D’un geste confus, empoté par l’épaisseur de ses gants, Vialin déchira le plastique de l’emballage, libérant un large pain de combustible, semblable à de la glaise noire, qu’il jeta dans leur petit feu. Immédiatement, prises d’une agitation chaotique, les flammes se réveillèrent et dégagèrent une vague de chaleur sur les trois hommes assis autour d’elle. Chacun approcha les mains pour y prendre sa part. Emmitouflés dans leurs épais manteaux hypothermiques, ils portaient tous en plus sur leurs épaules une sorte de cape en fourrure bouclé au niveau du cou et qui lui descendait jusqu’aux fesses, trainant pour le moment dans la neige.
Ils avaient établi leur petit camp au milieu de la banquise, surpris par un mauvais vent marin venu de l'est, et s’étaient réfugiés dans les restes de la carcasse d’un chalutier dont n’émergeait sous la couche de neige plus que le mat squelettique dépourvue de toile, et un morceau de ventre éventré où l’on pouvait s’entasser. L'abri n'offrait qu'une protection partielle et sentant venir une nuit difficile, les trois camarades avaient pris le temps de creuser un peu la neige qui recouvrait le sol jusqu’à en atteindre une couche plus compacte et créer artificiellement un petit renfoncement. Enfin, ils avaient garé leur tanker à chenilles contre la carcasse pour fermer leur abri et les protéger du vent qui ne cessait de gronder plus fort.
Une fois à l‘intérieur de la coque, chacun put reprendre son souffle. A l’instant où leurs radars avaient annoncé la montée du blizzard, il avait fallu sans trainer se mettre à la recherche d’un lieu protégé, puis l’aménager pour la nuit et plus peut-être, et cela alors même que les premières bourrasques de froid s’abattaient sur eux, flagellant chaires et tissus comme autant de coups de rasoirs assénés à chaque parties du corps qui avaient la malchance de ne pas être enveloppées sous plusieurs couches de vêtements.
Vialin ne disait rien. L’espace était exigu dans le ventre du chalutier. Ce devait être un ancien modèle. Le Syndikaali en avait abandonné un grand nombre au cours de son histoires et de ses nombreuses tentatives d'expansion au grand nord, préférant abandonner le navire plutôt que de condamner l'équipage quand les choses tournaient mal. Généralement, il n'avait réussi à sauver ni l'un ni l'autre et on ne comptait plus les disparus, avalé par le pole.
En attendant que leur feu réchauffe un peu l’intérieur de leur abri de fer et de glace, Vialin fixait pensivement les petites stalagtiques qui couvraient leur plafond, longues comme un doigt de sa main. Ou la dent d’un gros animal. Les voir lentement disparaitre au son des gouttes qui s’écrasaient sur la neige au sol, avait quelque chose de réconfortant. Lorsque tombe le blizzard sur la banquise, la moindre source de chaleur était synonyme de vie, du moins pour quelques heures. Qu’elle s’éteigne pendant la nuit et aucun d’entre eux ne ressortirait vivant d’ici.
Pourtant, les deux autres ne semblaient pas plus inquiets que cela. De l’autre côté du foyer, Henrikki avait même eu l’audace de retirer son gant droit pour extraire de l’une de ses poches une cigarette d’un vert pâle qu’il alluma directement à la flamme du feu de camp et se mit à siroter comme du vin, en soufflant de courtes bouffées de fumée par le nez. L’odeur était fade, comme la plupart des choses que l’on pouvait trouver aux stations libres.
Fondées par des pirates désireux de s'émanciper de la tutelle d'Albi, la colonisation de Merirosvo et des autres s'était étalée sur plusieurs siècles, profitant de l'avancée technologique de chaque époque pour concrétiser ce projet fou et développant une culture propre à force d'isolement. Projet révolutionnaire et libertaire avant l'heure à une époque où le Syndikaali n'existait pas encore, des colonies entières s'étaient formés sur ces côtes, espérant trouver au pôle nord une terre vierge libre de toute influence royaliste.
