17/05/2013
11:50:42
Index du forum Scène Internationale Diplomatie internationale

Sous le soleil de Merengrad (Lutharovie - Pharois Syndikaali)

2009
Sous le soleil de Merengrad

https://www.zupimages.net/up/21/21/m99s.jpg


La tradition l’obligeait, les Pharois étaient venus en bateau. Auraient-ils d’ailleurs souhaité faire autrement que cela aurait été impossible, ne disposant pas d’aviation militaire réellement efficace et de toute façon leurs navires diplomatiques étaient bien plus beaux que le premier coucou aérodynamique qu’on aurait pu affréter pour l’occasion. En plus, les avions ne permettaient pas de tirer des feux d’artifices pour prévenir de votre arrivée, ce qui était une composante importante de la tradition diplomatique du pays.

C’est donc escorté de ses navettes que le bateau pénétra ce matin-là dans le port de Merengrad. A son bord, une figure bien connue de la diplomatie pharoise : le Capitaine Mainio, bedonnant personnage souriant, toujours d’une familiarité exquise et homme de lettre ce qui ne l’empêchait pas de se balader partout avec son fusil mitrailleur dans le dos. Arme d’apparat à l’entendre, mais il avait tout de même fait installer un champ de tir dans la cour du ministère des Intérêts Internationaux du Pharois Syndikaali, ce que certains avaient pris comme un message à peine voilé adressé aux « glandeurs de l’administration » comme le ministre les qualifiait régulièrement.

C’est d’un pas ballotant qu’il franchit la courte passerelle séparant le navire du quais, embrassant le panorama d’un air absolument ravis.

- « Quelle merveille, quelle merveille que nous avons là ! Ah Merengrad, que n’as-tu été battie cent ans plus tôt pour que la poétesse Antulii te dédie l’un de ses chapitres dans son recueil Gloriole Architecture, quelle œuvre, quelle ville, quelle humanité... ! »

Il avait déclaré cela au tout venant, comme on se lancerait dans un discours, mais avec la nette impression qu’il se parlait plus à lui-même qu’à quiconque d’autres. Puis il s’approcha de son homologue, le grand camarade Pavel Gosslov.

- « Cher monsieur, quel plaisir de vous voir enfin de mes propres yeux ! Et cette cité que nous avons bâtie à la sueur de nos traités, superbe, glorieuse, effrayante, même… L’avenir dans le creux de nos baies, ah ! Assurément nos deux nations sont promises à un grand destin si chacune de nos rencontres se soldent par une telle merveille, je suis curieux de voir ce que nous allons pouvoir tirer de cette entrevue-ci... »
Gosslov était surpris de voir son homologue Pharois arriver en bateau, il s'attendait à ce qu'il arrive en jet, comme pratiquement tous les dirigeants qu'il aura rencontré. Suite aux paroles du Citoyen Mainio, il lui répondit d'un ton amical :

-Je le suis aussi ! Nous sommes heureux, moi et mon peuple, de vous accueillir en Lutharovie, et personnellement je suis heureux de vous rencontrer, Citoyen Mainio. Sans plus attendre, nous devrions nous rendre à notre destination, nous avons réarrangé un petit entrepôt inutilisé en lieu de rencontre diplomatique. J'espère que la décoration vous plaira. Ah ! Aussi, avant de partir, si vous le voulez bien, veuillez bien accepter un petit cadeau de ma part.

Pavel sortit un petit livre orné d'un marteau et d'une faucille et le tendit à son homologue.

Voici un livre écrit par mon grand-père, Gyugo Gosslov, le premier président de la Révolution Socialiste Fédérative de Lutharovie. Il raconte le déroulement de la révolution communiste Lutharovienne ainsi que la façon dont la République Socialiste Fédérative a su se développer. Lire ce livre vous permettra d'en savoir plus sur l'histoire de la Lutharovie ainsi que le fonctionnement du pays.
- « Ah, j’adore les entrepôts inutilisés ! Le charme discret de l’industrie et de ses coulisses, n’est-ce pas ? »

Mainio récupéra le livre avec enthousiasme.

