25/02/2015
14:49:48
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Sommet pour la paix à Leylo

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Sommet pour la paix

Paix, fraternité, liberté et harmonie

Ces mots qui raisonnent dans toutes les bouches depuis maintenant deux ans, vont enfin pouvoir être entendus de tous les grands chefs d’État et de gouvernement d’Eurysie. Ces tensions qui ne cessent de s’aggraver doivent arriver à leur apogée afin de chuter mortellement et de ne jamais revenir. Depuis son accession à la tête du gouvernement de sa Majesté le Roi Alexandre VI, Bálint Nemeth s'était juré de faire tout son possible pour que le peuple svobansk-normanien ne sois plus jamais en danger. Et pour éliminer celui-ci, il fallait éliminer les conflits extérieurs. C’est lors d’un échange diplomatique avec le triumvirat de Manche-Sillice, également impliqué pour la paix que l’idée d’un sommet germa dans les esprits. Aucun fautif ne devait être désigné et aucun ne devait être accablé, tous égaux, peu importe leur puissance ou leur armée. Ce n’était plus des chefs de guerre attablés autour de la table ronde, mais de simple représentant des peuples meurtris par tant d’années de tension qui résultèrent en de nombreux conflits diplomatiques ou bien réels avec la crise du Prodnov. De nombreuses nations avaient disparu sous le poids de leurs fautes ou bien à cause de la situation ingérable. Longtemps havre de paix, l’Eurysie était devenu le continent de tous les problèmes, moqués de tous, les habitants accusés d’être des barbares sans foi ni lois. Il est temps de rendre au continent Sa Grandeur en prouvant que malgré les différences nous sommes tous des peuples frères, des dirigeants réfléchis qui ne veulent que le bien de leurs nations et les protégés peu importe l’idéologie. Car le seul conflit qui domine l’Eurysie est en réalité une guerre d’idéologie où chacun souhaite imposer la sienne aux autres ce qui est contraire aux droits inaliénables droits inaliénable qui est la liberté de penser.


Le gouvernement normanien organisa alors la Conférence, invitant plus de 10 nations afin de débattre et de définir un cap commun. La capitale du Royaume, Linkograd ne fut pas choisi par un souci de sécurité. Leylo lui est préféré pour son panorama et pour son port réputé pour pouvoir laisser passer de nombreux navires peu importe leurs tailles ou leurs contenants. La venue des représentants et des chefs d’État étrangers avait été planifiée plusieurs mois en avance. Pour illustrer le désir de paix aucun soldat de la Garde royale n'avaient été mobilisé afin de présenter les armes aux invités. La salle de réunion, longtemps restée secrète ne sera autre que la « Table ronde » où siégeait habituellement le gouverneur local avec ces ministres. Pour l’occasion les drapeaux des nations participantes avaient été mise en place pour donner un style épuré tout en restant dans la sobriété. Autour de cette table avaient été positionnés des écriteaux avec le nom de chaque pays participants. Des bouteilles d’eau préalablement installées et inspectées par les services de sécurité étaient sur la gauche de chaque siège ainsi qu’un paquet de feuilles vierges est un microfonctionnel. Les traducteurs étaient également présents sur des sièges un peu plus reculés permettant ainsi des conditions optimales pour l’étude et le travail de ceux-ci. La salle était prête, il ne manquait plus que les occupants des sièges disposés autour de la table ronde.

Le Premier ministre était quant à lui présent debout à l’entrée de l’édifice, se tenant droit comme un i devant un parterre de journalistes et photographes, attendant impatient l’arrivée du premier chef d'État. Sur sa tête pouvait se voir une peu d'appréhension mais également une détermination hors du commun. En seulement un moi à la tête de l’exécutif du pays, il a sur se démarquer par les réformes hors du commun qu’il a pu mettre en place ainsi que pour sa proximité avec les citoyens. Bien que la gestion de la crise migratoire reste encore à désirer, Bálint Nemeth reste le plus jeune et le plus populaire Premier ministre de l’histoire du Royaume. L’arrivée des représentants étrangers devait se faire soit par la mer soit par les airs. Le vice Premier ministre et ministre de l’Unification et de la Protection des minorités, Aron Meszaros attendait quant à lui à l’aéroport pour recevoir les invités exceptionnels, entouré de quelques élus locaux et des Ambassadeurs des nations respectives. Même dispositif pour ceux qui arriveraient vers les eaux, mais cette fois-ci le cabinet fut représenté par la ministre des Affaires étrangères Eleonóra Kemenes, qui malgré quelques secousses fut l’une des fondatrices du sommet. La sécurité renforcée au maximum, l’accès dans la ville balnéaire fut totalement bloqué par des régiments de la milice locale et des forces de police. La métropole était survolée toutes les trente minutes par des avions de chasse et couverte par un système de radar hors du commun. Aucune bavure, aucun problème ne devait empêcher la paix, la fraternité, la liberté et l’harmonie.

Bálint Nemeth
Bálint Nemeth attendant les délégations étrangères sur le porche de l’édifice de la Table ronde
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Déchargés au large de la baie de Leylo par le paquebot assurant la liaison depuis Podestavre en Manche Silice, les triumvirs s'approchaient lentement du port à bord d'un canot d’apparat à propulsion électrique piloté par un mousse. Au loin, la silhouette d'Eleonóra Kemenes se devinait à ses longs cheveux blonds détachés. Vittorio IV a demandé au capitaine de faire hisser le pavillon siliquéen et a fait fi de ses rhumatismes pour se mettre au garde à vous mais la ministre des affaires étrangères de Svobansky-Normanie restait impassible.

Arkadi Ksiaz hilare, tentait une explication. "Nous sommes encore un peu loin. Ils ne nous voient probablement pas". Vittorio IV cessa alors le salut et s'avachit sur un fauteuil, visiblement exténué par l'effort. C'est lui pourtant qui avait réclamé ce long déplacement par la mer plutôt que par avion, comme le souhaitaient les deux autres triumvirs. Il avait décidé Ksiaz et Azafran de transformer le paquebot en panneau publicitaire pour le transport maritime siliquéen"Il va mouiller pendant toute la durée du sommet pour la paix au large face aux participants", avait présenté le souverain.

Quelques heures avant d'arriver à Leylo, les triumvirs réunis dans une pièce insonorisée du bateau de transport s'étaient entretenus avec le colonel Ernesto Huevos, commandant le contingent de maintien de la paix à la frontière krono-youslève.

Message audio du Cl Huevos a écrit :"Nous sommes ici depuis une semaine maintenant et la situation est paradoxale. A l'heure où le sommet s'apprête à ouvrir, je vous témoigne du calme sur place. Côté Kronos, les troupes ont observé un repli dans leurs bases. Ils ne reste plus rien. En revanche, en face, les positions de l'armée youslèves sont toujours visibles. Les kroniens attendent désormais le retrait des troupes mais l'état major de la RFY paraît sceptique. S'agit-il d'un coup de bluff ? Renseignement pris auprès de sources frialanes, un retrait a été conclu et exécuté il y a quelques mois en arrière entre Kronos et le Royaume-Soudé, mais cette issue n'a pas pris la forme d'un acte écrit de sorte qu'une ré-escalade est toujours possible. La Youslève doit vouloir éviter cet état de fait qui ne résoudrait pas la situation. Baldasarre Calabraise veut un pacte de non-agression, seule garantie pour lui de paix aux frontières de son Etat. Bonne chance à vous"
Le canot d’apparat venait d'acoster, les triumvirs gagnaient un à un le quai où la ministre des affaires étrangères saluait ses invités. Il fallait attendre un peu l'arrivée des autres délégations.
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Il aurait pu être un touriste banal, indistinct dans la foule, venu en train. Nul insigne, écharpe ou cocarde ne venait signifier son rang. Et quel rang ? Ransu Rasanen était le président de l'Albigärk Yleisyliopisto, l'université générale d'Albigärk, union des vingt grands établissements supérieurs du monde Albien. Élu parmi ses pairs universitaires dans le secret des méandres académiques, humble chercheur, homme de science et d’esprit, désigné par la Commune pour porter la voix excentrique de l’anarchisme épistémologique et des sciences humaines à ceux disposés à l’entendre. Quant aux autres… ma foi, la vulgarisation avait ses limites.

Ransu Rasanen fut introduit sans fioritures, lorsqu’il se présenta devant le lieu du rendez-vous. Point de cérémonie, de fanfare, d'hymne ou de salut sabre au clair, à quoi bon ? Albigärk ne possédait pas de garde royale, Sa Majesté Nemo II se gardait toute seule, de façon autogérée par les habitants de la Commune, et la force militaire locale était assurée par le Syndikaali. On avait bien une milice étudiante, chargée de maintenir l’ordre, mais encore ? Albigärk n’avait rien à prouver en démonstration de force, de puissance ou de richesse. Sa grandeur venait de son esprit et des milliers de diplômés qu’elle dégueulait chaque année pour pourvoyer aux administrations du grand nord et de plus loin encore. La caste des penseurs, la citoyenneté philosophe. La véritable République des Lettres. Cosmopolite. Universelle. Et résolument post-moderne.

Parce qu’il portait la voix d’une des plus anciennes nations de l’Eurysie, feu le Royaume d’Albi, et parce que la Commune demeurait à ce jour encore l’un des si ce n’est le plus grand centre universitaire et culturel du nord, Ransu Rasanen alla s’installer à la table des négociations. Tandis que les nations du monde étaient guidées par leur expérience individuelle, cuisine politicienne et intérêts de courte vue, les Sciences Humaines et Sociales s'avéraient les seules à même de lever le voile sur la véritable nature du réel, et découvrir le monde tel qu’il était vraiment. Structures structurantes structurées. Rien que des structures. Juste des structures. Une grande architecture anarchique, chaotique et pourtant fonctionnelle, faite de social imbriqué dans du social, comme les rouages d'une horloge immensément grande. Démesurément immesurable.

Les mages marxistes avaient un jour prétendu voir la grande marche du monde, au pas lent de la dialectique. Avant eux, les clercs croyaient percevoir dans les frémissements du destin le signe de la Providence. Chacune à chaque époque avait annoncé "voir", brandissant leurs herméneutiques, mais de visions ils n'en avaient que tronquées, un bout de réel délavé à force d'usage, digéré scandaleusement sans méthode ni rigueur. L'époque était révolue. Les modernes avaient chuté eux aussi et désormais ne restait plus que la vérité nue, criante et crue, l'anarchie faite épistémologie. Faite reine.


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Politique intérieure de l'Union : qui envoyer et pourquoi.

Pour l’Union la question n’avait évidemment pas été de savoir s’il était ou non réellement envisageable d’accepter l’invitation Svobansky-Normanienne. À d’autres époques, la question de la légitimité de la petite monarchie eurysienne à organiser un tel sommet aurait été posée. On aurait même pu, dans un pur élan contradictoire, rassembler les nations invitées autour d’une table jugée plus adéquate, politiquement apte ou impliquée dans les dossiers pressants du continent. Finalement, le Grand Kah avait beaucoup appris en sagesse et en manœuvre : on l’invitait à ce sommet où siégeraient quelques grandes nations, quelques puissances régionales, ce qui suffisait à accroître son prestige diplomatique, bien que ce dernier, par effet de rebond, irait à son tour accroître celui du sommet.

Il y avait aussi une notion assez importante, et que le Grand Kah tenait à rendre très claire : l’Union était une nation Eurysienne. Les Communes des Îles Marquises, quoique situées en plein océan et géographiquement éloignées du cœur battant continental, représentaient un territoire souverain Eurysien disposant, techniquement, de tout l’arsenal diplomatique, militaire et économique de l’Union derrière lui. Peut-être les îles les plus riches du globe, si on s’en tenait à cette définition plus que ténue. De plus, les récents exercices militaires dans le Golfe des Empires, et l’installation de forces de la Garde au large de Carnavalle et dans l’Administration Spéciale Mährenienne tendaient à renforcer la tangibilité de la présence kah-tanaise dans le continent. Enfin, on ne pouvait pas non-plus faire l’impasse sur l’implication de l’Union dans les dossiers – désormais bien froids – de Damannies et de Kotios.

Ces remarques et arguments avaient été évoquées dans un bref communiqué de presse émanant, fait notable, de la Convention Générale en tant qu’ensemble, plutôt que du Comité de Volonté Publique, lequel s’était fait très discret, soucieux de ne pas soulever, même en filigrane, de questions sur la présence à ce sommet de puissances qui n’avaient aucun intérêt stratégique concret sur le Vieux Continent. Une courtoisie faite au Jashuria et que le Parlement Général, surtout soucieux de souligner sa puissance, avait pour sa part ignorée, sans pour autant en faire de même avec les recommandations émises par le commissariat aux affaires extérieures, lequel avait simplement appelé à un ton diplomate et pacifié. Ainsi, le communiqué envoyé aux presses nationales et internationales se terminait sur un pur appel au calme et un rappel du désir Kah-tanais de paix, rappelé lors des dernières élections ayant abouties à un accord entre des lignes jugées droitières (à comprendre, pas particulièrement révolutionnaires et capables de consensus) et pacifistes.
Puis était venue la question, éternelle et inévitable, de l’identité des envoyés de l’Union. D’autant plus complexe qu’au sein du Grand Kah, sauf quelques rarissimes exceptions, la plupart des postes de responsabilité (et dans une large mesure, de représentativité) existaient sous une forme de duumvirat, ce qui s’étendait aussi à la représentation diplomatique : il était rare, presque anormal que les kah-tanais se déplacent seuls si c’était pour prendre une décision. Ainsi, même si ce sommet était à priori de nature strictement déclaratoire, ce qu’on appelait dans l’Union de la Diplomatie Opératique, sans impact réel sur les évènements, qui se décidaient à guichets plus restreint, la tradition demeurait d’envoyer deux individus.

Déjà on savait qu’on enverrait des membres du Comité de Volonté Publique plutôt que des représentants en mission. Au moins par courtoisie pour ces autres pays qui, eux, n’hésiteraient pas à dépêcher leurs chefs de gouvernement ou, à minima, des ministres. Rôles plus ou moins fusionnés au sein du Grand Kah. Restait donc à savoir laquelle des soixante-quatre combinaisons possibles serait imposée au monde, chacune pouvant envoyer un message différent. Si les membres du Comité étaient premiers parmi les égaux, et ne disposaient pas de portefeuilles officiels, la plupart des gens informés savaient, par exemple, que la citoyenne Actée était plus fréquemment que d’autres dans les bureaux du Commissariat aux Affaires Extérieures, et que le Citoyen Caucase tendait à servir de juge de paix parmi ses pairs. Chacun jouait un rôle officieux mais parfaitement identifié.

Ensuite il y avait la question des précédents, et une foultitude de questions politiques intérieures. Envoyer deux membres déjà présents au temps du Comité de Volonté Publique dit Estimable, précédent gouvernement de l’Union, risquait d’envoyer un mauvais message aux communes, même si c’était pour reproduire le schéma du sommet de Tiarmina. Ensuite on devait aussi estimer quels membres du Comité seraient réellement disponibles pour cette mission, chacun abattant en faite une charge de travail quotidienne assez ahurissante. Bien entendu personne n’était irremplaçable, mais il ne s’agissait pas de le dire ouvertement, ou de le démontrer trop clairement, donc il fallait trouver des élus qui avaient, en cet instant, un peu plus de temps libre que les autres. Ou, plus exactement, des élus qui étaient un peu moins occupés.

