09/07/2016
02:35:18
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[RP POLITIQUE] Une Reine, trois couteaux et quatre Chambres...

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Malgré la douleur qui lui tiraillait les côtes et les points de côté qui se faisaient plus douloureux à chaque instant, Margaret continuait de courir. Le temps du mois d’avril était le même que chaque année dans le sud du pays : gris, et pluvieux. De rares éclaircies prouvaient quand même que le printemps arrivait. Margaret courait toujours, et ce n’était pas une petite averse qui arrêterait sa course quotidienne. La campagne dyffrynienne était aussi calme que d’habitude, et la pluie qui tombait faisait certainement le bonheur des grenouilles qui abondaient dans les mares nouvellement formées. Mais une impression étrange la traversa lorsque son cottage apparut au tournant de la route. La fenêtre du salon était ouverte, et, chose plus étrange encore, les éclats facilement reconnaissables d’une chaîne d’information en continu s’en échappaient. La tête de son mari apparut dans l’encadrement : “Viens, vite”.

Cottage

“-... Avec Mark, notre analyste politique, pour rappeler aux téléspectateurs les derniers événements.

- Merci, Dafydd. En effet, la semaine dernière une fuite dans la presse provenant d’une source haut placée au gouvernement a indiquée que le Premier Ministre soufrerait de problèmes de santé. Cependant, aucun communiqué officiel n’est venu confirmer ou infirmer cette information. En fait, il n’y a eu aucun communiqué d'Union Street depuis ce jeudi. Le silence très inhabituel du gouvernement n’arrête pas d’inquiéter et…”

L’air du salon était frais, presque froid quand elle pénétra à l’intérieur. Margaret, pas encore tout à fait remise, se laissa choir sans plus de cérémonie dans le canapé.

“-Tu l’as branchée toi-même à Internet ? Interrogeas-t’elle en faisant un signe de tête en direction de la télévision.

-Bien sûr que non, ton assistant l’a fait, répondit-il en souriant

- Bien sûr… Où est-il, d’ailleurs ?”

Le timbre clair de James MacKinnon traversa la pièce dans son dos.

“-Je suis là, madame.

- Ah, très bien. Que se passe-t-il, James ?

- Je pense qu’il vaudrait mieux que vous voyiez par vous-même, madame, commenca-t-il de son ton calme habituel. J’ai reçu, il y a une vingtaine de minutes un appel de Dickie Howe. Il est aussi dans sa résidence de campagne, mais il a été prévenu par la permanence de Bryngaerdinas. Il m’a simplement dit de vous trouver et de vous brancher sur la RBCN.

Margaret jeta un coup d’œil à l’écran. L’attitude calme de James tranchait avec celle du présentateur, qui paraissait maintenant aussi excité que sa morgue de journaliste lui permettait.

“-... Le pays a maintenant les yeux fixés sur les grilles du Palais, alors que la voiture du Premier Ministre devrait arriver d’une minute à l’autre pour son rendez-vous hebdomadaire avec Sa Majesté. Quoi qu’il se passe de grave, car je pense, Daffydd, qu’on peut affirmer à ce stade que les signes montrent qu’il s’agit d’un événement important…

- Tout à fait, Mark.

- Je disais donc, quoi qu’il se passe de grave dans la résidence du Premier Ministre, aucune annonce officielle ne sera faite avant la fin de l’entretien avec Sa Majesté la Reine. D’un instant à l’autre à partir de maintenant, la voiture du Premier Ministre devrait apparaître sur l’avenue de la Flotte…"

De longs instants s’écoulèrent, et le présentateur allait presque recommencer à détailler les mêmes informations lorsque une voiture solitaire apparut sur l’avenue.

"Et la voilà ! …”

Le téléphone de James, qui se tenait debout derrière le canapé, vibra et il sortit d’un pas rapide.

“D’ici une demi-heure, Daffydd, le Premier Ministre devrait quitter le Palais et regagner Union Street, d’où sera probablement faite une annonce, dans une quarantaine de minutes à partir de maintenant.”

James revint quelques minutes plus tard, alors que les présentateurs de la RBCN se délectaient de tirer un bilan très négatif des deux premières années de mandat de Nigel Faraige. Quand bien même Margaret n’était pas d’accord sur tous les points, il fallait bien avouer que ce qu’ils disaient était loin d’être faux, et il s’agissait pourtant de sa coalition parlementaire.

“-Alors, Jimmy ?

- Personne ne peut rien me dire, madame. Ni Dickie, ni Gregor Carlisle, ni Edward Johnson…

- Vous avez essayé Callaghan ? Demanda-t-elle par-dessus son épaule, tout en essayant de garder un œil sur l’écran.