- « Oh, un exemplaire Lutharovien ! J’en suis absolument ravi, et c’est sincère, bien entendu tout un tas de gens très bien intentionnés du service de renseignement nous ont fiché, résumé, et tout le bazar, sur le détail du gosslovisme mais ça n’a pas le charme de lire le texte dans le texte, en condition. Il y a des choses qui demandent d’être imprégnées, je me ferai une joie de le parcourir en détail une nouvelle fois, soyez-en sûr. »

Se retournant vers son équipe il leur fit signe d’approche.

- « Nous ne sommes pas non plus venu les mains vides figurez-vous. A la réflexion, vous m’offrez un livre, je pourrai avoir un peu honte mais... »

Ce que tenait le diplomate entre ses mains avait une forme oblongue et recouverte d’un tissu de bonne qualité. Mainio le retira d’un geste, dévoilant dessous une mitraillette ouvragée.

- « La plume et les balles, les deux vertèbres complémentaires d’une nation qui sait se tenir. Le Pharois a une grande tradition autour des armes à feu, je ne dis pas que nos usines valent celles de l’Alguarena mais l’autodéfense, même avec des fusils rouillés, fait partie de notre histoire et de notre culture. Partager les armes avec la Lutharovie, voyez-le comme le signe d’une amitié profonde. »

Mainio resta un instant silencieux, comme pris de contemplation de l’arme avant de reprendre d’un ton guilleret.

- « C’est un modèle Vapaus II, cela signifie liberté en vieux pharois. Il n’est pas chargé bien sûr mais si vous souhaitez l’essayer, mon équipe peut vous installer une cible. Sinon, allons-nous en à l’entrepôt. »
Pavel observa longuement l'arme qu'il avait entre ses mains. Il visa un court instant dans le vide, fit semblant de tirer.

Pavel Gosslov : Mmmh cette arme est très belle et très agréable à manier. Merci beaucoup pour ce cadeau. Cependant je ne pense pas que l'essayer ici soit le bon plan, nous devrions aller à l'entrepôt sans plus attendre.

Le président Lutharovien s'avança vers une voiture assez sobre, de couleur noire. Un soldat ouvrit une des portières de la voiture. Pavel fit un petit salut militaire au garde puis se tourna vers son homologue Pharois.

Pavel Gosslov : Asseyez vous monsieur, je vous prie.

Une fois que le président fut assis aux côtés du Citoyen Mainio, la voiture démarra. Une fois que la voiture fut sortie du port, une foule brandissant les drapeaux Lutharoviens et Pharois acclamèrent Pavel Gosslov et le Citoyen Mainio. Après quelques minutes de trajet où le Citoyen Mainio a pu admirer toutes les usines, les bars, les marchés ainsi que les églises pour la plupart réhabilitées en musée, le président Lutharovien et son homologue Pharois arrivèrent enfin à destination. De dehors, cela ressemblait tout simplement à un vieil entrepôt. Mais une fois qu'ils entrèrent dans celui-ci, l'ambiance était bien différente. Un grand tapis rouge était à l'entrée et au fond de l'entrepôt, un gigantesque drapeau où figurait un marteau et une faucille était accroché au mur. De grands tableaux étaient accrochés sur tous les murs, représentant le premier président de la Lutharovie Gyugo Gosslov durant la révolution ainsi que des ouvriers et des paysans brandissant des marteaux et des faucilles, ou levant le poing sur un fond de soleil levant. Un tableau cependant était assez différent, représentant le fils de Gyugo Gosslov, Vladimir Gosslov, deuxième président de la Lutharovie et père de Pavel Gosslov. Il était représenté souriant, sur un fond de montagnes enneigées.

Pavel Gosslov : Qu'en dites vous ? Nous avons mis du temps à remanier cet entrepôt pour en faire une salle de rencontre diplomatique.
Mainio hocha la tête d’un air compréhensif, agitant son double-menton.

- « Une parole sage, en effet. »

Puis il suivit Gosslov jusqu’à la voiture en bavardant.

