement quelques résultats probants et Presley, qui s’était plongé dans des livres de médecine et de sociologie pour tuer le temps d’une part, et essayer d’obtenir une meilleure compréhension de la situation régionale de l’autre, put organiser la transformation de la citadelle. Il ne voulait plus qu’elle devienne un genre de passage obligé, de point faible du moral de la Garde, que l’on conservait afin de pouvoir déployer une flotte dans la région. Il ne voulait plus qu’elle soit, en quelque sorte, une prison où les intérêts de la Flotte maintenaient des gardes en otage. Il voulait créer un genre de mythe. Une culture commune. Qui pourrait déboucher sur une fierté pour ses effectifs. An tant qu’officier supérieur il n’était pas muté tous les X mois. Il restait ici constamment. Il avait eu le temps d’observer la société de la Citadelle se former. Restait à lui faire comprendre qu’elle existait, et à faire de cette existence quelque-chose de relativement confortable.

Cette étape, au moins, n’avait pas été des plus compliquées. Et l’extension continuelle de la citadelle avait amené à l’édification d’une petite ville kah-tanaise dans les bunkers. On importait massivement des alcools et des mets, on faisait venir des livres et des ordinateurs, il y avait des chambres, des zones dédiées à l’accueil de civils étrangers ou de pourvoyeurs de service carnavalais. Comme le soleil était inaccessible pour toutes les raisons que l’on connaît, on avait fait ouvrir des solariums sous verrière ou puits de lumière, et importer des caissons à UV. Dans l’ensemble le moral s’améliore progressivement, d’autant plus que l’on créa un genre de contrat spécial permettant aux gardes en faction d’obtenir plus de temps libre quotidien en échange d’un séjour prolongé au sein de la Citadelle. Dans un ordre d’idée assez comparable, on avait décidé de financer une partie du développement de la citadelle par mise en location de certaines de ses cales sèches, alors dédiées aux vaisseaux de la marine kah-tanaise. Maintenant des navires étrangers pouvaient profiter de réparations ou de modernisations kah-tanaise. Tout c’était fait dans le plus pur respect des lois carnavalaise, on voulait que les hôtes kah-tanais trouvent leur présence non-pas rentable, mais appréciable.

La question de la culture propre à la citadelle, elle, se régla d’abord de manière organique - des chants, des jeux, des méthodes propres à celles et ceux déployés dans la fortification émergèrent naturellement, par la grâce de l’autarcie et de l’éloignement géographique. Pour le reste on développa un discours officiel, expliquant aux hommes et femmes qu’ils n’étaient pas dans n’importe quelle base, mais dans la base avancée du Grand Kah face à l’un des points les plus chauds de la planète. Rapidement, la base se dota de terrains d’entraînement, et les gardes - dont on supposait qu’ils n’auraient pas à défendre les lieux avant encore longtemps, la situation étant relativement pacifiée dans la zone et Carnavale ayant une tendance louable à protéger ses eux - furent soumis à un régime d’entraînement d’élite. Celui-là était réservé aux volontaires, qui se firent rapidement très nombreux de telle façon que les gardes déployés dans la région obtinrent une réputation certaine auprès de ceux de la métropole. Avec les mois puis les années, on se mit à considérer que la Citadelle n’était pas qu’une base lointaine et étrange, isolée dans une région hostile et à proximité d’une zone où il faudrait bien finir par intervenir. Non. Elle était le centre de formation d’une élite, d’une force d’intervention capable et expérimentée. Les décideurs de la Flotte virent aussi cette évolution d’un bon œil, et demandèrent bien vite à ce que des exercices interarmes soient organisés. Tous, ici, se préparaient à la possibilité d’une guerre d’invasion.

C’est que l’hypothèse, si on la considérait en toute sincérité des plus improbables, n’en restait pas moins valide à bien des points de vue. Notamment celui de l’actualité dans quelques-unes des régions où le Grand Kah avait déployé ses intérêts et ses forces armées. N’avait-on pas, par deux fois, contré militairement la Loduarie alors que celle-là tentait d’interférer avec la démocratisation de régions fraîchement décolonisée ? Et combien de temps faudrait-il à son maniaque de dictateur pour prendre la mouche ? Pour considérer la tutelle du Grand Frère kah-tanais encombrante ? S’il y en avait bien un qui refuserait jusqu’au bout de comprendre que le socialisme serait une Roue, ou serait noyé dans son sang, c’était bien lui. Et lui, lui... Pour le moment il n’avait pas réagi de façon trop inconsidérée. C’était étrange, d’aucuns diraient que c’était, en conséquence, très, très inquiétant. On commençait à croire qu’il faudrait, un jour, et bien malheureusement, débarquer dans le golfe des empires, et éliminer le régime Lorenzo.