Enfin, c’était peut-être la difficulté la plus importante, il fallait que ces envoyés soient capables de communiquer avec le monde extérieur sans se montrer insultants, odieux, égocentriques, trop révolutionnaires, trop kah-tanais. C’était peut-être la principale consultation. Ou en tout cas c’était la principale criante d’une Convention qui observait son organe exécutif avec la méfiance bien naturelle qu’ont les individus trop acerbes pour leurs propres phrases et leur propension toute naturelle à agacer la galerie — tout en amusant beaucoup les absents. On venait faire de la diplomatie, par une anecdote.

Ce fut finalement la citoyenne Meredith, soucieuse d’enfin appliquer la vision diplomatique "progressive" pour laquelle elle avait été élue, qui fut choisie pour mener cette importante mission diplomatique. Choix d’autant plus notable que celle-là avait, techniquement, été celle qui avait défendue l’actuel programme du Comité, autour duquel s’étaient agrégés ses membres. Ce qui faisait d’elle, pas institutionnellement mais symboliquement, la pièce centrale du puzzle politique Kah-tanais. Ce serait aussi pour elle l’occasion de répondre, quoi qu’indirectement, aux critiques très acerbes de la citoyenne Maiko, représentante de l’opposition radicale et, pour quiconque s’intéressait à l’actualité politique kah-tanaise, danger majeur pour la paix mondiale.

Meredith était une personnalité au parcours intéressant. Ce qui pouvait sans doute se dire de toutes celles et ceux qui finiraient autour de la table où se tiendrait le sommet. Surnommée La Voix de Kotios, elle était avant tout une professeure d’université et chercheuse en sciences-sociales spécialisée dans la dégradation des conditions de vie au sein des régimes oligarchiques et dictatoriaux. C’est ce domaine d’expertise qui lui valut d’être envoyé en Eurysie, en 2004, au sein d’un comité d’observateurs Kah-tanais venu étudier l’Empire Francisquien. Le groupe en question échoua finalement à Kotios à la suite de l’annulation de derrière minute de leur autorisation d’entrée sur le territoire impérial. Là, l’étude de la révolution anarchiste évolua rapidement pour devenir une œuvre de lobbying visant à obtenir de l’aide kah-tanaise pour la jeune commune. La carrière politique de Meredith commença ainsi de façon accidentelle. Sa réputation au sein du Grand Kah fut celle d’une femme ayant réussie à créer un important mouvement communaliste en Eurysie, et ayant largement contribué à la défense de la ville lors de la tentative de putsch fasciste. Ses nombreux discours, prononcés lors de la guerre civile, furent largement retransmis dans l’Union et ses fréquentes rencontres avec les officiers kah-tanais déployés sur le vieux continent défrayèrent la chronique.

Malgré une image d’idéologue volontariste et de femme de fer, proche des forces armées et profondément révolutionnaire, elle fut l’avocate d’un programme d’apaisement et de paix lors des dernières élections générales, après l’auto-dissolution du précédent gouvernement. Soucieuse d’offrir une opposition politique sérieuse aux discours ultraradicaux – qu’elle rejette – elle s’est fait la voix des pragmatiques Kah-tanais. Son programme sur le plan intérieur vise à une meilleure délimitation des pouvoirs communaux et confédérés et à la modernisation des infrastructures. Sur le plan extérieur, elle souhaite abandonner la ligne idéologique au profit d’une ligne pragmatique permettant en priorité des rentrées de capitaux au sein de l’Union en vue d’amorcer une modernisation massive des moyens industriels communaux. Ce qui, en somme, la rend bien plus compatible avec les régimes capitalistes "oligarchiques". Peut-être espérait-elle profiter du sommet pour enterrer son image révolutionnaire et devenir, une bonne fois pour toute, le visage de la modération politique.

Après de longs débats, il fut enfin décidé de la faire accompagner par la citoyenne Rai Itzel Sukaretto. Notamment car l’alternative aurait été de lui accoler le citoyen Aquilon, qui bien qu’étant plus ou moins l’architecte militaire de l’Union et derrière une bonne part de sa stratégie défensive, n’en demeurait pas moins un révolutionnaire ultra, qui, de fait, aurait par sa simple présence nullifié le message sensé être porté par Meredith.

Rai Sukaretto étaient de ces personnalités populaires dont ne savait pas vraiment si elles étaient de simples faire-valoir ou si elles avaient un apport concret dans les structures où elles évoluaient. Pour dire les choses simplement, la jeune femme était populaire. Ridiculement populaire. Fille du dernier Empereur kah-tanais en date, elle avait été oubliée par la clique des "blancs" lors de leur fuite durant la dernière révolution. En grandissant, la fillette avait fini par rejeter son héritage dynastique, et s’était créé un nom dans le monde de l’art et, plus précisément, de la haute couture. Pendant que le Grand Kah émergeait des cendres de la révolutions, Rai réériger les modes Punks et Gothiques comme des alternatives valables au traintrain quotidien. Sur le plan politique elle fut surtout l’instigatrice de la notion de Cool Kah-tanais, largement responsable de l’augmentation du tourisme dans le pays et de l’exportation élevée de produits culturels à l’étrangers. C’est d’ailleurs son rôle : la gestion des affaires culturelles. Avec sa popularité locale et internationale et, peut-être plus important encore, son tempérament ouvert et volontairement naïf, elle représentait un duumvir qui compléterait bien le message de la citoyenne Meredith. De plus, c’était peut-être le plus important, elle avait déjà occupée ce rôle en compagnie de la citoyenne Actée, qui avait été tenue à l’écart de la rencontre pour divers raisons politiques (à commencer par le fait qu’elle n’était, officiellement, plus membre du Comité de Volonté Publique, même si on savait déjà qu’elle serait nommée dès que la disparition du citoyen Sakeh Ngobila, que l’on savait plus ou moins disparu au Kodeda Listonien, serait rendue publique).

Citoyenne Meredith, citoyenne Rai Itzel Sukaretto

Discussions privées.

Les deux citoyennes voyagèrent dans le plus bel appareil de la flotte civile de la Confédération. Porte-étendard de la technologie des dirigeables kah-tanais, Le Fierté Argenté de l’Éternelle Libération Céleste, qui devait son nom à ses créateurs issus de mouvements d’avant-garde, était une petite merveille de technologie qui passait en fait un tiers de son existence en cale sèche, où il était amélioré, perfectionné, doté des dernières technologies en date. Il s’agissait d’un dirigeable semi-rigide long-courrier ayant une vitesse de croisière optimale d’un peu plus de cent quarante kilomètres heures et contenant des chambres, bureaux, lieux de vies et jardins hydroponiques embarqués. Depuis le Grand Kah jusqu’à Leylo , c’était à peu près quatre jours de voyage dans un confort optimal et une relative autonomie énergétique et alimentaire. L’aspect le plus important restait les économies réalisées sur le carburant. Les zeppelins kah-tanais, avec leur importante capacité de fret, remplaçaient bien souvent les camions voire les navires cargos. Des outils essentiels pour désenclaves les communes les plus isolées du territoire de l’Union. C’était évidemment pour faire la pub de cette technologie que l’on avait déplacé un tel engin. Il y avait aussi une notion de représentation idéologique importante : le monde révolutionnaire prenait son temps et préférait l’économie d’énergie et de ressources rares à la vitesse. C’était d’autant plus souhaitable maintenant que les réunions en visio-conférences étaient possibles, grâce en soit rendue aux grands défricheurs Cantais qui avaient bien expérimentés avec la technologie. Les deux citoyennes, ainsi, continuèrent d’être présente aux réunions du Comité de Volonté Publique, quoi que par écrans interposés, et souffrant parfois des caprices de la télécommunication.

Lorsque le Fierté d’Argent arriva au-dessus de Leylo, passant par la mer et survolant les quais en direction de l’aéroport, l’équipage déroula des bannières et des fanions, saluant la ville et les autres délégations. Les deux citoyennes, pour leur part, relisaient une dernière fois leurs notes et briefèrent rapidement leurs équipes avant de se poser.

« La question que je me pose, fit remarquer Rai d’un ton faussement innocent, c’est à quel point ce sera utile. Par exemple la Loduarie est invitée.
Oui ? »

Meredith lui lança un regard en coin. Elles s’étaient placées devant la grande baie vitrée du principal salon de plaisance de l’appareil pour lancer un ultime regard à la ville pendant que le dirigeable se posait.

« Bon. Eh bien, disons qu’on se mette tous ensemble, autour de la table, pour lui faire La conversation. L’équivalent géopolitique de proches qui l’inviterait à s’assoir pour parler de son alcoolisme aggravé.
Je ne suis pas sûre qu’on assiste à ce genre d’intervention, Rai.
Oui mais admettons. Le premier secrétaire Geraert rentre ensuite chez lui. Est-ce qu'il va prendre des engagements ? Est-ce qu'il va changer de position concernant sa politique extérieure ? Au mieux il aura identifié les pays hostiles, neutres, ceux qui le soutiennent...
Et donc rien de concret ne peut vraiment émerger de cette rencontre.
Ah non, tout le contraire. Les pays non-alignés du continent vont peut-être même se lancer quelques garanties au visage pour créer un nouvel ordre régional. Et ils utiliseront notre présence pour donner plus de valeur à leur parole. »

Meredith. fronça les sourcils.

« Actée vous a briefée ?
Sérieusement, quelle serait l'alternative ?
Une nouvelle conférence sans résultat. »

Rai fit la moue, mais acquiesça. Effectivement. C'était bel et bien l'alternative.

« Elle ne m’a pas "briefée", mais on a parlés. Elle regrette qu'on ne se soit pas accordés avec les Pharois sur les positions à tenir sur les différents dossiers.
Nous défendrons la même ligne par nos propres voies. Actée devrait comprendre que si nous pensions tous de la même manière nous ne serions pas libertaires mais fascistes. »

Elle croisa les bras, son ton était un peu froid. C’était le cas à chaque fois qu’on évoquait la citoyenne Actée face à elle. Les deux femmes entretenaient un respect mutuel teinté d'une dose considérable de ressentiment. Certains savaient — "certain" signifiant surtout Rai — que la citoyenne Actée considérait Meredith responsable de l’explosion du camp modéré aux élections, ayant provoqué la défaite du Comité Estimable et imposé à son remplaçant des compromis avec les isolationnistes. Meredith, pour sa part, trouvait Actée trop radicale, ambitieuse, égocentrique et, plus généralement, désagréable. A côté de ça elles entretenaient une relation de compréhension mutuelle amplifiée par un parcours universitaire comparable et des références théoriques communes. Elles avaient beaucoup travaillées ensemble pour contrer les ultraradicaux à la Convention.

Rai haussa un peu les épaules.

« Je vous avais pas vu aussi tendue depuis le Nouvel an 2008, quand vous étiez arrivé chez moi avec elle.
Tendue ? Peut-être. C’est la première fois depuis longtemps que je vais parler devant autre-chose que la Convention générale. La dernière fois c’était dans un studio d’enregistrement, dans une ville en pleine guerre civile. L’énergie était différente. Je repenses simplement à Kotios. »

La préposée à la culture émis un petit gémissement attendri qui eut pour effet de sensiblement agacer son interlocutrice.

« Vous avez le trac !
Pitié. Elle marqua un temps passé à foudroyer son interlocutrice du regard. J’essaie d’estimer ce qui va se passer. Nos hôtes n’ayant pas jugé bon de diffuser le programme à l’avance, nous arrivons presque les mains dans les poches.
Ouais. D’ailleurs c’est un faux-pas de leur part.
Au point où on en est, si personne ne l'a dit avant nous... »

Elle allait ajouter quelque-chose, mais l’arrivée d’un membre d’équipage pour indiquer aux deux citoyennes qu’il allait être temps de poser pied à terre l’interrompit. Elle secoua doucement la tête et souris franchement à son interlocutrice.

« Ce sera comme une jam session diplomatique, ça ne peut pas être pire.
Non, c'est sûr. Nous sommes loin d'être les pires. »

Arrivée des représentantes.

Une fois au sol, Meredith se métamorphosa. Le fameux "trac" disparu pour laisser place à la fameuse femme de fer de Kotios, laquelle se dirigea instantanément vers le vice-premier ministre pour lui serrer la main, là où Rai Sukaretto préféra la révérence traditionnelle, bras le long du corps, qu’elle avait conservée de son éducation impériale et s’amusait à ressortir à l’occasion, tant pour choquer au pays que par pure préférence personnelle. La citoyenne Meredith fit ensuite un geste à l’intention du parterre de journalistes.

« Très bel accueil, monsieur Meszaros », commença-t-elle comme si elle connaissait l’homme de longue date. Inutile de dire que les deux femmes avaient longuement répétées le nom du pays, de la ville, des principaux membres du gouvernement avec un linguiste. « Et je note qu’il n’y a pas de gardes cérémoniels.
Comme vous pouvez le constater le Kah vient aussi en paix ! »

En effet, la seule escorte des deux citoyennes était diplomatique.

Elles s’attardèrent un peu, prenant la pose et serrant quelques mains pour les journalistes, lâchant une ou deux allocutions sans grande prise de risque, puis se rendirent pour de bon dans les voitures du convoi qui devait les amener sur le lieu de la réunion. Là, le petit jeu protocolaire fut cette fois répété avec le premier ministre. Salutations distingues, félicitations sur l’organisation de l’évènement, pour l’idée même de l’évènement, puis petit détour pour aller saluer ces messieurs Pharois, évidemment venus par la mer, ce monsieur d’Albigärk, pour échanger quelques commentaires sur les kah-tanais habitant la cité universitaire, et d’autres partenaires kah-tanais, Loduariens, Jashurien, même les Cantais eurent droit à leur petite remarque préliminaire, venant d’une Rai Sukaretto très soucieuse d’informer la délégation nordique que la citoyenne Actée gardait à l’esprit la nécessité "historique" d’une rencontre bilatérale prochaine.

Puis les deux femmes s’installèrent derrière leurs sièges et, patiemment, attendirent la suite des évènements, Meredith commençait déjà à noter les bases introductives d’un petit discours. Rai, elle, dû fournir un effort conscient pour ne pas changer la première feuille vierge venue en origami. Ce fut donc une moitié de licorne qui fut abandonnée à côté de sa bouteille d’eau.
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Nous sommes de retour.


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Il faisait encore nuit. Bah, il était 4 heures du matin, c'était normal. C'était une matinée fraîche, on pouvait sentir les embruns salés de la mer...
Bref, une bonne journée qui commençait.

Lorenzo était accoudé à la barrière qui retenait au dessus des vagues. Déjà en uniforme militaire, parfaitement réveillé, il mangeait une petite part de brownie au chocolat. Rien de mieux pour commencer la journée. Il se rappella son enfance heureuse, avant qu'elle sombre dans les années sombres.
L'Amiral Williams s'approcha de lui. Homme grand et fort, il l'avait participé activement à la révolution, et avait déjà servi en tant que second du Capitaine sur le Meurtier Loduarien, plus puissant navire de guerre Loduarien, et également le dernier cuirassé au monde qui aie existé.
Williams tenait un verre de Vodka à sa main.

Camarade Secrétaire Général, bonjour à vous !
Il lui tendit le verre de Vodka.
Tenez, pour bien commencer la journée. Vous en aurez besoin lorsque vous serez à ce sommet pour la paix.

Bonjour à vous, camarade. Mmmm, merci donc pour cette délicate attention.

Ils contemplèrent la mer.

Des pronostics pour ce sommet, camarade Secrétaire Général ?