- Oui, madame, répondit-il d’un ton résigné." Il marqua une pause. "Dickie et Callaghan sont déjà en route pour rentrer à Bryngaerdinas, madame. Carlisle y est déjà, et il est presque arrivé au Parlement.

- Michael, nous partons !" Le ton de Margaret Hanmer, députée conservatrice à la chambre basse du Parlement du Royaume-Uni d’Ynys Dyffryn et du Kentware, ne souffrait jamais la contradiction. “Je vais me doucher, vous me prévenez dès que vous avez des nouvelles, James.”

L’entretien du Premier Ministre fut plus long que prévu, ce qui ne fit que jaser d’autant plus la meute de journalistes qui attendait désormais à la sortie du Palais. Une heure plus tard, alors que Margaret, son mari et son assistant quittaient à la va-vite le cottage de Pennyfrig, la voiture du Premier Ministre sortit du Palais sous un déluge de flashs et de commentaires. La voix grave du présentateur de radio de la RBC s’échappait des haut-parleurs de la voiture, détaillant la sortie :
“Il est très exactement 15H36, et le Premier Ministre Nigel Faraige vient de sortir sur Fleet Avenue, après un entretien exceptionnellement long avec Sa Majesté la Reine, entretien qui a commencé il y a plus d’une heure maintenant. Dans une dizaine de minutes, la voiture du Premier Ministre arrivera à Union Street, où des premières images nous montrent qu’une tribune est en train d’être installée. Quoi qu’il arrive, le gouvernement est sur le point de faire une annonce majeure.”

Margaret pouvait sentir James remuer sur la banquette arrière, occupé à envoyer message après message, tentant d’obtenir des informations plus fraîches que celle qui filtraient sur les chaînes d’infos. Elle était partagée entre son désir de productivité et sa haine des appels téléphoniques en voiture, d’autant plus qu’un appel risquait de couvrir les commentaires de la radio. Margaret décida finalement de laisser son assistant se démener avec son téléphone et se contenta d’écouter la radio en observant les vertes collines de la région Bryngaerdinaise. Le trajet de Pennyfrig à Bryngaerdinas était court, moins d’une heure en fait, ce qui était évidemment la raison du choix d’un tel lieu comme résidence de campagne. Les politiciens Caratradiens ne pouvaient pas vraiment se permettre le luxe de s’éloigner trop des couloirs du Parlement. Le sud du royaume, en cette saison comme en toutes les autres, était le paradis sur terre selon Margaret Neville. Les collines, les champs et les bois s’y succédaient, faisant de la région un stéréotype du bucolique caratradien, stéréotype auquel les bovins locaux semblaient étonnamment indifférents. La principale difficulté était de s’habituer à la météo, se disait-elle.
“Chérie, Faraige à la radio. ” La voix douce de Michael interrompit sa rêverie.
Comme un bourdonnement qui s’estompe, la voix grave du présentateur émergea à nouveau du bruit de fond causé par la voiture, et sembla redevenir claire.
“...Et il vient de ressortir du 12, Union Street, et se dirige vers la tribune. Vous allez maintenant pouvoir l’entendre… Tout de suite, le Premier Ministre, Sir Nigel Faraige.

pasdutoutunmontage.jpeg. Image fournie par les services de la RBCN. Tout droits réservés.

“-J’ai été élu à mon poste durant un temps de grande instabilité économique et internationale. Des familles et des entreprises s’inquiétaient de la diminution de leurs revenus. L’agression illégale de l’Empire Listonien contre Port-Hafen menace la sécurité de tout l’Océan d'Espérance. Et notre pays stagne depuis trop longtemps dans une trop faible croissance économique. J’ai été élu par le parti Indépendantiste avec un mandat pour changer cet état de fait. Nous avons travaillé à réduire le prix de l’énergie et à améliorer la sécurité financière de nos concitoyens. Et nous avons initié une vision nouvelle d’une économie à la fois aux faibles taxes et à la forte croissance. Néanmoins, je reconnais que, étant donné la situation, je ne peux atteindre les objectifs du mandat pour lequel j’ai été élu par le parti Indépendantiste. J’ai donc rencontré Sa Majesté la Reine afin de lui notifier ma démission du poste de chef du parti Indépendantiste. J’ai rencontré ce matin le chef du comité 1977, Edward Johnson, et ensemble nous avons décidés qu’une nouvelle élection pour le poste de chef du parti se déroulerait la semaine prochaine. Ceci assurera que nous continuerons de mettre en place nos réformes fiscales et que nous maintiendrons la stabilité économique du pays, ainsi que la sécurité nationale. Je resterais Premier Ministre tant qu’un successeur n’aura pas été désigné. Je vous remercie.”
On avait installé un écran géant dans la salle du cabinet du douze, Union Street. Des multitudes de ronds et de points de couleur qui n’avaient de sens que pour les initiés y clignotaient. Mais personne n’avait besoin de connaissances en symbologie militaire pour comprendre que le point rouge dans le détroit de Caratrad avait soudainement disparu. Plusieurs ministres échangèrent des œillades déconcertées, signe chez eux de la plus grande des surprises. « Monsieur le Premier Ministre…le sous-marin hostile à été touché quatre fois et est en train de couler", annonça d’un ton neutre l’aide de camp d’Ivan Johnson. Autour de la table, ces politiciens qui étaient tous coupables d’au moins plusieurs délits continuaient de se fixer d’un air ahuri. Trahir des amis qu’on connait depuis le lycée et détourner des fonds publics, bien sûr, mais déclencher une guerre ? Vraiment ? Ivan Johnson, bien qu’il n’ait jamais été très fin, n’était pas un idiot. Et c’est en remarquant l’échange visuel entre Margaret Hanmer, une des principales députées conservatrices, et ce vieux briscard kentois de Padraig Cunningham qu’il comprit. Une personne normale n’eut sans doute jamais remarqué ce contact oculaire qui ne dura qu’une fraction de seconde. Mais, quand on fait de la politique à Caratrad, on s'habitue à reconnaitre les signes avant-coureur de la traîtrise. Deux des principaux soutiens politiques du Premier Ministre venaient en un clin d’œil de se mettre d’accord pour le faire tomber.
« Ding-dong ».