Enfin ça, c’était pour les hommes. Les officiers, eux, étaient très satisfaits de faire comme si ces crises géopolitiques étaient parfaitement circonscrites à leurs régions. Pourquoi envahir la Loduarie, alliée objective de la lutte contre le grand capital et excellent client pour les industries d’armement kah-tanaise ? N’y avait-il pas mieux à faire ? Par exemple, ne se trouvait-il pas au sein de cette même mer intérieure quelques puissances réactionnaires qu’il faudrait impérativement calmer ? C’était même la raison officieuse des exercices de la flotte : on considérait fort improbable que l’ONC ne pousse l’Union à une situation de guerre totale. Le Liberalintern comme ses rivaux aimaient travailler progressivement, sans mettre en danger leurs intérêts nationaux. Il faudrait une logique d’idéologie pure et arriérée pour risquer la guerre totale. Une logique que seuls des réactionnaires arriérés tels que ceux de l’UMT ne suivaient encore. Alors si officiellement les exercices de la flotte ne servaient à rien d’autre que maintenir la qualité de la troupe kah-tanaise, officieusement, on se préparait à débarquer sur des plages Clovanienens, à faire céder le régime sous la force mécanique d’une armée de métier capable et technologiquement en avance. Un avantage qui s’épuiserait avec le temps, on le savait, et on le savait si bien que cela provoquait même un certain empressement chez les plus faucons des officiers. Ne faudrait-il pas régler la question maintenant ? Préventivement ?

C’était l’autre face de la situation : la citadelle, cultivant son élitisme et l’unicité de sa situation, devenait aussi un repaire d’interventionnistes : on ne prépare pas des outils de mort "au cas où", si ? Pas selon les outils de mort eux-mêmes, en tout cas.

En tout cas, à tout point de vue, la mission que s’était donné Presley était accomplie.
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La cabine qui servait de bureau au contre-amiral Presley était plutôt confortable et bien aménagée. La Royale, comme on surnommait la marine de l’Union, avait gardée de l’époque des grands navires un goût certain pour le confort de ses officiers, et ceux-là ne s’en plaignaient pas, ou très marginalement. Presley n’était pas de ces derniers. Pas de ces idéologues du Kah qui considérait d’un mauvais œil toute distinction entre deux rôles au sein d’une même institution. Il ne critiquait pas non-plus ceux qui l’étaient, vraiment. Après tout ceux-là avaient une interprétation tout à fait juste de la doctrine de la Roue, et de l’égalité de traitement qu’elle exigeait des hommes et de leurs officiers. Seulement Presley savait aussi qu’il avait été nommé à son poste après des élections, et que parmi ceux qu’il dirigeait aujourd’hui, certains prouveraient, lors d’examens internes ou au cours de formations volontaires qu’ils avaient leur place dans le corps des officiers, d’où ils pourraient un jour finir, comme lui, avec leur propre bureau et une garnison à gérer. Le fait est qu’il se satisfaisait pour sa part de cette égalité des chances et des traitements, fut-elle mitigée par une inégalité des dotations. Au moins, au-delà de cet espace de travail plus confortable, il avait un salaire citoyen radicalement similaire à celui de ses hommes. Salaire qui avait quelque-peu baissé, de ce qu’il avait constaté, avec la crise qui sévissait à la maison, quoi que cela ne changea rien à sa dotation de base. L’Union, pensait-il, survivrait à un sevrage de produits de luxe. Lui-même pourrait faire sans, même s’il ne niait pas les apprécier.

Son bureau exemplifiait bien ce goût : les meubles étaient d’un bois sombre et de bonne qualité, il y avait un petit espace salon occupé par des fauteuils confortables et un meuble où l’on pouvait faire chauffer de l’eau, ses médailles et un drapeau replié étaient bien en vue sur une commode où il rangeait des documents et, petite marque plus personnelle, des poissons empaillés trônaient triomphalement dans des cubes de résine. Ceux pêchés à Carnavale étaient particulièrement remarquables du fait de leurs malformations. Des petits monstres qu’il renvoyait en Métropole, à des amis du Commissariat, lorsqu’il en pêchait à nouveau. Ces "résines Presley", comme on s’amusait à les appeler, faisaient forte impression au Grand Kah, où l’on avait pas exactement l’habitude de voir de telle horreurs. Lui y trouvait pour intérêt évident de débarrasser son bureau et de faire de la place pour de nouvelles prises.

