
Si cette petite révolution est considérée comme une mauvaise nouvelle par le Parti du Progrès qui a construit son influence en Lutharovie grâce aux bonnes relations entre son porte-parole, le Capitaine Mainio, et le président Pavel Goslov, d’autres formations politique pharoises pensent à juste titre avoir un coup à jouer. C’est le cas du Parti Communiste Pharois (PCP), en position de force au gouvernement depuis les dernières élections, et qui pourrait bien tenter sa chance en jouant sur sa proximité idéologique logique avec le régime communiste lutharovien.
C’est sans doute ce calcul qui a poussé les trois ministres communistes pharois à organiser au lendemain de la déclaration de l’ex-président Goslov une rencontre avec les principaux représentants du Parti Communiste de Lutharovie. Outre l’ambition assumée du PCP de nouer le premier de bonnes relations avec leurs homologues d’outre-golfe, l’objectif plus officieux est aussi de mettre en avant la ligne communiste-libertaire dans ce pays au régime autoritaire.
Bien sûr, personne ne s’attend à ce que la Lutharovie devienne du jour au lendemain une nation crypto-anarchiste, mais les différents pas faits pour l’ouverture du pays sont encourageants : la ville de Merengrad est prospère et offre un avant-goût de la libre association aux Lutharoviens, l’ouverture et les échanges touristiques avec le territoire du Syndikaali favorisent le désenclavement et la récente adhésion – encore en cours d’examen – de la Lutharovie au projet Universitas fait espérer un léger assouplissement du régime en faveur des libertés et droits individuels.
Une stratégie que le Pharois assume officieusement depuis le début, assez peu partisane de l’ingérence directe, la nation pirate reste fidèle à son credo philosophie : « laisser le temps au temps ». En somme, multiplier les gestes de bonne volonté et d’amitié avec la Lutharovie et compter sur une ouverture progressive du régime à des idées similaires et compatibles avec celles du Syndikaali.

C’est relativement discrètement que les ministres pharois débarquèrent à Merengrad le lendemain du Congrès annuel du quinze novembre 2006. La transition post-Goslov avait certainement aiguisé les appétits et ambitions des pontes du Parti Communiste et il fallait craindre des coups dans le dos. Le Syndikaali ne souhaitait pas donner l’impression de faire de l’ingérence, ce qui aurait pour risque de délégitimer ses candidats, d’un autre côté le soutien du puissant voisin Pharois à tel ou tel nom serait certainement un argument de poids dans la balance.
Il fallait donc la jouer fine. Laisser planer la rumeur d’un soutien sans pour autant l’afficher au grand jour.
C’était cela qui avait décidé la mise en place d’une rencontre officieuse, à Merengrad, la ville étant connue pour sa relative opacité quant aux affaires qui se faisaient entre ses murs. Symboliquement, c’était aussi ici que l’ex-président Goslov avait rencontré pour la première fois un ministre Pharois, ceux du PCP se plaçaient donc dans cette filiation.
Le Citoyen Sakari, ministre de la Défense territoriale, la Capitaine Marketta, ministre de la Planification et le Citoyen Kyllikki, ministre des Propriétés publiques et du Bien Commun, débarquèrent sans grandes pompes sur le port de Merengrad. Fussent la garde militaire rapprochée qui les escortait et les insignes rouges et or, aux couleurs du Grand Parti des Travailleurs, pas grand-chose ne les distinguait à dire vrai des autres badauds, dockers, commerçants et pirates qui faisaient leur vie sur le port.
Il fallait montrer sans montrer, laisser savoir sans dire. On se dirigea vers le Vallankumouksellinen Hotelli, haut lieu de rassemblement des intellectuels rouges internationaux, pour y attendre l’arrivée des ploutocrates lutharoviens, autour d’un verre de schnaps et de petits gâteaux secs pas très bons.
Un nom en particulier était ressorti dans les préparatifs de cette rencontre, celui de Stanislav Zakharov, un cadre ambitieux du Parti Communiste de Lutharovie qui, disait-on, avait ses chances pour succéder au siège de Pavel Goslov. Désireux de se trouver des alliés dans la course au pouvoir, il avait exprimé discrètement son amitié pour le Syndikaali et une certaine ouverture d'esprit quant au fait de nouer des liens plus intimes avec son voisin nordique, ce qui n'était évidement pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Restait à voir ce que valait réellement ce Zakharov et s'il avait ou nom l'étoffe d'un partenaire fiable pour les Pharois. C'était tout le but de cette rencontre.