Bof. Un sommet sur la paix, ça part d'une bonne intention. Mais vu les énergumènes qui sont invités... Sérieusement, la République Libre Du Prodnov? Quel beau foutage de gueule, ouais. Ces connards ne vont avoir aucun scrupule à tout nous balancer sur le dos parce c'est plus facile, bien sûr ! Heureusement que nous aurons des amis à ce sommet. Et vous, Amiral, vous en pensez quoi ?

Ce sommet pourra nous être utile, camarade. Ce sera l'occasion de tirer des garanties de paix, et si possible nous rapprocher un peu plus de nos alliés présents au sommet, comme le Kah.

Ah oui c'est vrai, vous êtes communaliste. Félicitations pour vos 102 sièges à l'assemblée, d'ailleurs ! Vous prenez plus de pouvoir chaque jour. Je n'aurais jamais cru que l'adhésion du parti des Communes Unies à l'Internationale Libertaire vous aurait autant aidé !

Nous avons quand même été aider par l'effondrement des socialistes, camarade.

Les socialistes ne sont pas assez radicaux, dans un pays que ne vis que dans la radicalité. Il deviendront puissant lorsque nous ne ferons face à aucun défi. Ils sont bien trop faibles pour pouvoir tenter d'en résoudre ne serait-ce qu'un seul.

Camarade, sauf votre respect, mais... ce n'est pas franchement une bonne idée de les sous-estimer.

Je les sous-estimerais le temps qu'il faudra pour qu'ils comprennent que ce n'est pas comme ça qu'ils réussiront.
Bon allez, je vous laisse. Je dois m'occuper de quelques dossier importants.


Lorenzo se dirigea vers sa cabine sous le regard de l'Amiral. Sur le pont, les premiers soldats de la garde matinale préparaient les hélicoptères.


Le vent soufflait sur le porte-hélicoptère. Lorenzo leva la tête et la tourna vers les soldats au garde à vous sur le pont. Le son des hélicoptères coupait le monde de la réalité.
Il adressa un salut militaire au soldats et lança son puissant "HURA !"
Puis il monta dans l'hélicoptère de transport qui l'attendait.


Les 3 hélicoptères atterrirent au port. Aussitôt, Lorenzo descendit, et les 6 soldats du groupe militaire Alpha-6 également.
Il s'approcha de la ministre des affaires étrangères Sovbansk-Normanienne, qu'il salua, et monta dans la voiture qui avait été déplacé pour l'emmener au sommet.

Dans la voiture, il sortit un carnet et un stylo, et commença à noter quelques notes pour un futur projet de loi, qui concernerait une nouveau budget militaire. Il nota également quelques trucs sur le projet de la milice anti-corruption, un projet d'ampleur pour garantir une stabilité à la Loduarie.

La voiture arriva, il en descendit. Là, il trouva Bálint Nemeth, Premier ministre Normanien. Ce fut l'occasion de le féliciter en personne pour sa victoire électorale, et également pour son rôle dans le film « Révolution Loduarienne, l’étoile suprême se lève ».

Il se rentra dans la salle de discussion, où il commença à s'établir en vue du sommet. Il était prêt.
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Les crevettes

Le Royaume de Royaume de Svobansky-Normanie avait beau ne se trouver qu’à quelques 3000km à vol d’oiseau du Syndikaali, le trajet pour l’atteindre en bateau s’avérait bien plus long car il fallait au moins contourner un continent tout entier et les navires diplomatiques Pharois avaient beau privilégier la vitesse, on devait compter une bonne semaine de trajet pour atteindre la Leucytalée et les ports svobansks. Heureusement, il était possible de travailler sur ses navires qui, une fois lancés en mer, se transformaient en de véritables bureaux flottants pour le ministère des Intérêts internationaux et les nombreuses équipes de diplomates qui y travaillaient. Par ailleurs, prévu pour accueillir des réceptions et des hôtes de marque, les navires diplomatiques offraient aux voyageur un confort de trajet certain, qui rendait la vie au large presque plus agréable que sur terre, à condition toutefois de supporter ses collègues de boulot.

Pour l’occasion, le Capitaine Mainio avait fait route seul. Aucun autre ministre ne l’accompagnait, chacun prétextant ses raisons, les élus du Parti Pirate étaient bien souvent par monts et par eaux, quant au Parti Communiste Pharois, il avait organisé une réunion de crise pour s’adonner à leur activité favorite : la planification. Même Sakari s’était absenté, lui qui pourtant s’était souvent montré curieux de découvrir des pays lointain, la présence sur le sol pharois du ministre de la Défense territoriale s’était avérée impérative, d’après ses propres dires. A la manière dont il avait manqué de bafouiller au téléphone, Mainio suspectait le reste du Parti Communiste de ne pas trop apprécier ces escapades, craignant certainement l’influence que le ministre des Intérêts internationaux pouvait avoir sur lui, et on avait fortement insisté pour que le pauvre garçon prenne ses distances.

Tant pis ! pensa Mainio en avalant une crevette à la mayonnaise. On avait beau beaucoup médire sur ces Alguarenos, ils avaient le mérite de propose des amuses bouches tout à fait convenables. Sur le pont majeur, on s’afférait autour du capitaine. Diplomates, ambassadeurs, traducteurs s’apostrophaient en brandissant des fragments de discours et des fiches techniques, chacun révisant qui le protocole, qui les dernières informations venant des tensions au Burujoa et surtout tout le monde s’emmêlant joyeusement les pinceaux. On appelait cela « travailler à la pharoise » une manière élégante d’épargner à la bureaucratie du Syndikaali le qualificatif de bordélique. Bordélique elle l’était cependant. Pas assez de moyens, pas assez d’ambitions et une population méfiante si ce n’est hostile à tout ce qui relevait de près ou de loin de la responsabilité de l’Etat, il ne fallait pas s’attendre à des miracles venant du service public. Reste que tous les capitaines du monde n’allaient pas mener leur propre diplomatie personnelle et que la « base arrière », le Syndikaali, avait parfois le bon goût de leur permettre de s’exprimer d’une seule voix.

Et cette voix, c’était celle du Capitaine Mainio. En fixant l’horizon, il se resservit un bol de crevettes.

Le voyage

Au fil du voyage, le temps s’était réchauffé. L’hiver touchait timidement à sa fin alors que le mois de février arrivait à son terme et en longeant les voies maritimes de l’océan du nord, puis de la mer Blême jusqu’à l’embouchure du canal de Rhème, l’équipage du navire diplomatique avait eu tout le loisir de profiter d’une brise marine qui ne vous gelait plus les entrailles à chaque souffle, et des rayons du soleil trop souvent absent si loin au nord de l’Eurysie. Chaque étape du voyage avait été l’occasion de laisser traîner le regard sur des paysages différents, et tout autant de climats. A l’approche des côtes rémiennes, ils avaient été approchés par le navire du Capitaine Verho Arto, un pirate qui officiait dans la région et tenait à échanger quelques mots avec le ministre. Faisant route flanc à flanc, leurs navires se suivirent jusqu’à l’entrée du canal où Verho Arto pris congé. Le pauvre avait été légèrement inquiet d’entendre parler du futur projet de route commercial jashuro-pharoise qui se destinait à passer en plein milieu de son territoire et il avait fallu le rassurer quant au fait que ses intérêts ne seraient pas mis en péril par l’accord. La piraterie était une grande famille, avec ses susceptibilités à ménager.

Le canal de Rhème était encombré, comme à son habitude. Vestige d’un passé glorieux, l’Empire était aujourd’hui réduit à peau de chagrin, tout juste capable d’entretenir les canaux et de prélever la taxe marchande sur les navires qui les empruntaient. Les élargir était un rêve lointain. Heureusement pour les Pharois, on leur permis d’emprunter un passage latéral, réservé aux navires militaires impériaux, ce qui leur épargna d’attendre. Fut un temps où la mention du Syndikaali leur aurait simplement attiré des regards suspicieux mais désormais, le pavillon noir inspirait une certaine déférence.

La différence de climat entre la mer Blême et la Leucytalée était perceptible et en débouchant hors du canal, il sembla aux Pharois qu’on leur offrait un avant-goût de printemps. Les températures restaient basses, bien sûr, mais il y avait basses et basses. Celles-ci se supportaient avec un bon pull. Curieux, et parce qu’on avait un peu d’avance, le Capitaine Mainio insista pour passer au large de Portecios qu’il observa avec ses jumelles un long moment avant de faire signe au commandant de rallumer les machines. Il n’était pas encore temps pour le Syndikaali de fouler officiellement la terre des hellènes, mais bientôt. Bientôt.

Le Novigrad contourné apparue finalement la Svobansky-Normanie. Petit royaume récemment sorti de sa léthargie et qui s’activait avec énergie pour se trouver une place dans le grand concert des nations du monde. A dire vrai, le Capitaine Mainio avait dû réviser ses fiches pendant le voyage, se rappeler un peu l’histoire de ce bout de terre à la fois si proche et si loin du sien. Un détail, en bas de page, avait attiré son attention. La Svobansky-Normanie s’était payé quelques milliers de fusils dernière génération de provenance d’Alguarena. Cocasse, pour un pays qui prétendait se placer en réconciliateur. Amusé, le Capitaine avait rangé ses fiches. Il était toujours bon de savoir qu’à la minute où cette conférence commencerait à s’aventurer sur un chemin déplaisant, il serait aisé de la faire voler en éclat.

L'arrivée

Contrairement à d’autres, ce fut sans grandes pompes que le navire diplomatique entra dans le port svorbansk prévu pour l’accueil des délégations eurysiennes. De toute façon, l’hymne pharois était injouable et le Syndikaali, par habitude plus que par volonté, n’avait qu’assez peu de protocoles qui lui étaient propres. Négocier avec les Pharois tenait du contrat marchant, ou de l’amitié, mais les entre-deux étaient bâtards. On écouta cependant poliment l’hymne du royaume et respecta le protocole local avant d’être redirigé vers la salle où se tiendrait la rencontre. Occasion de saluer les deux envoyées du Grand Kah dont une, au moins, n’était pas inconnue de Mainio. S’il n’avait jamais rencontré en personne Rai Sukaretto, le bedonnant capitaine la connaissait au moins de réputation et fit preuve comme à son habitude d’une certaine flagornerie bon enfant à son égard. Il prit également le temps d’échanger quelques mots avec Ransu Rasanen, le directeur de l'Albigärk Yleisyliopisto, un homme taiseux et scientiste d’une manière qui sortait de l'ordinaire et pour être tout à fait honnête, Mainio n'était pas sûr de tout comprendre ce qu'avait tenté de lui expliquer l'universitaire sur l'anarchisme épistémologique. Reste que le directeur était un rat de bibliothèque, son teint pâle en attestait, et dévorait toute la littérature scientifique qu'on lui faisait provenir à grands frais du reste du monde. Au moins la bibliothèque d'Albigärk était bien pourvue, même si c'était en livres qu'hormis une poignée d'âme, personne n'était vraiment capable de comprendre. Cela rendait fou Ransu Rasanen qui semblait s'être donné comme tâche de percer tous les secrets du monde, au point d’en oublier un peu de vivre vraiment parfois, se disait Mainio, mais chacun s’occupait à sa façon. Enfin, il s’en alla saluer Lorenzo Geraert-Wojtkowiak et lui présenter les amitiés du Parti Communiste Pharois, sans oublier de glisser au passage un mot sur « la bonne avancée de votre croiseur, monsieur le Secrétaire Général. »

Il sembla qu’ayant eu bon temps et vent de poupe, ils étaient arrivés dans les premiers aussi Mainio se trouva-t-il un siège confortable, le plus confortable possible, et s’y glissa avec plaisir, laissant s’affaisser sa masse adipeuse dans un soupir d’aise. Puis il fit signe à un serveur qui promenait une carafe d’eau et demanda s’il était possible de fumer à l’intérieur.
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Laissant promener sa main sur l’épaisseur de cuir des accoudoirs, Malyshev Alexei se fit la réflexion que pour certaines choses, l’aide des Pharois pouvait avoir du bon. Il se trouvait actuellement propulsé à une vitesse de 800km/h dans le ciel Eurysien, au-dessus de la Volvonie, dans un des plus beaux bijoux de technologie aéronautique au monde. L’avion de modèle Taivaankäärme était récemment sortie des industries du Syndikaali, offert comme preuve d’amitié au Prodnov. Preuve d’amitié ou démonstration de force, les choses n’étaient pas claires avec ces gens-là et depuis la victoire de la coalition rouge à la Sborka, chacun se regardait un peu en chien de faïence. Le Capitaine Mainio et les ministres du Parti Communiste Pharois avaient beau l’avoir tous félicité, Alexei Malyshev n’était pas dupe au point d’ignorer que c’étaient ses concurrents que les Pharois avaient soutenu et financé. Heureusement pour lui, le Parti Républicain Communiste du Prodnov avait ses propres leviers d’influences, à commencer par la loyauté de l’armée rouge, une institution particulièrement respectée dans le précédent régime.

Il leur faudrait un peu plus de 4h30 de voyage pour atteindre Linkograd, capital du Royaume de Svobansky-Normanie et la première étape vers Leylo où devait se dérouler la conférence pour la paix. 4h30 de voyage, à la fois si long et si court pour traverser un continent entier. Le monde était chaque jour un peu plus petit.

Interrompu dans ses pensées, une hôtesse – charmante – vint lui apporter une bouteille d’eau pétillante et un repose-tête. Rozhkov Damian Tarasovich, le nouveau ministre des Transports, avait bien fait son boulot, le service était impeccable. On attendait désormais de lui qu’il en aille de même pour le futur métro évoqué lors de la réunion du Conseil, dédiée aux grands projets d’infrastructures de la région.

Sur la table devant lui, plusieurs dossiers formaient une espèce de pile qu’Alexei Malyshev fixa quelques longues secondes pour constater qu’elle ne vibrait pas. Stabilité, excellente. D’un geste pas très convaincu, il prit celui du haut et l’ouvrit. Un topo sur les différentes personnalités invitées à la conférence pour la paix. Le nom de Mainio Halko apparu noté au-dessus d’un paragraphe et Malyshev se fit la réflexion qu’il n’avait jamais entendu le nom de famille du ministre Pharois. En haut de la feuille, leur hôte faisait également l’objet d’un long paragraphe détaillé. Bálint Nemeth. Une mention en particulier attirait son attention, comme une coquille, ou une cible. Université privée d’Eisendorf, Walserreich, étude d’économie, 1990-1995. Ses souvenirs du Walserreich semblaient remonter à une éternité à présent, mais restaient vifs et colorés, emprunt de force si ce n’est de nostalgie.

Alexei Malyshev avisa la pile de dossiers à nouveau, puis sortit de sa poche un livre dont la première de couverture indiquait Die Ballade von Erik. Un classique de littérature walserreichienne, et eurysienne par la même occasion. C’était la seconde fois qu’il le lisait, l’histoire était somme toute assez banale pour une chanson de geste, mais avait participé à bâtir l’imaginaire chevaleresque de l’ouest et pour cette raison, il était intéressant de s’y replonger. Après tout, il avait quatre heures à tuer devant lui.


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L’avion atterrit sur le tarmac autour de 11h du matin, la Svobansky-Normanie avait le bon goût de se trouver sur le même fuseau horaire, on n’avait pas à craindre le jetlag. Tandis que dans l’appareil, les agents du ministère s’activaient, Alexei Malyshev marqua sa page puis rangea son livre à l’intérieur de sa veste. Peut-être aurait-il l’occasion d’en parcourir quelques lignes entre le fromage et le dessert. Il fallut encore patienter quelques minutes le temps de vérifier les conditions de sécurité et d’installer l’escalier d’accès au sol.

