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[Haut Conservatoire Théorique] « Définissons l'avenir »
Posté le : 04 jan. 2022 à 20:14:58
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Posté le : 04 jan. 2022 à 20:22:24
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Le Haut conservatoire doit :
- Produire des textes théoriques issue de l'analyse de l'actualité politique, culturelle, scientifique.
- Analyser l'histoire des révolutions pour émettre des conseils pratiques sur sa mise en œuvre au sein des différents pays et des différentes cultures.
- Sensibiliser la population des pays membres aux questions théoriques.
- Créer des liens et des interfaces de compréhension mutuelle entre les sphères culturelles et universitaires des nations membres.
Le Haut Conservatoire, en tant que bâtiment, fait aussi bien office d'université que de centre de conférence, bibliothèque, laboratoire etc. On y prend pas exactement de décision, mais il est essentiel pour assurer la cohésion des différentes nations membres de l'internationale, considérant leurs conceptions parfois très différentes de l'idéologie libertaire.

Posté le : 04 jan. 2022 à 21:08:26
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Le XXIème siècle avait été marqué par l'entrée dans la post-modernité. Les grands espoirs portés par l’existentialisme puis le structuralisme qui avaient consacré la Forme au profit de l'Essence, ces grands espoirs s'était essoufflés. Désormais, le champ intellectuel vivotait d'hypothèses ad hoc en précisions pinailleuses, hésitant entre révolution et réaction, sans savoir à quel saint penseur se vouer. C'était le temps de l'absurde, la fin des théories totalisantes, l'insatisfaction régnait partout face au mondialisme libéral incapable de tenir ses promesses et pourtant de plus en plus envisagé comme la seule véritable politique économique viable.
Ici et là, pourtant, existaient des Formes différentes. Des assemblées de communes, de la mise en commun des moyens de production, les expériences ne manquaient pas mais elles ne pouvaient pas s'appuyer sur un corpus théorique réellement solide capable de leur donner du souffle. Le post-modernisme consacrait la relativité des narratifs et chacun semblait aller sur une route solitaire, incapable de s'allier ou de se reconnaitre en l'autre.
Cela n'était pas tenable. Le souffle qui portait le Liberalintern était cette conscience aiguisé que malgré tout, malgré la facilité opportuniste, l'humanisme pouvait être porteur de réconciliation. Mais il fallait encore lui apporter quelques précisions et dans cette bataille théorique, chaque camp savait quel enjeu il y avait à voir ses vues triompher car c'était le destin de la plus puissante alliance militaire et politique qui allait peut-être se jouer à coup de papier et de controverses, entre les murs du Haut Conservatoire Théorique.
Auteur :
Le reste du temps, le Capitaine Nooa possède une armada de quatre navires dans l'Océan d’Espérance, à l'ouest de l'Eurysie. Ses activités comme ses sources de revenus sont inconnues.

Le 1er juillet 2006, il soumet ce texte :
Ce n’est pas notre famille de pensée que je surprendrai en rappelant ce principe fondateur : tout est prison. Nous n’avons pas la naïveté de croire en l’ordre émancipateur, au contrat social librement consenti, à la liberté dans la contrainte, à la bienveillance des institutions, des princes et des pères. Tout est prison, et tout est police. Le social est ainsi fait qu’il s’ordonne, s’habitue et tend à sa propre conservation. Aucun changement ne se fait de gaité de cœur, aucune révolution n’est joyeuse. Tout ce qui survient formellement était déjà là dans la matérialité de la société, et sinon alors cela s’impose dans la douleur. La société est comme la langue et comme l’eau : liquide elle prend toujours la forme de ce qui la retient et s’écoulera tout aussi naturellement et spontanément par les moindres interstices, la moindre faille. Si elle n’y parvient pas, elle s’échappera par capillarité, sinon, par évaporation. La société totalitaire est une cocotte-minute qui prétend retenir dans ses formes l’eau sous tous ses états, voilà pourquoi elle est vouée à exploser. Ainsi est la loi du social, aussi complexe et implacable que celle de la mécanique des fluides.
Si tout est prison, si tout est police, alors la prison remplacera la prison et la police la police. L’eau s’extrait des parois d’une forme pour se couler dans une autre, elle ne s’échappe du pot que pour tomber dans la coupe. Même lorsqu’elle se veut la plus volatile possible, elle reste soumise aux contingences de son état. L’eau évaporée n’en est pas moins contrainte que l’eau gelée, ainsi est la société. A la prison de la famille se substitue la prison de l’école, puis celle du travail, de l’administration, de l’hôpital. A la police des parents se substitue celle du maître et du professeur, puis celle de l’Etat, celle du médecin, celle du prêtre, celle du patron et celle des paires. A la prison d’une nation l’exilé entre volontairement dans la prison d’une autre nation. A la prison d’une société le révolutionnaire préfèrera la prison d’une autre société. Bien souvent l’anarchiste idéaliste ne souhaite abattre les murs de la prison de l’Etat que pour découvrir que derrière ces murs s’en érigent immédiatement de nouveaux, appelons les « pression des paires », « esprit de groupe », « paresse intellectuelle » ou encore « autogestion » dont la seconde partie du mot prend tout le pas sur la première, l’autogestion reste de la gestion, « l’auto » dedans pèse bien peu.
Prenons acte, acceptons cette position radicale, c’est à ce prix que nous nous grandirons.
Cela étant rappelé, déroulons le fil. La Commune est un Etat, la Commune est une prison et par voie de conséquence, elle possède une police. La police prend bien des formes car la police est contingente à la société, une société a une Forme, fusse-t-elle originale, la police veille à ce que cette Forme soit respectée. La police, ce sont les parois du pot et l’Etat, dans sa forme la plus autoritaire, est le potier. Remplacez le potier Etat par le potier démocratie directe, reste le potier et restent les parois. Nous avons troqué une police pour une autre ; la nôtre. Meilleure peut-être, moins dure, plus poreuse, ouverte à la transformation, à l’écoute, bienveillante, mais toujours police.
Le Communalisme n’est pas un anarchisme et n’est pas un humanisme. Son nom même aurait dû nous mettre la puce à l’oreille puisqu’il est avant tout le nom d’une Forme. Tout ce qui est Forme est police et nous, anarchistes et pirates, refusons la forme. Mieux, nous la pervertissons. J’y reviendrai.
Parce qu’il est une forme, le Communalisme n’est subversif qu’à un moment donné. Le vase est subversif par rapport au pot, plus long, plus élégant, mieux décoré, peut-être, mais il enserre l’eau tout autant. Sitôt que le vase a remplacé le pot, il devient une norme et donc une prison et se dote d’une police. Le Communalisme n’a de subversif que le fait qu’il s’oppose aux ordres anciens, sitôt qu’il les aura abattu tout son caractère émancipateur se dissipera. Il n’a en vérité d’humaniste que le fait de n’être pas encore survenu et laisse donc un espace à l’imagination et l’initiative. Sitôt prendra-t-il Forme que cet espace sera réduit d’autant moins Une. Et cette Une souhaitera se préserver.
Entendez-moi bien et ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : il existe sur le papier et dans l’esprit des révolutionnaires des Formes perméables, qui se réinventent sans cesse. Mais existent-elles vraiment ? Qui me désignera une commune et me dira « voilà une matière absolument flexible, une glaise si universelle qu’on en fabriquerait presque tous les pots qui nous viennent à l’imagination et sitôt l’un fabriqué qu’il s’affaisserait de nouveau pour laisser place à un autre sans jamais rechigner ! » ?
Aucun révolutionnaire et intellectuel ne pourrait ainsi prétendre aboutir à un tel projet. Si le pouvoir est véritablement maudit, même partagé également chez un grand nombre de citoyens, il les maudira néanmoins et vous verrez vos frères et vos camarades, sous le drapeau de la liberté, se changer en bourreaux. Quiconque accède au pouvoir ou aux honneurs souhaitera les garder et il est folie de penser que nous pouvons construire une machine dédiée à sa propre autodestruction et qui le jour venu y consentira. Nous ne sommes pas messianiques, nous n’attendons pas quelque futur paradis terrestre, ou l’avènement de la Commune céleste si vous me pardonnez le parallèle. Le matérialisme nous enjoint à regarder en face la réalité des polices et des prisons issues de notre camp.
Kotios est une prison.
Albigärk est une prison.
Le Grand Kah, le Syndikaali, les Eglises Australes Unies, des prisons.
Alors quoi ?
Il ne suffit pas de se dire révolutionnaire pour se débarrasser de la morale. Face à l’injustice et l’horreur, nous balayons bien vite ces réflexions trop radicales : notre indignation, notre besoin de sens et d’action, tout cela nous dit qu’il faut faire au moins pire, que l’on peut hiérarchiser les Formes et qu’une grille de lecture objective et matérialiste du monde, sans doute, nous permettra d’en identifier non seulement les plus efficientes mais également les plus humanistes. Cela, je l’entends, mais je n’appelle pas cela de la radicalité. Il n’est pas un homme sur cette terre qui ne troquerait pas une dictature fasciste contre une monarchie parlementaire pensons-nous naïvement. Et pas un homme sur cette terre qui n’échangeait pas sa monarchie par une démocratie directe. Soit. Et sans doute il n’est pas non plus un homme qui préfèrera le confort à l’effort, la tranquillité d’esprit à l’esprit d’aventure, la chaleur rassurante des certitudes à la froide angoisse du doute ? Laissez-moi rire. La hiérarchie est morale, méfions-nous en.
C’est un fait, les hommes ne sont pas philosophes. La République des Lumières n’est pas advenues avec l’âge des révolutions, nous ne marchons pas sur un chemin éclairé, au milieu d’un peuple de savants guidés par la joyeuse rationalité des sciences et de la raison. Ainsi si l’homme n’est pas philosophe, le réflexe bien naturel des gens de notre trempe est de vouloir donner le pouvoir aux philosophes. « Si nous ne pouvons faire philosopher les rois, il faut faire rois les philosophes. » Et voilà venir l’avant-garde et ses horreurs. Avec ceci de nuance que les philosophes, parfois, c’est « le peuple » ou « les masses », allez savoir pourquoi. En vérité, ce réflexe poussiéreux n’est qu’une nouvelle resucée de l’idéalisme des Lumières, encore, libéral idéel s’il en est. Indigne de nous, car indigne de la pensée radicale : donner le pouvoir aux philosophes – fussent-ils l’immensité du pur et sain corps prolétarien – c’est leur remettre entre les mains les bâtons de gendarme. Nous érigeons nos sociétés idéales comme de potiers théoriciens, le Communalisme c’est la dictature de la philosophie et donc du moins grand monde. Car la dictature ne supporte pas la complexité de l’humanité.
Notre radicalité s’arrête très littéralement aux frontières de notre xénophobie et de notre mépris de classe : l’homme qui ne pense pas, celui qui ne fait pas de philosophie, celui qui ne se politise pas, celui-là qu’on ne saurait tenir, soit qu’il est un esprit fou, soit trop déconcentré, soit débile, soit qu’il appartient au lumpenprolétariat, celui-là devra nous obéir car son désintérêt pour les choses du pouvoir autorise le pouvoir à s’intéresser à lui. Ainsi parce que nous avons philosophé, nous nous croyons en droit de savoir ce qui est juste et bon, d’annoncer qu’un homme qui souffre est moins heureux qu’un homme en bonne santé, qu’un homme entravé est plus misérable qu’un homme libre. Qu’en est-il de ceux qui aiment les entraves ? Et que faire de ces masses terrifiantes qui réclamèrent à grands cris le fascisme ? Devront-ils mourir pour que l’humanité soit libre ?
Ne nous y trompons pas : la liberté communaliste n’est anarchiste que parce qu’elle redistribue le pouvoir à un grand nombre. Le pouvoir par définition est anarchiste : il s’impose par lui-même, du fait de sa propre essence : le pouvoir n’a pas de maître, qui a le pouvoir n’en a pas non plus. Qui a le pouvoir peut imposer ses vues aux autres sans contestations. Donner le pouvoir à quatre-vingt-dix-neuf citoyens sur cent, quatre-vingt-dix-neuf seront des anarchistes et le centième sera en prison. Dans la réalité les choses sont encore moins bien réparties mais cela ne doit pas nous tromper : un homme en prison dans la société finale, c’est déjà trop. La Commune donne aux philosophes l’impression de la liberté pour tous alors qu’elle ne l’offre en réalité qu’à eux-mêmes. Parce que nous avons provoqué l’avènement d’un état qui nous est bon, nous supputons qu’il le soit pour tous. Biais d’égocentrisme. La caste politicienne s’arroge par la démocratie le pouvoir qui lui était hier confisqué, par ce fait elle s’émancipe, mais celui qui ne s’occupe pas de politique reste en cellule. S’il se rebiffe, on lui enverra la police.
L’émancipation. Voilà notre credo.
Un homme absolument émancipé est un homme absolument débarrassé de police, il a brisé les barreaux de sa prison. Pour l’heure, il n’est pas certain qu’un tel homme puisse exister, et si cela était seulement possible, nous ne savons pas dans quelles conditions et sous quelles formes cela pourrait advenir. C’est une quête qui se heurte à plusieurs problèmes dont le premier et non des moindres est celui du transvasement. Porter un regard matérialiste sur l’émancipation de l’individu, c’est accepter que celle-ci nécessite une certaine somme de travail divisé, et donc une société. Même si l’être humain s’émancipait par la simple action de sa pensée, il lui faudrait toujours des livres et dans ce simple objet serait contenu tout le travail humain depuis des millénaires. Paradoxe s’il en est : la société que nous tenons pour prison serait donc fondamentalement nécessaire à l’émancipation. Le corolaire de cela est simple : en s’émancipant en s’émancipant et donc s’appuyant sur la société – et le travail de tous les autres – l’être humain prend le risque de donner en vérité sa place à ces autres. Si la prison remplace la prison, il faut toujours un prisonnier, fut-ce-t-il un ancien tsar ou un bourreau fasciste. Voilà la loi de la division du travail : pour un philosophe libéré de ses chaînes, combien de travailleurs esclaves ?
Notre radicalité est de marbre : pas un seul homme en prison contre sa volonté. Nous ne deviendrons pas la police des policiers. Alors que faire ?
Notre réflexion gagnera à ne pas penser le contenant mais penser le contenu. Ne pas penser la forme de la prison, penser le prisonnier. Ne pas penser le pot, penser l’eau.
C’est-à-dire assumer l’individualisme. Depuis que ce-dernier a été accaparé par les libéraux, notre camp politique a eu tendance à se méfier de ce mot. L’individualisme a produit nombre de stupidités idéalistes, à trop s’interroger sur les motivations individuelles il en oublie les contraintes sociales. A l’individualisme idéel, opposons l’individualisme matérialiste, c’est-à-dire l’émancipation concrète de l’individu à travers la poursuite inconditionnelle de ses intérêts dans un contexte donné.
A ce stade de la réflexion, notre projet doit faire face à deux objections.
La première est celle du contrat social et pourrait se résumer ainsi : « l’Intérêt Général de l’individu se trouve dans la préservation de la Forme de la société qui, décidée collectivement, lui permet normalement d’avoir accès à un maximum d’opportunités afin de poursuivre ses intérêts décidés individuellement, de sorte que ces opportunités soient estimée par lui positivement plus souhaitables que les contraintes de la Forme qui les produit. »
L’Intérêt de l’individu se trouverait donc dans cette prison que la collectivité aura déterminée pour lui et où il aura – quel privilège ! – un droit de regard sur les horaires de cantine. C’est de cette graine qu’on fait le fascisme, le contrat social comme sa version dévoyée qu’est le Léviathan n’ont jamais été que la bonne consciences des philosophes glissant tout droit vers l’autoritarisme joyeux. Les expériences du socialisme réel ont démontré l’influence néfaste du contrat social sur des individus pourtant éclairés et pétris d’ambitions émancipatrices pour leurs contemporains. La forme contraint l’eau, la société – fut-ce-t-elle le produit d’un contrat – n’est toujours qu’une prison.
L’analogie est évidente si l’on considère que le salariat, bien qu’indiscutablement avilissant et aliénant pour l’individu, est lui-même généralement le fruit d’un contrat. Le contrat n’assure en rien le respect des individualités : ce n’est qu’un trompe-l’œil, en vérité il discipline l’assujettissement d’un individu aux intérêts d’un autre, le plus souvent par la force. Cela nous mène à la seconde objection.
