Posté le : 11 nov. 2021 à 00:06:15
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《Ravi de partager une telle vision commune, Monsieur le Chancelier, répondit le Khasser. Après une courte pause : Le trafic d'opium dont vous parlez me fait penser à plusieurs affaires auxquelles nous avons dû faire face dans la région méridionale de la Chaîne des Mortels. Beaucoup de trafiquants prennent parti du relief escarpé et peu contrôlé des montagnes pour avancer sûrement entre leurs lieux d'approvisionnement et de vente. Nous possédons bien quelques hélicoptères au sein de la police anti-contrebande, mais les opérations restent difficiles à organiser et sont par nature trop facilement repérables par les trafiquants du fait du bruit réverbéré des appareils. C'est ainsi que la plupart arrivent à passer entre les mailles. Ils connaissent les lieux comme leur poche et tirent profit des cavités montagneuses pour s'abriter. Je ne sais pas si le trafic auquel vous tentez de mettre fin et ceux que l'on essaye d'arrêter en notre sol sont reliés, mais il s'agit d'une piste à étudier. Dans tous les cas, nous serions heureux d'apporter notre aide dans cette enquête. De tels systèmes souterrains nuisent au bon fonctionnement de la société. 》Lorsque le Chancelier aborda la question de concessions de monopoles, le Khasser eut un blanc en son fort intérieur. Évidemment, il ne le laissa pas transparaître à l'extérieur et prit un court temps de réflexion. La proposition était en soit fort prévisible : Novigrad cherchait des partenaires commerciaux, et quoi de mieux pour assurer son avenir sur les marchés qu'établir des pieds à terre comme ceux-ci ? Certes, l'offre était intéressante pour le marché pétrolier, mais le coût était tout aussi important : pas sûr que les grands industriels banairais apprécient la manœuvre et à la vue de leur coopération régulière avec le gouvernement en matière de stratégie de développement, il fallait penser à les ménager. Car là se situait une grande tension au Banairah : on y oscillait entre impérialisme économique, capitalisme et protectionnisme paranoïaque, et le schéma se reproduisait dans tous les domaines pouvant présenter de près ou de loin une menace pour la démocratie banairaise. Le Khasser avait depuis longtemps compris que son cher pays avait ses lubies, mais sur cette affaire-là, lui-même avait du mal. Saroud incarnait à proprement dire un Banairah moderne alliant tradition et progrès, il constituait l'énième descendant d'une longue lignée de dirigeants possédant cette même vision. Le Banairah était traditionnellement un pays progressiste, et de ce fait l'ouverture au monde extérieur faisait partie des mesures prises pour un meilleur avenir. Le libéralisme pur restait donc une conception récente, et était souvent vu comme une idéologie risquée où l'on pouvait gagner énormément d'argent mais également perdre beaucoup de sa souveraineté. Pas étonnant qu'au sein des Benbhè, les débats faisaient rage sur la question, n'ajoutant qu'une couche supplémentaire d'indécision au sein des institutions du pays. Toutes ces décisions non prises, en attente d'on ne sait quoi dans des dossiers poussiéreux, finissaient bien entendu par remonter à la surface, et on se voyait alors bien obligé de désigner quelqu'un pour prendre la patate chaude. Sur ce coup-là, il s'agissait du Khasser et de la ministre des Affaires Extérieures, qui partageant la même indécision que leurs concitoyens, étaient bien obligés, eux, de prendre une décision, et ce pour 25 millions de personnes. Il serait facile de botter en touche ou de simplement dire non, mais ne serait-ce pas une opportunité perdue ? Après tout, tous étaient là pour discuter et négocier, et les deux nations assumaient leur régime capitaliste de bon grès, alors ce n'avait rien de problématique. Le secteur des industries minières...sujet complexe, mais pas insoluble. Si le Banairah comptait des filons de fer et de nickel dans ses territoires du sud, il ne pouvait pas se targer de disposer d'une palette complète. De nombreux métaux devaient être importés pour répondre à la demande diversifiée en la matière, et pomper les