- « Adolescent je tirais beaucoup en l’air, savez-vous ? C’est une pratique traditionnelle chez nous, pour exprimer la joie ou fêter quelque chose, quoique aujourd’hui les gens préfèrent tirer des feux d’artifice plutôt que des balles, moins dangereux, moins couteux. Enfin il y a eu quelques accidents, cela enseigne la tempérance, et quelques leçons : mieux vaut viser juste que tirer beaucoup et oups merci pour la portière. »

Le capitaine consentit à se taire quelques secondes le temps que la voiture ne démarre, puis abaissa sa vitre pour saluer les citoyens venus accueillir la délégation avec moult drapeaux. Si la majeure partie était évidement lutharovienne, on pouvait remarquer de nombreux pharois également, travailleurs expatriés en quête d’argent et venu garnir les rangs de l’armée d’ouvriers qui faisait tourner les industries de Merengrad.

- « C’est formidable ce que nous faisons ici, vous ne trouvez pas ? Je n’ai jamais eu d’enfant, vous savez, pas que ça m’aurait déplu mais ma femme et moi n’y sommes jamais parvenu, aujourd’hui je vois qu’il y a des tentatives pour aider à la procréation avec de l’aide médicale mais c’est trop tard, à mon âge, eh, je n’aurai plus la force, alors voir cette ville grandir de rien pour devenir si vaste et efficace, cela me touche, comme écrire un livre, j’écris saviez-vous ? et bien c’est pareil, au départ il n'y a rien puis à force de travail il y a tout, tout un monde dans quelques pages, quelques rues, nous sommes les bâtisseurs de l’époque suivante, c’est notre leg « homo homini lupus et deus est » l’homme est un loup ET un dieu pour l’homme, tout est là et oh nous sommes arrivés ! »

Il sortit de la voiture pour découvrir un intérieur assez joliment aménagé.

- « C’est très Lutharovien. » commenta le capitaine d’un air amusé. « Mais les entrepôts à navires changés en lieu de rencontre diplomatique, voila qui est décidément pharois, bien joué cher ami, bien joué. »

Il désigna le tableau représentant Vladimir Gosslov.

- « Nous avons eu l’occasion de discuter, saviez-vous ? Un homme étonnant, prudent. Je n’étais pas encore ministre bien sûr et cela remonte à quelques années, je travaillais dans le privé à l’époque, pour la Merenlävät, avant Merengrad cela ne signifiait pas que notre amie commun n’avait pas déjà des intérêts dans la région. Ah, autre époque, je pesais trente kilos de moins et était moitié moins intelligent qu’aujourd’hui. »

Il eut un rire gras.

- « Et si nous commencions l’entrevue ? Il y a de nombreuses questions à traiter et notre collaboration peut aboutir sans aucun doute à un changement de visage pour nos chères mers du Nord. L’alliance lutharo-pharoise peut sans aucun doute nous mener vers des sommets inégalés. Et par sommets inégalés j’entends un contrôle durable sur le nord-est de l’Eurysie. »
Pavel Gosslov écouta attentivement son interlocuteur durant tout le long du trajet.

Pavel Gosslov : En effet il est absolument formidable que Merengrad devienne une si grande ville. Et c'est grâce à la coopération de nos deux pays que Merengrad est la ville que nous connaissons aujourd'hui. C'est fantastique.

Après être sorti du véhicule et arrivé dans l'entrepôt remanié pour la rencontre diplomatique, Pavel admirait les tableaux avec le Citoyen Mainio.

Pavel Gosslov : Vous avez déjà parlé à mon père Vladimir ? Je suis sûr qu'il aurait aimé vous rencontrer de nouveau... Malheureusement il est n'est plus là, depuis 18 ans maintenant... Il s'est battu pour son pays pendant toute sa vie, jusqu'à son dernier souffle. Enfin bref.

Après avoir écouté les derniers mots du Citoyen Mainio, le président Lutharovien prit de nouveau la parole :

Pavel Gosslov : Oui bien sûr, nous pouvons bien évidemment commencer notre entrevue. Je vous écoute.
Tout le reste était littérature, salutations entre deux hommes qui au fond auraient certainement pu s’apprécier dans un autre contexte mais que les enjeux de leurs deux nations écrasaient tant que toute forme de fraternité ne pouvait au fond qu’être une forme d’apparat. « Peut-être plus tard » songea Mainio. Aussi implacable que sentimental, le pirate attendait le moment de sa retraite pour combler les occasions manquées. Pour l’heure toutefois, il avait du travail et celui-ci semblait par bien des aspects si colossal qu’il se demandait parfois s’il en verrait le bout.