Des années plus tard, les stations survivaient grâce au commerce l'été, le rapt et la contrebande. L'hiver scellait les mers du nord dans la glace et alors les pirates ne pouvaient plus compter que sur leurs réserves, des kilotonnes de matériel et d'opiacés qui périmaient lentement dans les bunkers gelés et perdaient du même coup une bonne part de leur saveur et de leurs couleurs. La grande hibernation, qu'on appelait cela en rigolant.
La fadeur de la fumée n’empêcha pas Vialin de respirer profondément. A présent qu'il se savait en sécurité, la cigarette avait l'odeur apaisante du répits et parvenait un peu à couvrir celle de sa transpiration de la journée, enfoncé qu’il était jusqu’au nez dans ses propres fourrures. Henrikki ne manqua pas son manège et en souriant, brisa le relative silence de l’abri, d’une voix assez forte pour couvrir les hurlements du vent au dehors.
« Une latte camarade ? »
Vialin hocha la tête sans mot dire et retira à son tour son gant avant de se saisir de la précieuse cigarette, craignant de la laisser tomber dans les flammes d’un geste maladroit. Le froid le mordit au phalanges plus violemment encore qu’il ne l’aurait cru possible. C’était commence enfoncer sa main dans de l’eau gelée et il crispa ses doigts à deux reprises pour tenter d’en dissiper la douloureuse sensation. Rien n’y fit, mais au moins la bouffée de cigarette parvint à lui réchauffer un peu les poumons, laissant dans sa bouche une odeur vaguement pourrie, mélange d’arômes fumés et de caramel. Il rendit la cigarette à son camarade tout en continuant de faire tourner la saveur sur son palais.
Pendant leur petit manège, le camarade Hermanni avait semble-t-il terminé de se réchauffer les doigts et observait l’air soucieux son petit thermomètre de poignet.
« -15°C, et il n’est que huit heures. Il faut s’attendre à du -30 au moins pour cette nuit. » dit-il les dents serrées.
Vialin sentit son cœur faire de même. C’était sa première véritable sortie hors de Merirosvo et des stations libres, et voilà que dès la deuxième matinée de recherche, il se trouvait déjà pris dans l’un des terribles blizzards de la côte orientale, blizzards dont, lui avait-on toujours dit, on ne sortait guère vivant. Il se voyait déjà dépérir lentement dans leur carcasse, comptant les jours anxieusement, vidant leurs rations de survie et plus important, le fuel sous vide qui bientôt se tarirait, les condamnant du même coup à mourir en quelques heures et hanter à jamais cette portion de banquise, effrayant les prochains malheureux à s’aventurer dans cette zone. Peut-être d’autres d’ailleurs étaient déjà morts ici avant eux et leur yeux invisibles les scrutaient en ce moment même, attendant un instant de somnolence pour siffler en eux des airs de folie, les poussant à marcher à travers la tempête comme des morts-vivants et venir bientôt leur tenir compagnie dans l’autre monde… Vialin frissonna à cette pensée, ce qui fit réagir Henrikki.
« Allons, il fait même pas encore froid. -50°C, ba, tu seras vraiment baptisé quand t’auras dormi par -70, tu verras. Torse poil qu’ils nous le faisaient faire aux nouveaux à l’époque, ça rigolait pas. »
Et disant cela, il rigola.
« Si on survit déjà à cette nuit. »
Vialin maugréa amer.
Alors que Henrikki s’étouffait avec sa fumée, Hermanni darda sur lui un regard plus compatissant.
« Ne t’en fais pas camarade, ce qu’on peut raconter sur ces blizzards c’est bien souvent des racontars d'urbains… ou de garoux qui te diraient n’importe quoi pourvu que ça fasse briller les yeux d’une minaude. »
Henrikki hocha la tête vigoureusement, le sourire aux lèvres.
« Pour sûr, je plaide coupable sur ce coup là ! »
« Camarade Henrikki doit être à l’origine de la moitié des légendes qu’on se raconte sur la banquise, aux stations. Et neuf sur dix ne sont que des racontars destinés à se faire payer des coups gratis. »
Ce-dernier fixa néanmoins son regard sur Vialin, et le jeune homme qui commençait à retrouver confiance lui prêta soudain un sérieux dérangeant.