L’hôtesse qui lui avait apporté son eau pétillante s’approcha pour vérifier que sa veste était bien lissée et que sa cravate n’était pas de travers puis, de l’autre côté de la porte de l’avion, on entendit retentir les premières notes de l’hymne de la République Sociale Prodnov. C’était une musique traditionnelle de la région, retravaillée et réécrite avec de nouvelles paroles adaptées au contexte. Le titre de l’œuvre « le Prodnov est jeune à nouveau » donnait le ton, c’était une chanson de renaissance.

L'hymne du Prodnov

La porte de l’avion s’ouvrit laissant passer un courant d’air froid. Même dans le sud de l’Eurysie, c’était l’hiver. Au loin, un crépitement de flash d’appareils photos se fit entendre et apercevant Olga D. Hervitov Malyshev, la Gouverneure du Duché, Alexei la salua d’un geste diplomatique, depuis le haut des marches. Il prit la pause une longue minute, le temps de permettre aux journalistes – dont certaines étaient Prodnoviens, il le savait – d’immortaliser l’instant, puis descendit l’escalier pour rejoindre son hôte.

Celle-ci eut la politesse de lui faire la conversation sur le chemin menant au lieu de la conférence, alors qu’ils partageaient une berline. Elle ne parlait malheureusement ni russe ni allemand, mais les traducteurs se chargèrent de faire l’intermédiaire, cassant simplement un peu le rythme de la discussion. On avait bien entendu communiqué le programme de la conférence à l’avance et la première journée était surtout consacrée à accueillir les invités et ouvrir les débats en entendant les positions et ambitions de chacun, autant dire plutôt une formalité. L’intérêt se situait d’avantage dans les discussions informelles qui se tiendraient autour et Alexei Malyshev avait en tête une petite liste de personnage avec qui il devrait s’entretenir sans tarder.
Le Kronos et la Loduarie seraient présents et s’il avait déjà répondu à leurs messages au téléphone, une discussion de vive voix serait assurément plus constructive, d’autant que Lorenzo Geraert-Wojtkowiak était russophone. Le Syndikaali Pharois serait également un gros morceau et il avait beaucoup de choses à mettre au point avec son représentant, le Capitaine Mainio, sans oublier au passage de saluer l’envoyé de la Commune d’Albigärk qui accueillait depuis un an l’immense majorité des étudiants du Prodnov dont elle prenait en charge la formation.

Enfin, il y avait également un autre chef d’Etat avec qui il avait hâte de s’entretenir, mais dans un cadre plus informel. Que de chemin parcouru depuis leur dernière rencontre…
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La délégation cantaise formée par la ministre Rossignol autour de la conseillère spéciale des affaires étrangères auprès de la chancellerie fédérale : Doris Leuthard, se préparait aux intenses négociations qui allaient avoir lieu en Svobansky-Normanie. Doris Leuthard était une diplomate hors pairs qui était de toutes les grandes actions diplomatiques cantaises : la conférence des océans de Roune 2007, l’organisation des multiples sommets bilatéraux au Canta mais surtout les cartes de vœux pour l’année 2009 envoyées à de multiples pays du monde avec un certain succès.

Cependant, le choix de Doris interrogeait les parlementaires de la commission des affaires étrangères ou d’autres personnes l’ayant cotoyés. Elle avait certes des compétences mais elle n’était pas la meilleure représentante qui soit, elle a une voix extrêmement criarde et aigue ou très grave selon les cas, elle porte des vêtements qui sont tout sauf à la mode et elle ne parle vraiment pas un vocabulaire diplomatique. Elle a conservé toutes les expressions et le parlé typique de sa Frochine natale, ce qui tétanise plus d’un traducteur.
Avant de partir, elle immortalisa le moment avec un petit selfie à l'aéroport de Roune.

selfie

Comme Doris était une envoyée spéciale du gouvernement fédérale, elle put utiliser un des avions gros porteurs privés du gouvernement fédéral au luxe et au raffinement presque inégalé avec des inserts en or, en bois précieux, une salle de bain en marbre, un salon et une salle de réunion en cuir blanc, en moquette grande laine et aux parois blanches immaculées. C’est dans cette salle qu’eut lieu le briefing pré conférence autour de Doris Leuthard avec les autres “faucons cantais” Jacqueline, Christophe et Maria.

“Bon ! Qu’est-ce que nous allons proposer à cette conférence ?”

Jacqueline : “L’invasion du Kronos !.”

“Mais qu’est-ce que tu peux être bécasse Jacqueline ! On ne va pas se lancer comme ça dans une invasion d’un pays juste parce qu’il est communiste.”

Jacqueline : “Alors l’invasion de la Loduarie !”

“Là je ne réponds de rien mais ce n’est pas à nous d’en décider, nous allons voire avec nos partenaires.”

Christophe: “Plus sérieusement on devrait essayer de créer une mission de maintien de la paix internationale pour essayer de freiner les velléités belliqueuses de certains pays et s’assurer qu’ils ne massacrent pas trop leur population.”

Jacqueline : “Combien de chances à cette proposition d’aboutir ? 1/1000 mais Doris essaye quand même, on sait jamais, sur un malentendu ça va peut être passé.”

“Je vais bien voir dans quelle mentalité vont être les autres pays mais comme tu le dis Jacqueline je peux toujours essayer.”

Maria : “Dans tous les cas, Doris tu devras montrer que le Canta est une puissance modérée qui saura utiliser sa nouvelle force avec modération.”

“Je ne sais pas si tous les pays vont l’entendre de cette oreille, les communistes agissent depuis des années comme un enfant de 3 ans réagit quand on lui dit d’aller se coucher. Souvent avec l’enfant ça s’améliore avec l’âge, mais non là c’est tout le contraire. Plus le temps passe, plus ils deviennent capricieux."

Maria : “C’est clair, je me demande même comment ils font pour rester encore en vie malgré tout ce qu’ils font.

Jacqueline : “En même temps, ils ne sont pas si cons que ça, ils ne taquinent que des pays pacifiques ou de faibles envergures. Tu ne les verras pas aller taquiner le top 10, ils ont chahuté le Lofoten mais c’est loin d’être les plus vat en guerre.”

“C’est comme les caïds des cours de récréation qui volent les goûters des petits gros ou qui tapent les fayos binoclards, si tu regarde bien ils ne s’en prendront jamais à plus fort ou plus populaire qu’eux. Les cons sont toujours intelligents dans leurs bêtises.

Bon vous m’excusez je vais secouer la frisée.”

10 minutes plus tard, le briefing repris autour d’un copieux goûter.

“Alors où en sommes- nous ?”

Christophe : “Tu allais secouer la frisée…”

“Ah oui c’est vrai ! En tout cas, j’espère que l’accueil sera à la hauteur de la conférence. Je n’ai pas besoin de vous rappeler tout ce que nous avons fait pour cette conférence des océans ? Je ne m’attends pas aux palaces du front de mer et aux cortèges de 100 voitures mais quand même. En tout cas, moi je vous le dis mais si on ne goberge pas, ça va très mal se passer, ça c’est moi qui vous le dis.”

La conversation continue sur un ton plus léger et les attentes des faucons sur la Svobansky.

Le lourd avion cantais arriva en Svobansky Normanie ou la petite délégation d’experts cantais furent reçus par les dignitaires du royaume eurysien en vue des grandes négociations qui se préparent.

avion
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Staïglad, Palais présidentiel - 15 février 2009


Lorsqu’elle avait reçu l’invitation dans un pli cachetée du sceau du Royaume de Svobansk-Normanie, dans son cabinet, la première réaction de Magdalena Sireskaya fut l’incrédulité, mais supposait que la monarchie eurysienne voisine, à raison fort peu éloignée de la République Prodnovienne souhaitait établir des liens diplomatiques avec la jeune démocratie qui affichait au monde la réussite indéniable de sa transition pacifique à l’économie de marché, au vu du succès des investissements étrangers.

Elle déchira d’un geste délicat l’enveloppe, porta la lettre devant ses yeux , puis en lut le contenu avec attention. Une fois fait, elle se retourna devant la fenêtre de son bureau qui offrait une vue imprenable sur les jardins de l’ancienne demeure du dictateur, là où en place et lieu des exécutions publiques se tenaient désormais des jardiniers et des horticulteurs qui s’affairaient avec entrain à effacer les immondices et les souvenirs traumatisants de la période noire du Prodnov.

On disait que le sang et les cadavres en putréfaction étaient d’excellent fertilisants, c’est en tout cas un des postulats de la Thylacine Corporation, un des mécènes de la RLP. Quoiqu’il en soit, là où il y avait autrefois un sordide peloton d’exécution s’élèvent désormais des pergolas de roses blanches et de lys. Là où l’on entassait les corps sans vie des opposants, qu’ils fussent femmes ou enfants d’à peine 10 ans, fleurissent désormais des parterres et des massifs de bégonias, de pétunias et de myosotis. Plusieurs plaques et petits monuments commémoratifs avaient été érigés ci et là, entretenant le souvenir des victimes du communisme.

Mme Sireskaya soupira, difficile de s’imaginer qu’au même endroit de telles horreurs avaient pu se produire. La jeune présidente de 30 ans à peine demeurait perplexe, on l’invitait à une conférence où se trouveraient les pires régimes de la planète, et parmi eux des ennemis déclarés de la RLP qui avaient pris les armes contre son peuple. Pour quels objectifs réels ou officieux ? Ceux de satisfaire l’égo démesuré de puissants voisins belliqueux non mécontents de pouvoir s’afficher aux côtés de leurs petites nations marionnettes défilant tels des vassaux à la suite de leur seigneur ? Pour que les propagandistes prolifiques des régimes meurtriers du Kronos et de la Loduarie retrouvent l’inspiration pour leur projets de manipulations des masses ?
Certains des participants semblaient aussi tellement peu légitimes qu’ils réduisaient à néant la crédibilité de l’intérêt d’une telle réunion. Prepolov, Albigark, Kotios, Mahrenie, tant de dépendances dont la suzeraineté coloniale ne faisait guère de mystères pour personne mais qu’il fallait absolument travestir comme des états indépendants.
Une plaisanterie cynique et de bien mauvais goût pensait Magdalena…il ne manquerait plus que débarquent à l’improviste les cracheurs de feu et les unijambistes en monocycle pour compléter le tableau d’une conférence qui s’annonçait parodique et foireuse de bout en bout.
Le cirque au grand complet était prêt, le chapiteau était levé : on avait déjà confirmé la présence des clowns pour leur grand numéro.
Dans le rôle du lanceur de haches maladroit : le premier secrétaire général Lorenzo Geraert-Wojtkowiak, un dirigeant à la mentalité d’un gosse de 12 ans qui jouait avec des légos et des soldats de plomb qu’il déplaçait euphoriquement sur une carte factice en pensant très naïvement qu’il représentait une puissance de poids en Eurysie.
Dans le rôle de la brute épaisse avec son gourdin préhistorique : Son comparse et acolyte Baldassare Calabraise, le joker, un cas clinique de sociopathie, qui a érigé le meurtre de masse en style de vie et qui pousse tellement loin le culte de la personnalité qu’on se demandait combien ils étaient nombreux à se bousculer dans sa tête ?
Et qui avions nous en face ? Des pays s’étant déjà compromis et affichant ni plus ni moins que leur complicité passive/active avec la Loduarie notamment, dont le petit hobby consistait constamment à jeter de l’huile dans le brasier Eurysien.

Seule la présence remarquée de la République du Jashuria ré-haussait un tant soit peu le niveau et était apte à fournir un gage de sérieux minimum et d’une certaine forme de respectabilité à cet ersatz diplomatique. La première puissance de Nazum, qui était désormais à la tête de l’ONC, allait probablement faire en sorte que le sommet ne se transforme pas en cour de récréation, en promettant qu’il s’agisse d’autre chose qu’un simple buffet froid à volonté pour diplomates oisifs qui aiment à s’écouter parler.

La présidente avait donc réuni la Douma d'Etat en séance plénière extraordinaire, et s’était entretenue personnellement avec les différents chefs des partis. La plupart des députés déconseillaient fortement à la présidente de s’y rendre en personne.

Douma
“Mesdames, messieurs, chers camarades. Je vous ai réuni pour que l’on décide collectivement si nous devons ou non nous rendre à ce sommet. Je ne vous cacherais pas que les objectifs affichés sont vagues et brumeux, ils ressemblent davantage à des vœux pieux qu’autre chose, et nous savons mieux que quiconque à quoi nous attendre de la parole et des engagements faits par des communistes. Certains d’entre nous en porte encore aujourd’hui les stigmates. Toutefois, notre nation doit s’ouvrir au monde et répondre par respect au Royaume de Svobansk-Normanie, afin de témoigner de notre bonne volonté.”


Le KDV (Parti Conservateur) insista pour qu’ “une fin de non recevoir soit sans délai adressée au Premier Ministre de Svobansk-Normanie, qui n’a pas dénié faire beaucoup d’effort en matière diplomatique ces derniers temps pour nouer des liens avec la RLP. Nous ne sommes pas nés de la dernière pluie, cette monarchie souhaite tout simplement réaliser un coup marketing, et se faire un peu de publicité. Cela sert probablement les intérêts nationaux de politique interne du premier ministre. Franchement avez-vous vu qui y participe ? C’est simplement absurde, c’est un numéro de tragi-comédie ce sommet. Cela fait cher le déplacement pour assister à une représentation de la Comedia Dell’Arte !”

Le LDP (Parti Libéral Démocrate) surenchérissait : “ Chers collègues, ne vous y trompez pas, on va avoir droit à l’étalage impudique et habituel de l’arrogance des kah-tanais et de la condescendance des pharois. Ils n’ont eu de cesse de traiter le monde avec dédain et mépris, pourquoi en serait-il différent maintenant ? Pourquoi servir de marche-pied à leur séance d’auto-congratulation ? On sait déjà qu’ils soutiennent la Loduarie, et que c’est tout à leur intérêt que d'entretenir les germes de la discorde en Eurysie. Il n’y a rien de pire que des pays eurysiens qui pourraient s’entendent entre eux, ce n’est pas bon pour leur contrebande et leur business des armes ! Et est-ce que la question des Territoires Occupés de Prepolov sera abordée ? Avez vous la mémoire courte Madame la Présidente de ce qu'il nous en a coûté des "discussions" avec les rouges ? ”

Le Mouvement Démocrate-Révolutionnaire, le DRD pensait au contraire que : “Camarades-députés, la présence de chefs d’états est une bonne opportunité de faire avancer notre cause, oui certains sont des bourreaux que beaucoup d’autres leaders évitent de fréquenter, mais la diplomatie requiert et exige de pouvoir traiter et négocier avec tout le monde, qu’il s‘agisse d’opposants politiques comme de criminels de bas étage. Mes camarades, le temps du fusil et de la barricade a été salvateur et a permit de nous libérer de nos chaînes, mais le temps de la plume et des mots est lui aussi venu, laissons le faire ses preuves. Et libre à nous de quitter la conférence lorsqu’on le souhaite ! Qu’avons nous à perdre ? ”

“Notre dignité !” “Le respect de nos électeurs !” “Nos électeurs veulent la paix, pas une confrontation permanente !” “Pas de compromis avec les pourris !”