Il s’appuyait justement sur l’une d’entre-t-elle, combiné téléphonique plaqué sur l’oreille, attendant patiemment que l’officier de liaison en charge de l’appel ne lui assure que tout était en règles point de vu chiffrement de l’appel. Après un moment de silence ponctuellement entrecoupé par le bruit d’un clavier et des "hm" approbateurs, la voix claire du jeune technicien lui parvint.

C’est bon citoyen. Liaison avec Axis Mundis établie.

Merci.

Il approcha de son bureau et se racla la gorge, parlant d’une voix claire.

Passage en mode haut parleur.

Un accusé réception résonna dans la pièce sous la forme d’un court jingle, et le contre-amiral acquiesça, toujours aussi impressionné par les miracles de la technologie. Quand il avait commencé sa carrière, dans les années 90, on utilisait encore des appareils filaires. Tout ce qui passait par les satellites était hors de question – le coup d’État n’en avait pas laissé un seul opérationnel – et l’informatique était globalement considéré comme encore trop balbutiant pour être pleinement utile, malgré les très impressionnants crédits alloués chaque année à la recherche. Politiquement parlant, Presley se rapprochait un peu du club Technocratie Inc en ça qu’il regardait toujours la technologie avec cet espoir rêveur, en retard d’une génération, peut-être.

Atl, tu m’entends ?

La voix du citoyen-général Atl Mikami résonna.

Bonjour Douglas. Comment vas-tu ?

Pendant presque dix ans, Atl avait été l’officier le plus gradé de ce qu’il restait de l’armée kah-tanaise, soit les dix mille hommes de la Garde d’Axis Mundis, seul élément qui avait survécu à la guerre civile sans être dissous, et qui avait servi de base à la reconstruction du dispositif militaire de l’Union. Maintenant qu’il n’était plus qu’un haut gradé parmi d’autre, le général Mikami semblait beaucoup plus calme. Douglas Presley, pour sa part, n’avait que du respect pour cet honorable vieil homme, dont les fonctions étaient de moins en moins stratégiques et de plus en plus administratives. Le directoire s’assurait de charger la liaison entre les cellules de la garde communale et la Confédération. Ce n’étaient que des ambassadeurs militaires, en temps de paix. Un poste qui allait très bien au trio de vieillards composant l’institution, bien qu’on savait qu’ils seraient bientôt remplacés par quelques figures plus jeunes. Plus aptes à mener un conflit réel.

Presley contint un sourire contrit – ce qui était inutile puisque personne ne pouvait le voir – et s’approcha de la cuisinière pour y disposer une coupelle, une tasse, une bouilloire et une boite de thé vert sortie d’un placard dédié.

Je vais bien, Alt. Je n’ai toujours pas le mal du pays, comme tu peux le constater.

C’est bien. Tu es en train de faire chauffer de l’eau, je crois ?

Il acquiesça. En fait à ce stade il remplissait simplement sa bouilloire. Il alluma le feu, la mis en chauffe, se rapprocha de son bureau.

Tu sais, tu devrais vraiment faire remplacer ces plaques au gaz. Déjà c’est du gâchis, logistiquement, et ensuite je suis sûre que ça finira par te tuer.

Nous sommes dans une installation militaire. Ce n’est pas comme si on lésinait sur l’entretien.

Tout de même, avec une plaque à induction...

Il soupira.

Bon peu importe. Que me vaut cet appel ?

Eh bien je me disais : les choses commencent à être tendue, pour le Grand Kah. Oui ? Et je ne suis plus passé dans les bureaux du Commissariat depuis quelques années maintenant. Ma position à Carnavale est du genre statique.

Il entendit un souffle amusé sortir des haut-parleurs.

Tu veux prendre la température d’Axis Mundis ?

Presley acquiesça, tout en sachant que c’était inutile.

C’est difficile à faire, à dix mille kilomètres de distance. Et les gardes de la Citadelle, Atl... Je ne sais pas si c’est le cas ailleurs, mis ils sont à cran.

Cette fois encore, le général ne répondit pas directement. Il se passa quelques secondes de silence.

Je vois.

Puis encore, pour lui-même.

Je vois. Écoutes, je ne vais pas te mentir, la situation est compliquée. Déjà il y a la crise, tout le monde se demande ce que vont faire les Pharois. C’est...

