Posté le : 31 jui. 2023 à 17:58:56
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La délégation Mährenienne était composée d'une poignée de militaires et de diplomates, à la tête desquels siégeait Kaspar Egner, ancien commissaire du gouvernement d'une Mährenie que la presse nationale peignait comme le futur homme fort de la région. Cinquantenaire au visage marqué, il était fin, avait des cheveux blond-gris assez long malgré un début de calvitie dégarnissant ses tempes, et un air réservé et calculateur. Il marchait en s'appuyant sur une canne, qui venait compléter un attirail un peu désuet, qui n'aurait pas été tout à fait hors de propos dans une cours du dix-neuvième siècle. Quoi qu'encore, ce genre de vêtement était toujours très à la mode dans de nombreuses régions d'Eurysie.
Il s'installa aux côtés d'Ivan Lovitch après un sourire de politesse, puis tous écoutèrent le fils de Lenisk avec le respect que l'on devait à un partenaire de négociation. Réservé mais attentif. Lovitch parla le premier.
– Il est évident que nous sommes tous partisans de la démocratie. C'est même pour ça qu'il y a eu un cessez le feu, non ? Maintenant il y a démocratie et démocratie : il faut clairement nous entendre sur ce que vous mettez dans ce mot. Nous, pour notre part, nous avons été très clairs dans nos revendications.
Egner acquiesça doucement.
– Hmhm, oui. Et à ce propos, chacun ici ferait bien de se souvenir que la seule raison pour laquelle le régime communiste ne tient pas encore les grandes villes du pays c’est qu’il ne peut plus compter sur son allier Loduarien. La "République" a certes les forces de l’ancien régime – j’ai cru comprendre que celles-là étaient particulièrement impopulaires auprès du peuple, d'ailleurs – mais la rébellion peut compter sur la Mährenie. Oh, cela ne signifie pas que cette force armée serve à quoi que ce soit d’autre que stabiliser la région, évidemment.
Lovitch continua.
– Vous pouvez garder le pouvoir, si c'est ce que vous voulez. Même si nous ne souscrivons pas à vos argument de stabilité. De toute façon il n'y aura pas de nouveau Lenisk. Nous nous en assurerons. Mais nous voulons que justice soit faite. Et des garanties. Déjà il faut dès maintenant fixer un calendrier électoral. Ensuite, nous exigeons qu'une enquête et des procès aient lieu contre les responsables du régime Lenisk et tout ceux qui ont participé aux politiques de répression politique et ethnique. Tous. Y compris ceux qui se sont ralliés à votre république, Ivan.
Secondement il faut dès maintenant mettre un terme à toute censure et répression politique. Démanteler la sécurité intérieure et amnistier les prisonniers politiques. C'est ça où la rébellion se saisira elle-même des camps de concentration.
Dernièrement nous vous informons que les forces rebelles ne désarmeront pas. Les milices retourneront dans leurs villes et villages mais continueront de s'y développer. Si qui que ce soit essaye de réinstaurer une tyrannie, le peuple sera près à se protéger, cette fois.
Le mährenien fronça un peu les sourcils puis tapota le pommeau de sa canne en affichant un demi-sourire.
– Oui oui, mais tout ça tombe sous le sens : personne n'a les moyens d'empêcher le peuple de garder ses armes ou de chercher à obtenir la justice, non ? Hm. Maintenant parlons de ce que vous pourriez réellement accorder aux rebelles. Des ministres et des places dans votre gouvernement. Un droit de regard sur votre politique et... Je crois qu'il pourrait être judicieux d'aborder ensemble vos liens avec la Tchérie voisine. Non ? Pas que nous croyons un seul instant aux racontars de certains, mais il n'est jamais mauvais de dissiper les doutes, oui ?