Rappel à l’ordre du Président de la Douma : “Du calme, camarades députés, ou je serais contraint d’une interruption de séance, il ne s’agit pas d’une votation, chacun est libre d’exprimer son opinion mais doit en échange laisser parler les autres ! “

L’avis des députés de l’Union Démocrate Socialiste, la DSS, différait également par leurs déclarations : “Chers consoeurs et confrères, même si c’est sans intérêt à court terme et que les communistes auront le sentiment de se faire mousser et de croire que le monde leur porte un intérêt, et que cela n’est probablement qu’un outil de propagande, pourquoi n’en ferions nous pas de même ?
Madame la Présidente soulève une vérité indéniable : La RLP est désormais un état officiel, reconnue par l’ONC. Montons donc sur l’estrade de la scène internationale, distinguons nous comme vous le dites dans ce cirque médiatique en affichant le visage d’une nation unie, resplendissante et renaissante, forte et prête à faire valoir ses intérêts auprès des puissants. Et peut-être que la paix en Eurysie est-elle au bout du chemin en fin de compte ?”
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“Pas de paix avec des criminels ! “ “Un bon communiste est un communiste mort !” “Les socialistes sont tous des traîtres !” “ Venez donc me le dire en face” “La mort ? Que savez-vous de la mort ? Moi j’étais dans les camps de Kuklin Viktor !”.

Un brouhaha dans la Douma s’élève, de nombreux députés se levèrent de leurs sièges et se mirent à s’invectiver les uns les autres, d’autres levèrent les bras au ciel, certains même brandirent des portraits de proches ou de membres de leurs familles disparus ou tués.

L'exercice de la démocratie n'était pas une coutume au Prodnov, et les souvenirs de la tyrannie rejaillissaient en chacun aussi vivement que s'ils venaient de se produire. Le président de l’assemblée tenta de ramener le calme dans l’hémicycle tant bien que mal : “Il suffit ! Mesdames, Messieurs ! Rasseyez-vous je vous en conjure ou j’interromps la séance immédiatement ! Silence camarades députés, silence dans l’assemblée s’il vous plaît ! Notre Douma est un lieu d'expression libre, respectez les avis de chaque représentant ! Montrez vous digne de la charge que nos concitoyens vous ont remis. La Présidente va désormais s’exprimer. Madame la Présidente, c’est à vous : ”


Sireskaya
Magdalena s’offrit quelques minutes de réflexion puis trancha : “Je comprends votre réaction, pour être honnête, le même sentiment m’a traversé ! Cependant, après concertation et mûre réflexion, je déclare que nous irons à ce sommet, et que je serais accompagnée des leaders des trois partis les plus importants de notre république : le KDV, le DSS, et le DRD. J’adhère à l’argument selon lequel, nous nous devons de parler avec tout le monde, même si cela nous coûte et nous révulse, et faire entendre notre voix. Nous avons certes le soutien indéfectible de l’ONC, mais ce dernier n’est pas éternel, et je sais par expérience que la guerre en Eurysie n’est jamais loin. Il faut donc voir à long terme, et tenter toutes les constructions possibles. Un pont de singe, constitué de planches vermoulues vaut toujours mieux que pas de pont du tout, croyez moi ! Je sais où je m’aventure, il y aura des lignes rouges à ne pas franchir, j’en suis bien consciente et je compte sur vous également pour me conseiller et me guider.
J’ai participé à une révolution, je pense que je devrais sortir vivante de ce panier de crabes, ne pensez-vous pas camarades députés ?”



Salve d’applaudissements dans la salle.


Ainsi c’était décidé, Magdalena et la délégation composée des partis les plus importants de la Douma se rendrait à ce sommet pour la paix, qui serait selon toute vraisemblance un échec, mais qui avait d’autres buts en tête.

Leylo, Svobansk-Normanie - 01 mars 2009



Comme un pied de nez au gouvernement Loduarien, les Prodnoviens arrivèrent et atterrirent à Leylo à bord d’un des avions de ligne loduarien capturés par la chasse de l’ONC et remis en service dans l’aéronautique civile, repeint bien entendu aux couleurs de la compagnie aérienne Air Prodnov.
Mais les peintres facétieux avaient laissé, bien que discret mais néanmoins encore visible, les armes et le logo de la Loduarie Communiste sur la partie inférieure du fuselage comme pour marquer leur anciens propriétaires. Ces derniers furent bien entendus mis en évidence par les journalistes et les photographes locaux.

avionprodnov

Un des délégués prit quelques instants pour adresser et glisser quelques mots auprès des journalistes : “Dieu merci nous sommes arrivés entiers, je pense que nous adresserons des remerciements de rigueur aux Loduariens pour leur généreux don d’avions qui contre toute attente tiennent la route. Voyez, ils volent et atterrissent, et les ailes sont toujours là ! D’ailleurs il paraît qu’ils sont venus à Leylo en porte-hélicoptères. Ca en dit long sur leur volonté manifeste de paix.
Une énième provocation et la preuve de leur totale incapacité à appréhender les subtilités et les codes de la diplomatie. Sérieusement, venir à une conférence pour la paix à bord d’un navire de guerre, qui peut croire à leur sérieux et à leur crédibilité ? Pourquoi ne pas carrément se rendre jusque dans la salle des débats en char d’assaut avec un fusil mitrailleur en bandoulière !”


Magdalena Sireskaya, quant à elle, s’abstint de tout commentaire, fit quelques gestes de la main à l’endroit de la presse, et prit ensuite le convoi avec ses coreligionnaires sur le lieu où devait se dérouler la conférence.

Lorsque les délégués se présentèrent les uns les autres, et que ce fut au tour de la délégation prodnovienne, la jeune femme prit la parole, d’un ton ferme et assuré : “Très chers délégués, très chers représentants et diplomates, bonjour à toutes et à tous, je suis Magdalena Sireskaya, présidente de transition de la République Libre du Prodnov, élue par mes pairs à la suite de la glorieuse Révolution d’Octobre. Je remercie tout d’abord l’honorable Premier Ministre Bálint Nemeth et les autorités du Royaume de Svobansk Normanie d‘avoir permis cette rencontre. Je suis accompagnée par les chefs des principaux partis des instances représentatives et démocratiques de la Douma du Prodnov. M Viktor Borisovich., du Parti KDV, M. Alexeï Antoninov du Parti DSS, et Mme Katia Romanovna du Parti DRD et je souhaite de tout cœur la réussite et la bonne tenue des débats à venir. Rechercher la paix n'est pas une chose aisée, elle ne peut se faire qu'avec toutes les bonnes volontés du monde et des personnes disposées à entretenir des discussions sereines et apaisées ”...aussi désagréables et incommodantes soient elles conclue t elle dans sa tête.

Une fois ces présentations et remerciements de convenance très protocolaires effectués, la délégation prodnovienne tint à saluer personnellement les diplomates Jashuriens, Normaniens, et Cantais. De très brèves salutations symbolisées par de très furtives poignées de main, aux représentants Pharois et Kah-tanais, par pure courtoisie, car contrairement à certains, les Prodnoviens avaient de l’éducation. Sourires de façade bien hypocrites, ronds de jambes savamment exécutés, la présidente prodnovienne eut un comportement irréprochable et ne commit aucun impair.

« Mes salutations monsieur l’ambassadeur… »
« Mes hommages madame la représentante …» furent distribués à la pelle comme il se doit, même si clairement ce sommet semblait n’avoir été convié que des rustres et des grattes papiers avides,.

En revanche une attention particulière fut apportée d’ignorer et d’éviter totalement ceux des territoires occupés de Prepolov, dont la souveraineté n’était à ce jour non reconnue ni par la RLP, ni par l’ONC. C’était la ligne rouge à ne pas franchir imposée par la Douma d'Etat de Staïglad. Il fallait donc laisser les marionnettistes agiter les bras des pantins désarticulés pour leur propre amusement. Les Loduariens étaient là pour amuser la galerie, visiblement ils tiendraient bien le rôle.
Les Kronosiens étaient tellement inamicaux que tout le monde cherchait à tout prix d’éviter d’être vus en leur compagnie. Après tout, hors des débats officiels, nul n’était tenu de faire la conversation, qui de toute manière serait fort limitée avec certains. Mais quelques représentants de la délégation du Prodnov allèrent tout de même leur adresser des salutations de rigueur. Le minimum syndical quoi, les communistes seraient bien capables de déclencher des hostilités juste parce que untel ne leur a pas dit bonjour.

Puis vint le moment où les délégations prodnoviennes et jashuriennes se rencontrèrent et s’échangèrent des amabilités sincères.

“Madame Lalana Preecha, c’est un réel plaisir que de voir un visage amical et bienveillant, je ne saurais vous dire ô combien la confirmation de votre présence a été un facteur important dans la prise de décision de notre venue. Car pour tout vous avouer, j’étais inquiète à l’idée de me retrouver seule contre tous, bien que je ne sois pas si facilement impressionnable.
Oh, mais avant que j’oublie, je tiens à solennellement adresser toutes les félicitations de la RLP à la République de Jashuria pour votre élection à la tête de l’ONC. D’ailleurs je ne sais si c’est à ce titre, ou en qualité de représentante de la Troisième République que vous participer à ceci, mais quoiqu’il en soit, vous me voyez ravie d’avoir une alliée de poids et à la parole mesurée et écoutée telle que la vôtre entre ces murs.”
15013
Quelques jours avant le sommet à Leylo,
Fortuna, Centre Historique,
Au coeur de la nuit,


Fortuna de nuit

Un sommet pour la paix, en voilà une bien bel idée qui sur le papier paraît tout à fait vertueuse, pleine de bon sens et assurément au goût de tous. Et c'est précisément pour cela, de par ces aspects purement utopistes et idylliques que l'on pouvait affirmer avec une quai-certitude que cet évènement allait échouer. Quoi que, c'était surtout à vrai dire et à force d'analystes la cerise sur le gâteau, le dernier clou sur le cercueil, la petite goutte faisant déborder une énième fois un vase n'étant que trop pleins. L'on avait beau se voiler la face et essayer d'être optimiste, ici à Fortuna, nul ne voyait en soit comment toute cette histoire pouvait bien se terminer. Ou plus exactement serait-il pertinent de dire que l'on ne voyait pas comment cela pourrait déboucher sur des résolutions concrètes et ce pour diverses raisons, dans un premier temps notamment vis à vis des participants dont la liste en elle même avait fait hausser des sourcils à des niveaux stratosphériques. De fait, il n'y avait aucune réelle logique dans tout ceci, l'on trouvait tout le monde et personne à la fois, des puissances régionales, mondiales comme des acteurs quelconques, entre autre, l'on avait bien du mal à imaginer comment se pouvait-il que le Jashuria soit concerné par les problèmes du vieux continent avant même certaines nations en première lignes face aux tensions récentes et anciennes. La seule hypothèse qui venait à l'esprit était que la réputation diplomatique qui n'était plus à refaire du phare du Nazum allait probablement remettre à niveau le prestige et la crédibilité déjà mis à mal d'un sommet qui n'avait même pas débuté en tant que tel. Allez savoir, quoi qu'il en soit, les diplomates Jashuriens étaient de très loin bien plus appréciables et de bonne conversation que certains de leurs homologues Eurysiens et assurément pourrait-on discuter de sujets intéressent en toute bonne foi et logique grâce à eux.

Ceci dit, cela n'entamait nullement le fait que nombreux étaient ceux qui brillaient par leurs absences et si l'on pouvait s'interroger grandement de façon évidente sur "l'oublie" de pays tel que la Youslévie et le Royaume-Soudé qui étaient régulièrement aux prises avec l'énergumène Calabraise, ou encore la Clovanie à un certains degré qui avait toujours des soucis de voisinages avec la Loduarie, se posait aussi inévitablement la question de la non présence d'état tel que l'Alguerana qui avait tout de même malgré les déboires diplomatiques une influence mondiale. Qui plus, le précédent du Jashuria renforçait d'autant plus ce sentiment là. Au delà de ça, l'on pouvait aussi s'interroger sur la non communication d'un programme quand à ce qui serait évoqué tant et si bien que l'ensemble des objectifs apparaissaient comme nébuleux et difficilement compréhensibles, une façon de dire que l'on avançait de toute évidence à tâtons vers des problématiques très épineuses à vue de nez et ce n'était assurément pas pour faire plaisir à quiconque un tant sois peu sensé et amoureux de méthode logiques et raisonnées. Après tout il y avait des formes, une étiquette, le bon sens même. Enfin, médire sur ses hôtes à n'en plus finir n'était point vertueux et si c'était de circonstance, il y avait un moment où il fallait bien s'arrêter, ce qui impliquait d'éviter de se prononcer et de juger quand à la pertinence d'inviter les deux enfants terribles du continent qui depuis des mois s'illustraient autant par la surenchère et l'absurdité que par l'horreur et l'excès en fonction des humeurs, et dont on savait parfaitement qu'aucune résolution et ce peu importe sa teneur n'aurait de prise sur leur politique et leurs méthodes.

Malgré tous, les questions, contestations et autres réquisitions étaient pour ainsi dire de futiles pensées aux yeux de l'aigle siégeant sur sa Lagune, le volatile savait déjà à quoi s'en tenir et n'attendait guère plus qu'un potentiel miracle orchestré de main de maître par Dame Fortune sur un malentendu. Et en attendant, il préférait s'adonner aux vieilles traditions. La pleine lune était en effet haute dans le ciel, siégeant sur une mer céleste brillant de mille feux à travers ses constellations et ce sans aucun nuage pour gâcher la vue, un paysage des plus charmants qui se mariait avec perfection avec le festival de lumière émergeant du coeur politique de la cité qui sombre. De fait, le Palais des Doges était emplie d'animation en cette soirée, et si les curieux ne savaient trop qu'en penser, se questionnant sur la nature de ce qui se tramait à l'ombre des dorures de l'antique édifice, les résidents proches et riverains de l'autre côté des divers canaux traversant les alentours ne pouvaient que remarquer les allées et venues de divers navires et autres embarcations allant de la Gondole traditionnelle à des créations un peu plus contemporaine. Le dénominateur commun étant que chacun des individus débarquant sur les quais du Palais arborait ces fameuses soieries multicolores et ses masques de céramiques si singulier qui faisaient une part de la célébrité de la ville. De plus, l'amas anormalement élevée de gens en armes, et pas seulement les figurants en armures portant des hallebardes afin d'amuser les touristes, qui montaient la garde et tournaient tel des meutes de chiens sur des chemins de rondes prédéfinis en disaient d'autant plus long sur la nature de l'évènement du jour.

Les plus avisés seraient formel et décrèteraient qu'il s'agissait là d'un Bal Masqué tenu par sa Grâce le Doge, évènement assez rare en dehors du Carnaval pour le noter. De toute évidence, et au vue d'un manque de communication complet sur la question durant les dernières semaines il devait s'agir de festivités se déroulant en comité privé, une autre manière de dire que la bonne société avait besoin de discuter à huit clos mais selon leurs termes. Car si personne ne doutait qu'il devait y avoir là bas des manigances éminemment politiques, ou tout du moins des discussions traitant de ce qui ne pouvait être mis à bas sur le débat public et qui pouvait tout aussi bien être culturel qu'économique, l'on pouvait à juste titre se demander quel était ledit sujet qui devait être évoqué et qui nécessitait que les habitués du Grand Jeu doivent se mettre d'accord. Malheureusement pour les badauds, les codes des castes supérieures et surtout la sécurité renforcée coupait court à toute réponse certaine et seules les hypothèses demeureraient.







Palais des Doges,
Salle de Bal "Volare",


Bal masqué au Palais des Doges

Is this music ?