- « Oui, allons droit au but cher ami ! Nos deux nations, vous n’aurez pas manqué de le remarquer, sont stratégiquement positionnées en mer du nord. Le Syndikaali contrôle l’accès depuis l’ouest et quant à la Lutharovie elle est indéniablement le premier pays communiste de la région, et même du monde, en termes d’influence et de puissance économique. »

Jambes croisées, mains jointes, il ne s’était pas départi de son habituel sourire chaleureux qui finissait toujours par trancher avec les enjeux froidement géopolitique évoqués.

- « En unissant nos forces, nous sommes en mesure d’orienter sans discussion le destin de cette région, pour le profit c’est indéniable, mais également la stabilité. L’Eurysie est une vraie poudrière à l’ouest, assurer la paix à l’est permettrait à nos deux nations de se préserver une arrière-cour de sécurité et de prospérité en cas d’aggravement des conflits de l’autre côté. »

Manifestement, Mainio avait parlé sérieusement trop longtemps et s’autorisa un petit rire.

- « Je crois fondamentalement à la théorie des deux êtres, un âme forte est une âme apaisée, voyez-vous ? On ne travaille bien dehors qu’en se sachant en sécurité chez soi et les mers du nord-est, pour inhospitalières qu’elles soient, pourraient être un jardin merveilleux de sérénité où il ferait bon se ressourcer entre deux interventions extérieures. »

D’un geste avenant il fit signe à l’un des membres de son équipe de se rapprocher. Celui-ci déposa entre les deux hommes un écrin qui aurait pu contenir une bague mais enfermait en vérité une clef USB.

- « Presque une demande en mariage, vous ne trouvez pas ? Nous n’en sommes pas si loin. »

Mainio décroisa ses mains et se pencha légèrement en avant, comme pour souffler une confidence, mais sans baisser le ton.

- « Nous pensons que la Lutharovie devrait prendre la tête des nations communistes et de l’Internationale moribonde. Non pas dans un objectif belliqueux, au contraire, mais pour organiser et unir ces petits pays faibles et isolés les uns des autres. Nous pensons également qu’un pacte de défense nord-est-eurysien – le nom reste à trouver – assurerait à nos deux nations la sécurité de l’une, l’aura de l’autre. Nous ne sommes certes pas communistes nous-mêmes bien que cela ne soit parfois pas passé bien loin, mais pensons que fonder une organisation militaro-économique régionale serait profitable à tous. Y compris afin de calmer les potentielles nations un peu trop belliqueuses du coin. »

Comme d’habitude, il s’était un peu perdu en circonvolution et revenant s’adosser à la chaise, hocha la tête.

- « Pour le dire autrement, notre proposition tient en trois points :
Tout d’abord soutenir la Lutharovie politiquement et économiquement en renforçant la puissance de Merengrad et en vous offrant notre soutien diplomatique afin de faire de votre pays le leader des nations socialistes du monde.
Deuxièmement signer entre nos deux nations un pacte de défense : soutien en cas d’agression extérieure, mais également afin de sécuriser la région et imposer la paix à des pays potentiellement trop belliqueux qui y apparaitraient.
Enfin, mise en place de rapport privilégiés entre nos deux pays. Mes chers amis du ministère de l’éducation supérieure m’ont demandé de vous proposer de vous joindre au Projet Universitas, un projet de partage universitaire où – j’en suis certain – le marxisme académique a toute sa place. Mais je pense également à des partages culturels, tourisme et expositions. Enfin, vous savez que le service militaire prend une place importante au Syndikaali puisque c’est l’occasion pour nos jeunes de découvrir le monde et de s’entrainer dans des milieux rudes. En ce sens, les mers du nord font un excellent espace d’entrainement et je suis certain que faire accoster nos jeunes en Lutharovie pendant ces quelques mois aiderait à sensibiliser notre jeunesse à votre culture. Evidement, la réciproque serait avec plaisir.
»
Pavel écouta attentivement tout ce dont son interlocuteur avait à lui dire. Quand ce dernier finit sa phrase, Pavel prit la parole :