La porte de Michael Lampol, gallouèsant d’origine et professeur de biologie marine à l’université de Tynwald, sonna très tôt le matin du 2 juillet 2014. Lorsqu’il l’ouvrit en étouffant un bâillement, il fut surpris de se trouver face à non pas un mais deux hommes vêtus de longs imperméables beiges. Michael avait passé une mauvaise nuit : sa journée d’écoute sous-marine -Michael était un des grands spécialistes caratradais des baleines - avait été gâché par des problèmes techniques. Il avait fallu s’y reprendre à plusieurs fois pour démarrer le moteur du bateau, puis le matériel d’écoute n’avait cessé de dysfonctionner. Impossible de reconnaitre ou même d’entendre une baleine dans ces conditions. Mais, s’il n’avait pu entendre « ses » baleines, il avait tout de même entendu quelque chose d’intéressant : peu avant quatorze heures, une anomalie comparable à large séisme sous-marin avait totalement détraqué les réglages du matériel. Découragé par cet ultime pied de nez du destin, il avait arrêté là les observations du jour. Mais l’esprit curieux d’un universitaire s’arrête rarement à ce genre d’explications ; il avait donc contacté plusieurs de ses collègues sismologues, sachant pertinemment que ce genre d’événements ne se produisaient jamais en Manche Blanche. Ceux-ci lui avaient répondu qu’une anomalie avait effectivement été détectée et qu’on penchait pour l’instant pour un accident industriel sous-marin. Le communiqué officiel du gouvernement confirma cette hypothèse : il semblait qu’un sous-marin avait fait naufrage dans le détroit de Caratrad.

Tous les éléments semblaient pointer en direction de cette thèse. Cependant, Michael ne pouvait s’empêcher de ressentir une inexplicable sentiment de malaise, comme lorsqu’une idée nous a soudain échappé et que l’on essaye de remettre le doigt dessus. Avant d’aller se coucher, Michael posta donc le message suivant sur un forum d’amateurs d’écoute sous-marine :

MLWhalelistener – Posté le 1er juillet 2014 – A 21H03
Bonjour,
J’ai enregistré divers sons qui me sont totalement inconnus cet après-midi au sud de Tynwald. Quelqu’un pourrait-il m’aider à identifier les sons précédant l’anomalie majeure de l’extrait, s’il vous plaît ? Toute aide sera la bienvenue, merci par avance.


A l’insu de Michael, le message avait disparu une heure plus tard du forum, et avait même été effacé de l’historique du serveur. Le lendemain matin, deux hommes arborant des moustaches impeccables et de longs impers beiges sonnaient à sa porte.

Le plus grand des deux, un blond, adressa immédiatement un sourire poli à Michael.

« Good morning, Professor Lampol. How do you do? My name is John Smith, and my assistant is William Wesson. We just want to have a little chat with you. Can we come in?”

“Errr…sure, about what?”


La réponse tomba comme un couperet :

“National security.”

Lorsque les deux inconnus repartirent, Michael resta assis un long moment dans son salon. Son job était juste d’analyser le chant des baleines, pas de tremper dans une histoire digne de roman d’espionnage. Surtout, il ne savait toujours pas pourquoi il avait dû signer des chartes de confidentialité. Il l’apprendrait bien assez tôt.
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