Un vieux dicton fortunéen tend à dire que au sein de la cité des Doges, les accords ne viennent pas, ne courent encore moins, à dire vrai ils dansent. Et en voyant les valses endiablées occuper la piste de danse de la grande salle dites "Volare" du Palais, l'on ne pouvait que penser qu'il y avait tout de même un fond de vérité à ceci à mesure à la vue des robes tournoyants à un rythme effrénée sous la houlette stricte et précise de l'assemblée de violons qui s'efforçaient de donner le ton à tous les danseurs. Ceci dit, même s'ils haussaient la voix, les instruments eux même avaient du mal à conserver la tête de file, après tous des adversaires redoutables les suivaient de près et menaçaient à chaque instant de les reléguer à la seconde zone. Les murmures, messes basses et autres médisances allaient en effet bon train et ce autant parmi l'assemblée qui assiégeait le buffet que parmi les cercles de discussion isolés sur les abords de la salle, ce jusqu'à une bonne part des danseurs même qui profitaient eux aussi de l'occasion pour échanger de croustillantes informations assurément.

Si il n'y avait pas eut les divers gardes et hommes de la sécurité, certains en costumes d'ébène et lunettes teintés, d'autres en tenue quasi-militaire, qui veillaient au grain dans un silence de marbre depuis les porte et les abords des fenêtres, l'on aurait pu jurer que l'on avait remonté le temps jusqu'à plus de trois siècles auparavant. Il fallait dire que les tenues de soirées passaient plus pour ces parures d'autrefois que toute la noblesse d'Eurysie enviait, et il en allait de même pour les masques des participants, conditions sine qua non pour participer à l'évènement en vertu des codes tacites de la bonne société de la Sérénissime, qui pour certains arboraient des traits indiquant une longévité de plusieurs décennies. En d'autres termes et pour résumer, une scène d'ensemble des plus atypiques et qui sortait tout droit d'un conte de fée ou à minima d'un livre d'histoire. La différence étant que les balades d'antan n'avaient jamais envisagés que parmi tout le gratin républicain, l'on puisse trouver des porteurs de masques moins... Gracieux dirons nous. Quelque part c'était logique, la Cour était liée de près aux diverses institutions et il aurait été impensable qu'elle ne prenne pas part à cette réunion peu orthodoxe mais néanmoins cruciale pour les semaines, les mois, voir les années à venir en termes de... Décisions. Qui plus est, la mascarade était leur élément, pour une fois qu'ils pouvaient tous se réunir massivement et se fondre à la perfection dans la masse avec leurs tenues officielles de travail... Ils n'allaient certainement pas cracher sur l'occasion.

Ainsi donc, la soirée s'annonçait très intéressante pour tous ses participants sans exception, chacun avait un rôle à jouer après tout s'il était présent ici. Mais certains plus que d'autres...


??? - Donc... Si je résume, Dom Derrizio est encore << souffrant >> et sa consort assume ses... fonctions en lieu et place de sa personne.

??? - Souffrant... Bien évidemment, vous ne voulez pas plutôt dire qu'il n'en fait encore qu'à sa tête ? Avec son grand ami Dallas certainement. Ils font bien la pair.

??? - Allons Dom Dandello... Vous êtes bien médisant et hypocrte, surtout en connaissant vos... Lubies. J'entends bien que le devoir prime, mais tout de même un homme a bien le droit de se dévouer à sa passion de temps en temps, surtout lorsqu'il approche du crépuscule de son existence. Tenez par exemple, voyez Dom Litaris, il s'emploi depuis des mois à disputer la vedette à Dom Altarini et a décidé de s'octroyer un peu de bon temps au bordel ce soir plutôt que de nous rejoindre. Un équilibre parfait entre le devoir et la passion.

Dom Dandello - Et vous osez parlez de médisance ainsi que d'hypocrisie Donna Rimini ? Non pas que vos propos soient faux, mais tout de même, laissez donc le Gigolo, il est à sa place, ce qui arrange bien vos affaires Dom Altarini.

Dom Altarini - Que voulez vous que je vous dise... Il tend le bâton pour se faire battre et ce n'est pas plus mal. De toute façon, je doute qu'on le voit jamais à l'une nos petites sauteries, après tout s'il nous sourit en public, il nous maudit dans les coulisses en nous accusant aux quatre vent comme quoi nous aurions fait assassiner son père au Varanya.

Donna Rimini - Logique, après tout les voitures ne sont pas destinées à servir de fusée. Ceci dit, la version officielle ne retient qu'un accident, tout au plus une hypothèse de sabotage du front républicain Varanyen... Vous vous souvenez ? Nos chers amis qui dirigent le pays désormais en lieu et place de l'antiquité qu'était le Shah ?

Un léger silence s'installa entre les trois patriciens qui se regardèrent mutuellement et successivement dans les yeux à travers des regards appuyés à travers les fentes de leurs masques. Puis, iles acquiescèrent à l'unisson d'un hochement de tête vertical avant de laisser échapper un concert de ricanement en disant assez long.

??? - Que n'entends-je que de vilaines choses Signore et Signora. Médire sur un fils ayant perdu son père et qui essaye de redorer le blason dynastique... Voilà qui n'est pas digne de votre statut.

Un nouveau silence, les regards se pointèrent sur la nouvelle arrivante qui était par ailleurs flanquée de deux superbes répliques de médecins de la peste du XVe siècle, puis le triumvirat ainsi que l'arrivante laissèrent échapper un rire franc.

Dom Altarini - Votre grâce a toujours le mot pour rire. Comme lorsqu'elle nous a présenté cette... Invitation à... Quel était le terme déjà ? Un sommet pour la paix oui, mais un sommet avec des participants tirés de toute évidence au sort et sans les principaux concernés du continent. Très belle Farce, les comédiens de la Spalla vont adorer la réitérer dans les grandes largeurs lors des festivals de comédie de Rivoli.

Donna Rimini - Oh je vous en prie, pas encore... La une des magazines va être monopolisée pendant des semaines... Comme ce fut le cas avec Kotios et la Listonie des << pachydermes >>... Mais j'y pense... J'ai ouï dire que vous ne comptiez pas envoyer Camberlini au front cette fois ci, la question se pose-donc, avec Derrizio en... congés... Qui est l'heureux, ou l'heureuse élue ?

Le Doge di Fortuna -
Donna Arya Ludo, après une longue discussion avec mes conseillers et l'Altoparlante, nous avons convenus qu'elle était la plus à même de nous représenter avec justesse et... Précision dirons nous, ce qui va être de rigueur lors de cet évènement pour le moins singulier.

Donna Rimini porta sa main gauche devant sa bouche, feintant l'horreur tandis que les deux autres patriciens passèrent les leurs le long de leur menton tout en lançant des regards intrigués à sa grâce.

Dom Dandello - Oh, la Corneille de mauvaise augure prends son envol. Je suppose que cela a un rapport avec la fameuse lettre...

Le Doge acquiesça d'un mouvement de tête tandis que Rimini et Altarini arquèrent un sourcil en entendant être évoqué une lettre.

Le Doge di Fortuna -
Ma foi, sur ces bonnes paroles et car la comédie ne peut nous occuper toute la soirée au vue des sujets que nous avons à aborder, il est temps de s'intéresser à quelque chose de plus... Important, et qui nécessite une attention immédiate. A tout hasard, le Kodeda...

Tous s'accordèrent sur ceci et commencèrent à << comploter >> avec persistance.






Leylo, Svobansk-Normanie,
01 mars 2009,
Port de la ville,


Donna Arya Ludo
Donna Arya Ludo, émissaire et patricienne de Fortuna,

Le choix de Donna Arya Ludo par sa Grâce le Doge avait de quoi intriguer autant d'un point de vue interne qu'externe car celui ci n'avait rien d'anodin et était pleins de sens en lui même, entre autre il annonçait déjà la couleur et ce d'une façon peu encourageante... Quoique... En effet, la Dame était une des patriciennes dites "du Grand Orient" de par les origines de sa famille qui était pour ainsi dire natale des élites marchandes et bourgeoises de contrées du Nazum et qui avaient émigrés il y a plus de quatre siècle au sein de la Sérénissime, se hissant progressivement le long du chemin interminable du système fortunéen jusqu'à arracher un statut de patrice tant envié par le commun des citoyens ce il y a environ sept générations de cela. Un modèle de réussite en quelques sortes et qui tranchait avec la base traditionnelle fortunéenne afin d'incarner et d'illustrer la vocation cosmopolite du système républicain se voulant donner sa chance à tous et toutes. En soit, déjà un message que les analystes et experts interprétaient comme une façon de faire le lien avec les divers états qui seraient assis à la table. Après tout, le traditionnel << vieil homme blanc cis-genre >> pouvait offusquer certains, cela s'était déjà vu par le passé après tout. Il avait donc sans doutes été plus moralement acceptable d'après certains de s'en remettre à un des phares du système.

Cependant, si l'analyse n'était peut être pas totalement fausse, elle n'était pas non plus tout à fait vrai. En vérité, le Doge avait d'autres arrières pensées lorsqu'il avait désigné Donna Ludo comme la représentante de la Sérénissime à ce sommet un tant sois peu farfelu. Assurément cela avait à voir avec sa personnalité et sa << réputation >>, après tout on l'a disait comme étant franche, directe et assassine si nécessaire dans ses propos. Une femme qui allait droit au but et ne s'embarrassait que peu des formes à l'inverse de Camberlini ou même de Derrizio qui apparaissaient pour leur part comme des modèles de conciliations et de cordialité. Ironiquement, la patricienne était elle aussi membre des services de la Torre Bianca, à la différence des diplomates cependant, on nommait son poste comme celui d'émissaire ou de héraut même. Là encore, une signification pleine de sens. Et si l'on pouvait encore douter des instructions que Arya Ludo avait reçu des hautes instances de la cité qui sombre, son surnom de "Corneille de mauvaise augure" jetait déjà un froid en quelques sortes sur les discussions à venir.

Ceci dit, l'on ne pouvait présumer et théoriser à outrance, seul le temps dirait si les nouvelles et les propos de la corneille se montreraient déplaisant ou au contraire des plus appréciables. Quoi qu'il en soit, en digne fortunéenne et à l'image d'autres nations amoureuses de la Mer, l'émissaire de la Sérénissime arriva par voie maritime dans une sobriété que l'on ne soupçonnait guère concernant l'antique république maritime. Point de gardes d'honneur, ni même de légions d'attachés diplomatiques mais une délégations réduite emmenée par Donna Ludo qui tranchait uniquement avec l'humilité de l'ensemble de par ses atours qui si ils étaient assurément riches et anciens se voulaient tout autant traditionnels. Cette dernière se contenta des protocoles d'usages et salua pour la forme ses hôtes ainsi l'ensemble des délégations et leurs représentants, exception faites uniquement de celle du Jashuria avec laquelle la patricienne s'attarda longuement et de façon plus ou moins enjouée, après tout il fallait bien préserver les amitiés. Quoi qu'il en soit, les discussions promettaient d'êtres... intéressantes.
1529
Kronos


Quelques heures avant la conférence, Baldassare Calabraise se rendit a l'aéroport de Pendragon ou il embarqua, avec quelques gardes du corps, a bord d'un jet privé a destination de la Svobansky-Normanie.
Il s'installa sur un siège devant lequel était placé un petit ordinateur portable grâce auquel il allait pouvoir communiquer avec les ministres Kroniens. Pendant presque tout le voyage, il résuma la situation et communiquait avec chacun de ses ministres pour connaitre leurs avis. Certains étaient méfiant, tout comme le président Kronien, ils pensaient que cette rencontre permettrait a certains d'accuser les communistes de choses horribles qu'ils n'auraient pas commises, et évidement, nous serions rendus coupables de l'apparition de ces tension.

Le jet privé atterrit dans un aéroport de Svobansky-Normanie, c'est ici que Calabraise devait monter a bord d'un véhicule qui lui permettrait de rejoindre le lieu de rencontre, a Leylo. Il voulait une arrivée "pacifique", sans véhicules militaires. Qui se permettrait d'arriver a une conférence pour la paix a bord d'un véhicule de combat remplis de soldats?

Arrivé a Leylo, là où se déroulerait la conférence, il descendit de la voiture blindée et s'en alla saluer les invités, en regardant droit devant lui.

Le dirigeant Kronien semblait assez surpris par la présence des dirigeants de certaines nations a cette conférence, il l'était autant par rapport a l'absence de la Youslévie et du Royaume Soudé dont les tensions avec Kronos sont très développées, il serait donc impossible de régler ce conflit lors de cette rencontre, puisque les principaux concernés n'y ont même pas été invités. Comment vouloir rétablir la paix en Eurysie sans essayer de régler les conflits qu'abrite ce continent?


Baldassare Calabraise
1319
Bálint Nemeth
Bálint Nemeth, Premier ministre normanien s’exprimant devant la Table Ronde

Bálint Nemeth : “ Mesdames et messieurs les représentants des États du monde, messieurs les ministres, je vous souhaite la bienvenue au Royaume de Svobansky-Normanie. C’est dans un climat tendu que je vous ai réuni afin de trouver une sortie favorable aux tensions qui ronge l’Eurysie depuis maintenant tant d’années. Depuis le début de mon mandat je n’ai cessé de chercher la paix et la stabilité est cela aux quatre coins du monde, afin de favoriser l’harmonie, la stabilité et la fraternité des peuples de même culture. Je souhaite que le sommet pour la paix de Leylo 2009 reste à jamais gravé dans les mémoires pour avoir été la réunion internationale qui aura permis de rendre à l’Eurysie Sa Grandeur et le soleil qui a toujours brillé sur sur son plafond jadis. Malgré tant d’absents je tiens personnellement à remercier monsieur le Président de la République kronienne, monsieur le secrétaire général de la Loduarie Communiste et Madame l’ambassadrice du Jashuria pour leurs présences exceptionnelles, qui montrent ainsi leur désir de paix. Malgré nos différends, malgré nos intérêts, vous n’êtes pas ici en tant que chefs d'État mais en tant qu'hommes et femmes avides de paix et avec un grand cœur.

Messieurs dames, je vous invite dorénavant à prendre la parole par ordre d’arrivée afin que nous puissions connaître vos attentes. Je laisse donc la parole à la Manche-Silice. Paix et fraternité domine l’Eurysie „
7340
Ponctuel, le Triumvirat l'avait été en arrivant en premier en Normanie. Le mandat unique des deux triumvirs élus au suffrage universel devait s'achever dans un an. Arkadi Ksiaz et Carmenita Azafran espéraient donc faire de la participation de la Manche Silice à ce sommet un marqueur de leur politique internationale. Or, les deux élus partageaient différentes vues stratégiques. L'Incarnew s'investissait dans des projets visant à renforcer les relations avec les voisins du golfe d'Evasie (Youslévie, Royaume-Soudé et Arcanie), quand le Tchenkov désirait se tourner le plus vite possible vers les puissances régionales les plus importantes (Fortuna, Banaraïa ou Novigrad). Parallèlement à ce duel, Vittorio IV, le triumvir royal jouait sa partition seul, préférant les réseaux dynastiques pour tenter, sans succès à ce jour, de trouver une femme à son fils, le dauphin Ettore. Ces divergences mettaient la questure diplomatique, ce corps de renom de l'administration trépublicaine, sous tension et de nombreux accrocs s'étaient manifestés au cours du semestre passé, non sans ternir la réputation déjà faible de la péninsule d'Ostremont.

Il y avait eu pêle-mêle, l'échec retentissant d'une candidature brouille à l'Organisation des Nations Commerçantes (ONC), une affaire de fuite de canaux diplomatique avec le Jashuria, une affaire de cohabitation tempétueuse à Rio de l'Estuaire entre les ambassadeurs de Kronos et de Youslévie en Manche Silice, un sommet régional décevant,...
Heureusement, quelques succès étaient venus adoucir ce bilan à commencer par la victoire du XI de l'Ostremont féminin lors du mondial de football au Burujoa, contribuant à faire connaître le pays sur une note positive, l'ouverture de relations diplomatiques avec Fortuna et la perspective d'un consulat à Léandre mettait à portée de main la clôture du conflit pluriséculaire entre les Doges et les Podestats.

