25/02/2015
03:32:15
Index du forum Continents Eurysie Velsna

Atlas historique

Voir fiche pays Voir sur la carte
213
Drapeau

"Étranger, tu es toujours là ? Bien. Velsna n'est pas que des jolis bâtiments et paysages bucoliques. Nous avons une Histoire faite d'audace, de batailles gagnées et de batailles perdues. C'est ici que nous allons pouvoir te les raconter."
11597

Présentation du pays : La Grande République de Velsna


Généralités :



Nom officiel : La Grande République de Velsna
Nom courant : Velsna, la Grande, la Grande République
Gentilé : Velsnien, Velsnienne

Inspirations culturelles : Italie du nord, Venise, Rome, cités flamandes
Situation géographique :

Langue(s) officielle(s) : velsnien
Autre(s) langue(s) reconnue(s) : Velsna reconnaît l’existence de groupes minoritaires Auccent à sa frontière avec l’Auccitone.

Drapeau :
Drapeau

Devise officielle : Aucune officielle. Officieusement, la population et la classe politique velsnienne emploie un dicton populaire : « Sur la mer, en orient et en occident » pour faire allusion à la tradition navale et commerciale de la cité.
Hymne officiel :
Aucun
Monnaie nationale : Le Florius (monnaie existante depuis le XIIIème siècle)

Capitale : Velsna

Population : 7 millions habitants


Aperçu du pays :



Présentation du pays :
Située au cœur du continent d’Eurysie, Velsna est une cité-Etat fondée au VIIIème siècle, selon la tradition historiographique par des commerçants provenant du sud de l'Eurysie installés dans une lagune qui deviendra le berceau de Velsna, ce dans le but d’exercer un droit de péage sur les navires transitant dans la région. La provenance exacte de ces colons est incertaine, mais la langue velsnienne, malgré des apports auccent et zélandais, est relativement proche des régions de Fortuna. Encore aujourd'hui, la quasi-totalité de l'élite patricienne de Velsna trouve ses origines dans cette vague migratoire, le reste de la population pour la plupart indigène ayant gardé dans leurs patronymes des caractéristiques zélandaises ou auccent.

Progressivement, Velsna acquiert ou conquiert des bandes côtières dans les environs immédiats de la cité, y implantant des cités sœurs ou se contentant de placer les autochtones sous une nouvelle administration. Au XIIIème siècle, Velsna se trouve déjà être au centre d’une thalassocratie marchande prospère. La vocation maritime de la cité n’a pas d’égal et on dit souvent qu’un velsnien est davantage chez soi sur un navire que dans sa propre maison. En effet, si Velsna n’a jamais été une puissance terrestre majeure, ses flottes, armées pour protéger ses échanges ont pendant longtemps eu une grande réputation. En parallèle à cette expansion territoriale et économique, Velsna se dote dans cette période d’institutions politiques stables qui perdurent toujours aujourd’hui sous le contrôle d’une oligarchie constituée des familles de négociants les plus riches de la cité.
Cependant, un déclin s’amorce à partir des grandes découvertes du XVIème siècle, où les nations eurysiennes se lancent en quête de nouveaux continents. Velsna ne s’investit pas dans cette grande dynamique et ses routes commerciales se retrouvent reléguées à un statut secondaire, les profits générés par ces dernières sont en chute libre et l’expansion territoriale cesse. Cette période est d’autant plus difficile qu’en cette époque de formation des grands Etats-Nation, Velsna fait désormais figure de puissance secondaire à l’emprise territoriale faible. Malgré ces reculs, la Grande République est encore durant cette période et jusqu’à nos jours une centre culturel et intellectuel particulièrement brillant. Plusieurs courants artistiques ont fait la renommée de la cité entre le XVIème et le XIXème siècle et bien des artistes et universitaires se pressent à Velsna pour y admirer des prouesses architecturales et picturales. Velsna, ville bâtie sur une lagune au milieu des eaux, demeure à ce jour l’une des plus belles villes du continent (selon ses habitants en tout cas).