Bien qu’il n’ait jamais pensé la prison – et qu’il existe donc dans la théorie de ses tenants la zone d’ombre d’un pouvoir qui peine à se contempler lui-même en entier – le libertarianisme a posé un constat similaire au notre : la société est coercitive, opprime et oppresse sans cesse, nous devrons donc faire sans. En résulte des déclarations que nous accueillons avec scepticisme « la société n’existe pas, il n’y a que des individus ». Une pensée certes radicale mais parfaitement idéaliste, qui consacre des efforts évidents à nier un réel gênant pour l’application de la théorie du marché. Car ce serait dans le marché, naturalisé par les idéalistes c’est-à-dire nié comme étant une Forme sociale, que l’individu trouverait un espace de réalisation individuelle, protégé de l’Etat.
Si l’anarcho-capitalisme commet la même erreur que l’anarchiste idéaliste de gauche, cela tient dans les deux cas au fétichisme de l’Etat. L’un comme l’autre n’advenant jamais, ces sociétés idéales n’ont pas eu l’occasion de se confronter à cette loi immuable : détruisez la prison de l’Etat, il en existera toujours une autre derrière.
A ce titre, le marché idéal est aussi aberrant que la Commune céleste. L’un et l’autre témoignent d’une pensée évangélique et millénariste déguisée, ses tenants sont des prophètes qui excusent les douleurs d’aujourd’hui au nom de la récompense de demain. Ce sont des curés, et nous les méprisons.
Alors quoi ? Faut-il se borner à un milieu bien peu satisfaisant qui se traduira certainement en la mise en place d’une démocratie libérale, ou en social-démocratie, son pendant hypocrite, selon qu’elle penchera à droite ou à gauche, mais toujours si tiède qu’elle ne satisfera personne et surtout pas nous ?
Au mou juste milieu, nous proposons la subversion. Sans cesse. Toujours. Voilà la position du pirate.
A partir de là, notre texte pourrait se réintituler : « pourquoi sommes-nous pirates et pas anarchistes ni communalistes ? ».
L’anarchiste, capitaliste ou syndicaliste, de gauche comme de droite, entend abattre la prison dans sa forme la plus poussée et dangereuse : l’Etat. Les anarcho-syndicalistes vont plus loin : derrière l’Etat il faut mettre toutes les hiérarchies. Salariat, famille, prison, tirons à vue sur tout cela. Et ensuite ? Sitôt qu’il est au pouvoir l’anarchiste abandonne ses grands principes idéels, la société doit continuer de tourner et donc se doter de lois – dont la première est le maintien de la division du travail – et donc de police. Ils se croyaient fins, ces grands penseurs nous expliquant que l’anarchie c’est « l’ordre sans l’Etat », et se faisant ils démontraient leur vice : les anarchistes sont des autoritaires au visage atypique, ils n’en restent pas moins autoritaires, c’est-à-dire des amoureux de l’ordre. Leur police ne portera peut-être pas de bâtons mais prendra la forme de voisins chuchotant dans votre dos, d’ostracisations douces, de mises au placard, de condamnations silencieuses, de malaises vagues, de regards méprisants. Sanction policière, sanction civile, même combat, toujours sanction, d’une nature si perverse que vous rentrerez dans le rang sans même vous en apercevoir ou quitterez un jour votre Commune pour une autre, passant pour le dingue de service.
Le pirate n’a pas la prétention d’abattre l’Etat. Ni même la hiérarchie. Nous savons nous qu’un navire n’avance pas sans capitaine et que si chaque marin ne fait pas l’effort de se coordonner avec les autres, le navire coulera à la première tempête. Sanction immédiate, implacabilité du réel face à l’ordre idéel.
Comme l’anarchiste, le pirate aime l’ordre, mais d’une autre manière. Le pirate aime l’ordre pour le subvertir. L’ordre n’est pas une finalité émancipatrice, il est un moyen pour l’émancipation. Axiome évident et pourtant si souvent nié : pour qu’il y ait émancipation, il faut un ordre duquel s’émanciper. Passer d’un ordre à un ordre ne fait qu’appeler à une nouvelle émancipation.
L’ordre est constitutif de la survie du pirate car celui-ci vit en parasite sur le dos des honnêtes gens. Sans fortunes privées, point de pirates. Sans moralité, point de pirates. Le pirate n’a d’existence que parce qu’il est une des composantes d’un petit nombre d’individus ayant fait le choix émancipateur de poursuivre leurs intérêts en allant à contre-courant du reste. Comme le pirate ne peut se reposer sur l’ordre du droit, il a besoin d’un peu de collectif, mais comme ce collectif s’inscrit dans une démarche subversive, il est voué à ne jamais s’institutionaliser.
En cela, le pirate – fut-ce-t-il un équipage – n’est pas un modèle et n’a pas d’essence : son existence n’existe qu’à un moment donné, dans un état du monde donné et ne survit que dans ses actes. Le pirate est un existentialiste mais surtout un situationniste. Mieux : il est l’unique existentialiste car il n’a aucune pérennité et ne pourra jamais tirer sa légitimité de l’ordre qu’il refuse. Que le pirate se réinscrive dans l’ordre social autrement que pour vivre à ses dépens, c’est à dire qu’il soit institutionalisé par celui-ci pour son utilité à la préservation de l’ordre, alors le pirate cesse d’être pirate.
Ainsi nous ne parlerons jamais « de la » piraterie. L’article défini n’est pas pour nous. Il n’existe aucune intemporalité aux pirates, il s’agit d’un phénomène social, ponctuel et individuel. Tenter de le résumer autrement qu’en le qualifiant de subversif est une pratique vaine. Tout ce que nous pouvons en dire n’est que spéculations et observation empiriques.
Un acte pirate, donc, prend acte du réel et le subvertie. Il ne le combat pas, il le détourne afin de satisfaire à ses propres intérêts. Il va selon ses affectes, c’est une coque de noix abandonnée à l’océan de ses amours. N’étant pas messianique, il n’a pas vocation à rallier à lui les masses pour changer la société, à vrai dire cela lui serait même néfaste.
Le lecteur attentif me demandera alors : « qu’en est-il de ces prisons que vous conspuez ? si le pirate est minoritaire, son existence n’exige-t-elle pas une majorité de prisonniers ? ». Sans doute. Et si ces prisonniers-là décidaient de l’être, pourrions-nous leur en vouloir ? Les émanciper contre leur gré ? C’est dans cet interstice de la pensée que se loge notre programme politique : laissons aux prisonniers la prison, contentons-nous d’en garder la porte ouverte.
La seule politique que nous estimons alors est celle de faciliter l’accès à la piraterie. Il faut que la subversion soit possible au maximum. Mieux : il faut qu’elle s’érige comme un contre-modèle culturel attractif, jamais dans l’objectif de devenir hégémonique, toujours dans l’objectif d’être psychologiquement crédible et accessible. Le pirate est pluriel, chaque équipage est une alternative et plus celles-ci fleuriront, plus les hommes seront libres. Non pas que cette action politique soit indispensable tout le temps – et surtout pas contre la volonté de l’individu – mais elle peut s’avérer nécessaire lorsque des êtres humains sont physiquement empêchés d’accéder aux navires. Fidèle à nous-mêmes nous réitérons : feu sur les prisons !
Tout le reste, ce n’est pas notre problème : à chacun ses choix. Voilà notre héritage individualiste, nous l’assumons. Le pirate est émancipé, non pas émancipateur car l’émancipation vient toujours de soi, sinon elle n’est que police.
A ce stade, le bourgeois tout comme l’anarchiste s’indignent également : « comment ? la subversion perpétuelle de l’ordre ? De manière non démocratique et individualiste ? Mais c’est le chaos que vous nous annoncez, et comment ces pirates vivront-ils si toute la société se piratise ? On ne pense pas un modèle par rapport aux minorités ! »
Nous disons que si. Nous disons même que ce n’est qu’à partir de l’individualité minoritaire que nous progresserons. Car la majorité est toujours une police pour l’individualité.
Mais soit, exercice de pensée : posons la chose. Dans un monde alternatif, la subversion s’avère concurrentielle par rapport à l’ordre. Par milliers, par millions les êtres humains s’interrogent : « ne ferais-je pas mieux moi aussi de vivre en marge ? De profiter du labeur des autres, de ne suivre que mes désirs ? ». Tout d’abord, oh comme une telle pensée est émancipatrice ! Oh comme il est grand et digne celui qui soudain met la morale de côté et s’interroge intimement sur ses affects.
Mais cela va plus loin. Alors oui, des masses soudain s’individualisent et de fait deviennent incontrôlables. L’ordre qui ne tenait que sur le consentement de la majorité et la neutralisation des différences se délite et s’écroule et nous voilà en plein chaos.
Qui ici serait assez sot pour penser qu’un nouvel ordre n’émergera pas ? En vérité il est même très improbable que la phase transitionnelle existe seulement. Il faudrait que tous les Etats du monde et plus absurde encore que toutes les prisons du monde s’écroulent toutes à la fois, cela relève de la science-fiction ! Ou du millénariste marxiste.
Mais quand bien même, encore, voilà les pirates devenues « la piraterie », l’ordre pirate règne, individualiste radicalement certes mais parce qu’il est ordre il perd en subversion. N’émergeront pas alors de nouveaux pirates ? Ceux-là porteront des noms étranges, peut-être se réclamant de la Réaction et peut-être pas. Peut-être seront ils subversif de l’ancienne subversion et de ce fait ouvriront-ils le champ politique à de nouveaux horizons inattendus ?
Nous ne le savons pas, en vérité. Nous ne promettons aucun avenir, aucun aboutissement, aucune fin de l’histoire, aucun paradis. En somme, nous assumons l’absurde, le non-sens, la grande absence téléologique. Nous faut-il pour autant nous laisser errer comme des âmes en peine ? Non. L’absurde est une niche entre le grand idéal d’ordre final que nous nommons fascisme et le grand ordurier que nous nommons marché et capitalisme. Cet espace, c’est celui de la révolte, et celui de la joie qui troue la société par transgression. Nous assurons avec certitude qu’entre charybde et scylla il existe une fenêtre de tir : plus de subversion ne sera que meilleure pour l’être humain, que cela seulement peut offrir l’infinie modalisation des destins et des volontés individuelles et que plus de pirates sera toujours un bien.
Sur ces mots, nous concluons.
Les forces de gauche, camp auquel nous pensons appartenir, trainent derrière elles des boulets conceptuels. Des pudeurs, diront certains, des tabous. C’est que malgré le matérialisme, nous sommes encore pétris de morale et qu’en refusant chez nous les psychopathes nous nous sommes privés de leur pensée et sommes gênés de les trouver dans le camp adverse.
Les banquiers, les financiers, les patrons, ceux-là n’ont jamais renié leur individualisme amorale et en les traitant par réaction comme des contre-modèles, nous nous amputons d’outils nécessaires pour identifier nos propres limites.
Celles-ci sont claires : nous n’échapperons pas collectivement à la prison. La collectivité C’EST la prison. La police c’est les autres. Assumer cette radicalité sera la première étape pour écarter le spectre des échecs des pays du socialisme réel.
Cela étant dit, l’individualisme n’est rien sans la subversion. Le marché est une Forme et donc un ordre comme un autre, les libéraux le savent bien : ce sont les premiers à envoyer la police pour en imposer les règles qu’ils prétendent par ailleurs naturaliser.
L’équipage pirate est une libre association subversive. Elle se fait et se défait sans contraintes pour peu qu’elle offre ou non à chacun un espace de réalisation de soi. La libre association est la réponse que nous adressons à l’enfer des autres, mais elle seule ne peut tenir face à leur poids. La subversion est celle que nous adressons à l’ordre social, mais seule elle mènera toujours à un nouvel ordre.
Subversion permanente, individualisme inconditionnel, voici les deux jambes du pirate. C’est cet équilibre qui lui permet de ne pas chuter quand éclate la tempête de l’histoire, en s’émancipant à la fois de la morale et de l’illusion de l’ordre, ce qui fait du pirate une fin toujours renouvelée.
Posté le : 24 juin 2022 à 16:09:30
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Les réformes se poursuivent donc, toujours soumises aux derniers résultats des élections qui ont fait émerger trois formations politiques concurrentes : le Parti Pirate, le Parti Communiste Pharois et le Parti du Progrès. Si pour l'heure, la faction pirate a visiblement préféré jouer la discrétion, se posant sobrement en arbitre entre libéraux et collectivistes, le Capitaine Nooa semble souhaiter donner un nouvel élan aux ambitions libertaires que porte son parti et peser à sa manière sur la société pharoise et ses alliés du Liberalintern.
Auteur :
Ministre volontaire, il incarne aujourd'hui - si cela est possible parlant du Parti Pirate - la tête de proue de sa formation politique. Engagé sur de nombreux terrains, notamment pour tout ce qui touche à la restauration d'Albigärk comme lieu et place subversive pour l'ordre établi, il revendique souhaiter former les prochaines générations aux idéaux libertaires, non par la théorie mais par la pratique de l'autogestion.
Auteur prolifique, il intervient peu souvent devant les Chambres, mais ses réformes sont toujours ambitieuses et solidement argumentées.

Le 25 novembre 2007, il soumet ce texte :
Le présent travail, originellement intitulé « Pharois, encore un effort et vous serez pirates », est la transcription d’un discours tenu devant la Chambre Concitoyenne du Syndikaali, le 25 novembre 2007, afin de défendre un projet de loi issu de mon groupe politique, le Parti Pirate, et visant à proposer de dissoudre spontanément notre système judiciaire.
Cette proposition de loi, toujours en instance de vote, a provoqué de nombreuses polémiques riches et stimulantes pour le débat politique de notre pays, c’est pourquoi je le soumets aujourd’hui au jugement des représentants du Liberalintern en espérant qu’elle stimulera dans leurs pays également des débats tout aussi fructueux, et qui sait, mener à une réforme législative conjointe – je l’appelle de mes vœux – ou à des progrès dans l’harmonisation du corpus théorique qui nous sert à ce jour de socle de valeurs communes.
Cela étant dit, voici le discours :
Pharois, encore un effort et vous serez pirates. A bien des égards et dans sa fertile bâtardise, notre pays fut et est encore le laboratoire des idées et ambitions politiques de ce siècle. Le XXIème de notre ère est désormais bien entamé, et tandis que dans le monde nos positions s’assoient chaque jour plus fermement, la contingence géopolitique n’est plus une raison entendable pour refuser des réformes que notre cohérence philosophique impose. D’ailleurs, ce prétexte aux allures d’excuses, n’est en général qu’un petit tour des conservateurs pour conserver, ce n’est jamais que dans les crises qu’on bouleverse bien.
Notre dernier texte, qui avait posé les bases de la doctrine parasitiste, nous menait à une certaine grille de lecture qui imposait elle-même une certaine attitude politique. Nous prônions et prônons toujours la subversion systématique des Formes, c’est-à-dire de tout ce qui exerce la coercition, en tant qu’elles perdurent dans le temps et ont vocation à se maintenir. Toute forme qui cherche à survivre, toute institution qui se préserve, tout ordre qui se maintient, est tyrannique et doit être subverti car il ne s’inscrit plus alors dans une situation, dans un projet, adossé au réel, mais se construit sur des idées et de la morale, et cela nous le refusons (voir le texte précédent pour un plus ample développement).
Quand on a dit subvertir, on n’a rien dit, car tout est Forme, si on est un peu radical, et comme l’objectif de l’homme demeure de continuer d’exister, il aura tendance pour cela à projeter son expérience réelle et corporelle sur l’institution, qui n’est en définitive qu’un corps social. Devons-nous subvertir le corps ? Oui, dans une certaine limite, cela est possible et fera l’objet d’un prochain essai sur le techno-piratisme. Force est toutefois de constater que la priorité n’est pas là. L’ennemi se déploie dans des espaces sociaux beaucoup plus évident et symbolique et s’il nous faut les subvertir chez les autres nations, le Parti Pirate estime qu’il faut les abattre au Syndikaali. On ne travaille pas efficacement avec l’adversaire dans le dos.
Cet adversaire grossier, quel est-il ? La réponse est évidente : qui incarne le mieux la conservation et la morale que l’institution judiciaire ?
C’est cela qu’il faut anéantir : la justice, morale et sociale. Nous reviendrons sur chacun de ces deux aspects en détail.
Par justice sociale, nous n’entendons pas l’acceptation gauchiste classique qui serait une forme d’équité ou de redistribution, des riches vers les pauvres, comme on la retrouve bien souvent dans les nations sociales-démocrates molles. Déjà parce que cette conception infantilise le pauvre, qu’elle le détourne de son devenir révolutionnaire ou brigand, mais surtout qu’elle institutionnalise l’inégalité.