Oui, j’imagine.

Ils nous ont assurés que ça ne changerait rien à nos accords. Les pirates sont étonnamment accommodants avec les gens du Comité.

C’est rassurant.

Mais pas assez pour certaines communes. Surtout que la crise économique a foutu pas mal de monde en colère. Après les citoyens... Les citoyens ne meurent pas de faim. Nous n’en sommes pas là. Enfin tu lis la presse comme tout le monde, je suppose. Mais ça a fait fermer pas mal de laboratoires, d’université. Sans parler des chantiers militaires.

Ils se disent que c’est de la faute du Pharois, c’est ça ?

Certains au Commissariat au commerce extérieur trouvent que c’est très arrangeant de le dire. En effet.

Presley soupira à son tour. Puis, comme la bouilloire commencer à siffler, il s’éloigna de son bureau et servit l’eau, précautionneusement. Atl continuait d’un ton neutre.

Le commerce extérieur sent qu’on va leur faire payer la situation d’une manière ou d’une autre. Il se débat un peu avant la fin, c’est tout. Mais les nationalistes peuvent reprendre ça à leur avantage. Tu as lu le dernier édito des sectionnels ?

Non. Ces fascistes me dégoûtent.

Il reposa la bouilloire en grimaçant, puis apporta la tasse de thé sur sa coupelle jusqu’à son bureau, où il l’installa en fronçant les sourcils.

Ils continuent de grimper dans les sondages ?

La situation joue en leur faveur. Et ça c’est sans les affrontements. Le Mokhaï. La Chérchérie. C’est bon, notre belle garde à enfin goûtée au sang.

Il était temps.

Mais contre les Loduariens ? Je ne sais pas quoi en penser.

Que veux-tu que je te dise : c’était inévitable, non ? Il grimaça un peu, puis secoua la tête. Ils n’ont jamais été nos alliés à proprement dit. Sur tous les dossiers extérieurs qui ne concernent pas directement l’ONC, nos intérêts divergent.

Mais contre l’UMT, par exemple, ils pourraient être très utiles.

Ouais. On entraîne mes hommes à une intervention là-bas. Tu te rends compte ?

Je sais. J’ai signé les papiers autorisant ces exercices.

Il y eut un moment de flottement. Presley attendit, il tapotait machinalement le bureau du bout de ses doigts.

Sauf ton respect, je peux savoir à quoi ça rime ?

C’est préventif, officiellement. Dans les faits le Comité regarde l’émergence de l’UMT avec appréhension. Le fascisme est la conclusion naturelle du libéralisme, donc...

Une alliance avec l’ONC ? Peu probable. En plus ce ne sont pas des fascistes. C’est plus... Des...

Il hésita sur le mot à employer, et haussa simplement les épaules.

"Traditionalistes".

Facile à dire, vous avez une vue plongeante sur eux. Depuis le Paltoterra c’est loin, sauf si on parle de la Maronhi. Les nationaux socialistes. Eux pour le coup...

Sans doute. Mais diplomatiquement le courant passe bien, de ce que j’ai compris.

Il y a une raison pour laquelle on entraîne tes hommes à intervenir en Clovanie. Ceux du Grand Kah apprennent juste à tenir la position et à faire payer cher le passage de la frontière.

En attendant ce sont des troupes Loduariennes que nous trouvons sur notre passage.

C’est la petite subtilité.

La lassitude s’entendait dans la voix du général.

Les loduariens sont interventionnistes, et occupent plus ou moins le même créneau politique que nous. C’est la sempiternelle bataille pour l’âme de la gauche. Là où c’est intéressant c’est que cette bataille est très cloisonnée dans l’esprit d’Axis Mundis. Ils considèrent toujours la Loduarie comme un régime utile, voir ami selon à qui tu demandes. Comme s’il ne se passait rien en Eurysie et au Nazum.

Tant mieux je suppose. Mais un peu présomptueux tant qu’on ne sait pas si le régime Loduarien nous considère de la même manière.

Le régime est violent mais pas aussi stupide qu’on veut bien le croire. Ils savent que nous sommes des alliés objectifs... Sur certains points. Ils savent aussi qu’en cas de confrontation directe il n’y aura plus de Loduarie à proprement dite.

Je ne suis pas sûr que ça soit leur façon d’exprimer ça, si tu venais à leur poser la question.