L’Histoire récente de la cité est marquée par des conflits internes larvés. En effet, l’ère contemporaine et le contexte géographique dans lequel Velsna évolue a vu l’émergence dans toute l’Eurysie de démocraties représentatives là où la cité n’a vu aucune évolution majeure depuis le VIIIème siècle. La cité demeure une République oligarchique de nos jours et se heurte de plus en plus à des aspirations démocratiques. Le pouvoir du sénat de Velsna, véritable détenteur d’autorité paraît de plus en plus sclérosé et le régime paraît à l’aube de grands changements qui tardent à venir. La santé économique récente de la Grande République est certes correcte mais est sans équivalent avec ce qu’elle fut et les ambitions qu’ont les dirigeants de Velsna pour elle paraissent ne pas prendre en compte le fait que Velsna, à l’ère des Etats Nation est devenue une puissance de second plan. L’industrialisation a généré des tensions sociales supplémentaires et accrut des inégalités sociales déjà omniprésentes dans la société velsnienne, accentuant de fait les troubles politiques.
La cité brille toujours par son milieu universitaire de renom. Parmi les grandes institutions éducatives de Velsna , l’Ecole des arts nobles Luca Garini forme des artistes peintres parmi les plus brillants du continent, la Grande Ecole de l’Arsenal forme un personnel naval exceptionnel et la Faculté de Philosophie de Velsna, fondée en 1531 attire autant qu’autrefois des étudiants venus des quatre coins du monde. Récemment, Velsna a également développer son industrie touristique afin de satisfaire les curiosités d’étrangers toujours aussi curieux de voir « la cité sur l’eau », curieux peut-être également de rencontrer le Patrice de Velsna, le dirigeant théorique de la ville qui nul étranger n’a le droit de rencontrer durant la durée de son mandat. Le secteur bancaire est également très développé et la cité est devenue à partir du XXème siècle une place boursière dynamique.

Aparté géographique : Outre la cité de Velsna même qui atteint de nos jours les 2,7 millions d’habitants (soit un tiers de la population de la République, ce qui n’est pas provoquer un problème de macrocéphalie du pouvoir), la Très Sereine République s’étend sur près de 100 000km² de terres côtières pour la plupart. En effet, aucun endroit de la République n’est éloigné de la mer de plus de 100km. Outre Velsna, plusieurs autres centres de population sont à noter, que l’on appelle des « cités sœurs » car fondées par des colons Velsniens durant la phase d’expansion, et parce qu’elles sont dotées d’institutions identiques à cette dernière. Umbra avec ses 400 000 habitants est particulièrement notable. Quatre autres villes dépassent les 200 000 habitants : Nowa-Velsna, Saliera, Cerveteri et Vatluna. Cependant, aucune de ces villes malgré l’autonomie politique propre aux cités velsniennes n’a de pouvoir réel à échelle nationale, si ce n’est une importance économique. Le seul centre de décision politique est donc Velsna.


Mentalité de la population :
La société Velsnienne peut-être vue ainsi par un observateur étranger : une grande violence sociale masquée par du vernis et des masques de carnaval. Velsna est une société très stratifiée où l’ascension sociale est difficile. En théorie, il n’y a pas de barrière institutionnelle mais intégrer les élites sénatoriales de Velsna peut prendre plusieurs générations d’effort.
Le fondement du rapport social à Velsna est « la clientèle ». Il est en effet commun pour les gens de peu de la cité de s’attirer les faveurs d’un « patron » qui l’intègre en retour dans ses entreprises, c’est là le meilleur moyen d’élévation social. Le patron s’arrange en retour un réseau de fidélité qui lui permet de s’assurer un soutien lors des élections sénatoriales.
La perception que les étrangers ont des velsniens résume bien leur état d’esprit : arrogants certes, mais entreprenants. Cultivés, mais méprisants. Le système politique velsnien favorise l’usage de la rhétorique et les concours de plaidoirie sont devenus une tradition annuelle à l’occasion de l’anniversaire de la fondation de la cité (le 5 mai). Le carnaval masqué de Velsna est également une véritable institution (tous les 7 Aout).


Place de la religion dans l'État et la société :
Bien que la République soit parcourue de toutes parts de clochers et de basiliques (92% de la population se reconnait être dépendante de l'autorité de Pontife de Catholagne), Velsna ne reconnaît plus de religion officielle depuis 1972, malgré cela rien n’interdit à un fonctionnaire de la Grande République d’évoquer un culte dans le cadre de sa fonction. La cité a adopté des édits de tolérance religieuse au XVIIIème siècle, chaque religion étant l’objet d’un édit particulier établissant des droits et privilèges propres. Ces édits n'ont pas été sans susciter des remous à l'époque avec le Saint Siège de Catholagne.