Par justice sociale il faut entendre, simplement, toute la structuration de l’architecture social autour de l’ordre légaliste. Dans une société dominée par la comptabilité économique, c’est-à-dire le système symbolique de représentation du mode de production au sens marxiste, la justice est l’entité pivot du monde. C’est elle qui tranche et donc décide, en définitive, le juste de l’injuste et donc le social de l’asocial, c’est-à-dire relégué hors des règles de la société, c’est-à-dire puni. Cette constatation classique fit parler, dans un élan de lucidité, les réactionnaires antimodernes de « tyrannie des juges », ce en quoi ils n’eurent raison qu’une demi-seconde avant de se vautrer dans leur amour inconditionnel de l’ordre et appeler à remplacer la tyrannie juridique par une autre tyrannie plus à leur goût, ce qui est un peu fatigant.
La tyrannie des juges est réelle, elle est le ciment de la structure sociale, elle remet dans le droit chemin ce qui lui échappe, ce qui, dans la tradition marxiste, fit parler de justice de classe.
Allons plus loin un instant et regardons non pas la justice comme insérée dans un modèle déjà existant mais pour ce qu’elle est.
Comme toutes les institutions idéalistes au service de l’ordre dominant, la justice s’est dotée de mots écrans pour dissimuler son action.
Ainsi, la justice « emprisonne » les hommes. La justice leur donne des « amendes ». Parfois, la justice les « exécute ».
La même action, exécutée dans les mêmes conditions, par un ou des citoyens, porte un autre nom : on kidnappe, on vole, on assassine.
D’où nous vient alors que la peine de mort nous semble honnête et l’assassinat abominable ? D’où nous vient qu’il n’existe pas un seul Pharois qui consentirait de bonne grâce à se faire voler mais que nous payons – pour la plupart – nos prunes ? Ou que si enfermer un voisin dans notre cave nous semble odieux, emprisonner le même homme entre quatre mur après qu’un juge ait frappé de son maillet la table du tribunal devient soudain d’une parfaite banalité ?
Cette fable ne tient que parce qu’elle prétend s’adosser au contrat social. La justice serait alors une entité, un pouvoir supérieur à celui du simple quidam et donc ses actions n’auraient plus la même valeur. Le crime, passé à la moulinette du contrat, devient un acte hautement estimable. Certains conservateurs plus abrutis parleront plus simplement de « pragmatisme » mais ils manquent juste d’imagination.
D’où nous vient je me le demande que nous ayions accepté cette situation ? D’où me vient qu’au nom de lois que je n’ai pas décidé et en raison du fait que je sois né sur un territoire et donc assigné à une nationalité, ces lois s’appliquent à moi ? D’où vient qu’un autre que moi puisse sans mon consentement décider de m’ôter la vie, sur la base de valeurs ou de règles qui ne sont pas les miennes ? Venant de n’importe qui d’autre qu’un juge, cette idée est insupportable, mais la justice s’est parée de concepts et d’idées, de stratégies de légitimation de son action, et derrière celles-ci dissimule sa monstruosité.
Qu’en est-il du fameux contrat social, alors ? Je n’ai personnellement rien signé.
Le bon esprit rétorque alors « oui mais tu as profité ». Déjà, je tiens à dire que ce n’est pas ainsi que fonctionne un contrat, dans son acceptation banale du terme. Profiter d’un certain état du monde ne m’engage en rien à le conserver, sinon pour des considérations morales méprisables. De la même manière, aimerais-je dire, un contrat est librement consenti et n’a de valeur que si les deux partis ont clairement conscience de tous ses enjeux. On a vu des contrats rompus pour tromperie, c’est courant. Ainsi je ne peux être redevable envers la société pour avoir profité de sa structure si je ne suis pas informé des conséquences de cette action. Étant jadis enfant, je n’avais pas l’âge ni la lucidité pour avoir conscience de ces choses. A ma majorité, personne n’est venu explicitement me proposer de signer ou non, d'adhérer à cette société. En définitive, me voilà embarqué dans une drôle d'affaire où il n'est question de rien de moins que de ma vie et de ma liberté.
Pour s’en sortir, le juriste répond que nul n’est censé ignorer la loi, ce qui est une absurdité sur tous les plans et quand bien même : ne pas ignorer ne signifie pas consentir.
En l’état, je ne peux renoncer à ma nationalité, sauf si une autre société m’offre la sienne. Tient donc, et pourquoi n’y a-t-il pas d’apatrides ? Et quand bien même, la société ne vous laisse pas vous échapper, jamais. Contrevenez à sa volonté ou ses intérêts, elle vous traque, elle exige qu'on vous extrade, parfois elle envoie ses assassins vous retrouver. L'Etat se rappelle à vous toujours : par la pression qu'il exerce, vous protéger revient à mettre en danger vos nouveaux amis, votre pays d’accueil pour qui vous devenez une charge. On a vu des exilés, des lanceurs d'alerte, des traitres, qui ne faisaient pourtant qu'exercer leur droit d'émancipation vis-à-vis de leur société de naissance, se voir leur vie pourrie par la volonté d'un Etat.
Parce que je suis né Pharois, le Pharois pèse tout entier sur mes épaules.
Par ailleurs, le Pharois est encore là, repliée en vous, dans votre socialisation, vos habitudes, votre culture. Il s'impose toujours en définitive, vous le trainez comme un boulet dans votre accent et vos idées. Un Etat totalitaire peut appuyer sur sa population jusqu'à la briser profondément. Un Etat libertaire, demeurant un Etat, pèse malgré lui, comme l'air, sans que l'on n'en ait bien conscience.
Appuyé sur la foule conservatrice des loyalistes en tous genres, ceux qui se dévouent à la société, l'Etat est toujours prêt à exiger qu’on lui paie sa dette, quitte à falsifier les comptes.
Car certains se serviront de cette dette pour déclarer que, parce que la société a permis ma venue au monde, a permis ma vie et autorisé mon existence, parce qu'elle l'a sauvée parfois, par ses médicaments et ses couveuses, alors je lui dois un engagement équivalent. Il est vrai que sans doute, abandonnée à la jungle, sans hôpital, sans suivi médical, ma mère n’aurait peut-être pas eu un accouchement aussi tranquille que fut le sien.
Ainsi le seul moyen de me délivrer de ma dette serait de cesser de vivre, puisque vivre est déjà jouir d’un privilège autorisé par la société qui m’en tient pour endetté. Je n’appelle pas cela un contrat, j’appelle cela une prise d’otage.
Pour ces raisons et contradictions il nous appartient de reconnaitre que rien ne nous engage envers la société dans laquelle nous grandissons et qu’il n’y a ni raison pragmatique ni raison réelle d’en respecter les lois.
En effet, si le prix de ce respect est la menace de l’assassinat par la « justice », alors je m’en passerai.
Ce constat étant fait, abolissons la justice.
Et j’en viens au second aspect de ma démonstration, à bas la justice morale.
Par justice morale il est entendu que faute de pouvoir justifier pragmatiquement et raisonnablement l’existence de l’institution judiciaire, nous nous replions en général sur des considérations morales afin de sauver ce qui peut l’être. Il est intéressant de voir que justice et justice, justice au sens de ce qui est moralement juste, et justice au sens d’institution judiciaire qui n’a rien de juste, se recoupent sous un même terme.
La justice morale, c’est la justification de l’ordre par la simple existence de la structure, c’est-à-dire du conservatisme. En cela la justice morale est une raison morte, incapable de penser le présent autrement que dans sa conservation, autrement que mort.
Je m’explique.
Il y a deux manières de justifier l’ordre établi, issues de deux traditions philosophiques radicalement opposées, qui en définitive se recoupent. L’ordre, c’est-à-dire le maintien dans le temps – y compris par la force – d’une certaine structuration du sociale, une certaine organisation de la société, peut être justifiée par la morale ou par la fatalité. « Telle société est organisée ainsi car Dieu l’a voulu, car elle est la plus efficace. » « Tel prince nous gouverne car il a pour lui la force, l’intelligence ou la bénédiction. » « Tel homme est plus bas que terre car il n’a pas assez mérité, travaillé, ou qu’il n’est pas élu. » Foutaises évidentes. On peut également justifier – et cela est plus pernicieux – la structure par sa fatalité : « Si tout est déterminé, il suffit d’attendre pour que s’effondre le capitalisme. » « Puisque tout se joue à un niveau supérieur, l’action individuelle n’a pas de sens. » « La révolution doit être mondiale ou ne pas être, restons en attente. »
Renvoyés dos à dos, marxistes et conservateurs se révèlent identiques, ce qui explique que l’un comme l’autre sont voués au néant ou à la tyrannie. Au nom d’un futur hypothétiquement vivant ils ne prônent que la mort.
A l’inverse, le pirate est un vitaliste, nous nous opposons à l’ordre et à la justice en cela que ce sont des machines à tuer.
Pour s’en rendre compte, il suffit de voir comment fonctionne la justice en réalité.
Prenons un cas exemplaire survenu il y a de cela trois semaines sur les docks de Pharot. Une poignée d’ivrognes sortant d’une taverne, s’empoignent et se tabassent respectivement – je le sais j’étais dans le bar – l’un d’eux, malheureusement, tombe dans l’eau et se noie dans le port.
Les garde-côtes débarquent et saisissent les belligérants, les voilà devant un juge. Qui cherche-t-il cet homme-là ? Il décompose la scène, il souhaite savoir qui a commencé, qui a poussé la victime dans l’eau, et ainsi, soupesé au profil psychologique de chacun des ivrognes, distribuer selon la loi un peu et beaucoup selon son appréciation les responsabilités de chacun, qu'il s'agira ensuite de punir.
Mais qui est coupable de quoi ? Y a-t-il un « coupable » dans une bagarre où personne ne maîtrise rien ? Quel coupable sinon une éducation violente ? Quel coupable sinon la boisson qui fait perdre en lucidité ? Quel coupable sinon une société où assez arbitrairement les meurtres sur terre sont farouchement condamnés mais où les attaques en mer sont considérées comme normales ? Quel coupable sinon la fatalité, la faute à pas de chance ? Ces hommes qui se battent, l’auraient-ils fait à trois cents mètres du port, sur le pont d’un navire, qu’ils sortiraient innocents de ce drame.
Derrière cette arbitrarité évidente se cache le funeste travail de la justice : elle objectifie, elle décompose les actions pour les comprendre et de ce fait, perd la vision générale de la situation. Incapable de penser la société, de penser l’élan vitaliste de gens qui ivres s’empoignent, la justice entend apposer un regard froid sur une situation très chaude. La justice a un regard mort.
Comme l’Etat et ses monstrueuses statistiques, la justice ne peut concevoir le vivant car le vivant est extérieur à l’institution. Aussi, elle réduit des situations et des hommes à peu de choses : des profils psychologiques, des gestes, des actes, des antécédents décomposés et décontextualisés. Des choses mortes.
Ainsi passer devant la justice, c’est mourir à ses yeux. Bien qu’elle s’en défie, la justice déshumanise puisqu’elle examine l’homme multiple, vivant et social, au prisme de quelques outils cliniques incapables de décrire la complexité du réel.
Il n’y a rien à attendre d’une telle chose.
L’autre face de ce drame c’est évidemment ce que la justice nous fait, non en nous sanctionnant mais en nous donnant à voir le spectacle de ses sanctions. Car nous demandons justice ! Oh comme nous aimons cela ! Nous réclamons réparation, de plus en plus, nous voulons que la société tranche ce qui nous parait un indémerdable litige. Souvent, plutôt que de prendre nos responsabilités et, en bonne intelligence et en bonne autogestion, faire société, nous trouvons plus commode de déléguer lâchement à ce tiers froid, ce juge, de dire pour nous qui a raison et qui a tort. Mais qu’en sait-il, celui-ci ? Que peut-il faire sinon statuer en regardant dans son grand livre de loi au nom de quelle règle arbitraire peut-on départager deux êtres humains, rendus à leur immense complexité, qui ne sont pas d’accord ?
Il ne nous viendrait pas à l’idée de régler nos différents politiques ainsi, alors pourquoi le reste de notre quotidien est-il soumis à ce mode d’organisation ?
La soif de justice est une soif de clarification. Dans les nuances infinies du réel, recroquevillé dans chaque situation – car pour deux alcooliques qui se battent, leur ombre projette mille ans d’histoire pharoise – nous aspirons à saisir le réel, à mettre des mots sur lui, à l’objectiver.
Nous fétichisons l’objet comme nous fétichisons la marchandise, figée, morte. Nous sommes des bandeurs de cadavres, des castrateurs de vitalité, face à la beauté du monde, nous pensons à le disséquer.
Cela nous empêcher de penser, et de vivre.
Nombreux ici, je vous entends crier, me demanderont par quoi remplacer cet outil monstrueux mais terriblement efficace dès lors qu’on ne pense plus l’humain et la société mais l’Etat, dans le but de le sauver de ses contradictions ?
Si cela ne tenait qu’à moi, je dirais aussi « à bas l’Etat » mais enfin vous n’êtes pas prêts pour cela et ce n’est pas l’objet de notre projet de loi aujourd’hui.
Puisqu’il faut bien maintenir un ordre social – apparemment ? – et que nos archaïsmes nous empêchent de nous penser collectivement en tant que citoyens libres et capables d’auto-organisation, je dirai ceci : à bas les lois, et vive les garde-côtes. La médiation vivante et située d’une poignée d’hommes et de femmes, pas plus ni moins armés que vous et moi, mais ancrés dans le réel car partie prenante de notre société, et qui ne pourront plus légitimer leur violence par des textes supérieurs mais devront à chaque instant, par le dialogue, en rendre compte devant la population.
Et que dire de la constitution en milices ? Que dire du faible qui, une fois débarrassé de cette épée de Damoclès au-dessus de sa tête, deviendra fort ? Vous direz « ce sera le chaos » et je réponds, sans doute un peu, mais qui souhaite cela ? Et de ce chaos, ne naitront pas de nouvelles Formes, si c’est cela qui vous inquiète tant ? Nous ne luttons pas contre l’ordre, nous ne sommes ni anarchistes, ni nihilistes, nous luttons contre tout ce qui déshumanise et souhaitons réintroduire du vivant dans l’organisation de notre société, contre les machines de mort. Débarrassons nous en, il ne restera plus que notre intelligence pour gérer les choses, il n’y a rien à perdre, nous crevons déjà sous leur joug.
Je ne dis pas, balayons toutes les lois d’un coup ! Je dis, c’est un voyage, et le Syndikaali n’est jamais aussi bon que lorsqu’il lève l’ancre vers des contrées nouvelles, fussent-elles dans leur propre pays.
Posté le : 19 août 2022 à 19:41:55
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L’actualité extrêmement chargée des derniers mois, qui voyaient se dérouler aux deux extrémités - Eurysiennes et Paltoterrane - de l’Internationale des crises politiques d’un degré de tension d’autant plus extrême qu’elles confrontaient respectivement l'ONC à des nations membres de l'alliance. C’était devenu l’un des sujets les plus en vogue. On avait étudié l’ONC, plus particulièrement les méthodes employées par les pays composant la frange agressive (qualifiée d’impérialiste) de l’Organisation, et il était devenu évident que ceux-là pratiquaient une forme d’impérialisme d’autant plus efficace qu’il ne disait pas son nom, cachait ses méthodes et s’appliquait à soigneusement brouiller les pistes en masquant ses actions d’un bombardement médiatique de désinformation. L’un des aspects le plus répugnant, révoltant, restait pour les kah-tanais le fait qu’au moins une de ces crises - celle du Vinheimur - témoignait d’un effritement démocratique. Les nouveaux impérialistes, avec leurs systèmes représentatifs imparfaits, mentaient ouvertement à la population pour la monter contre leurs ennemis. Une preuve de plus que ces oligarchies n’avaient rien de démocrate.
Quoi qu’il en soit, il devenait utile sinon essentiel d’analyser les méthodes de l’ennemi, et d’en tirer la base d’une conclusion, et d’une stratégie de riposte digne d’apporter, sinon une victoire, la création d’un statu quo favorable à la sécurisation des régimes libertaires.
Auteurs :
Le 8 mai 2008, il soumet le texte suivant :
Ce début nouveau millénaire a été particulièrement épprouvant pour tous les pays et tous les continents. C’est un millénaire que l’on a pensé voué à une certaine renaissance, et l’on savait dès le début que la remondialisation timidement enclenchée par les puissances nord-Aleucienne puis se répandant partout ailleurs via d’autres foyers ou grâce au commerce, porteur de choses encore jamais vu dans l’histoire humaine.
On ne peut pas nier, maintenant, que le passé à la vie dure. C’est une obsession accélérationniste, (fut-il captialiste comme très souvent, ou communaliste), que de croire avec passion que le passer doit disparaitre au profit du nouveau. Et si l’impact des télécommunications modernes sur la politique et la culture reste encore à estimer, on ne peut pas nier qu’il ne crée pas du nouveau, mais amène une transition sous la forme d’une mutation des anciennes méthodes politiques et thématiques de l’ordre social. Le village planétaire est plus que jamais une réalité, mais ce village est divisé en quartier protéiforme, dont les habitants ne sont pas tous bon voisins.