Ce n’est pas le sujet. Le gouvernement Loduarien sait probablement qu’il ne peut pas escalader ces conflits locaux au-delà de l’échelle locale. Après il peut se sentir de plus en plus acculé. De toute façon ce n’est pas comme s’il évoluait dans la bonne direction, n’est-ce pas ?

Non. Non, ça Atl, je te le concède.

Il avala une courte gorgée de thé. L’eau était brûlante. Il repensa à cette étude, qui faisait un lien directe entre cancer de la gorge et consommation de thé trop chaud, et grimaça un peu. Il reposa la tasse et se redressa. De l’autre côté, Alt continuait d’un ton clair.

Leur dictateur est jeune. Trop pour qu’on compte sur une mort naturelle. Et je ne suis pas sûr que le régime puisse pondre quoi que ce soit de meilleurs s’il venait à disparaître. Non. Concernant la Loduarie, notre meilleure option est sans doute de rester prudent et de chercher à créer des liens. Il faut le voir comme un chien de garde, qu’on pourrait peut-être lâcher sur nos ennemis. A condition qu’ils aient appris de leurs erreurs, sinon ça sera du gâchis de moyens et de temps.

Un instant.

Quelque-chose dans la périphérie de son regard venait d’attirer le regard du contre-amiral. Il leva les yeux et se contourna son bureau pour s’approcher de la fenêtre, comme pour s’assurer qu’il ne devenait pas fou.

De la lumière.

Il plissa les yeux, et se mit une main au dessus des yeux. C’était bien de la lumière. Bien entendu il s’avait qu’à cette heure, cela ne pouvait pas être le soleil. En fait il venait même de se coucher. C’était donc nécessairement une explosion.

Le sang de Douglas Presley ne fit qu’un tour dans ses veines. Il avait soudain très froid, et une tempête d’idée vinrent à sa conscience avant d’être rejetées, les unes après les autres. Qu’était-ce ? Un accident industriel ? Pas au-dessus de la mer. Un retour des Loduariens ? Ils avaient déjà tenté, sans succès, d’intervenir à Carnavale. Sans doute pas. Il pivota vers le bureau.

Atl ? Je te rappelle.

Sa voix ne trahissait aucune émotion particulière. Il approcha du téléphone pour mettre fin à l’appel, et commença à taper le numéro interne de son second pour l’interroger quand on toqua à la porte.

Entrez !

Amiral.

L’officier qui venait de débarquer avait l’air inquiet, mais pas paniqué. Bon signe. Douglas laissa le téléphone et salua l’homme, lui faisant signe de parler.

Nous avons détecté des missiles partant de plusieurs sites Carnavalesques en direction de...

Il se tut, son regard se porta brièvement sur la tache de lumière qui continuait de s’étendre. Soudain, le son clair des détonations leur arriva enfin. Des déflagrations successives. Un grondement qui rappelait la foudre. Le contre-amiral acquiesça.

Qu’est-ce qu’il y a, là-bas ?

Rien. Enfin la mer, amiral.

Ah. Il hésita un instant. C’est peut-être un exercice, ou un test.

D’une telle ampleur ?

Tout est possible ici. Vérifiez qu’il n’y ait pas de déclarations diffusées sur ce qui passe pour un canal officiel dans cette ville.

Il regarda l’homme quitter son bureau, et se retourna vers la fenêtre, pensif. La lumière disparaissait progressivement, comme un nouveau couché de soleil. Quelque-chose, comme une neige rose, chimique, commençait à tomber sur l’océan.

Presley contint un soupir, et nota intérieurement de faire préparer une opération de décontamination chimique du pont de la Citadelle.

On était, vraiment, aux portes de l’enfer. Dans tous les sens possibles du terme. Mais ce n’était pas si grave, pensa-t-il avant d’attraper sa tasse de thé. Celle-là était maintenant à une température raisonnable, ce qui n’était pas pour lui déplaire. Il sourit.

On s’y faisait, à l’Eurysie.
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  • Étrange !
Malgré les calculs des économistes carnavalais, le PIB de la Clovanie s'avère supérieur à celui de la Principauté.
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6 mars 2012 - "L'avenir dissoluble", une oeuvre artistique réalisée par Amacia Dellariga, qui trolle la politique étrangère de la Principauté de Carnavale.