En recherche permanente de respectabilité internationale, la Trépublique Siliquéenne s'est récemment investie dans les tensions frontalières entre le Kronos et la Youslévie par l'envoi d'une mission de maintien de la paix, validée par les institutions des deux nations. Cette initiative a été saluée par de nombreux pays et a valu aux triumvirs cette invitation à Leylo.


Profitant de l'arrivée perlée des délégations, les triumvirs faisaient plus ample connaissance avec les congressistes. Arkadi Ksiaz eut ainsi une conversation nourrie avec Ransu Rasanen, le président de l'université générale d'Albigärk (l'Albigärk Yleisyliopisto). Le gouvernement régional du Seweryn dans le nord de la Manche Silice avait décidé de la construction d'une université à Meulière. Or, depuis la fondation de l'université de Podestavre en 1575, aucun nouveau projet n'avait pu voir le jour. Il espérait donc pouvoir bénéficier de conseils, voire d'un partenariat pédagogique.

Vittorio IV, lunettes vissées sur son nez, parcourait un trombinoscope préparé à la hâte par son secrétariat particulier. Après avoir lu "Rai Sukaretto, fille du dernier Empereur Kah-Tanais", il jeta un œil dans l'assistance et aperçu la jeune femme au look punko-ghotique. Rebuté, le monarque se plongeait à nouveau dans son mémo. Alors que le capitaine Mainio passait à proximité du souverain landrin, ils s'échangèrent un salut militaire et quelques banalités sur la navigation. L'entrée de Donna Arya Ludo, lui fit lâcher le document. Il se racla la gorge, s'avança vers elle, et tenta maladroitement de lui faire un baise-main. "Émissaire, sachez que je me réjouis de rencontrer un représentant de Fortuna. Nous n'avons plus eu de nouvelles quant à l'ouverture du consulat à Léandre. Nous avions prévu l'organisation d'une grande fête comme rarement nous en avons vu. Les invitations sont parties il y a quelques semaines déjà mais elles sont restées sans réponse". La représentante fortunéenne considéra le vieil homme un instant. Qui pouvait bien être cet homme ? A qui appartiennent ces armoiries ? se demandait-elle en apercevant sa chevalière. Elle acquiesca sans dire un mot et feint d'être appelée par un autre invité. Plongé dans une sorte de songe, Vittorio IV alla s'asseoir pour attendre les prises de parole.

Carmenita Azafran était esseulée au milieu du duo Baldasarre Calabraise et Lorenzo Geraert-Wojtkowiak. Ils conspuaient l'attitude de Leone Vallacour, la directrice de Youslévie. La triumvire incarnew coupait court. "Messieurs, je n'ai pas à vous dire ce que vous devez faire mais sachez que vous êtes là, un peu grâce à notre insistance auprès de l'organisateur. J'aurai aimé que la Youslévie soit là aussi. Tâchez de ne pas nous faire regretter notre démarche". Les deux hommes fronçaient les sourcils quand Magdalena Sireskaya se joignit à la conversation et dévia sur un sujet plus léger. Le début du sommet approchait. S'attendant à de longues tirades, Azafran se rendit aux toilettes où elle fit la connaissance de Jacqueline (Canta), dont le ton enjoué et la gentillesse lui donna sourire et force pour aller prendre la parole.



"Chers participants, vous m'excuserez de ne pas tous vous citer. L'énumération serait fastidieuse et pourrait fâcher ceux que j'oublierais par mégarde. Vous me permettrez cependant de saluer le premier ministre Bálint Nemeth, à l'invitation duquel nous nous trouvons tous ici.

27 août 2007 - Avant cette date, Kronos était un régime républicain présidé par Edmonde Mancuso depuis 2002. Une vague d'attentats meurtriers entraîne le pays dans une spirale militariste qui aboutit à un coup d'État militaire perpétré par Baldassarre Calabraise, chef suprême communiste. Le président est exécuté après sa condamnation à mort par une cour de justice fantoche le 22 septembre 2007. La repression fait des dizaines de milliers de morts. (chiffres contestés de part et d'autre).

Calabraise ordonne la fermeture de la frontière avec la Youslévie et le déploiement préventif de forces armées. Son but, empêcher l'exil de dizaine de milliers d'opposants politiques et de kroniens apeurés par l'instauration d'un régime communiste ultra-sécuritaire. Quelques centaines de kroniens ont été tués alors qu'ils tentaient de franchir la frontière. Des exercices militaires sont menés par Kronos pour décourager les Youslèves de toute immixtion. Ces derniers ouvrent des camps de réfugié à la frontière qui agacent Calabraise. Celui-ci fini par accepter l'ouverture de corridors humanitaires mais ses provocations armées vont bientôt faire l'objet d'une réponse puisque Youslévie et Royaume-Soudé déploient finalement des troupes à la frontière. A l'été 2008, le Royaume-Soudé accepte de retirer ses troupes. La situation n'évoluait plus depuis.

Début février, quelques heures après l'autorisation de l'envoi de notre mission de maintien de la paix sur la frontière, Baldassarre Calabraise annonce la démilitarisation de sa frontière de manière unilatérale, par voie de presse. C'est dans ces circonstances que notre centaine de soldats arrive. Ils constatent le retrait de l'impressionnant arsenal kronien et des hommes postés aux abords de la frontière. En face, la Youslévie maintien son dispositif défensif. Il n'y a pas de heurts. Des passages clandestins d'un pays vers l'autre sont constatés. La situation dans les camps de réfugié côté Youslévie est critique avec des problèmes d'hygiène et de malnutrition. Ces tensions durent depuis trop longtemps. Nous semblons tout près d'une résolution du conflit mais le manque de communication entre Leone Vallancour et Baldassarre Calabraise est un facteur bloquant.

A ce jour, Mme Vallancour conteste le retrait des troupes par Kronos alors que nous lui avons apporté des preuves matérielles. Elle craint un repli tactique, une manœuvre de bluff et réclame une déclaration officielle de Baldassarre Calabraise - pour moi, une reprise dans la presse locale n'a pas de valeur juridique - nous a-t-elle confiée. J'ajoute par ailleurs que l'intervention de la Loduarie, venue menacer par courrier diplomatique la Youslévie, n'était pas de nature à calmer le jeu, bien au contraire.

J'estime donc que nous ferions un grand pas vers la démilitarisation complète de la frontière krono-youslève et la conclusion d'une paix durable si Baldassarre Calabraise acceptait ici-même, devant nous tous réunis, de contacter Leone Vallancour pour lui adresser verbalement ses engagements, et les mettre par écrit pour ensuite les faxer en Youslévie. Ce document à valeur juridique pourrait être co-signé par une puissance régionale garante de son application"
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Dans ce genre de cérémonie, on trouvait souvent le Capitaine Mainio près du buffet. S’il se qualifiait lui-même de gourmand, quelques étoiles dans les yeux, il expliquait ensuite avec beaucoup de sérieux que cela donnait un point de repère à tous les diplomates qui souhaitaient s’entretenir avec lui, et que grâce à cette technique il était parvenu à optimiser la plupart des sommets internationaux auxquels il avait participé. Le pire, c’est qu’on ne pouvait pas lui donner tort.

Il s’en décolla toutefois stratégiquement lorsque vint le moment des prises de parole. Il passait en deuxième, à la suite de son homologue siliquéen, avec qui il avait pris le temps d’échanger quelques mots en début de séance. La situation en Eurysie de l’ouest était préoccupante, les rapports des services secrets pharois, installés en Loduarie, remontaient chaque jour jusqu’à Pharot où ils dépeignaient une situation inquiétante. Au moins quatre pays à couteaux tirés, et une frontière devenu théâtre de tensions internationales, cela pouvait rapidement dégénérer.

A proprement parler, le Syndikaali n’était heureusement pas impliqué, bien que plusieurs contrats signés avec la Loduarie puisse à termes le pousser à prendre parti. Mais la dictature communiste de Geraert-Wojtkowiak n’était heureusement pas menacée immédiatement et les premières installations pharoises à Doline n’étaient pas en danger. Le Capitaine Mainio espérait simplement que la situation ne dégénérerait pas trop. Un peu de chaos était bon pour la contrebande, trop, par contre, était mauvais pour les affaires.

Il écouta avec attention le Triumvirat prendre la parole, puis, lorsque ce fut son tour d’intervenir, se rendit à la tribune d’un pas lourd.

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« Chers participants, permettez moi d’ouvrir une parenthèse au milieu de cette gravité pour exprimer le plaisir que j’ai à voir réunis dans cette assemblée tant de bonnes volontés. Comme le dit le proverbe « on ne fait la paix qu’avec ses ennemis » et force est de constater que malgré les tensions qui peuvent animer notre vieux continent, lesdits ennemis savent aujourd’hui donner la priorité au dialogue, plutôt qu’aux armes. D’autres ne peuvent se targuer de tant de diplomatie et mon regard se tourne avec tristesse vers des théâtres plus lointains où les armes tonnent au nom de l’impérialisme et de la loi du plus fort.

Kodeda, Pontarbello, et aussi je m’en attriste, le putsch de Staïglad qui se commit dans le sang et apporta la guerre à un pays pacifié. Autant d’importations venues de l’ouest, de méthodes barbares et sans scrupules. L’Eurysie, mes amis, quoique violente, est indéniablement civilisée et peu de continents peuvent se targuer de n’avoir été le théâtre d’aucun conflit militaire armé depuis quatre ans. La civilisation, c'est l'art de gérer la violence. Les hommes sont violents, la politique est violente, la culture est violente. Mais ici, réunis, nous saurons nous dresser pour éviter de laisser nos passions tristes dévorer tout le reste.

Ceci étant dit, le Syndikaali n’a pas légitimité à se prononcer sur les troubles de l’ouest-eurysien. Et je gage que cette doctrine, nous devrions en faire un principe. La paix est souvent affaire de respect mutuel et cela ne peut se faire qu’au sein d’espaces culturels et économiques organiques. Nous ne pouvons donc prendre position dans cette affaire, cependant nous serons heureux d'apporter notre aide, ou notre arbitrage, si celui-ci est demandé, dans les efforts des deux camps à trouver un apaisement militaire.

Comprenez moi bien, chers amis, les Pharois sont premiers exportateurs de mondialisation. A part nos chers Fortunéens, peu de pays peuvent se targuer de disposer de tant de diasporas à travers le monde et les ports libres du Détroit comptent comme les villes parmi les plus cosmopolites de la planète. C’est notre fierté.

Néanmoins, et je pense que monsieur Rasanen pourra le confirmer, plus enquêtes et travaux en géopolitique parus ces dernières années doivent alerter l’opinion publique internationale quant aux menaces que fait peser un nouvel impérialisme sur le monde, et sur l’Eurysie. Depuis plusieurs années, une coalition de pays, constituée derrière le drapeau de l’ONC, s’est autorisée à intervenir militairement sur des théâtres où elle n’avait ni légitimité populaire, ni alliés politiques, ni ancrage culturel. Que dirait, je me le demande, la Manche Sillice si demain les croiseurs Pharois débarquaient leurs hommes sur leurs côtes tandis que le gouvernement était renversé par un groupe putschiste ? Et cela au nom de la liberté ? Que dirait le Canta si, en agitant le drapeau de l’économie de marché, nous coupions son pays en trois pour en donner des morceaux à nos amis ? Que dirait le Royaume de Svobansky-Normanie si nous enfermions demain son roi entre quatre murs, au nom de la liberté du peuple à se débarrasser des tyrans, quand bien même le peuple n’ait rien demandé ?

De semblables drames, chers amis, seraient inacceptables pour n’importe quel pays. C’est pourtant un scénario devenu de plus en plus fréquent. La banalité du mal, n’est-ce pas ? Au nom de valeurs importées, on fait tomber des têtes, on occupe des pays, on met en place des gouvernements de chiffon.

Le cas du Prodnov nous montre à tous que personne, dans cette pièce, n’est en sécurité. Demain vous pourrez voir peut-être dans votre ciel bleu filer les chasseurs du Lofoten, et dans vos rues, avancer les chars du Novigrad. Au nom de leurs valeurs. Les leurs, pas les vôtres.

A cette menace impérialiste, la communauté internationale doit répondre avec fermeté. L’ONC a d’ailleurs elle-même pris conscience, je gage, du caractère impérialiste de sa précédente direction, et a choisi d’en changer. Nous saluons ce retournement et j’adresse à la Troisième République du Jashuria ici présente tous mes vœux de réussite pour ce nouveau mandat.

A ce jour, deux gestes sont nécessaires si nous souhaitons, non nous préserver de la violence, car la violence est partout, mais au moins la contenir et nous éviter un embrasement. Ces deux gestes sont simples :

Tout d’abord, toutes les armées étrangères doivent s’engager à s’être retirées du Prodnov d’ici un an. Les gouvernements des différentes oblasts devront engager également un processus de réunification qui sera laissé à leur discrétion. La province de Nazakraine, honteusement annexée par le Vogimska, sera rendue.
Sans cela, point de paix en Eurysie.

Le second point est une déclaration d’intention. Nous pays d’Eurysie, nous opposons fermement à tout impérialisme et à tout déploiement armé hors de nos zones d’influence respectives. Les alliances contre nature, les hégémonies doctrinales mèneront le monde à une guerre de bloc. Au Syndikaali, nous croyons que l’économie et la politique doivent être pensées comme des écosystèmes. Plus nous connaîtrons de diversité, mieux cela sera.

Bien sûr, nous renouvelons notre attachement aux droits humains fondamentaux et c’est pour cela que nous nous engagerons à accueillir les réfugiés du monde entier depuis 2004. Francisquiens, Listoniens, Vasques et Tahokais, autant d’hommes et de femmes qui ont trouvé refuge sous le drapeau noir des Pharois.

Diversité et liberté sont les deux piliers d’un monde en paix. Toute tentative d’hégémonie doctrinale doit être condamnée avec la plus grande fermeté.

Voilà notre position. »
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Les kah-tanaise avaient suivi les discussions préliminaires sans trop en dire, conservant une position relativement silencieuse ou, au moins, évitant d’approcher de pré ou de loin les questions stratégiques et politiques. On souhaitait conserver les questions importantes pour le sommet à proprement dit, et éviter tout "Off", dont raffolaient tant les chancelleries et services de presse.

La question de l’Eurysie occidentale était évidemment une question importante. Pas parce qu’elle concernait directement l’Union, loin de là, mais parce que cette dernière envisageait toute guerre comme une opportunité, et toute opportunité comme un impératif moral d’action concrète ou clandestine. Si on ne souhaitait pas particulièrement qu’une guerre éclate, et ce malgré le mépris assumé du Comité de Volonté Publique actuel, plutôt modéré, pour les dictatures communistes, on avait décidé de longue date de se prononcer en faveur de toute initiative pouvant amener à une pacification de la région. Sinon car c’était bon pour tout le monde, au moins car cela aiderait à donner une image positive du Grand Kah.

La prise de parole sillice fut ainsi approuvée par quelques acquiescements de tête pensifs. Le résumé de la situation était peu ou prou conforme aux rapports dont disposait l’Union sur la région, la proposition du Triumvirat tout à fait sensée.