« Gare tout de même à la dixième histoire… suffit qu’une seule légende soit vraie pour vous faire disparaitre une patrouille sans laisser de trace. »
L’autre haussa les épaules.
« Allez, l’effraie pas… »
Mais Vialin, remonté par la perspective de ne pas mourir cette nuit, et de se trouver en compagnie de camarades aussi expérimentés, secoua la tête et répondit d’une voix timide, presque honteux de se laisser ici avoir par la tentation de se faire peur. Mais l’ambiance s’y prêtait, et puis ils n’avaient rien d’autre à faire.
« Non non, vas-y camarade… »
Satisfait, Henrikki pris son temps pour tirer une longue bouffée de cigarette ce qui empesta l’air et s’adossa à la paroi du tanker pour se mettre à l’aise.
« Tu sais, on peut croiser toute sorte de bestioles sur la banquise. Dès qu’on jamais été vues et qu’on reverra sans doute jamais d’ailleurs, tellement on est pas nombreux à se peler les miches si loin au sud. Il y a bien que nous, des stations libres, pour avoir la chance… ou la malchance de les croiser. Et encore, seulement ceux qui ont le courage de mettre le nez en dehors des stations. »
Vialin ne put s’empêcher de le couper dans son récit.
« Et les maktois, ils montent aussi jusqu'au même méridien… ? »
Hermanni ricana et Henrikki répondit avec morgue.
« Et pour y faire quoi ? Des petites expériences scientifiques ? Des petites expéditions ? Trop timides ces gens-là, trop bourgeois, c’est même plus de la neige qu’ils ont là bas, c’est de la suie. Parait que c’est noir et que ça craque quand tu marches dessus, et leurs gosses tombent malade, c’est en tout cas ce que m’a dit un copain du département de la Surveillance. Puis à Segren, ils ont beau être aussi haut que nous, le climat est pas le même par chez eux, froid, mais supportable, rien à voir avec les paysages polaires qu’on a ici, bon tu veux savoir mon histoire ou tu me coupes tout le temps ? »
Vialin hocha silencieusement la tête, attentif.
« Bon. Des phoques, des élans, du renne en veux-tu en voila, un loup parfois, bon, ça oui, ça se chasse au petit déjeuner, même pas besoin de beaucoup s’éloigner. Pour moi ces garoux là, tu sais, c’est des faux braves, des politiciens adeptes de l’anti-sémantique, ils ont rien pigé à la dialectique orthodoxe. Si tu veux vraiment expérimenter la sémantique performative, faut se confronter au Grand Nord, oser s’éloigner un peu des zones habitées pour aller taquiner des bestiaux plus solitaires… et plus affamés…
Enfin, si t’es dégourdi, tu verras bien vite ce que c’est que ces machins-là, ouais. Des trucs qui ne sortent qu’en pleine tempête, tient, peut-être qu’ils rôdent autour de la carcasse en ce moment même, qui sait… ? »
Vialin porta son regard sur le camarade Hermanni, s’attendant à ce qu’il réprimande son compère comme il l’avait fait tout à l’heure, mais ce dernier fixait les flammes d’un regard grave. Henrikki continuait sans frémir.
« Une fois, alors que j’étais avec deux autres gars en moto, la neige tombait bien fort mais heureusement qu’il y avait pas de vent, ça nous a sauvé la mise, v’la soudain que j’entends comme un bruit de course. Je me retourne et derrière je vois une ombre, grosse comme le chalutier qu’est là. Je gueule aux autres qu’on met les voiles mais la bestiole nous talonne. A un moment, je me retourne mais pas longtemps, ça ressemblait à un ours, mais c’était beaucoup plus gros et tout couvert de poil, on y voyait pas bien les formes, de loin ça faisait comme une grosse vague de fourrure qui te déboule dessus. Au bout d’un moment, je vois qu’on perd du terrain alors on passe en formation de combat, malgré la neige et la visibilité qu’est à chier. Une copine part à droite, moi à gauche, le dernier accélère et on croise les doigts pour que la bête continue tout droit derrière lui pour pouvoir lui passer derrière.