Politique et institutions :



Institutions politiques :
- Le Patrice et le Conseil communal : Sommet du pouvoir exécutif, le Patrice est le dirigeant théorique de la Grande République. Il a la charge de l’application des lois votées en amont par le Sénat. Il a également à sa charge de coordonner l’action des différents membres du Conseil communal, et de régler les désaccords qui pourraient exister entre ces derniers. Lui et son conseil ont également la charge de proposer un budget annuel de l’Etat au sénat. En théorie, il dirige le Conseil communal mais c’est le Sénat qui nomme ses membres, ainsi que lui-même. Le Patrice est en effet élu au suffrage censitaire indirect par le Sénat. Particularité très étrange du système Velsnien : la Patrice est élu à vie mais en retour, il est consigné l’essentiel de son temps au Palais du Patrice et n’a le droit d’en sortir qu’avec l’autorisation du Sénat. De même, nul étranger ne peut le rencontrer. Le patriciat est ainsi une fonction peu enviée et il n’a pas été rare au cours de l’Histoire de devoir forcer le sénateur élu à prendre son poste tant son pouvoir réel paraît symbolique. Le conseil communal quant à lui est composé de sénateurs élus pour 4 ans renouvelable deux fois. Chaque membre a autorité exécutive et budgétaire dans son domaine de prédilection et à la charge de représenter la République à l’étranger. Ils doivent rendre compte de leurs activités au sénat une fois par an et peuvent faire individuellement l’objet d’une censure et d’un renversement.

- Le sénat et les comices : le cœur du pouvoir législatif et accessoirement du pouvoir réel de la cité se trouve au sénat. Ce dernier, composé de 1000 membres, nomme et contrôle l’action de l’exécutif, en retour ces derniers leur soumettent les budgets à voter. Le sénat propose et vote la loi, personne n’a en théorie d’autorité de véto sur ce dernier et ses compétences recouvrent presque toutes les questions. Ses membres sont élus pour une durée de 4 ans renouvelable de manière illimitée et censitaire. L’élection sénatoriale est le centre de la vie politique velsnienne. Les citoyens s’y réunissent dans le cadre d’Assemblées populaires divisées en classes censitaires selon leurs revenus, les comices. Ainsi, tout le monde vote en théorie mais le vote d’un citoyen de première classe aura par exemple beaucoup plus de poids électoral qu’un citoyen de huitième classe. Une grande partie de la population est de ce fait tenue à l’écart des activités politiques.

Drapeau

- La cour de justice : le pouvoir judiciaire est incarné par plusieurs acteurs selon la nature de l’objet des procès. De la même manière que les sénateurs, les juges sont élus au suffrage censitaire dans les villes où ils opèrent. Les jurés sont tirés au sort parmi les citoyens de première à troisième classe.

- L’administration territoriale : La Grande République est un Etat relativement décentralisé. Chaque ville possède ses institutions propres calquées sur le modèle de Velsna. Cependant, les décisions prises par le sénat de Velsna ne peuvent être renversées par les assemblées locales et Velsna à la primauté en matière militaire, diplomatique, éducative, de la santé publique et du commerce extérieur.


Principaux personnages :
Le conseil communal :
- Le Patrice : Erico Dandolo
- Le maître de l’Arsenal (chargé de la flotte militaire et à la diplomatie) : Mattéo Di Grassi
- Le maître de la garde (chargé de l’armée) : Patricia Constanza
- Le maître des balances (chargé à l’économie, au budget et au commerce extérieur) : Dino Scaela
- Le maître des universités (chargé à l’éducation et à la culture) : Tina Salieri
- Le maître des médecins (chargé à la santé) : Isabella Pizarro
- Le maître des canaux (chargé à l’infrastructure et à l’environnement) : Frederico Di Grassi


Politique internationale :
Depuis quelques années, le gouvernement au pouvoir a affiché ses objectifs à l’international : remettre la cité-état dans les rails de son Histoire et rétablir son influence économique et politique partout où elle peut. Cette ambition, ouvertement impérialiste, demande une politique volontaire et opportuniste. Tout ce qui est possible d’enrichir la cité doit être exploité. Velsna privilégie toutefois toujours la diplomatie et le commerce à la guerre pour arriver à ses fins.
Velsna ne se préoccupe guère de la nature des régimes politiques avec lesquelles elle traite à partir de l’instant où son commerce et ses activités boursières ne sont pas gênées. Naturellement, la République sera davantage disposée à traiter avec d’autres oligarchies ou à la limite des démocraties plutôt que des régimes monarchistes autoritaires (le pouvoir absolu est source de méfiance chez les velsniens) ou communistes (pour des raisons idéologiques évidentes).
5828
Un jour dans l'Histoire, Episode 1 : la bataille du Wetter, 12 octobre 1592


Si nous nous étions promenés sur les berges de l'ancien royaume de Wetter, en Zélandia, il y a 518 ans, nous aurions pu voir un spectacle que nous ne reverrions jamais plus. Imaginez donc: vous êtes un pêcheur zélandien qui vit sa journée comme il vit chaque jour. Là bas dans brume, au sud, des proues font leur apparition, il y en a de plus en plus. Elles fendent le brouillard comme du beurre en direction du nord. Leurs drapeaux flottent, ce sont des fleurs de lys rouges sur fond blanc, ce sont de grandes goelasses velsniennes, des galères lourdes de plsuieurs centaines d'hommes chacune. Et dans la direction opposée, vous voyez également apparaître des proues et des mats. Les drapeaux des flutes zélandiennes flottent au vent aussi, elles sont multiples et arborent l'insigne de leurs compagnies maritimes. Il est 8h du matin, les deux flottes se font face...et vous êtes au milieu.