ressources minières chez un état allié et proche n'était pas une idée si déplaisante. Le secteur de l'automobile par contre n'était pas à la vente. Au delà de la batterie de filliales constructrices qui lui sauteraient à la gorge pour avoir accepté de leur ficher une épine dans le pied, le manque d'intérêt de voir arriver sur le marché des voitures de technologie plus basse que celles proposées par les sociétés banairaises, du moins en ce qui concerne les moteurs à hydrocarbures, était sensible. On pouvait rétorquer que ce ne serait pas une grande perte pour autant, le marché automobile n'était pas si important que ça, mais cela n'est pas un argument viable. Pour ce qui est de la mode, il s'agissait plutôt d'une histoire de fierté nationale : les tapisseries et tissus banairais sont devenus pour ainsi dire l'étendard brodé d'or du pays, et ce depuis le haut moyen-âge. En avait découlé une prospère industrie textile qu'il serait dommage de saboter. Ces quelques réflexions faites et partagées avec Siriam, Saroud répondit à l'offre : 《Nous ouvrir ainsi un tel marché des hydrocarbures nous serait effectivement fort profitable. Nous sommes prêts à vous octroyer des mesures comparables dans les ressources minières ainsi qu'un monopole textile à hauteur de 20%. Comprenez que notre pays est fort attaché à son savoir-faire de pointe en la matière, vous proposer un taux supérieur, dès la première rencontre en plus, ne passerait pas dans l'opinion publique et défavoriserait nos entreprises dans le domaine. Le secteur automobile constitue également un sujet difficile, cependant nous sommes prêts à vous concéder 50% de notre marché en biocombustibles. À la vue de la forte demande prévue en ce domaine et notre faible capacité de production, ce secteur est fort lucratif et de confiance. Par conséquent, nous souhaiterions en échange un monopole de 30% sur l'industrie pharmaceutique. Qu'en dites-vous ? Siriam prit alors la parole : 《Concernant d'éventuels accords militaires, nous n'y voyons pas d'inconvénient. Une telle alliance renforcera le caractère dissuasif de nos armées et préservera la région de tentatives d'ingérence étrangère, ou du moins d'une partie. Vous n'êtes pas sans connaître la dramatique situation au Varanya. Les révolutionnaires sont sur le point de gagner, et par la même occasion de vendre leur pays à l'Alguarana, sans parler de leurs fréquentations qui comptent parmi elles des islamistes radicaux dont nous craignons l'action au sein du territoire de notre allié voisin, la République peuplique d'Astra, voire même au sein du Banairah. La laïcité de nos états ne coïncident pas du tout avec leur vision politique de l'Afarée du nord-est, et cela est encore moins le cas vis-à-vis de notre politique très vigilante en matière de dérives religieuses ou sectaires. Le Banairah incarne le progrès scientifique et compte un grand nombre de non-croyants, vous comprenez bien que ces terroristes en puissance n'ont aucun intérêt à abonder dans notre sens. Sachez donc qu'une collaboration est la bienvenue, et que nous vous aiderons au besoin en Eurysie aussi bien que nous resteroks vigilants dans le bassin des Bohrins. En ce qui concerne l'Empire Rémien, il serait difficile et peut-être fort préjudiciable d'annexer de but en blanc certaines de ses régions. Les Banairais et Banairaises aspirent à la prospérité de leur pays, mais qu'une partie d'entre eux seront prêts à envisager de telles actions. Entretenir un contrôle direct sur des provinces étrangères est à la fois coûteux et hasardeux, alors nous ne nous risquerons probablement pas. Mais d'ici à ce que nos forces soient suffisamment puissantes, nous envisagerons possiblement une mise sous tutelle de Téodosine afin de récupérer une fois pour toutes ce passage stratégique, et pourquoi pas une rétrocession des territoires rémiens en Afarée, que ce soit sous la forme d'un état indépendant ou d'une partie prenante de notre pays. Certaines de ces régions sont privées des rares réussites de la métropole et n'aspirent qu'à une vie meilleure. Le sécessionisme s'entend dans les esprits, il n'a juste pas le courage de se montrer au jour.》