Du reste, il y a encore à déplorer quelques puissants accès de fièvre lié à ces vielles maladies autoritaires que l’on espère abattre pour de bon. Rappelons par exemple l’impérialisme névrosé des pays qui, n’ayant pas quittés la forme monarchique ou y étant retourné par le truchement d’un tour de passe-passe fascisant, pensaient judicieux de s’armer pour une guerre extérieure comme en Francisquie, intérieure comme chez nos amis les Kaulth. Il est inutile de pointer du doigt que le phénomène de révolution mondiale, si l’on y croit, n’est en aucun cas un embrasement spontané. C’est un feu dormant qu’il faut entretenir soigneusement, et qui ne dévore que très longtemps certains régimes. Donc, ce qu’il fau retenir, c’est que ces régimes à l’ancienne sont là pour rester. Ils ont en quelque-sorte un aspect rassurant, ces régimes. On les connaît. Combien de révolution a-t-on mené contre eux ? Ne sait-on pas précisément comment les vaincre ? Leurs méthodes sont aussi vieilles que leurs idées : nous les comprenons depuis le début, nous savons depuis le début comment les contrecarrer. Ces gens n’ont aucun secret pour nous. Ils donnent un sens facile à notre lutte, car nous savons que contre eux, elle ne peut que triompher.
La problématique se trouve donc du côté des autres. Ceux auxquels on peut s’adresser, avec lesquels on peut commercer, dont la population a l’impression d’être libre, disposant d’une cage plus grande que leurs voisins infortunés. Ces autres dont l’aspect respectable fait oublier à certain de nos concitoyens qu’ils sont nos ennemis mortels, notre système révélant tous les manquements du leur. Ces démocraties imparfaites (*NDT : démocraties représentatives) au fonctionnement capitaliste, véritables nids à oligarques dont le placement centriste - à cheval entre l’autoritarisme assumé et le régime de Démocratie réelle (*NDT: régime libertaire) -sont la véritable puissance émergente de ce siècle. Inutile de rappeler ce que l’on sait du système capitalisme, et de ce qui est nécessaire à son fonctionnement. Exploitation de la misère, confiscation des leviers du pouvoir, contournement systématique des règles politiques et de la souveraineté populaire - fût-t-elle en fait une souveraineté de classe, réservée aux élus du système pouvant obtenir une place dans ses chambres et ministères. Nous connaissons très bien ce que le libéralisme économique, dans sa forme capitaliste oligarchique, (incomparables avec les systèmes coopératiste pharois, sociétal Banairais et communalistes du Grand Kah) permet et génère. Inutile de rappeler les poncifs du genre désormais bien établi qu’est l’analyse critique de la démocratie parlementaire capitaliste. L’ogre dévore ses enfants, les riches organisent l’abattage des pauvres et se comportent en communautés sécessionnistes vis-à-vis de la loi qu’ils leur imposent, etc. Cependant, il est important de rappeler que le capitalisme (utilisons dès maintenant le thème sans nous fatiguer à répéter à chaque occasion que certains de nos partenaires et amis ont un libre-marché, et qu’il est possible de mener une politique libertaire sans nier que le système économique mondial invite à un certain pragmatisme dans son exploitation), importat, donc, de rappeler que le capitalisme a pour principale force ses deux capacités primordiales, sur le plan de la politique internationale.
- Une formidable capacité de subversion, pour commencer; Le système capitalisme est un système générant des cages, et favorisant la destruction des classes sociales par un jeu subtil de confiscation des pouvoirs et des savoirs. C’est un système qui abruti ceux qui en souffrent, et les aliène jusqu’à en faire ses principaux avocats. C’est un système qui dilue le pouvoir en le distribuant non-pas aux mains d’un dictateur ou d’un parti unique, mais d’une camarilla informelle d’individus dont l’extrême richesse favorise des rapprochements stratégiques. Le capitalisme ne fonctionne pas sous la forme d’un complot (bien qu’il abrite des multitudes de complots, le fonctionnement de son pouvoir étant de déléguer les questions économiques à des acteurs privés agissant bien souvent sans respecter les règles, et d’assujettir l’ensemble des autres questions à celles économiques). Il fonctionne sous la forme d’un gouvernement qui présente les aspects d’une démocratie, et n’a de cesse de sortir autant d’éléments que possible du cercle de la démocratie. C’est un système indiquant qu’il est pour la liberté, et pointant du doigt le droit de vote d’une population, avant de lui arracher tant que possibles eaux, police, lois, routes, santé, pour en faire des marchés. La logique est implacable. Le capitalisme c’est la démocratie, par conséquent, privatiser ce qui dépend de la communauté et exproprier la population de son pays pour vendre à prix dérisoire le dit pays à des puissances économiques, c’est la démocratie.
- Sa propension à l’assimilation des idées contraires, en second lieu. Le capitalisme est un système par nature hégémonique. Il ne peut pas exister dans un système qui n’est pas pleinement capitaliste. Tout ce qui n’est pas capitaliste, dans un système capitaliste, représente un risque et un foyer potentiel de changement. Le but du capitalisme est par conséquent un but totalitaire d’expansion totale à tous les domaines de la société et de la vie. Il faut que tout devienne un marché. Les alliances politiques ne servent plus à la sécurité, à l’échange universitaire ou à lutter contre des problèmes existentiels (crises alimentaires, réchauffement climatiques, échanges médicaux etc) mais à vendre des voitures Novigardiennes à Saint-Marquise. L’art ne sert plus à exulter l’air du temps, à permettre à des populations de se relâcher et de collectivement exprimer leur état d’esprit, mais à faire du profit. La politique ne sert plus à répondre à des questions concrètes, à édifier de meilleurs systèmes d’organisation et à permettre à chacun d’obtenir des conditions de vie au moins correcte, mais à créer des marchés, assurer la «compétitivité» d’un pays (encore de la subversion). Le système capitaliste étant totalitaire, il ne tend qu’à permettre l’émergence de systèmes de penser d’art ou de gouvernance adaptés au capitalisme. Toute pensée qui émerge d’abord sous une forme anticapitaliste tendra à être d’abord ignorée et, si elle obtient un succès permis par la très relative liberté des habitants (rappelons encore que cette liberté est superficielle puisqu’elle est une liberté de consommateurs et ne sert qu’à permettre la création d’individus achetant des produits, et non d’individus capables de s’épanouir et de prendre des décisions concrètes sur la direction de leur vie et de l’agencement des structures la régissant), ce succès signera en fait son arrêt de mot. Prenons pour exemple la vie classique d’un phénomène de contre-culture. Il apparaît, point du doigt les causes d’une politique capitaliste, gagne en popularité, se répand parmi la population. Le pendant conservateur du capitalisme tente les stratégies d’attaque classique : accusations diverses, dégradation de l’image du mouvement, création d’un système de désinformation visant à attribuer au phénomène des choses dont il n’est pas responsable, ou qu’il n’est pas porteur puis, après généralement une dizaine d’années, si le phénomène persiste, récupération apr les marchés. Le Punk, par exemple, a commencé comme un geste révolutionnaire nihiliste - plus précisément un doigt d’honneur. Maintenant c’est une catégorie dans les magasins de vêtement et de disques. Tout ce qui est en dehors du capitalisme est au choix rejeté ou, en dernier recours, adapté au système.
Le capitalisme, donc, fonctionne comme un impressionnant réseau de contrôle de la population. Ses caractéristiques furent très longtemps impossibles à étudier en dehors du cadre de la politique intérieure, car il est apparu sous sa forme systémique moderne à une époque où ses principaux avocats, les «grandes puissances» du nouveau et vieux monde, jouissaient encore d’empires coloniaux. En d’autre terme le processus d’exploitation capitaliste de pays producteurs de ressources se faisait et se pensait comme une politique intérieure à ses empires. (Pour ceux qui viendraient à se questionner sur l’aspect Aleucien de la question, il est nécessaire de se souvenir que les nations Aleuciennes ont toutes menées des politiques d’appropritation de territoires déjà habités. Ce sont, par définition, des empires coloniaux. La seule différence étant que la mer ne séparait pas là-bas les colons de la colonie, comme elle le faisait en Eurysie). Cette première période de mondialisation relative des affaires économiques donna lieu à une propagation du système capitaliste dans tous les pays où il pouvait être plus utile aux classes dirigeantes que les systèmes féodaux plus classiques (mais intimement similaires). Ces périodes d’occidentalisation et de modernisation, pour reprendre le terme inadapté mais historique, permirent à des régimes archaïques de s’assurer une longévité supplémentaire en appliquant ce système diluant les tensions aux mains d’une classe d’intérêt communs moins évidente à viser, tout en donnant à la population l’illusion d’une libération.
C’est ce système capitaliste primordial qui est à l’origine de notre analyse classique du capitalisme. C’est ce système primordial avec lequel nous sommes familiers, et c’est à ce système que nous devons dire adieu, en effet, les récents évènements tendent à démontrer que le capitalisme est entré dans une nouvelle ère, son évolution a encore évoluée en se dotant d’un outil qui manquait clairement à ses précédentes itérations : désormais, le capitalisme a une stratégie extérieure cohérente.
Celle que j’ai nommé Stratégie de l’Effroi, où comment maintenir la population dans un tel état d’hébétement qu’elle ne soit pas en mesure d’employer son énergie ou la relative liberté lui étant laissée pour remettre en cause ou le système, ou ses actions.
La stratégie de l’effroi est d’une facilité d’autant plus consternante qu’il semble évident, à la regarder, qu’elle dépend de la simple marche normale des choses. C’est lié à cette grande force du capitalisme qu’est cette capacité qu’il a, en son sein, par l’action d’une solidarité objective des individus en profitant, pour s’imposer comme la seule forme d’organisation de la société non-pas souhaitable, mais envisageable. Ce qui signifie qu’au sein d’une planète multipolaire, où cohabitent de nombreux systèmes d’oppression et de libération, le système capitaliste arrive à imposer à ceux existants en son sein qu’il est en fait le seul système. Que les autres systèmes, ne sont pas seulement dysfonctionnels, mais quasi-ment inenvisageable, sur le plan physique, matériel des choses. Le capitalisme, ou rien. Diront certains. La stratégie de l’effroi, pour sa part, clame plutôt «Le Capitalisme ou la Mort». C’est car le principe même de cette stratégie. Imposer un genre de terreur à la population, qui n’est pas à proprement dit une terreur politique puisqu’elle ne vise pas un pan particulier de la société et ne s’articule pas ouvertement autour de mécanismes de purge ou d’extermination d’un corps social ou politique ciblé.
C’est une terreur générale, ou plus précisément, la construction d’un récit de terreur, exactement similaire, dans ses bases mécaniques à la construction d’un récit d’approbation. La fabrique du consentement a été reconstruite sur des bases nouvelles : qu’importe qu’on aime le capitalisme, pourvu que l’on ait peur de tout.
C’est aussi que la terreur est un puissant outil démobilisateur au sein de la population. Il est bien connu qu’il est extrêmement compliqué pour une population prolétarienne dépourvue d’éducation ou d’une avant-garde - professionnelle ou non - de penseurs révolutionnaires de s’organiser sous des formes strictement parlant révolutionnaires. La misère et la culture matérialiste consumériste prônée par le capitalisme tend à éduquer la population en vue d’un égoïsme absolu, qui répond mal aux situations de crise. Quand bien même des études démontrent qu’en situation de crise, le genre humain s’en retourne à une forme primaire de coopération et d’entre-aide, le capitalisme forme la population à ignorer son naturel au profit de réactions extrêmement contre-productives sur le plan sociétal, mais terriblement pratiques sur le plan du contrôle et de la domination de cette même population. En bref : la politique du chacun pour soi. Cette politique seule n’est qu’un élément à comprendre en préambule de la stratégie de l’effroi. Cette stratégie, cependant, est peut-être mieux décrite en pointant du doigt et analysant les récentes crises géopolitiques mondiales et leurs principaux architectes.
C’est devenue une rengaine triste que de parler de l’ONC comme d’un mouvement impérialiste par essence. Si l’on s’en réfère à ses statuts et en conservant un peu de bienveillance à l’esprit, l’ONC passe plutôt pour une fédération commerciale dont les objectifs semblent plus concernés par la politique interne des pays en faisant partie, que par des actions coordonnées visant à modifier la donne régionale par la force ou la subversion. Dans les faits, maintenant, l’ONC est principalement dirigée par un cœur actif de nations que l’on nommera charitablement «interventionnistes», menant une politique d’expansion agressive de leurs intérêts via l’usage massif de la désinformation et du conflit. Nous pouvons noter parmi ce cœur l’Alguarena , le Lofoten et, dans une moindre mesure, le Novigrad. Maintenant, il convient d’expliquer en termes clairs la stratégie employée par ces nations et les ressorts de son efficacité.
Le principal objectif de ces puissances capitalistes et de pouvoir agir de façon extrêmement agressive sans être contrée, sur le plan intérieur, par un mouvement de contestation populaire. La population, lorsqu’elle est sainement éduquée, est généralement opposée à la guerre. Soit pour des raisons strictement matérialistes, soit parce que l’éthique moderne est généralement opposée aux conflits meurtriers. Ce qui justifie, dans ces pays, d’une politique extrêmement violente de propagande à destination de la population même. Ces «démocraties», par un effort conscient du gouvernement et par l’action simultanée quoi que pas coordonnée des grands propriétaires, organisent l’édification d’un discours violent, les opposant à un certain nombre de pays selon les intérêts du moment et cachant la vérité des faits et des évènements derrière un tir de barrage médiatique. Ces médias, certes, ne sont pas dirigés directement par le gouvernement, et sont la propriété privée d’individus différents. Mais ces individus appartiennent à une même classe sociale, et ont des intérêts généralement exactement similaires. Lorsque des médias défendent une ligne différente, ce n’est pas la liberté de la presse, c’est une bagarre de nanti. Ces médias, sur tous les sujets qui ne tiennent pas de la bagatelle et de l’opinion personnelle, s’en réfèrent systématiquement aux mêmes principes et à la même vision du monde, celle des puissants. Du reste, on a créé toute une classe médiatique d’experts, individus créés de toute pièce et auxquels on prête une importance malgré une absence généralement avérée de spécialisation ou d’accomplissements notables; Les experts servent principalement à court-circuiter la société civile et universitaire : on fait venir ces individus en vue de les faire débiter dans un ordre pensé par avancer, la vérité officielle du moment, et surtout, pour éviter de prendre le risque d’en appeler à des individus réellement spécialisés dans des sujets donnés, dont la potentielle liberté d’expression, généralement lié au fait que ces individus existent non-pas en tant qu’experts mais en tant qu’universitaires, scientifiques, membre de la société civile déjà bien installé, pourrait remettre en question l’analyse voulue par les classes dominantes de la société locale. Cette classe d’experts sert à créer un narratif et à imposer à une société civile disposant du droit de vote la vérité officielle qui exclu par essence tous les individus disposant d’une opinion différente de celle acceptée par le corps médiatique. Ce que cela signifie c’est qu’il est impossible, dans ces démocraties, de faire émerger sans lutter un avis divergent. Cela signifie aussi que le pouvoir, lorsqu’il le désire, est tout à fait en mesure de mentir, de créer une réalité alternative et d’y piéger ses habitants, grâce à la connivence de classe entre l’autorité politique et médiatique, permettant notamment d’éviter que des informations contradictoires n’arrivent à la société civile. C’est ainsi que l’Alguarena peut prétendre sans avancer de preuves, que les hommes morts au Pontarbello et dont elle a déplacée les corps au Vinheimur, s’y sont rendus de leur propre volonté pour y mener des exactions, quand-bien même on sait parfaitement que les cadavres ne prennent pas l’avion d’eux-mêmes, et quand bien même on sait que les dites exactions sont un mythe créé de toute pièce par les services secrets vinois dans le but de justifier une guerre. Il est à ce titre important de souligner que la classe dominante vinoise dispose manifestement d’intérêts bien plus divisés sur la question de la guerre que celle de l’Aguarena, qui n’aura pas à en souffrir des conséquences directes.
L’Alguarena, donc, est en mesure de contrôler les informations à la disposition de sa population, et utilise cette capacité pour éviter d’employer les outils démocratiques. La désinformation et l’absence de capacité réelle d’offrir un avis extérieur ou alternatif sont les deux outils premiers de la stratégie de l’effroi. Le contrôle du discours permets de la mener à bien en créant une réalité meuble, sujette aux désirs des gouvernements.