Pavel Gosslov : Vous me flattez, de dire que la Lutharovie est la première puissance communiste du monde. Je veux bien accepter que nous soyons la première puissance communiste d'Eurysie de l'Est, mais du monde... Enfin la puissance ne nous importe que peu, je ne veux que le bonheur de mon peuple, la prospérité et la stabilité de mon pays.
Concernant votre proposition de pacte défensif, je suis assez sceptique. La Lutharovie, depuis l'arrivée au pouvoir de mon père Vladimir Gosslov en 1956, est de nature pacifiste. Conclure un pacte de défense commun entre nos deux pays voire le Nord-ouest Eurysien signifierait que la Lutharovie s'alignerait de votre côté, et donc tous les pays auxquels le Pharois Syndikaali a de mauvaises relations, finiront par détester à leur tour la Lutharovie.
Je pense qu'il est préférable que la Lutharovie fasse un pacte de défense avec des pays communistes, plutôt qu'avec des pays qui n'ont en commun que la situation géographique avec mon pays, hormis votre pays, avec qui nous avons de nombreux points communs. Je préfère, pour le moment, refuser votre proposition.

Cependant, concernant le Projet Universitas, j'accepte que mon pays soit membre de celle-ci, cela accompagnera la Lutharovie à son ouverture au monde. Par contre, s'il y a ne serait-ce qu'un seul incident comportant un de nos étudiants, par exemple... comme s'il s'était échappé et ne veut plus revenir en Lutharovie une fois ses études terminées, nous n'hésiterons pas à nous retirer du projet.
https://www.zupimages.net/up/21/13/ii3v.jpg
Le capitaine ministre Mainio.


Le capitaine ministre Mainio hocha la tête d'un air entendu.

- « Je comprends parfaitement, après tout, tous les hommes, même les plus barbares, font des rêves de paix et de prospérité, une fois réfugiés au creux de leurs lits. Toutefois j'aime à croire que la stabilité que vous appelez de vos vœux n'ira pas sans l'ambition de puissance. Bien sûr il ne faut pas tout lui sacrifier, mais il serait tout aussi imprudent de ne rien lui concéder. Pour ma part, je rêve d'autant mieux de paix et d'opulence que je sais ma nation capable de se défendre et de prospérer sans crainte de voir un jour s'effondrer tout ce qu'elle a bâti, et nos droits et nos espoirs piétinés implacablement par un autre que nous-mêmes.

Enfin.

On ne grandit pas seul, c'est mon avis, la Lutharovie, comme le Syndikaali, a besoin d'alliés. Nos régimes nous opposent ? Sans doute. Mais quoi de plus grand justement que de construire là où rien n'y prédisposait ? Quoi de plus imprévisible, quoi de plus ambitieux que de fonder une alliance sur un marécage, déjouant les pronostiques mesquins des politiciens idéologues ? Cette poignée de main entamée à Merengrad, elle peut aller plus loin, plus fort encore. Pourquoi se contenter d'une timide accolade que nous pouvons nous souder durablement ?
»

Le ventripotent pirate eut un petit rire gras.

- « Ah diable, on croirait presque que je vous fais du charme, mais c'est un peu cela, la diplomatie, vous ne pensez pas ? Pour parler plus sérieusement, les mers du Nord peuvent être notre jardin d'Eden, pourvu qu'on sache y jardiner. Et le premier pas vers ce miracle métaphorique est de se doter d'outils de travail, c'est à dire d'institutions, de pactes. Laissons les mers du Nord sans surveillance et les mauvaises herbes prolifèreront, imposons notre ordre et nous ferons de cette région du monde un havre de paix et de richesse. »

Il laissa sa phrase en suspend un instant, puis comme s'il venait d'oublier ce qu'il avait raconté quelques secondes plus tôt, hocha à nouveau la tête.