Crois moi ou pas, le temps de faire la manœuvre, la bestiole avait disparu. Avalée par la neige et le plus bizarre, c’est que j’entendais même plus son pas. On a jamais retrouvé le camarade qui avait foncé droit devant, sans doute attrapé, alors on est rentré. »
Il haussa les épaules, la voix plus sombre qu’au début de son récit.
« Dans ces cas là, faut pas jouer les héros, ceux que le grand Sud attrape, ils sont pour lui, on cherche pas à les lui reprendre. La bestiole, ma copine l’a appelée la suuri aalto, la grande vague, mais depuis j’ai jamais entendu d’autres camarades qui avaient croisé un truc qui y ressemble pareil, alors je me demande si ça on l’a pas rêvé. Mais mon copain, lui, il a bel et bien disparu. »
Il marqua une pause et Vialin fronça les sourcils. Si de tels bêtes existaient vraiment, quelle force on pouvait en tirer en s’en faisant un totem… Le garou qui en porterait la peau serait assurément l’Être prophétique. Sans compter l'argent que seraient prêts à payer certains laboratoires privés du Syndikaali pour une carcasse exceptionnelle. Les biologistes pharois s'étaient depuis quelques années lancés dans une course scientifique avec le reste du monde et sautaient avidement sur tout ce qui sortait de l'ordinaire au sein du règne animal.
Mais Henrikki sembla saisir ses attentions et y répondit sans sourciller.
« N’y penses même pas camarade, ce genre de bête, c’est pas fait pour les humains. Laisse la chasse au temps et au froid, eux finissent toujours par gagner. »
Tous se turent une minute, écoutant le vent qui gémissait dehors sans discontinuer, faisant légèrement grincer les parois de l’appareil qui les enveloppait. Désireux de ne pas laisser le mutisme s’installer, Vialin reprit la parole dans l’idée d’entendre une autre histoire de Henrikki.
« Et toi camarade, quelle est ta peau ? » Disant cela, il désigna des yeux l’épaisse cape noire qui bordait les épaules du patrouilleur.
Celui-ci retrouva instantanément le sourire, comme quelqu’un qui s’apprête à raconter une blague. Hermanni soupira.
« Par encore cette histoire pitié… »
« Allez, le petit l’a jamais entendu lui, et puis c’est une bonne histoire ! »
« Bonne oui, le problème c’est plutôt qu’elle change à chaque fois que tu la racontes. Un jour je vais finir par croire que c’est une chèvre, ton totem. »
Henrikki lui donna un petit coup de point amical à l’épaule.
« T’as déjà vue une chèvre avec des poils aussi longs et aussi noirs ? Allez va, cette fois promis c’est la stricte vérité. »
L’autre haussa les épaules, pas convaincu, mais Henrikki enchaînait.
« J’ai eu de la chance, c’était ma première sortie hors des stations libres. Un peu comme toi finalement. Mais en général il faut attendre une ou deux excursions avant de croiser un animal vraiment intéressant. On venait de se farcir deux phoques et ça commençait à peser sur les motoneiges de mes co-équipiers, du coup, on n’allait pas tarder à rentrer et ça me dépitais un peu. Vu que tu prends pour totem le premier animal tué, et que j’avais pas envie de me taper une peau de phoque jusqu’à la fin de ma vie, ba j’avais pas fait grand-chose pour le moment. On était parti tôt le matin et il faisait bien nuit quand on a décidé de rentrer à Merirosvo, vers neuf heure. Vu que je suis le plus léger, sans les phoques, j’ouvre la voie, pleins phares dans la neige, mais tu sais comment c’est, passé vingt mètres t’y vois plus rien. Heureusement le ciel était dégagé ce soir là, faisait presque bon… »
« La dernière fois t’as dit qu’il y avait blizzard. »
Henrikki parut offusqué.