Car tout le principe d’une telle stratégie est de contourner les instances démocratiques et d’éroder leur fonctionnement normal par la création d’un narratif. Ce narratif, extrêmement violent, ne peut se concevoir que dans des moments de stress extrêmement intense au sein de la population et c’est ce pourquoi il convient maintenant de se pencher sur la création de ce stress et son utilité.
Une population sous le choc, subissant un traumatisme global et durable tel que celui d’une guerre, d’un coup d’État, d’un embargo ou encore de crises politiques et économiques durable, aura tendance à s’immobiliser, en tant que société civile. Les révolutions naissent souvent de la colère populaire, mais la colère se crée sur le long terme, et à condition que la population puisse avoir une mince idée des raisons de sa situation. La stratégie de l’effroi est très efficace en ça qu’elle prive la population exploitée à la fois du temps nécessaire à sa réaction, à la fois de sa capacité à comprendre la situation même. L’exemple du Prodnov est extrêmement intéressant : le Prodnov était une dictature d’un style odieux, et il est parfaitement inutile de le nier. Les quelques communalistes et communistes qui osent à la fois se prétendre libertaire et soutenir que l’ancien gouvernement aurait dû être soutenu font preuve d’une absence totale d’éthique, mais surtout, d’intelligence politique. Ce gouvernement et sa politique étaient par ailleurs d’une inefficacité favorisant l’apparition spontanée d’un mouvement révolutionnaire local réellement communiste.
Quoi qu’il en soit, la chute du Prodnov fut organisée par différents facteurs extérieurs parmi lesquels le plus important reste sans doute l’organisation par l’ONC d’un coup d’État en son sein. L’invasion rapide du pays et la confrontation armée qui sembla se profiler durant les plusieurs mois de la crise, paralysa la population dans une angoisse existentielle que les pontifes de l’ONC employèrent à la priver de sa souveraineté. L’élément le plus flagrant et a façon dont la transition économique du pays ne fut pour ainsi dire pas organisée. La population étant sous le choc, il n’existait aucun mouvement civil ou politique en mesure de réellement s’opposer à l’entreprise de démantèlement rapide du tissu économique local. On a, en l’espace de quelques semaines, tout vendu. Des milliers d’individus furent expédiés dans le chômage et la misère crasse tandis que les fleurons industriels locaux et les services publics étaient littéralement arrachés à la terre pour être donnés, pour un prix souvent modique, à une nouvelle oligarchie. Cette confiscation totale du pouvoir, permise par la subjugation totale d’une population, permis par sa violence d’allonger encore le traumatisme et d’assurer que le pays, dans son intégralité, ne se redresse pas en tant que nation, mais demeure encore captif de ses oppresseurs.
Le principe même de la stratégie de l’effroi se trouve quelque-part dans cet exemple : détruire. Créer une crise existentielle d’une ampleur telle que le principal objectif de tout individu sensé devient sa propre survie. Et profiter du drame pour organiser un pillage systématique, ou le passage en force de législations. En d’autres termes, faites volontairement sauter une digue, et profiter que a population soit trop occupée à fuir ou trop concentrée sur la crise, pour faire ce que bon vous semble. Un imagine aisément le cynisme d’une telle politique, et on comprend bien son utilité pratique pour des pays qui ne s’intéressent, réellement, ni à la démocratie ni à la souveraineté populaire. L’organisation systématique de traumatismes par l’usage massif des médias et des actions politiques et militaires violentes, permets de canaliser la population civile en occupant son esprit avec des informations manufacturées pour créer une situation de stress incompatible avec la bonne tenue d’une vie démocratique, d’une opposition ou d’une réaction quelle qu’elle soit.
Si la "Stratégie de l'Effroi", dans sa dimension de manipulation informationnelle et de création d'un climat de peur généralisée, constitue le bras psychologique du nouvel impérialisme, son application la plus tangible et dévastatrice sur le plan matériel réside dans ce que l'on peut nommer la thérapie de choc économique. Cette doctrine, souvent présentée sous les dehors d'une science économique rigoureuse et inévitable, n'est en réalité qu'un outil brutal visant à démanteler les structures sociales existantes pour imposer un ordre nouveau, entièrement soumis aux impératifs du capital. Pour en comprendre les ressorts et la portée, il convient d'examiner ses origines intellectuelles et les premiers terrains où elle fut expérimentée avec une violence souvent proportionnelle à la résistance des peuples.
Au cœur de la thérapie de choc économique se trouve une vision du monde particulière, une orthodoxie forgée au sein de certains cercles académiques et think tanks influents, notamment en Aleucie, mais aussi dans d'autres bastions du capitalisme triomphant. Cette école de pensée, que l'on pourrait qualifier d'ultra-libérale, postule que toute intervention de l'État dans l'économie est une "distorsion" nuisible, une entrave au fonctionnement "naturel" et "efficient" du marché. Pour ses adeptes, la société idéale est celle où les forces du marché opèrent sans aucune contrainte, où la propriété privée est absolue et où le rôle de l'État est réduit à sa plus simple expression : garantir les contrats et maintenir l'ordre, c'est-à-dire protéger cette même propriété privée.
La pierre angulaire de cette doctrine est la conviction que la privatisation totale des actifs publics, la déréglementation complète des échanges et des mouvements de capitaux, ainsi qu'une réduction draconienne des dépenses sociales et des services publics, constituent non pas une option parmi d'autres, mais le seul et unique remède aux maux économiques. Toute forme de protectionnisme, de subvention, de planification étatique ou de conquis social est perçue comme une hérésie, un archaïsme voué à l'échec et responsable des crises.
Or, ces théoriciens, souvent brillants et dotés d'une rhétorique sophistiquée, sont parfaitement conscients du caractère profondément impopulaire de leurs propositions. Comment convaincre une population de renoncer à la sécurité de l'emploi, à des services de santé accessibles, à une éducation publique, ou à des filets de protection sociale, au nom d'une efficacité marchande abstraite dont les bénéfices ne profitent, dans les faits, qu'à une minorité ? La réponse, cynique mais stratégique, fut trouvée dans la notion de crise. "Seule une crise – réelle ou perçue – peut produire des changements fondamentaux," martèlent en substance ces apôtres du marché déchaîné. L'idée est simple : attendre, voire cultiver, une situation de désastre économique, de catastrophe naturelle, de guerre ou de transition politique chaotique. Dans ces moments de désarroi collectif, lorsque les populations sont sous le choc, désorientées et prêtes à accepter n'importe quelle solution pourvu qu'elle promette un retour à la normale, il devient possible d'imposer ces réformes radicales. Les politiques, telles des remèdes amers, sont alors "stockées" en attendant le moment opportun, celui où la résistance populaire est au plus bas.
L'objectif ultime est de créer une "page blanche", un terrain vierge où les anciennes structures sociales, les régulations, les syndicats, les traditions de solidarité collective ont été balayés par la crise. Sur cette table rase, il devient alors possible de reconstruire une société nouvelle, entièrement modelée selon les préceptes de l'orthodoxie ultra-libérale, sans avoir à composer avec les "rigidités" du passé ou les aspirations populaires. C'est une vision de création par la destruction, où le désastre devient l'instrument privilégié de la transformation sociale au service du capital.
Ce n'est pas un hasard si les premières applications à grande échelle de cette thérapie de choc économique eurent lieu non pas dans des démocraties établies, mais au sein de régimes autoritaires particulièrement brutaux, notamment dans certaines régions méridionales du globe au cours des décennies passées. Ces territoires, souvent riches en ressources naturelles et marqués par une forte instabilité politique, devinrent les laboratoires involontaires de cette nouvelle ingénierie sociale.
Là, des coups d'État militaires, fréquemment soutenus en sous-main par des puissances capitalistes étrangères désireuses de sécuriser leurs intérêts économiques et géostratégiques, portèrent au pouvoir des juntes qui n'avaient que mépris pour les droits humains et la souveraineté populaire. C'est dans ce contexte de terreur politique que les "économistes-missionnaires", ces jeunes technocrates formés dans les universités et les think tanks d'Aleucie ou d'autres métropoles du capital, furent appelés à la rescousse. Forts de leurs modèles mathématiques et de leur foi inébranlable dans les vertus du marché libre, ils proposèrent aux dictateurs en place des plans de "stabilisation" et de "modernisation" qui n'étaient autres que l'application la plus pure de la thérapie de choc.
Le parallèle entre le choc politique infligé par la dictature et le choc économique prescrit par ces experts est saisissant. D'un côté, la répression physique et psychologique : arrestations arbitraires, torture, disparitions, censure, interdiction des syndicats et des partis d'opposition. L'objectif était clair : briser toute forme de résistance organisée, instiller la peur, et réduire la population à un état d'apathie et de soumission. Des techniques sophistiquées de désorientation, d'isolement et de régression psychologique étaient employées sur les opposants les plus résolus, visant à anéantir leur volonté et leur identité.
De l'autre côté, et souvent simultanément, le choc économique : privatisations massives et bradées des entreprises publiques (mines, télécommunications, énergie), suppression brutale des subventions aux produits de première nécessité (pain, carburant), libéralisation soudaine du commerce extérieur qui exposait les industries locales à une concurrence insoutenable, gel des salaires, coupes drastiques dans les budgets sociaux (santé, éducation). Les conséquences furent presque invariablement les mêmes : une flambée des prix et de l'inflation, une explosion du chômage et de la pauvreté, un creusement abyssal des inégalités, et la destruction du tissu productif local au profit des multinationales étrangères et d'une petite élite compradore.
Plusieurs de ces "miracles économiques" proclamés par la suite au sein de ces régimes autoritaires ne furent en réalité que des façades cachant des drames sociaux d'une ampleur considérable. La "prospérité" affichée ne concernait qu'une infime fraction de la population, souvent directement liée à l'appareil répressif ou aux cercles du pouvoir économique qui profitaient du démantèlement de l'État et du pillage des ressources nationales. Pour la majorité, la thérapie de choc signifiait un appauvrissement brutal et une perte de dignité. Dans certains cas, la survie même de l'État ne fut assurée que par le maintien sous contrôle public de quelques ressources stratégiques clés, échappant ainsi, ironiquement, à la logique de privatisation totale prônée par les "réformateurs".
De même, dans d'autres contextes, la "pacification" sociale nécessaire à l'implantation de ces politiques économiques radicales passait par la disparition physique de dizaines de milliers de citoyens – syndicalistes, étudiants, intellectuels, paysans organisés – considérés comme des obstacles au nouvel ordre. Il est impossible de dissocier la violence politique de la violence économique ; elles étaient les deux faces d'une même médaille, les conditions indispensables à la réussite de l'entreprise de "nettoyage" social et économique.
L'analyse des expériences menées dans ces premiers laboratoires met en lumière une synergie terrifiante entre trois formes de choc, qui se renforcent et se légitiment mutuellement. La violence politique – qu'elle prenne la forme d'un coup d'État militaire, d'une répression sanglante de manifestations, ou d'une campagne systématique d'élimination des opposants – crée un climat de terreur qui paralyse la société civile et rend toute contestation des politiques économiques extrêmement risquée. C'est dans ce vide démocratique, cette suspension de l'état de droit, que la thérapie de choc économique peut être imposée sans rencontrer d'opposition structurée. Les décrets pleuvent, les actifs sont vendus à la hâte, les protections sociales sont démantelées avant même que la population n'ait eu le temps de comprendre ce qui lui arrivait.
Enfin, les conséquences sociales désastreuses de cette thérapie de choc – la pauvreté endémique, le chômage de masse, la désintégration des liens communautaires, la montée de la criminalité et de l'insécurité – engendrent une terreur sociale diffuse. Cette angoisse existentielle, ce sentiment que la société s'effondre, peut paradoxalement servir à justifier a posteriori le maintien d'un régime autoritaire et répressif. La rhétorique de la "guerre contre la subversion", contre le "chaos" ou le "désordre" devient alors l'alibi permanent pour écraser toute velléité de contestation, y compris celle née des souffrances infligées par les politiques économiques elles-mêmes.
Ainsi, le cycle se referme : la violence politique permet la violence économique, qui elle-même engendre une détresse sociale justifiant en retour le maintien de la violence politique. Ce triangle infernal a été le moteur de la transformation de nombreuses sociétés, laissant derrière lui des pays exsangues, des populations traumatisées, et des élites économiques et politiques consolidant leur pouvoir sur les ruines du bien commun. Comprendre ce mécanisme est essentiel pour saisir la nature profonde des "nouveaux impérialismes" et les défis auxquels sont confrontés les peuples aspirant à une véritable libération.
Si les régimes autoritaires des régions méridionales offrirent les premiers terrains d'expérimentation grandeur nature pour la thérapie de choc économique, la véritable ambition de ses architectes et promoteurs allait bien au-delà. L'objectif n'était rien de moins que de remodeler l'économie mondiale à leur image. La fin des grandes confrontations idéologiques, marquant la désintégration de blocs entiers et l'émergence de nouvelles nations cherchant leur voie, allait leur fournir une "occasion en or", pour reprendre leur propre terminologie cynique, d'étendre leur influence et d'imposer leur modèle à une échelle planétaire.
La période qui suivit l'effondrement des grands blocs idéologiques fut marquée par une immense vague d'espoir, mais aussi par une profonde désorientation. Des nations entières, longtemps soumises à des régimes autoritaires ou à des économies planifiées rigides, se retrouvaient soudain confrontées à la nécessité de réinventer leurs institutions, leurs économies et leurs sociétés. C'est dans ce contexte de transition, de vide politique et d'incertitude généralisée que les apôtres de la thérapie de choc virent une opportunité historique. Pour eux, ces pays en devenir n'étaient pas tant des peuples souverains cherchant leur propre chemin vers la démocratie et la prospérité, que des "laboratoires" à ciel ouvert, des "pages blanches" sur lesquelles ils pouvaient enfin dessiner leur société idéale sans les contraintes importunes de la contestation populaire ou des traditions établies.
Le rôle des grandes institutions financières internationales – souvent des créations ou des instruments des puissances capitalistes dominantes – devint alors central. Sous couvert d'aide à la transition, de conseils techniques et de prêts d'urgence, ces organismes imposèrent à des dizaines de pays des programmes d'ajustement structurel qui n'étaient, en réalité, que des versions standardisées de la thérapie de choc. La recette était invariablement la même : privatisations massives et accélérées des entreprises d'État (souvent bradées à des intérêts étrangers ou à des oligarques locaux bien connectés), déréglementation brutale des marchés (y compris celui du travail), ouverture forcée au commerce international (exposant les industries naissantes à une concurrence déloyale), et coupes sombres dans les dépenses publiques (éducation, santé, protection sociale).
Le cas de nombreux pays de l'ancien "bloc de l'Est" (au sens large et métaphorique, désignant les nations qui se libéraient de systèmes autoritaires ou planificateurs) est à cet égard emblématique. Souvent, des mouvements populaires authentiques, aspirant à la démocratie et à la justice sociale, se virent dépossédés de leur victoire. Sous la pression conjuguée des créanciers internationaux et des nouvelles élites locales rapidement converties aux dogmes du marché libre (et aux profits qu'ils pouvaient en tirer), des réformes ultra-libérales furent imposées à marche forcée, souvent en totale contradiction avec les aspirations initiales des peuples. Les conséquences sociales furent dramatiques : chômage de masse suite à la fermeture des industries jugées "non compétitives", explosion des inégalités, démantèlement des systèmes de protection sociale hérités (si imparfaits fussent-ils), et apparition d'une nouvelle classe de "nouveaux pauvres" laissés pour compte par la transition.
Dans certains grands pays connaissant une transition chaotique vers l'économie de marché, la thérapie de choc prit des allures de pillage organisé. Le démantèlement précipité de l'économie étatisée, sans la mise en place préalable d'institutions démocratiques solides et de contre-pouvoirs efficaces, ouvrit la voie à une corruption endémique et à l'émergence d'une oligarchie prédatrice. Des fortunes colossales furent bâties en quelques années sur les ruines de l'État, tandis que la majorité de la population sombrait dans la misère et que les indicateurs sociaux (espérance de vie, santé publique, criminalité) se dégradaient de manière spectaculaire. Loin de conduire à une démocratie libérale prospère, la thérapie de choc y engendra un capitalisme sauvage et un État "corporatiste" où les frontières entre le pouvoir politique et les intérêts économiques privés devinrent poreuses, voire inexistantes.