L’intervention du Pharois fut scrutée avec beaucoup plus d’attention. Comme l’avait dit la citoyenne Sukaretto, il fallait espérer que le Grand kah et son allié historique aient, et ce malgré leur absence de concertation préalable une ligne similaire, quand bien même elle prendrait des chemins détournés en termes d’expression et, peut-être aussi, de propositions.

Si certains aspects du discours du citoyen Capitaine Mainio déplurent à la citoyenne Meredith, cette dernière cessant brièvement de prendre des notes le temps de froncer imperceptiblement les sourcils, ou de doucement glisser quelques mots à sa comparse, l’ensemble du discours était conforme à ce que l’on considérait être les intérêts de la communauté internationale et de la ligne anti-impérialiste du Liberalintern. Globalement, Meredith regrettait un peu le mélodramatisme pharois et certains aspects qui risquaient, d’une façon ou d’une autre, d’êtres récupérés et utilisés pour polémiser tout le reste du sommet. Le pire, peut-être, furent les quelques paroles qu’elle voyait déjà utilisées dans la moitié des journaux nationalistes de la planète. Étirés hors de leur contexte, transformés pour vanter quelques obséquieux impérialismes et pensées "organiques" qui, peut-être parce qu’elle avait entendu des mots bien similaires à Kotios lors du siège, tendaient à l’agacer. Rai Sukaretto, pour sa part, semblait guillerette.

Meredith commença. Elle parlait distinctement, c'était une bonne oratrice, sur le plus pur plan de l'expression.

« Mesdames, messieurs et camarades, le Grand Kah et ses communes vous remercie de les accueillir à ce sommet qui, nous l’espérons, aidera à trouver des solutions et à obtenir des concessions pouvant à terme favoriser la création d’un paradigme de paix au sein de notre continent. Notre continent, oui. Rappelons que le Grand Kah est aussi une nation Eurysienne, et ce depuis plus d’un siècle déjà. Les Îles Marquises, bien qu’éloignées des côtes, nous accrochent définitivement au Vieux continent et nous obligent à jeter, en plus d’un regard moral et humain, un regard stratégique sur l'Eurysie et son actualité.

Il convient aussi de souligner que nous sommes une nation profondément eurysienne en vertu des interventions menées sur ce continent, à la demande de nos partenaires et alliés. Comment ignorer, par exemple, la guerre civile Damann durant laquelle la jeune république démocratique demanda explicitement à la Convention Générale d’intervenir en sa faveur lorsqu’une alliance d’opportunité entre les forces féodalistes, théocratiques et fascistes s’allièrent pour étouffer les institutions populaires.

Comment oublier aussi la commune de Kotios, qui sitôt après avoir obtenu son indépendance de l’Empire Francisquien, demanda le support d’acteurs internationaux. Comment oublier que ce sont nos pilotes qui, avec d’autres acteurs parmi lesquels nous devons saluer les soldats pharois et d’autres courageux volontaires internationaux, ont repoussés les corps francisquiens qui s’élançaient à l’invasion de la ville ?

Comment ignorer aussi que les gouvernements du Valheim et de l’Empire Kaulthique nous donnèrent leur bénédiction officielle comme tacite pour mener l’opération de police ayant mis un terme aux exactions de l’ordre rosique, coupable de plusieurs assassinats à caractère politique, religieux et sexistes à travers plusieurs pays dont le Grand Kah.

J’en conviens, je résume ici nos actions armées. Et s’il me plairait de parler des aides humanitaires, projets universitaires, investissements économiques, pactes diplomatiques divers, force est de constater que nous sommes à un sommet sur la paix.

Il convient donc de parler de la guerre.

Aujourd’hui nous ne devons ainsi pas uniquement nous apprêter à critiquer la guerre, mais aussi les acteurs la facilitant. Ce pourquoi je me permets de pointer du doigt l’exemple francisquien, à nouveau, en ça qu’il incarne parfaitement un problème qu’il conviendra d’aborder. Rappelons donc que l’empire avait déclaré la guerre à plusieurs pays de la région, et assassiné publiquement des adolescents et enfants pharois dont le seul crime avait été de passer la frontière. Rappelons que cet assassinat caractérisé n’était qu’un crime odieux parmi d’autres. Rappelons que malgré la nature répugnante de ce régime et de ses actions, ce dernier fut en mesure d’obtenir de l’armement Alguarenos. Notons enfin que cet armement fut, conséquence hautement prévisible, aussitôt déployé sur des cibles civiles en Damanie. Nous parlons ici, pour ceux qui auraient besoin d’un rappel plus explicite encore, de l’Aéroport de la capitale Damann, qui fut pris pour cible par un tir de missile causant la mort de centaines de civiles Damann et d’autres nationalités encore. Femmes, hommes, enfants. Jeunes et vieux. Commerçants, diplomates, étudiants, touristes, travailleurs humanitaires, religieux. Nos frères et sœurs d'humanités, tués par la main qui a tirée le missile, mais aussi par celle qui, en toute conscience des risques, les-lui donna.

Car je le répète, c’est un missile de l’Alguarena qui a été tiré. Un missile vendu en toute connaissance de cause à cette nation déjà fautive de multiples crimes et exactions. Nous supposons que l’argent n’a pas d’odeur pour ces gens-là, ou qu’ils espéraient, en armant un danger avéré pour la région, agir en faveur d’une déstabilisation de ce qui était alors l’un des plus grands foyers de développement économique en proportion d’augmentation annuelle du PIB. Ne serait-ce pas dans l’intérêt des puissants d'écraser la concurrence ?

En bref, je veux donc exprimer que la question du commerce de mort et de ses conséquences doit être traité et que le commerce est, comme tout autre outil politique, un levier qu’il nous faut considérer pour obtenir des concessions en faveur de la paix ou participer à l’isolement d’acteurs problématiques. »

Elle s’interrompit et se tourna vers sa voisine, qui acquiesça et attrapa son micro. Rappelons à toute fin utile que la citoyenne Meredith avait vécue les évènements de Kotios en personne. Elle qui avait été envoyée dans l'Empire Francisquien pour mener une étude humanitaire avait été, au dernier moment, interdite d'entrer sur le territoire impériale, finissant son parcours dans la jeune commune dont elle était devenue l'une des figures fortes, chargées de sa défense avec d'autres. Elle n'avait pas pu évoquer les évènements sans une certaine émotion. Celle-là même qui avait fait d'elle la "Voix" de la ville. Elle discourait bien, à parts égales de sentiments et de contrôle de soi.

Rai Sukaretto pris la parole. Pour sa part, elle pouvait donner à une menace l'air joyeux et guilleret d'une plaisanterie amicale.

« Oui ! Notre avis est que la guerre telle qu’on l’envisage encore, cette guerre d’armes lourdes et de milliers de fantassin, va progressivement laisser place à une forme nouvelle de conflit, qui suit une forme nouvelle d’impérialisme. L’Union a été directement confrontée à ces nouveaux risques aussi vais-je me permettre de vous donner une anecdote. Disons un exemple. Un exemple explicitant la forme et la nature des risques qu’encourt l’Eurysie dans les années à venir, et sur lesquels nous devons dès maintenant réfléchir.

Cet exemple, c’est celui des crises néo-coloniales Aleuciennes. Certains gouvernements ici présents se souviendront peut-être des messages échangés par nos chancelleries lors de cette période extrêmement troublée, qui a provoqué une véritable levée de boucliers chez de nombreuses nations non-alignées d’une part, et le départ de la grande démocratie Aumérinoise des rangs de l’ONC de l’autre. Oui, vous voyez de quoi je veux parler.

Comme vous le savez, donc, l’invasion du Pontarbello par des "mercenaires" Alguarenos, invasion d’un territoire colonial tenu jusque-là par la Listonie, dont l’administration fut remplacée par une junte fascisante, en témoigne le meurtre de nombreux citoyens pharois commis il y a de ça à peine quelques semaines, et la propagande extrêmement raciste publiée par cette dernière et les services de presse de l’Alguarenos lors du conflit, a été confrontée à une opposition internationale notamment caractérisée par des volontaires kah-tanais. »

Elle marqua un temps.

« L’intervention de notre aviation, et sa destruction, s’incluait dans une logique d’aide à une nation qui nous est alliée par traités, la Listonie, mais je tiens à ce qu’il soit clairement compris, dans le cadre de cette anecdote, que les kah-tanais morts au Pontarbello étaient des volontaires issues de ce que nous appelons des Brigades. Disons, des milices citoyennes sur lesquelles la Convention a un pouvoir minime.

Ces volontaires ont été défaits et tués par les forces d’invasion alguarenos. Nous avons tenu une liste assez précise des brigadiers, et savions donc précisément qui était mort ou prisonnier, et grossièrement quand cela avait eu lieu. En fait nous nous apprêtions à effectuer une demande de rapatriement des corps et des éventuels prisonniers lorsqu’un nouveau front a été ouvert, cette fois pas contre la Listonie mais contre le Grand Kah lui-même. En effet, après avoir constaté de l’ouverture de lignes aériennes, principalement parcourue par des appareils militaires, entre le Pontarbello alguarenos et les Duchés Unis du Vinheimur, le gouvernement conservateur de cette dernière nation s’est soudain mis à accuser le Grand Kah de préparer une guerre d’invasion sur sess territoires frontaliers. En effet, selon la presse conservatrice et le gouvernement Vinhois, des escarmouches auraient opposé l’armée ducale à des forces kah-tanaises infiltrés derrière leur frontière. Nous étions les premiers surpris. »

Elle sourit, puis toussota.

« Ils présentèrent leurs preuves. Des photos de "soldats" kah-tanais morts. Plus précisément, des photos de volontaires morts ou capturés au Pontarbello. Nous devons supposer que les prisonniers ont été exécutés et leurs corps transportés sur des milliers de kilomètres pour arriver dans les mains du gouvernement vinhois. »
Elle se pencha doucement en avant. Son ton n’avait plus grand-chose de jovial.

« J’aimerais vous dire que cette histoire a connue une fin heureuse mais le fait est que non. Et si nous notons avec satisfaction que de nombreux pays se sont portés garants de l’Union – ce qui alimente notre espoir que ce congrès puisse amener à un résultat positif –, si, aussi, l’opposition politique vinhoise a, via de nombreuses enquêtes alimentés des témoignages de lanceur d’alerte issus de l’armée, permis de clairement démontrer la manœuvre, révélant en fait l’existence d’une collaboration entre la nation qui était, à l’époque, tête de file de l’ONC et le Vinheimur en vu de déclencher une guerre d’invasion contre le Grand Kah, nous sommes aussi obligés de constater que les corps morts de nos citoyens ont été criblés de balles, martyrisés par des bouchers puis exposés dans la presse pour tenter de manipuler l’opinion publique. Pire encore. Des prisonniers ont été tués pour cette mascarade. Ils ne seront sans doute jamais ramenés à leurs proches, jamais inhumé dans la terre de leurs ancêtres. Ce sont les risques que prennent les volontaires et les soldats.

C’est, une preuve des tentatives que son capable de mener les gouvernements les plus malintentionnés de notre époque moderne. Je pense que l’exemple aura suffi, je crois que chacun ici peut le transposer dans un contexte incluant sa nation d'origine, et que chacun comprendra précisément pourquoi il nous fait nous y préparer. »

La citoyenne se redressa. Sa voix avait retrouvé des inflexions plus légères.

« En conclusion ! Je me dois aussi de féliciter l’ONC d’avoir opté pour un changement de ligne, rendu nécessaire par la réaction extrêmement vive de la communauté internationale aux exactions de sa précédente direction. Nous verrons si ce changement de cap témoigne d’un véritable désir de s’en tenir à la ligne officielle de l’Organisation  : assurer la liberté du commerce. Nous attendons avec attention de voir si les corps instrumentalisés de nos citoyens nous seront retournés, accompagnés d’excuses officielles pour l'assassinat de prisonniers, et si les territoires occupés illégalement et envahi par l’Organisation seront libérés en vue de rectifier ce que nous nous devons de considérer comme autant d’erreurs historiques, en ça qu’elles empêchent la construction de la paix en provoquant volontairement une confrontation de ce que l’excellent capitaine a si bien qualifié d’espaces culturels et économiques organiques.

Aussi nous apprécierions que soit traitée la question du Vogimska, qui a récemment décidé de bannir plusieurs nationalités de son sol, parmi lesquelles les kah-tanais. Une provocation aussi stupide que ridicule, qui n’a semble-t-il pas choqué les alliés de ce qui est, rappelons-le, une démocratie défaillante à tous les niveaux. Au cas échéant nous pensons qu'une déclaration commune désapprouvant cette instrumentalisation - à nouveau - de civils serait du plus bel effet.

En ce qui concerne le reste de l'Eurysie, nous ne pouvons que nous rallier en qualité d’observateurs et de facilitateurs à toute motion commune visant la pacification de la région nordique via, entre-autre, une libération du Protectorat prodnovite. À ce titre le Grand Kah est proprement choqué de voir que cette invasion effectuée sous le faux drapeau de la liberté économique a participé à encore empirer la situation sociale d’une population qui, certes oppressées, avait jusqu’à récemment des droits sociaux. Désormais, cette population ne jouit même plus de ces dits droits, et voit son potentiel capital économique vendu à des puissances étrangères. La libéralisation forcée de l’économie prodnovite n’a profité qu’aux capitaux étrangers en mesure d’acheter les routes, stations de télévision, industries, dans une expérience capitaliste laissant systématiquement la population derrière. Sur le carreau.

Hors nous savons tous ici que la pauvreté et l’impuissance sont des voies d’accès rapide pour la radicalisation pouvant, à terme, provoquer de nouvelles tensions révolutionnaires et renouveler le cycle de violence. Meredith ? »

Elle lança un regard en coin à sa camarade, qui acquiesça et récupéra le micro.

« La position de l’Union est que la paix doit se créer au niveau des nations et de leurs gouvernements, mais aussi de la population. Nous pensons qu’il est plus simple pour une nation d’être bien gouvernée si sa population profite de nombreux droits politiques d’une part, et de nombreux droits sociaux de l’autre. Appelez ça un tropisme anti-capitaliste, nous ne pouvons nier que c’est  effectivement la démarche qui anime notre confédération. Cependant notre association avec la grande nation Pharoise aura tôt-fait d’écarter toute critique à l’anti-capitalisme primaire. Nous tenons simplement à insister sur le fait suivant : si un citoyen ne mange pas à sa faim, ne peut pas s’éduquer, ne peut pas profiter dignement et réellement de la richesse produite par son labeur, tôt ou tard il prend conscience de l’injustice qui régie sa vie, et selon le contexte, prendre les armes.

Si nous parlons de paix, nous devons aussi nous intéresser à cette question, quand-bien même elle brusquerait les intérêts d’une certaine oligarchie.

Accessoirement, et pour terminer, la guerre entre deux peuples devient difficile, sinon impensable, lorsque ceux-là sont en contact. Nous conclurons cette intervention en prônant une approche populaire de la question diplomatique, construite autour du partage marchand, universitaire, culturel, populaire. Le Grand Kah se ralliera, du reste, à toute mesure ou prononciation semblant prendre de façon nette le chemin d’une pacification des relations continentales et d’un désarmement des frontières. Nous conclurons aussi sur un avertissement : puisque notre but est d’assurer que la guerre ouverte ne soit plus une possibilité, il nous faut considérer très sérieusement qu’à l’image des actions de l’Alguarena, les prochains conflits prennent des formes détournées.

En la matière l’ONC a déjà frappée une fois au Prodnov, deux fois en Aleucie. Toute pacification continentale doit se faire en prenant en compte les risques plus insidieux ainsi exemplifiés. Merci. »
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