« Jamais de la vie, je m’en souviens comme si c’était hier ! Enfin, c’est une belle nuit, du genre où sortent tous les animaux, mais v’la qu’on avait vraiment croisé que dalle depuis le matin, c’était étrange, je te le dis. A un moment, j’étais bercé par le roulement de la motoneige et je commence à avoir les yeux qui se ferment… j’étais jeune, voila t’y pas que j’entends comme un mugissement au loin. Forcément je fais signe aux autres de s’arrêter mais eux, ils ont rien entendu. On attend une, deux minutes, mais rien, alors on repart. Et là rebelote, mugissement, à ma droite, en plein vers l’océan. Je sais pas pourquoi j’ai fais ça, mais je vire sans me poser des questions. Les deux autres appellent, me suivent mais lourds comme ils sont je prends de la distance facilement. De temps en temps j’entends encore le mugissement et je m’en sers pour me guider… Une bonne heure se passe à ce petit manège, mais moi je me dis pas que c’est dangereux, tu parles. Et puis tout d’un coup, je le vois. Un élan, grand et noir, avec des cornes qui font comme un pommier, je te promets, c’était une silhouette mais elle se découpait parfaitement sur la mer, à cause des reflets de la lune, je pouvais pas la manquer ! »
Il se tourna vers Hermanni comme s’il craignait une moquerie, mais ce dernier écoutait attentivement l’histoire, alors le compteur reprit.
« La bête fixait l’Océan et moi j’arrivais silencieux sur la moto. A trente mère je mets les freins, l’autre a pas réagit alors je sors la mitrailleuse. Je mets en joue. En joue… et impossible de tirer. Faut comprendre, j’avais jamais vu une bête comme ça, avec les bois qui lui faisait comme une forêt sur la tête… Et alors que j’hésite, l’élan se tourne vers moi et me fixe. Ba il avait pas une tête d’élan, crois moi ou pas, c’était un visage étrange avec un long nez comme un loup et une bouche qui souriait. Quand j’y repense, j’aurai du être terrorisé, mais non, la seule chose qui m’est venu en tête, c’est que j’arriverai jamais à retrouver le chemin de la station tout seul, comme c’était parti, et que j’étais bon pour crever dans le froid comme un con. Mon élan, vu comme il souriait, ça avait l’air de le faire marrer.
On reste là, on se fixe, et au bout d’un moment, il se détourne, fait quelques pas et se couche, la tête sur la glace. Comme j’ai rien d’autre à faire et que j’ai envie de chialer tellement je suis un con d’avoir fait tout ce chemin pour tomber sur un élan qui se moque de moi, je m’approche à pied, la moto plein phare pour pas tomber dans une trou, ce serait le comble. Et là en m’approchant, je me rends compte d’un truc louche. Mon élan, il respire plus. Je m’approche encore, mais rien. Quand je peux enfin le toucher, je pause ma main dessus mais il réagit pas. Alors je l’ai enjambé et je me sous couché entre ses pattes. L’avait beau être mort, il dégageait encore une sacrée chaleur. Le lendemain, la bête avait pas bougée. Alors je l’ai remerciée je l’ai écorchée. Ça m’a pris la matinée pour avoir un morceau de bonne taille, puis j’ai repris la moto et longé la côté jusqu’à Merirosvo. »
Un ange passa. Vialin se prit à rêver de rencontrer lui aussi son totem dans pareils circonstances. Hermanni, lui, sourit.
« Donc t’es encore pire chasseur que je pensais. Même pas foutu de tuer ton totem toi-même. A moins qu’il soit mort de peur en voyant ta sale face… ! »
« Ah, la ferme, t’es juste jaloux de pas avoir un truc pareil à raconter. Je paris que ton loup blanc, c’était à peine des louveteaux que t’as pris au terrier. »
Hermanni ricana avant de se trouver une position plus confortable.
« Cause toujours, mais en silence, tu prends le premier tour de garde, j’ai besoin de pioncer. Toi aussi camarade Vialin, on repart demain, blizzard ou pas. »
Le jeune homme hocha la tête en s’adossa à la carlingue, afin de prendre un peu de repos, rassuré à l’idée que la banquise n’était peut-être pas qu’un repère de monstres, mais pouvait aussi abriter des créatures bienveillantes et qu’il aurait l’occasion d'en croiser un jour ou l’autre.