Ce qui rendit l'exportation de la thérapie de choc particulièrement efficace durant cette période fut la constitution progressive d'un "consensus" apparent au sein des élites politiques et économiques des nations capitalistes dominantes. Ce que l'on a parfois appelé le "Consensus des Capitales Dominantes" (en référence aux centres névralgiques où s'élaboraient ces politiques) n'était rien d'autre qu'un ensemble de dogmes ultra-libéraux présentés comme des vérités scientifiques incontestables, la seule voie possible vers la prospérité et la modernité.
Privatisation, déréglementation, libre-échange, austérité budgétaire : ce paquet de réformes était systématiquement prescrit à tout pays en développement cherchant l'aide des institutions financières internationales, ou à toute nation en crise frappant à la porte de ses créanciers. Toute tentative de proposer une voie alternative, de questionner la pertinence de ces mesures ou d'en souligner les coûts sociaux, était immédiatement disqualifiée comme étant "irréaliste", "archaïque", ou pire, comme une manifestation de "résistance au changement".
La rhétorique de l'inévitabilité joua un rôle crucial dans la légitimation de ces politiques. Elle visait à décourager toute forme de débat démocratique et à présenter les décisions économiques les plus radicales comme de simples ajustements techniques, relevant de l'expertise neutre des économistes et des fonctionnaires internationaux, plutôt que de choix politiques fondamentaux engageant l'avenir des sociétés. La complexité du jargon économique et l'opacité des négociations menées à huis clos contribuaient également à déposséder les citoyens de leur capacité à comprendre et à influencer les décisions qui allaient pourtant bouleverser leur existence.
La panoplie des instruments de la thérapie de choc ne se limitait cependant pas aux seules transitions post-autoritaires. Avec une redoutable capacité d'adaptation, ses promoteurs apprirent à utiliser d'autres types de crises – désastres naturels, effondrements financiers régionaux, pandémies – comme autant de "fenêtres d'opportunité" pour imposer leurs réformes. Le mécanisme restait fondamentalement le même : profiter de l'état de choc et de désorganisation d'une société pour court-circuiter les processus démocratiques et faire passer en force des mesures qui auraient été rejetées en temps normal.
L'exemple de villes côtières ou de régions dévastées par des ouragans, des tsunamis ou d'autres cataclysmes est particulièrement révélateur. Dans le chaos qui suit de telles tragédies, lorsque la priorité absolue devrait être le secours aux victimes et la reconstruction des infrastructures essentielles, on a vu des gouvernements, souvent sous l'influence de conseillers et d'intérêts privés, utiliser la situation comme prétexte pour accélérer des projets de "restructuration" qui étaient en fait des plans de dépossession. Les populations sinistrées, déplacées et traumatisées, se voyaient interdire de reconstruire leurs habitations sur leurs terres ancestrales, sous prétexte de nouvelles normes de sécurité ou de plans de "développement touristique" plus "rentables". Les services publics (écoles, hôpitaux) endommagés n'étaient pas réparés, mais plutôt proposés à la privatisation.
Les aides internationales, souvent généreuses, étaient détournées au profit de grands promoteurs immobiliers ou de multinationales chargées d'une "reconstruction" qui bénéficiait rarement aux communautés les plus touchées. La "page blanche" créée par la catastrophe naturelle devenait ainsi le terrain de jeu des spéculateurs et des ingénieurs sociaux du marché.
De même, les crises financières régionales ou globales, souvent elles-mêmes le produit de la déréglementation et de la spéculation effrénée prônée par l'orthodoxie libérale, devenaient des occasions d'imposer des cures d'austérité encore plus sévères, de démanteler les dernières protections sociales et d'accélérer les privatisations, sous la pression des institutions financières internationales conditionnant leurs plans de "sauvetage" à l'application de ces mesures.
Ainsi, la "Stratégie de l'Effroi" s'est exportée et diversifiée, démontrant une effrayante capacité à transformer toute forme de crise, qu'elle soit politique, économique ou naturelle, en une opportunité d'étendre l'empire du marché et de démanteler les formes de solidarité collective. Ces démocraties en transition ou en crise, loin de trouver dans le soutien international les moyens de leur consolidation, se sont souvent vues imposer des choix qui ont miné leur souveraineté, creusé leurs inégalités et fragilisé leur tissu social, préparant parfois le terrain à de nouvelles instabilités.
L'exportation de la thérapie de choc aux nations en transition ou frappées par des calamités diverses n'était, en rétrospective, qu'une étape. L'aboutissement logique de cette dynamique, sa forme la plus pure et la plus profitable, réside dans ce que nous devons désormais appeler le Capitalisme du Désastre. Il ne s'agit plus seulement de profiter des crises pour imposer des politiques ultra-libérales ; il s'agit de transformer la crise elle-même – sa gestion, sa prévention, voire sa perpétuation – en un marché florissant, privatisant au passage les fonctions les plus essentielles de l'État et créant une économie parallèle entièrement dédiée à la gestion (et souvent à l'amplification) du malheur.
Un traumatisme sécuritaire majeur, à l'échelle globale ou au sein des puissances dominantes, a servi de catalyseur à cette nouvelle phase. Soudain, la "sécurité" est devenue l'obsession collective, le prisme à travers lequel toutes les politiques publiques devaient être réévaluées. Cette "guerre contre une menace diffuse et permanente" (qu'il s'agisse du terrorisme international, de la grande criminalité, ou de toute autre forme d'ennemi désigné) a justifié une expansion sans précédent des appareils de surveillance, une militarisation de la société civile, et surtout, l'externalisation massive des fonctions régaliennes de l'État à un conglomérat croissant d'entreprises privées.
Ainsi est né un véritable complexe sécuritaro-industriel. Ce n'est plus seulement l'industrie de l'armement traditionnelle qui prospère, mais une myriade d'entreprises spécialisées dans la surveillance électronique, la collecte et l'analyse de données, la sécurité aéroportuaire et frontalière, la gestion des prisons, la formation des forces de l'ordre, et même la conduite d'opérations militaires ou de renseignement par des "contractuels" privés. Ces entreprises ne se contentent plus de vendre des équipements à l'État ; elles vendent des services complets, allant jusqu'à se substituer aux fonctions que l'on croyait intrinsèquement étatiques.
Le "marché de la peur" est devenu extraordinairement lucratif. Plus la menace perçue est grande, plus les budgets alloués à la sécurité augmentent, et plus les profits de ces entreprises s'envolent. Il existe donc une incitation perverse à entretenir, voire à exagérer, le sentiment d'insécurité. Des exemples, que l'on observe dans diverses régions du monde, illustrent cette tendance : des sociétés de sécurité privées opérant avec une autonomie considérable dans les zones de conflit, des entreprises technologiques développant des outils de surveillance de plus en plus intrusifs, des "experts" médiatiques, souvent liés à ces mêmes industries, qui alimentent en permanence le discours de la peur. La distinction entre les acteurs étatiques chargés de la sécurité et les entreprises privées qui en tirent profit devient de plus en plus floue, créant un système où la guerre et l'insécurité ne sont plus des fléaux à éradiquer, mais des opportunités commerciales à exploiter.
Cette privatisation des fonctions sécuritaires s'accompagne d'une transformation profonde de la nature même de l'État. Celui-ci, dépouillé de ses capacités d'action directe, devient une sorte de "coquille vide", une simple structure administrative dont le rôle principal est de distribuer des contrats lucratifs au secteur privé et de légitimer, par son autorité formelle, les actions de ces nouveaux maîtres.
Le phénomène de la "porte à tambour" entre les hautes sphères de l'administration publique et les conseils d'administration des grandes entreprises du complexe du désastre atteint ici son paroxysme. D'anciens ministres, généraux, chefs des services de renseignement ou hauts fonctionnaires se reconvertissent massivement comme consultants, lobbyistes ou dirigeants de ces sociétés privées, mettant leur carnet d'adresses, leur expertise et leur influence au service d'intérêts qui ne sont plus ceux de la collectivité, mais ceux de leurs nouveaux employeurs. Inversement, des figures issues du monde des affaires, sans expérience notable de la chose publique mais dotées des bonnes connexions, sont propulsées à des postes clés au sein de l'État, où elles sont en position de favoriser les industries dont elles proviennent.
Cette fusion des élites politiques et corporatistes conduit à une situation où les décisions concernant la sécurité nationale, la politique étrangère, ou même la gestion des catastrophes, sont de plus en plus prises non pas en fonction de l'intérêt général, mais en fonction des opportunités de profit qu'elles représentent pour un réseau restreint d'acteurs interconnectés. La corruption, dans un tel système, n'est plus une déviation marginale, mais devient le mode de fonctionnement structurel, l'huile qui graisse les rouages de cet État corporatiste au service d'intérêts privés. Les appels d'offres sont truqués, les contrats sont attribués sans transparence, les coûts explosent, et la responsabilité s'évapore dans un dédale de sous-traitance et de partenariats public-privé opaques.
Le Capitalisme du Désastre ne se contente plus d'attendre passivement que les crises se produisent pour en exploiter les retombées. Dans sa forme la plus achevée, il participe activement à la création ou à l'aggravation des conditions qui rendent ces crises inévitables, ou du moins, plus fréquentes et plus intenses.
Pensons aux crises financières : la déréglementation à outrance des marchés financiers, prônée par les idéologues ultra-libéraux, crée une instabilité systémique qui favorise les bulles spéculatives et les effondrements brutaux. Chaque krach devient alors une "opportunité" pour les grandes banques et les fonds d'investissement de racheter à vil prix les actifs dévalorisés, souvent avec l'aide de plans de sauvetage financés par les contribuables, socialisant ainsi les pertes tout en privatisant les profits futurs.
Pensons aux crises environnementales : le refus obstiné de prendre des mesures contraignantes contre le changement climatique, largement influencé par le lobbying des industries fossiles et d'autres secteurs polluants, garantit la multiplication des catastrophes naturelles (sécheresses, inondations, méga-feux). Chaque désastre devient alors un nouveau marché pour les entreprises de "reconstruction", d'ingénierie, ou même de "sécurité climatique".
Pensons enfin aux crises géopolitiques : la promotion d'une politique étrangère agressive, la vente d'armes aux régimes instables, l'interventionnisme militaire sous de faux prétextes, contribuent à créer un état de guerre permanent ou de conflit de basse intensité dans de nombreuses régions du monde. Ces conflits justifient non seulement les budgets militaires colossaux, mais ouvrent aussi des marchés pour les entreprises de sécurité privée, de logistique militaire, de reconstruction post-conflit, et d'exploitation des ressources des pays déstabilisés. L'exemple paradigmatique de l'invasion d'un pays riche en ressources sous des prétextes fallacieux, suivie d'une "reconstruction" confiée aux multinationales de la puissance occupante, illustre à la perfection cette logique où la destruction et la création de marchés deviennent les deux temps d'une même stratégie impériale.
Ainsi, le Capitalisme du Désastre boucle la boucle : il ne se nourrit plus seulement des chocs qu'il n'a pas directement provoqués, il devient lui-même un producteur de chocs, un système qui a besoin de l'instabilité, de la peur et du chaos pour prospérer et s'étendre. La paix, la stabilité, la justice sociale, la démocratie réelle deviennent alors ses véritables ennemis, car ce sont autant de freins à sa logique d'accumulation illimitée par la marchandisation du malheur.
Face à la formidable machine du Capitalisme du Désastre et à sa "Stratégie de l'Effroi", l'image d'une humanité passive et indéfiniment malléable serait non seulement erronée, mais dangereusement démobilisatrice. Si l'histoire récente est jalonnée de succès pour les ingénieurs du choc, elle est également riche d'enseignements sur la capacité des peuples à résister, à s'adapter, et finalement, à reprendre le contrôle de leur propre narration et de leur destin. Car la "Stratégie de l'Effroi" n'est pas une loi de la nature ; c'est une construction politique et idéologique, et comme toute construction, elle peut être déconstruite.
Le principe même de la thérapie de choc repose sur la surprise, la désorientation et la création d'un vide informationnel et psychologique que les "réformateurs" s'empressent de combler avec leurs solutions toutes faites. Cependant, cet effet de sidération n'est pas éternel. Les sociétés, comme les individus, possèdent une mémoire. Les expériences passées de crises, de manipulations ou de répressions, loin de toujours conduire à une apathie résignée, peuvent au contraire forger une résilience collective, une forme de "vaccination" contre les chocs futurs.
Lorsqu'une population a déjà été soumise à des politiques d'austérité brutales, à des privatisations aux conséquences sociales désastreuses, ou à des campagnes de désinformation, elle développe une méfiance salutaire envers les discours officiels en temps de crise. Les promesses de "remèdes amers mais nécessaires" ou de "sacrifices temporaires pour un avenir radieux" résonnent différemment lorsque la mémoire des promesses non tenues et des sacrifices permanents est encore vive. L'histoire des luttes, la transmission intergénérationnelle des récits de résistance, deviennent alors des outils précieux pour décoder les nouvelles tentatives de manipulation et pour ne pas répéter les erreurs du passé.
De plus, la circulation de l'information, malgré les efforts des puissances dominantes pour la contrôler, joue un rôle de plus en plus crucial comme contre-pouvoir. Là où, autrefois, les récits officiels pouvaient s'imposer plus aisément, la multiplication des sources alternatives – médias indépendants, réseaux militants, lanceurs d'alerte, échanges directs entre citoyens grâce aux nouvelles technologies – permet de briser le monopole de la narration. L'analyse critique des mécanismes de la "Stratégie de l'Effroi", une fois diffusée et comprise, perd une grande partie de son efficacité. Savoir que le choc est une tactique, que la peur est instrumentalisée, et que les "solutions" proposées servent souvent des intérêts cachés, est le premier pas vers la démobilisation de la peur elle-même.
Partout dans le monde, et notamment dans les régions qui ont le plus durement souffert des politiques de choc (que ce soit sous des dictatures ou des démocraties "en transition"), on observe l'émergence et la consolidation de mouvements sociaux qui ne se contentent plus de résister, mais qui construisent activement des alternatives. Ces mouvements, souvent ancrés dans les traditions de lutte populaire mais renouvelés par les défis contemporains, démontrent qu'un "autre monde est possible".
Dans certaines régions du Sud, particulièrement celles ayant connu une histoire d'exploitation et d'ingérence étrangère, des gouvernements progressistes, portés au pouvoir par une vague de mobilisation populaire, ont commencé à rejeter ouvertement le "Consensus des Capitales Dominantes". Ils engagent des politiques de reprise en main des ressources naturelles stratégiques, de renforcement des services publics (santé, éducation), de promotion de la souveraineté alimentaire, et de développement de formes d'intégration régionale basées sur la solidarité et la complémentarité plutôt que sur la compétition et le libre-échange dérégulé.
Ces expériences, si diverses et parfois contradictoires soient-elles, montrent qu'il est possible de "déconnecter" partiellement son destin des institutions financières internationales et des diktats des marchés mondiaux. Elles s'efforcent de redonner un sens à la souveraineté populaire, non seulement sur le plan politique (par le renforcement des processus démocratiques participatifs), mais aussi sur le plan économique.
L'une des manifestations les plus puissantes de la résistance au Capitalisme du Désastre se trouve dans la manière dont les communautés elles-mêmes réagissent aux catastrophes, qu'elles soient naturelles ou provoquées par l'homme. Alors que la logique du Capitalisme du Désastre voit dans chaque ruine une opportunité de profit pour des acteurs extérieurs, de nombreuses expériences locales montrent une volonté farouche de reconstruction par et pour la communauté.
Face à l'inefficacité ou au cynisme de l'aide "corporatiste" – qui arrive souvent tardivement, est mal adaptée aux besoins réels, et sert de cheval de Troie à la privatisation des services ou à la mainmise sur les ressources – des citoyens s'auto-organisent. Ils mettent en commun leurs savoir-faire, partagent les ressources disponibles, créent des réseaux d'entraide, et privilégient les solutions endogènes, basées sur la connaissance du terrain et des besoins locaux.
Des exemples peuvent être trouvés après des tsunamis, des ouragans, ou même dans les ruines de guerres civiles. Des paysans qui récupèrent collectivement des terres abandonnées pour y pratiquer une agriculture vivrière, des habitants de quartiers populaires qui reconstruisent ensemble leurs maisons en utilisant des techniques traditionnelles et des matériaux locaux, des travailleurs qui reprennent en autogestion des usines abandonnées par leurs propriétaires : toutes ces initiatives, si modestes soient-elles, démontrent une puissante alternative à la logique du "nettoyage" et de la "page blanche". Elles prouvent que la résilience sociale et la solidarité communautaire sont des forces de reconstruction bien plus efficaces et légitimes que les plans imposés d'en haut par des "experts" extérieurs.
Ces formes de "contre-choc populaire" sont essentielles car elles ne se contentent pas de réparer les dégâts matériels ; elles réparent aussi le tissu social, restaurent la dignité et redonnent aux populations le sentiment d'être actrices de leur propre destin.
