Posté le : 14 août 2022 à 17:19:50
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Un plan risqué et un agent pas bavard
Après avoir patienté ce qui lui sembla être plusieurs heures, Sandra entendit le bruit de la portière s'ouvrir, la tirant du demi-sommeil dans lequel elle était sur le point de s'installer. C'était Odonel.
« Tu peux venir. Mets bien ta capuche. »
Sandra obéit et se dégagea lentement du coffre de la voiture, étirant avec délices ses articulations qui s'étaient habituées à être compressées dans l'habitacle du véhicule. Comme à son habitude, Odonel prit les devants et énonça sèchement les instructions que Sandra devait suivre.
« Ils sont dans la chambre 163. Quand on arrivera, tu montreras bien ton visage sans dire un mot. Pas de téléphone dans la chambre. »
Sandra sourit à l'énoncé de cette dernière consigne, sachant que son portable n'avait plus de batterie depuis maintenant plusieurs mois, mais qu'elle l'avait toujours gardé sur elle. Ils montèrent les escaliers en silence, Odonel à l'avant et Sandra derrière, le nez devant le pistolet que Odonel gardait toujours à sa ceinture.
Bientôt, ils atteignirent la chambre 163. Odonel frappa trois coups rapides à la porte, puis 2 coups lents. Après quelques secondes d'attente, la porte s'ouvrit. Dans l'espace laissé par l'entrebâilleur, un visage sombre apparut. Comme convenu, Sandra ôta sa capuche afin de lui découvrir son visage. L'inconnu referma la porte, le bruit de l'entrebâilleur se fit entendre et la porte s'ouvrit en grand, laissant passer les deux personnages.
Sandra découvrit une chambre miteuse, dotée d'un lit double aux draps défaits, d'une commode aux tiroirs manquant et d'une minuscule salle de bain dans le fond. Au centre trônait une table en bois et une autre personne était assise à cet endroit.
« Bonjour, osa prononcer Sandra d'une voix faible.
- Bonjour, camarade Sandra, lui répondit l'autre d'une voix basse mais non dénuée de soulagement et d'admiration. »
La personne qui leur avait ouvert se dirigea en silence dans un coin de la pièce, y saisit deux chaises et les plaça à côté de la table.
« Asseyez-vous. »
Les quatre personnes attablées, l'homme qui était assis commença son discours.
« Bien. Vous êtes parvenue jusqu'à nous, cela relève déjà du miracle. Je me présente : Naïa. Mes pronoms sont il, elle, et iel. Lui, c'est Jénaio, ses pronoms sont il et iel. Bien, les présentations sont faites, bien. Bien, on a été obligés d'envoyer un appel à l'aide à la Loduarie. »
Sandra eut un sentiment de soulagement. Depuis des semaines, elle se doutait bien que Odonel la menait à Erdaim pour passer la frontière, mais elle n'en était pas certaine et n'osait pas lui poser la question, de peur de briser son énigmatique silence. Naïa poursuivit.
« Nos compagnons ont donc eu une réponse il y a cinq jours. Un agent loduarien vous attend ce soir à une heure pour vous faire passer la frontière. Le lieu de rendez-vous est à trois rues d'ici.
- Mais la frontière n'est pas gardée ? s'interrogea Sandra.
- Oui, mais ce soir, ce sera plus facile. Les loduariens ont lancé des diversions à l'Est et les rangs des gardes frontières se sont donc dégarnis. Par contre, il ne faut surtout pas qu'on vous voie. Ce serait un prétexte parfait pour l'Empereur pour déclarer la guerre. Bien. »
Sandra jeta un regard inquiet à Odonel, écrasée par tous ces enjeux qui reposaient maintenant sur elle. Au début, elle voulait juste écrire des livres !
« Ça va bien se passer, la rassura Odonel.
Et aussi, faites attention, il faut bien vous appeler camarades. Vous pénétrez dans un pays communiste, ok ?
- Ok.
- Bien. »
Un réveil sonna sur la table de nuit.
« C'est l'heure, prononça gravement Jénaio. »
Avant de les laisser partir, Naïa leur donna des sacs contenant de quoi manger, boire, ainsi qu'un couteau pour se défendre.
« Merci beaucoup. »
D'un signe de tête, Naïa leur souhaita bonne chance et leur ouvrit la porte.
Des frémissements d'excitation et de peur traversant le corps de Sandra, elle parcourut avec Odonel les quelques rues la séparant du point de rendez-vous d'un pas fébrile. Ils se retrouvèrent sur le port. A quelques centaines de mètres, la frontière. Ils patientèrent quelques minutes à cet endroit avant de voir s'approcher d'eux un homme au pas pressé. C'était sûrement l'agent communiste.
« Camarade Odonel ? demanda-t-il sans préambule.
- C'est moi. »
L'agent leur fit signe de le suivre d'un pas rapide qui se transforma bientôt en une course longeant les bâtiments du port. Au dernier moment, il s'engagea dans une ruelle et s'arrêta juste devant la frontière. Le phare du mirador passa juste devant eux et, dès qu'il eut disparu, l'agent leur fit signe de courir. Le passage était ouvert, au nez et à la barbe des gardes clovaniens. Sous le regard attentif des gardes loduariens, les trois personnages passèrent la petite porte installée dans la grille.
Sandra regarda autour d'elle. Des visages affairés de militaires, le symbole communiste sur leurs casquettes. Ça y est, ils avaient franchi la frontière.
27/04/2008