- « Je suis ravis de vous savoir intéressé par notre communauté universitaire. Vous verrez nos partenaires sont charmants. Quant aux étudiants, ma foi, une solution serait de faciliter la circulation entre Pharois et Lutharoviens, ne pensez-vous pas ? Ainsi, nul besoin de forcer quiconque à rentrer. »
Le président Lutharovien réfléchit un instant. Pendant une dizaine de seconde celui-ci était pensif et semblait hésitant. Après un bref soupir, il prit la parole :

Pavel Gosslov : Bon. Vous me semblez convainquant... En y réfléchissant, c'est vrai que si nous avions le contrôle sur les Mers du Nord, la paix y sera préservée, évitant comme vous dites là... les mauvaises herbes ! Mais bon... On a beau avoir "les outils de travail", il faut qu'ils puissent être effectifs. Et à vrai dire... nous n'avons pas de matériel nécessaire pour protéger les Mers du Nord. Nous avons surtout investi dans l'armée de terre, mais pas dans l'armée de mer.

Le président fut soudainement prit d'une violente quinte de toux, avant de reprendre avec la voix légèrement tremblante :

Vous parliez d'une facilitation de circulation entre Lutharoviens et Pharois... A vrai dire, ça risque d'être assez compliqué. Pour le moment les Lutharoviens n'ont le droit que de voyager dans certains pays communistes. Cependant nous pouvons faire un effort. Je vous propose d'ouvrir une délégation Lutharovienne à Pharot et d'ouvrir une délégation Pharoise à Gyugograd. Si vous acceptez cette proposition, la Lutharovie autorisera alors les Lutharoviens à voyager au Pharois Syndikaali avec une autorisation spéciale du ministère des affaires étrangères de Lutharovie et de la délégation Lutharovienne au Pharois Syndikaali. Cependant ils auront plusieurs interdictions que nous leurs imposerons, que je ne dévoilerais pas ici. Si vous acceptez ma proposition, alors nous pourrons faciliter la circulation entre Lutharoviens et Pharois. Qu'en dites vous ?
https://www.zupimages.net/up/21/13/ii3v.jpg
Le capitaine ministre Mainio.


Doucereux, Mainio hocha la tête à nouveau aux paroles du président.

- « Monsieur Goslov, je comprends parfaitement votre position. En effet à l'heure actuelle, signer un accord avec le Syndikaali reviendrait à nous remettre les clefs des mers du Nord en main, pour la simple et bonne raison que nous sommes les seuls à y posséder la marine capable d'y intervenir. Mais de fait, n'est-ce pas déjà ce qui se passe ? Nous sommes intervenu au Vogimska fort de cette marine, justement, et nous avons pu empêcher l’ingérence francisquienne également grâce à elle. Pour l'heure, il n'y a donc pas grand chose à perdre pour vous à renforcer vos liens avec le Syndikaali, sinon plus de sécurité.

En ce qui concerne l'effectivité de cette collaboration, la Lutharovie se retrouve ainsi à un tournant. Pour ma part je ne vois que deux solutions possibles pour l'avenir. La première est la planification militaire afin de permettre à votre pays de vous doter également d'une marine efficace. Nous pourrions d'ailleurs y contribuer, si vous le souhaitez, en mettant à votre disposition encore plus d'ingénieurs à Merengrad et en vous vendant certains navires en notre possession. Ainsi je ne doute pas que d'ici un an, la Lutharovie pourrait se doter d'une force militaire naval acceptable.

La seconde solution est de nous déléguer la protection des mers du Nord. Pacte de défense et de collaboration, nous continuerons à investir dans la marine et vous pourrez quant à vous produire pour l'armée de terre ou les industries culturelles. Nous divisons les tâches, en quelque sorte. Il faut simplement accepter de déléguer une forme de souveraineté que de toute façon vous n'avez pas pour le moment. D'où l'intérêt de se regrouper à plusieurs autour d'accords géostratégiques afin d'organiser ensemble notre vision des mers du Nord.
»

Il avala une gorgée d'eau avant de reprendre.

- « Une double délégation me semble en effet une bonne idée. Nous sommes favorables à la libre circulation des êtres humains, et sommes prêts à entendre vos conditions. N'importe quel petit pas est bon à prendre et je suis certain que nous avons tout à gagner à laisser nos peuples se connaitre respectivement. »
Haut de page