Pour des sociétés comme le Grand Kah, qui se fondent sur des principes de démocratie directe, d'autogestion et de solidarité communaliste, la compréhension et la dénonciation de la "Stratégie de l'Effroi" ne suffisent pas. Il est impératif de développer et de promouvoir activement une "Stratégie de la Résilience", c'est-à-dire un ensemble de pratiques et de politiques visant à renforcer la capacité des communautés à anticiper, à absorber et à se relever des chocs, tout en préservant leurs structures démocratiques et leurs valeurs fondamentales.
Cela passe par plusieurs axes :
L'Éducation Populaire et la Souveraineté Informationnelle : Doter chaque citoyen des outils critiques nécessaires pour comprendre les mécanismes de manipulation, pour décrypter les discours de peur, et pour accéder à une information pluraliste et indépendante. Promouvoir une culture du débat et de la délibération collective, y compris et surtout en temps de crise.
Le Renforcement des Structures Communales et de l'Autonomie Locale : Des communes fortes, dotées de réelles capacités de décision et de gestion des ressources locales (alimentation, énergie, eau, services de base), sont moins vulnérables aux chocs externes et aux tentatives de prise de contrôle par des acteurs centralisés ou privés. L'autogestion et la planification démocratique décentralisée sont des atouts majeurs.
La Solidarité Intercommunale et Internationale : Face à des crises qui dépassent souvent les capacités d'une seule commune, la mise en place de mécanismes de solidarité et d'entraide, tant à l'échelle confédérale qu'internationale (notamment au sein de l'Internationale Libertaire et avec d'autres mouvements progressistes), est cruciale. Il s'agit de construire des réseaux de résilience qui ne dépendent pas des grandes institutions financières ou des puissances impérialistes.
Une Vision Alternative de la "Sécurité" : Opposer au paradigme de la sécurité militarisée et privatisée une conception de la sécurité humaine, basée sur la justice sociale, la satisfaction des besoins fondamentaux, la prévention des conflits par la diplomatie et la coopération, et la protection de l'environnement comme condition de la survie collective.
Posté le : 06 mai 2025 à 01:12:45
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Une analyse politique et historique appliquant un cadre théorique renouvelé
Ce texte, entre document doctrinal et analyse universitaire de la situation contemporaine du pays, fait partie des premières publications majeures des universités populaires mises en place par l'Armée Démocratique dans le nord du pays et abreuvant depuis le mouvement en textes théoriques et d'orientation. Il est, par nature, publiquement disponible aux observateurs internationaux.
Partie 1 : Introduction – Au-delà de l'Analogie : Reconnaître le Fascisme de Notre Temps
Les échos des combats se sont tus sur Cap-Franc. Dans les rues marquées par les stigmates de la récente bataille, un sentiment nouveau commence à poindre, mêlé à l'incertitude : celui d'un tournant. La libération de ce port stratégique par les forces conjointes de l'Armée Démocratique (AD) et des Brigades Internationales n'est pas seulement une victoire militaire contre les troupes corrompues du Président Flavier-Bolwou et ses maîtres clovaniens. C'est une étape cruciale dans la mise à nu d'un système d'oppression dont la nature profonde échappe encore à beaucoup, un système que nous devons nommer pour mieux le combattre.
Il serait tentant, et facile, de réduire le régime de la République Démocratique Libre du Gondo (RDLG) à une simple dictature oligarchique de plus, un avatar tropical de régimes autoritaires vus et revus ailleurs. De même, l'intervention massive de la République Impériale Pétroléonienne de Clovanie pourrait être interprétée comme une ingérence néo-coloniale classique, une puissance eurysienne cherchant à sécuriser ses intérêts économiques et géopolitiques sur le dos d'un peuple meurtri. Ces analyses, bien que partiellement correctes, manquent l'essentiel. Elles échouent à saisir la forme spécifique que prend aujourd'hui la réaction dans notre pays, une forme qui résonne étrangement avec les dynamiques observées dans d'autres nations prises dans les rets d'un capitalisme mondialisé en crise profonde.
Des analyses contemporaines de la réaction étatique, nourries par les expériences de luttes de libération sur plusieurs continents, nous offrent un cadre renouvelé pour comprendre notre situation. Ces perspectives nous incitent à dépasser les analogies historiques simplistes avec les fascismes eurysiens du siècle dernier. Le fascisme d'aujourd'hui, ce "fascisme tardif", n'est pas nécessairement une répétition à l'identique du passé. Il s'agit plutôt d'un processus, d'une tendance lourde enracinée dans les structures mêmes de l'État post-colonial, dans les logiques prédatrices du capitalisme racialisé et dans les réponses autoritaires aux crises systémiques. Il ne se manifeste pas toujours par un parti unique ou un culte ouvert du chef, mais par une combinaison insidieuse de violence étatique différentielle, de contrôle économique oligarchique, de manipulation des identités et des mémoires, et d'une rhétorique creuse de l'ordre et de la "liberté".
Notre thèse est la suivante : le régime de la RDLG, dans sa symbiose pathologique avec l'impérialisme clovanien, incarne une forme particulièrement virulente de ce fascisme tardif. Son autoritarisme n'est pas un simple accident de parcours, mais la conséquence logique d'un système fondé sur l'exploitation néo-coloniale, la fragmentation ethnique orchestrée et le déni de la souveraineté populaire. Par conséquent, la lutte menée par l'Armée Démocratique et ses alliés n'est pas une simple guerre civile pour le contrôle de l'État ; c'est une guerre de libération antifasciste, anticoloniale et démocratique. C'est une lutte pour l'âme du Gondo, pour son droit à l'autodétermination et à un avenir débarrassé des oppressions passées et présentes.
Cet article se propose de décortiquer les mécanismes de ce fascisme tardif à l'œuvre au Gondo. Nous examinerons d'abord les racines coloniales et la nature de classe du régime RDLG. Nous analyserons ensuite l'intervention clovanienne non comme une aide, mais comme une tentative de gestion de crise au service d'intérêts impériaux. Nous dévoilerons la nature de "l'État creux" mis en place, renforçant la coercition tout en délaissant le peuple. Nous nous pencherons sur les manipulations temporelles et identitaires utilisées pour légitimer l'ordre existant, avant de déconstruire la notion fallacieuse de "liberté" brandie par nos ennemis. Enfin, nous réaffirmerons la nécessité de la voie communaliste comme seule alternative véritable pour un Gondo libre et souverain.
Partie 2 : La République Pourrissante – Héritages Coloniaux et Capitalisme Racial dans la RDLG
Pour comprendre la nature du régime que nous combattons aujourd'hui, il est impératif de remonter aux racines viciées de la République Démocratique Libre du Gondo. Loin d'être une rupture, le régime de Désiré Flavier-Bolwou, même avant l'intervention massive de la Clovanie en 2010, n'était que la continuation, sous des oripeaux républicains trompeurs, d'un système d'exploitation hérité directement de l'ère coloniale gallèsante. Le Gondo, en tant qu'entité politique, est une construction artificielle, un découpage arbitraire imposé par des puissances étrangères sur une mosaïque de peuples aux histoires et aux intérêts divergents. Cette fondation même porte en elle les germes de la division et de l'instabilité chronique qui ont marqué notre histoire depuis l'indépendance formelle.
Le pouvoir central, historiquement dominé par l'ethnie Kwandaoui, s'est toujours appuyé sur une administration calquée sur le modèle colonial, centralisatrice et déconnectée des réalités locales. Plutôt que de chercher à construire une véritable unité nationale basée sur le respect des diversités et la participation populaire, les élites successives, culminant avec la caste oligarchique regroupée autour de Flavier-Bolwou – que le peuple nomme avec justesse les "Djérouites" en référence à la chambre coutumière corrompue qui les représente – ont perpétué un système d'extraction des richesses au profit d'une minorité et de ses partenaires étrangers.
Ce système peut être qualifié, en suivant les analyses critiques des dynamiques impériales mondiales, de capitalisme racial. Bien que l'ethnie soit ici le marqueur principal de la hiérarchie, le mécanisme est similaire : une différenciation et une exploitation basées sur l'appartenance à un groupe désigné comme supérieur (ici, l'oligarchie Kwandaoui et ses affiliés) au détriment des autres peuples (Likra, Pitsi, Douele, et les nombreuses autres communautés rurales et urbaines marginalisées). L'économie gondolaise, avant même l'arrivée massive des Clovaniens, était une caricature d'économie nationale : dominée par les industries extractives (pétrole, minerais rares, diamants) et l'agro-industrie d'exportation (bananes, cacao, café), elle était presque entièrement contrôlée par des compagnies étrangères (comme la United Oil lofotène via sa filiale UGP dirigée par Flavier-Bolwou lui-même) ou par des entreprises appartenant aux Djérouites (Gomine, RMS). Cette structure assure la fuite des capitaux et des richesses hors du pays, condamnant la majorité de la population à la pauvreté, au chômage endémique et à la précarité, tout en enrichissant une élite coupée de la nation.
Sur le plan politique, la IVème République n'a de démocratique et de libre que le nom. Le pouvoir réel est concentré entre les mains du Président Flavier-Bolwou, magnat des affaires avant d'être homme d'État, qui utilise les institutions comme un paravent pour ses propres intérêts et ceux de son clan. L'Assemblée est impuissante, le Sénat une chambre d'enregistrement à sa solde, et la Djéroua un bastion de l'oligarchie traditionnelle et affairiste. La justice est soumise, l'administration gangrenée par une corruption systémique que le régime non seulement tolère mais encourage activement comme outil de contrôle social et de loyauté clientéliste. Les infrastructures de base – routes, écoles (en dehors des zones privilégiées), hôpitaux, accès à l'eau potable – sont dans un état de délabrement avancé, conséquence directe du désintérêt de l'État pour le bien-être de la population au profit de l'enrichissement de quelques-uns et du service de la dette contractée auprès de puissances étrangères comme l'ancien Empire du Nord.
Cette structure politique et économique, profondément inégalitaire et fondée sur des logiques d'exploitation héritées du colonialisme, constitue ce que des penseurs anti-coloniaux ont pu nommer un "fascisme avant le fascisme". C'est un terreau fertile pour l'autoritarisme, la violence ethnique et l'ingérence étrangère. La faiblesse structurelle de l'État RDLG, son manque de légitimité populaire et sa dépendance économique ont rendu le pays vulnérable, appelant presque une intervention extérieure pour maintenir un semblant d'ordre – un ordre qui, bien sûr, ne sert que les intérêts de l'oligarchie locale et de ses nouveaux maîtres impériaux. La Clovanie n'a fait qu'exploiter et exacerber ces failles préexistantes, trouvant dans le Gondo de Flavier-Bolwou un terrain idéal pour déployer sa propre version du contrôle néo-colonial.
Partie 3 : La Solution Clovane – L'Intervention Impériale comme Gestion Fasciste de la Crise
Face à la déliquescence avancée de son propre régime et à la montée en puissance des forces contestataires, notamment l'Armée Démocratique dans le Nord et le Mouvement de Libération Likra à l'Est, le gouvernement fantoche de Flavier-Bolwou a choisi la voie de la soumission plutôt que celle de la réforme ou du dialogue. L'arrivée massive des troupes clovaniennes en 2010, sous la bannière de "l'Opération Chrysope", ne fut pas une offre d'assistance fraternelle, mais une réponse impériale calculée à la crise profonde qui menaçait les intérêts de l'oligarchie gondolaise et, par extension, ceux des puissances étrangères qui profitaient de l'instabilité et de la manne extractive du pays.
Il est crucial de comprendre la nature de cette intervention. Elle ne visait pas à restaurer une démocratie défaillante – celle-ci n'ayant jamais réellement existé que sur le papier constitutionnel de la RDLG. Elle ne visait pas non plus à apporter une paix durable fondée sur la justice et la réconciliation entre les peuples du Gondo. L'objectif réel, masqué par une rhétorique paternaliste de "pacification" et de "soutien à un allié", était de sauver un système d'exploitation néo-colonial en pleine déconfiture. En cela, l'intervention clovanienne s'inscrit parfaitement dans ce que les théoriciens critiques appellent une "solution fasciste" à une crise du capitalisme périphérique : l'usage de la force militaire et de la restructuration autoritaire pour maintenir, voire intensifier, un ordre économique et social injuste, au profit des classes dominantes locales et de leurs parrains impériaux.
L'arsenal déployé par la Clovanie témoigne de la nature de cette entreprise. L'arrivée de près de 18 000 soldats (même si ce nombre fut ensuite réduit), l'établissement de bases militaires permanentes à Sainte-Loublance et Porzh-Erwan, et plus récemment la construction de la base-usine Sarcopte près de la capitale, ne sont pas des mesures défensives, mais les outils d'une occupation et d'une mise sous tutelle. Ces bases servent non seulement à projeter la puissance militaire clovanienne et à réprimer toute opposition armée, mais aussi à contrôler les centres névralgiques du pays.
Au-delà de la présence militaire brute, l'emprise clovanienne s'est étendue à tous les secteurs de la société. Sur le plan économique, les entreprises clovaniennes ont investi massivement dans le secteur touristique sur les côtes sud, créant une économie d'enclave déconnectée des besoins réels de la population et renforçant la dépendance du pays. L'inauguration d'un réseau d'autobus par RMTBV, bien que présentée comme un progrès, assure surtout le contrôle clovanien sur les infrastructures de transport vitales, facilitant le mouvement de leurs troupes et de leurs marchandises tout en marginalisant les initiatives locales.
Sur le plan social et culturel, l'offensive est tout aussi marquée. La "Nouvelle École Gondolaise" (NEG), présentée comme une œuvre philanthropique, est en réalité un outil de déculturation et d'endoctrinement, visant à substituer les langues et les histoires gondolaises par celles de l'occupant, formant une jeunesse soumise et coupée de ses racines. Les Centres d'Aide Clovanienne (CAC), distribuant nourriture et nécessités de base, fonctionnent sur un modèle d'assistance qui infantilise la population et la rend dépendante de la charité impériale, tout en diffusant la propagande du régime par l'exigence de l'usage de la langue clovanienne. C'est une stratégie éprouvée de conquête des cœurs et des esprits par le contrôle des estomacs et des savoirs.
Enfin, sur le plan politique et administratif, la nomination d'un Délégué Impérial aux Affaires Gondolaises, Ives de Tholosé, agissant comme un proconsul moderne, et la mise en place de l'Opération Chélonioïde, qui voit la marine clovanienne s'arroger le contrôle des eaux territoriales et des douanes maritimes, achèvent de vider la souveraineté gondolaise de sa substance. Le gouvernement de Flavier-Bolwou n'est plus qu'une façade, un exécutant des volontés de Legkibourg.
Cette stratégie clovanienne, combinant coercition militaire, pénétration économique et hégémonie culturelle, illustre parfaitement comment un "fascisme tardif" peut opérer sous des dehors libéraux ou développementalistes. Il ne s'agit pas d'établir un régime totalitaire classique sur le modèle eurysien du XXe siècle, mais d'instaurer un contrôle indirect, plus insidieux mais tout aussi efficace, garantissant la perpétuation des structures d'exploitation et de domination. C'est le retour du refoulé colonial, le "boomerang" dont parlait Césaire, qui revient frapper le Gondo sous la forme d'une nouvelle servitude, orchestrée par ceux-là mêmes qui prétendent apporter l'ordre et la civilisation.
Partie 4 : L'État Creux – Néolibéralisme de Façade et Violence Différentielle
L'une des caractéristiques les plus déroutantes et dangereuses du régime RDLG-Clovanie est sa nature profondément paradoxale. Sous des discours vantant parfois la modernisation, l'ordre ou même le "développement", se cache en réalité ce que des analystes critiques des formes contemporaines de domination ont appelé "l'État anti-État" ou "l'État creux". C'est une forme de gouvernance qui, tout en prétendant se retirer ou se limiter, renforce en réalité sélectivement ses capacités coercitives tout en abandonnant ses fonctions sociales et en exacerbant les inégalités, le tout au service d'une classe dominante restreinte et de ses alliés étrangers.
Au Gondo, cette dynamique est flagrante. D'un côté, nous assistons à une hypertrophie de l'appareil sécuritaire et militaire. L'arrivée massive des troupes clovaniennes, la construction de bases ultra-sécurisées comme Sarcopte, la militarisation de la surveillance maritime via l'Opération Chélonioïde, la répression brutale des mouvements d'opposition passés (comme le GALK) et présents (comme les actions menées contre le MLL ou la surveillance accrue des zones jugées sympathisantes de l'AD) témoignent d'un État dont la fonction première est le contrôle et la coercition. Les forces de l'ordre, qu'elles soient gondolaises (ARL, police) ou clovaniennes (Armée Impériale), sont omniprésentes dans les zones jugées stratégiques ou potentiellement dissidentes, prêtes à écraser toute contestation de l'ordre établi.