Roulau de papier toilette à l'effigie des lieux et emblèmes du Carnavale
Une artiste alguarena reproduit le territoire carnavalais à se partager sur du papier toilette, son roul… son oeuvre, se vend tout carré confondu 800 000 pesetas alguarenas, elle est baptisée “L’avenir dissoluble”


La Direction de la Banca Pasatiàs a fait suivre aux autorités alguarenas, des courriers de menaces terroristes en provenance de la Principauté carnavalesque carnavalaise et à l’encontre des populations civiles de la capitale alguarena. Des propos inacceptables et dangereux que les autorités fédérales ont déclaré condamner avec vigueur, déclenchant l’ire de la présidence fédérale, qui a déclaré avoir mobilisé des moyens conséquents pour répondre à la menace. Alignée sur la doctrine défensive contre la République kronienne, la présidence fédérale d’Alguarena n’exclut pas “une intervention armée décisive et foudroyante sur le territoire carnavalais si Carnavale pollue trop longtemps l’espace médiatique alguareno” de l’aveu même de Martha Fulton, conseillère fédérale aux affaires étrangères d’Alguarena.

Si la réaction de la classe politique alguarena était scrutée, et cantonnée à une certaine logique, eu égard à l’appétence carnavalaise pour exister autrement qu’au travers d’un schéma de réussite quelconque, qu’est l’économie et sa politique extérieure, d’autres figures de la société civile alguarena se sont engagées à leur manière, dans cette crise politique et l’émergence d’un terrorisme étatique.

Ainsi, il est permis de citer sur le sujet Amacia Dellariga, une artiste peintre et graphiste arcoane, ayant pris le parti de redessiner le territoire carnavalais, de ses possessions territoriales continentales à celles d’outre-mer. Avec une minutie et un soucis du détail qui font honneur à sa profession, la jeune femme a dépeint les contours territoriaux des provinces carnavalaises. Des territoires oui, mais aussi des bâtiments emblématiques du pays, à l’instar du bâtiment de la banque de Castelage. Des instants spécifiques et allégoriques de ce pays, détaillés sur un support auquel aucun autre artiste ne connaît son pareil : le rouleau de papier toilette.

Provocation bête et méchante ou réelle pensée artistique? L’artiste Dellariga nous a laissé un début de réponse par la dénomination même de l’oeuvre “l’Avenir dissoluble”.

“J’ai souhaité réaliser cette œuvre avec à l’esprit la volonté de la rendre très éphémère. Le Carnavale n’a jamais causé de tort à la Fédération d’Alguarena et en ce sens, il a pu se dessiner à l’image qu’il le souhaitait. Mais dans le cas où ce dernier viendrait à se mouiller dans un rapport de force face à une nation belligérante, il serait permis de voir qu’une éclaboussure, aussi minime soit-elle, aurait raison du Carnavale que nous connaissons. Le papier toilette, considérant cette vision et cette perspective artistique, est le support tout désigné pour mettre en relief cette figuration. Car le papier toilette mouillé ne redeviendra jamais du papier toilette, il est souillé et voué à la déchirure.

Certains personnages, grossiers je vous l’accorde, diront que j’ai peint mon œuvre sur du papier toilette pour permettre au plus grand nombre d’en acheter un morceau représentatif de Carnavale et de s’essuyer le séant avec. C'est techniquement possible de le faire, je vous le cache mais me prêter cette intention est injuste et vraiment faux, faussement vrai. C’est une perspective artistique qui prend considération de la matière de mon support pour mettre en perspective le caractère indécis, dissoluble et finalement éphémère, d’un fait contemporain paraissant au sein de l’espace médiatique…”

Vous l’aurez compris et au-delà des réactions politiques, c’est donc l’oeuvre d’Amacia Dellariga qui nourrit les lignes des maisons de journaux, plus encore après sa mise aux enchères jeudi dernier, pour la coquette somme de 800 000 pesetas alguarenas. Fait atypique et peu banal, l’oeuvre a pu être vendue en lot dans le cas où personne ne souhaitait acheter celle-ci complète. C’est ainsi que la vente aux enchères s’est soldée par un nombre de 47 acheteurs, dont les noms demeurent anonymes.

Vendus avec une moyenne de 4 000 pesetas alguarenas la feuille, les carrés de papier toilette se sont faits l’acquisition d’un grand nombre de fortunés et moins fortunés, pris d’une envie soudaine de vivre plus follement qu’à l’accoutumée. L’identité des acheteurs, bien que méconnus, laisse toutefois filtrer quelques légendes, comme celle d’un officier alguareno qui aurait fait l’acquisition de plusieurs carrés dudit rouleau, au cas où il devrait partir en opération extérieure là-bas avec “sa bite et son couteau”. Arguant que désormais, ce sera avec “bite, couteau et rouleau” !
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