De l'autre côté, cet État militarisé est singulièrement absent lorsqu'il s'agit de répondre aux besoins fondamentaux de la population. En dehors des enclaves touristiques côtières et des zones directement liées aux intérêts clovano-djérouites, les infrastructures de base (routes, ponts, écoles publiques, hôpitaux, réseaux d'eau et d'électricité) sont dans un état de délabrement avancé, voire inexistantes. Les investissements annoncés se concentrent sur des projets profitant directement aux élites ou à l'occupant (autoroutes reliant les pôles économiques contrôlés, infrastructures portuaires pour l'exportation de matières premières ou l'importation de matériel militaire et de biens de consommation destinés aux Clovaniens et aux Djérouites). L'État RDLG se désengage activement de ses responsabilités sociales, abandonnant des pans entiers du territoire et de la population à la précarité.
Cette dichotomie n'est pas une simple négligence, mais une stratégie délibérée. Les programmes sociaux mis en place par la Clovanie, comme la Nouvelle École Gondolaise ou les Centres d'Aide Clovanienne, ne sont pas des substituts à un véritable service public, mais des outils de contrôle social et d'ingénierie culturelle. Ils créent une dépendance directe vis-à-vis de la puissance occupante, fragmentent les solidarités locales et servent de façade "humanitaire" à un projet de domination. L'État gondolais, en se déchargeant de ses fonctions sur son "allié" ou sur des ONG étrangères (comme l'OCC primaine ou le Régiment Hospitalier sylvois), non seulement admet son impuissance, mais participe activement à son propre évidement, se réduisant à un simple appareil répressif au service d'intérêts étrangers.
Cette application différentielle de la puissance étatique – force brute ici, abandon là, assistance conditionnelle ailleurs – est un marqueur clé du capitalisme racial et des logiques du fascisme tardif. Elle vise à gérer la population non pas en l'intégrant dans un projet national commun, mais en la divisant, en la précarisant et en la contrôlant par des mécanismes de peur et de dépendance. L'État se renforce paradoxalement par son retrait apparent, concentrant ses ressources sur la coercition et l'économie extractive, tout en naturalisant les inégalités et en rendant toute alternative collective et solidaire plus difficile à imaginer et à construire. C'est précisément contre cet État creux, cet appareil de domination racialisée et néo-coloniale, que l'Armée Démocratique lutte en s'efforçant de bâtir, dans les territoires libérés du Nord, les fondations d'un État véritablement social, démocratique et populaire, où les institutions sont au service de tous les citoyens et non d'une minorité prédatrice.
Partie 5 : Passés Fabriqués, Avenirs Confisqués – Temporalités Manipulées et Nationalisme Frelaté
Tout régime autoritaire cherchant à légitimer sa domination doit impérativement maîtriser le récit du temps. Il lui faut sculpter le passé, définir le présent et promettre l'avenir d'une manière qui justifie son existence et délégitime toute alternative. L'axe RDLG-Clovanie ne fait pas exception à cette règle, déployant une manipulation complexe des temporalités et des identités qui porte la marque indéniable des stratégies fascistes, anciennes et nouvelles. En analysant ces manœuvres à la lumière des théories critiques, nous pouvons déceler la vacuité de leur projet et la nature profondément réactionnaire de leur vision pour le Gondo.
Les théoriciens qui se sont penchés sur les fascismes historiques ont souvent souligné leur rapport paradoxal au temps : une obsession pour un passé mythique et racialisé (souvent imaginaire), combinée à une projection violente vers un avenir de régénération nationale et de domination impériale. Ce futurisme archaïsant, cette volonté de "foncer vers le passé" pour citer un analyste pertinent, sert à mobiliser des énergies sociales diverses, issues de temporalités différentes et souvent contradictoires (ce que certains appellent la "non-contemporanéité"), au service d'un projet autoritaire unique.
Comment cette dynamique se manifeste-t-elle dans le Gondo actuel ? Le régime de Flavier-Bolwou et ses maîtres clovaniens ne cessent de brandir le spectre du "chaos" et du "terrorisme" (associé indistinctement à toutes les formes d'opposition, de l'AD aux mouvements ethniques) pour justifier le présent état d'urgence permanent et l'occupation étrangère. Le passé récent, marqué par les phases les plus intenses de la guerre civile et l'instabilité politique, est constamment invoqué comme un repoussoir absolu, une époque sombre dont seule l'alliance avec la Clovanie et la poigne de fer du PND auraient permis de sortir. Ce faisant, ils effacent sciemment les causes profondes de cette instabilité : l'héritage colonial, les politiques de division ethnique menées par les régimes successifs (y compris le leur), et la faillite économique organisée par l'oligarchie.
Le passé plus lointain est, lui aussi, sujet à une réécriture sélective. Tantôt, c'est une vision idéalisée et pacifiée de la période coloniale qui est mise en avant (notamment via la réhabilitation de l'architecture ou des figures administratives de l'époque), vantant un prétendu ordre et une "mise en valeur" du territoire par les Eurysiens. Tantôt, c'est un mythe national kwandaoui, expurgé de ses propres contradictions et de sa dimension oppressive envers les autres peuples, qui est mobilisé pour asseoir la légitimité historique de l'élite au pouvoir. Dans les deux cas, il s'agit de construire un passé sur mesure, lisse et sans aspérités, qui sert de caution à l'ordre présent.
Quant à l'avenir promis par cet axe réactionnaire, il est d'une pauvreté affligeante. Il se résume à la promesse vague d'une "stabilité" garantie par la force militaire clovanienne, d'une "prospérité" liée aux investissements étrangers dans le tourisme et l'extraction, et d'un "progrès" défini par l'adoption des normes culturelles et économiques de l'occupant. C'est un avenir sans horizon d'émancipation réelle pour le peuple gondolais, un futur confisqué, réduit à la perpétuation de la dépendance et de la soumission. Cette vision est particulièrement visible dans la propagande clovanienne, comme le montrent les articles dithyrambiques du Journal de Legkibourg ou les messages condescendants du Délégué Impérial Tholosé, qui présentent l'intervention comme une "bénédiction divine" et une "mission civilisatrice", niant au peuple gondolais toute capacité à déterminer son propre destin.
Cette manipulation temporelle constitue une forme de "fanatisme bidon", pour reprendre une expression d'un penseur critique. Elle vise à créer une "sérialité manipulée", une fausse unité nationale ("Le Gondo républicain") définie par l'exclusion et la diabolisation de l'Autre (les "rebelles", les "communistes", les "séparatistes", les "tribus archaïques"). En imposant un temps unique et linéaire (passé sombre -> présent stabilisé par la force -> futur prospère sous tutelle), le régime cherche à écraser la pluralité des expériences vécues, des mémoires collectives et des aspirations populaires qui constituent la richesse réelle de notre nation.
Face à cette falsification de l'histoire et cette confiscation de l'avenir, l'Armée Démocratique oppose une temporalité radicalement différente. Notre lutte ne s'ancre pas dans une nostalgie mythique, mais dans l'analyse matérialiste des oppressions réelles, passées et présentes – coloniales, néo-coloniales, ethniques et de classe. Nous ne cherchons pas à restaurer un ordre ancien, mais à construire un avenir inédit, celui d'une république véritablement démocratique, fédérale, multi-ethnique et souveraine. Notre projet n'est pas un retour, mais une rupture fondée sur la libération des forces vives du peuple gondolais. C'est en reconnaissant la complexité de notre histoire et la diversité de nos temporalités que nous pourrons forger, ensemble, les voies d'une émancipation collective authentique.
Partie 6 : Les Chaînes de la "Liberté" – Déconstruction de la Liberté Fasciste
L'un des pièges idéologiques les plus insidieux tendus par les régimes autoritaires contemporains est leur capacité à s'approprier et à pervertir le langage même de la liberté. Le sens commun, hérité des Lumières eurysiennes et des luttes anti-absolutistes, tend à opposer radicalement fascisme et liberté, le premier étant perçu comme l'incarnation de la tyrannie étatique écrasant toute autonomie individuelle et collective. Pourtant, une analyse plus fine, nourrie par les expériences historiques et les critiques radicales, révèle que le fascisme, y compris dans ses formes "tardives", entretient un rapport bien plus complexe et tortueux avec la notion de liberté. Loin de la rejeter purement et simplement, il promeut souvent sa propre version dévoyée de la liberté – une liberté hiérarchique, racialisée et inextricablement liée à la domination.
L'axe RDLG-Clovanie au Gondo offre une illustration saisissante de cette dynamique. Quelle "liberté" ce régime prétend-il défendre ou instaurer ? Certainement pas la liberté du peuple gondolais dans son ensemble. Il s'agit avant tout de la liberté du capital et de ses agents. C'est la liberté pour les multinationales (lofotènes, clovaniennes, et celles liées à l'Empire du Nord via l'UCIC) d'exploiter sans entrave les ressources naturelles et humaines du pays. C'est la liberté pour l'oligarchie djérouite, menée par Flavier-Bolwou, de s'enrichir par la corruption et le népotisme, confondant les biens de l'État avec leur patrimoine personnel. C'est la liberté pour la puissance occupante clovanienne d'imposer son modèle économique (le tourisme prédateur), sa culture (via la NEG), et son contrôle militaire et administratif (bases, Opération Chélonioïde, Délégué Impérial) sans avoir à rendre de comptes à la population locale.
C'est aussi, et c'est là une caractéristique fondamentale des dynamiques fascistes, une liberté conçue contre les autres. C'est la liberté d'être protégé de la prétendue menace que représenteraient les forces du changement – l'Armée Démocratique qualifiée de "communiste", les mouvements ethniques qualifiés de "séparatistes", les populations marginalisées qualifiées de "criminelles". Dans cette optique, l'ordre imposé par la force (par l'ARL et surtout par l'Armée Impériale) devient la condition même de la liberté, une liberté négative définie par l'absence (supposée) de chaos et la répression de toute altérité jugée menaçante.
Plus profondément encore, ce régime instille une forme de liberté fasciste, au sens où des théoriciens critiques l'ont analysée dans le contexte des histoires coloniales et raciales. Il s'agit de la liberté de dominer, une liberté déléguée à certains groupes au détriment d'autres. Les forces clovaniennes, en tant qu'occupants, jouissent d'une liberté d'action quasi-totale, au-dessus des lois locales. Les élites kwandaouis, historiquement favorisées, voient leur position renforcée par l'alliance avec la Clovanie, leur donnant une liberté accrue d'exploiter et de mépriser les autres ethnies. On peut même voir dans le soutien passé de Prima ou de l'Empire du Nord à certains groupes ethniques spécifiques (comme le MIPL pitsi) une tentative d'instrumentaliser cette logique de liberté différentielle, en octroyant une autonomie conditionnelle à un groupe pour mieux contrôler l'ensemble, fragmentant ainsi toute possibilité de résistance unifiée. C'est la vieille logique du "diviser pour régner", appliquée ici sous la forme d'une distribution hiérarchisée de "libertés" subalternes et conditionnelles. Cette liberté, fondée sur la race, l'ethnie, la classe ou l'allégeance politique, est l'antithèse même de l'émancipation universelle.
Face à cette perversion, l'Armée Démocratique propose une vision radicalement différente de la libération. La liberté que nous prônons n'est pas celle, abstraite et formelle, de l'individu isolé face à un marché ou à un État tout-puissant. Ce n'est pas non plus la liberté prédatrice de l'oligarque ou du colon. C'est :
- La liberté collective vis-à-vis de l'exploitation économique, réalisée par la mise en place de coopératives, la démocratisation des lieux de travail et la planification démocratique des ressources au service de la communauté.
- La liberté face à la domination ethnique et raciale, garantie par un projet fédéraliste respectueux de la diversité des peuples du Gondo et fondé sur l'égalité des droits pour tous.
- La liberté vis-à-vis de toute ingérence étrangère, qu'elle soit militaire, économique ou culturelle. La souveraineté du Gondo appartient au peuple gondolais, et à lui seul.
- La liberté par la participation directe à la vie politique, à travers les assemblées communales, les comités locaux et les syndicats, où chaque citoyen peut faire entendre sa voix et prendre part aux décisions qui le concernent.
Notre combat est donc aussi un combat pour le sens même du mot "liberté". Nous refusons la liberté frelatée, la liberté des maîtres et des oppresseurs, la liberté construite sur les ruines de la dignité humaine. Nous luttons pour une liberté concrète, matérielle, sociale et politique, une liberté vécue par tous et pour tous, seule garante d'un avenir juste et pacifié pour le Gondo.
Partie 7 : Conclusion – La Voie à Suivre : La Révolution Communaliste Contre le Fascisme Tardif
Au terme de cette analyse, le constat est sans appel. Le régime qui opprime aujourd'hui une large partie du Gondo, incarné par l'alliance contre-nature entre l'oligarchie corrompue de la RDLG et l'impérialisme rapace de la Clovanie, n'est pas une simple dictature post-coloniale ou une ingérence étrangère classique. Il présente les caractéristiques profondes et inquiétantes d'un fascisme tardif.
Nous avons montré comment ce régime s'enracine dans les structures d'exploitation héritées de l'ère coloniale, perpétuant un capitalisme racialisé qui divise et appauvrit notre peuple au profit d'une minorité et de ses maîtres étrangers. Nous avons vu comment l'intervention clovanienne, loin d'être une mission de paix, constitue une gestion de crise autoritaire visant à sauver cet ordre injuste, déployant pour ce faire un arsenal militaire, économique et culturel de domination. Nous avons analysé la nature paradoxale de cet "État creux" qui combine une répression féroce et ciblée avec un abandon cynique des fonctions sociales, créant dépendance et précarité. Nous avons déconstruit les récits historiques falsifiés et les promesses d'avenir vides par lesquels cet axe réactionnaire tente de légitimer son pouvoir, manipulant le temps et les identités pour écraser toute aspiration à un changement réel. Enfin, nous avons exposé la perversion de la notion de liberté par ce régime, réduite à la liberté d'exploiter pour les puissants et à la liberté illusoire d'être "protégé" pour les autres, masquant une réalité de servitude et de domination hiérarchisée.
Face à cette manifestation insidieuse mais bien réelle du fascisme contemporain, la lutte menée par l'Armée Démocratique prend tout son sens. Notre combat n'est pas une simple querelle de factions pour le pouvoir. C'est une guerre de libération nationale, une lutte antifasciste et anticoloniale pour la dignité et l'avenir de tous les peuples du Gondo. La prise de Cap-Franc n'est qu'une étape, une démonstration que la volonté populaire, organisée et déterminée, peut briser les chaînes de l'oppression, même face à un ennemi soutenu par des puissances étrangères.
Notre projet est clair : remplacer l'État fantoche et prédateur de la RDLG par une véritable république démocratique, fondée sur les principes du communalisme. Cela signifie :
- L'autogestion des communautés locales, où les décisions sont prises par et pour les habitants.
- La collectivisation des principaux moyens de production et la fin de l'exploitation capitaliste, qu'elle soit locale ou étrangère.
- L'établissement d'un État fédéral respectueux de la diversité ethnique et culturelle de notre nation, garantissant l'égalité des droits pour tous.
- La restauration pleine et entière de notre souveraineté nationale, libre de toute tutelle impériale.
Cette voie est la seule qui puisse garantir une paix durable et un développement juste pour le Gondo. Elle exige la poursuite de la lutte armée pour libérer l'ensemble de notre territoire, mais aussi et surtout la mobilisation continue et l'organisation du peuple. Les comités populaires, les syndicats, les coopératives qui fleurissent dans les zones libérées sont les fondations du Gondo de demain.
Nous appelons tous les patriotes gondolais, quelle que soit leur ethnie ou leur origine, à rejeter la propagande de l'ennemi et à rejoindre les rangs de la Révolution. Nous appelons la communauté internationale, et en particulier nos camarades des mouvements anti-impérialistes, antifascistes et socialistes, comme ceux des Brigades Internationales qui combattent déjà à nos côtés, à renforcer leur solidarité avec notre juste cause.
La bataille pour le Gondo est loin d'être terminée. L'ennemi, blessé mais non vaincu, mobilisera sans doute toutes ses ressources pour tenter d'écraser notre Révolution. Mais l'Histoire est de notre côté. La dynamique de libération des peuples est irréversible. Face au fascisme tardif, nous opposons la force vivante de la démocratie populaire et de la solidarité internationaliste. La victoire est certaine, car elle est la victoire du peuple gondolais retrouvant enfin sa souveraineté et sa dignité.