Drapeau
La Bataille du Wetter, plan illustré par Francesco Scaela (1613)


Et si nous remontions encore un peu dans le temps. Car une bataille navale, cela a quelque chose de magnifique, mais c'est encore mieux si l'on sait ce qui l'a causée. Qui sont ses acteurs et pourquoi sont-ils là ?
Notre histoire commence quelques années plus tôt en Zélandia. Sur cette terre de plat-pays qui aujourd'hui une fédération de villes libres autonomes régnait autrefois des princes et des rois. Mais leur règne était fort troublé. Nous sommes au début de la renaissance et le pouvoir féodal décline de plus en plus au profit d'une bourgeoisie d'affaire citadine qui aspire à de plus en plus de privilèges économiques. La Zélandia est ainsi un royaume qui s'enrichit rapidement, trop rapidement pour assurer à ses souverains la stabilité du système féodal, d'autant plus que la Zélandia est précurseur dans la conquête coloniale. Et cet afflux massif de richesses va déquilibrer encore un peu plus la balance. Les rois sucessifs perdent ainsi petit à petit leur pouvoir effectif, notamment le contrôle du commerce, si bien que les grandes compagnies commerciales fondées pour assister la conquête de l'Aleucie finissent par agir de façon quasi-indépendante. Mais arrivé à la fin du XVIème siècle, les rois de Zélandia tentèrent une dernière fois de reprendre la main et essayèrent sans succès de limier l'autonomie de ces dernières. Peine perdue, le dernier roi de Zélandia est destitué en 1589 et laisse place à un nouveau gouvernement, l'Alliance de Zélandia.
Mais ce n'est pas la fin de l'Histoire, le roi n'a pas encore joué son va-tout. Celui-ci prend la route de l'exil jusqu'à la pourtant rivale République de Velsna. A cette époque, la cité sur l'eau est en train de perdre la course aux colonies face à ses rivaux du nord et la naissance des compagnies zalandiennes a fait s'effondrer les profits des routes commerciales velsniennes, autrefois jalousement gardées par les riches patriciens de la ville. Jouant sur d'anciennes alliances matrimoniales entre l'ancienne famille royale et diverses lignées de Velsna, le roi finit par gagner assez d'appui au Sénat pour pousser Velsna à déclarer la guerre à la nouvellement crée Alliance de Zélandia. C'est ainsi que nous nous retrouvons dans cette situation le 12 octobre 1592.

La dimension des forces en présence est inédite pour l'époque. D'une côté, la Marineri de la République de Velsna a mobilisé tout son arsenal et ses chantiers navals pour la confrontation. Le Maître de l'Arsenal de l'époque lui-même, Umberto Salieri est présent, situé en plein cœur de son dispositif sur sa galère amirale, la Bella. Il dispose avec lui de modèles de galères à l'efficacité éprouvée, parfaitement conçus pour les combats en haut-fond et la navigation en cabotage, ce qui a l'air de correspondre avec la configuration classique d'un combat sur les berges du Wetter. En tout et pour tout, on compte 103 galères velsniennes, soit la quasi totalité des effectifs militaires de la République.


Drapeau
Illustration de galère velsnienne, fin XVIème siècle

En face, ce sont les grandes compagnies zélandiennes, la WZNC et la SNOC sous le commandement unifié de l'Amiral De Ruyter qui fournissent un effort considérable: 83 navires. Un chiffre certes inférieur à la Marineri, mais qui comporte des navires dotés d'innovations technologiques dont sont dépourvues leurs adversaires. En effet, c'est à cette occasion que les velsniens découvrent avec stupeur un nouveau type de navire zélandien: la flûte zélandienne vient de faire son apparition sur les champs de bataille. A l'origine navire de commerce, la flûte peut également être lourdement armée tout en bénéficiant d'un tirant d'eau bien supérieur aux navires velsniens. Dans des hauts-fonds, cet avantage serait négligeable certes, mais la chance va tourner au profit des compagnies zélandiennes...


Drapeau
Flute zélandienne, peinte par Bart Delawoevre (1609)


Vers 8h, alors que le combat s'apprête à s'engager, un vent de nord vient frapper de plein fouet la flotte velsnienne. Celle-ci qui avait une position des plus avantageuses est alors contrainte de manoeuvrer plus loin de la côté, certains navires sont séparés de la ligne tandis que d'autres partent à la dérive. Cinq flutes zélandiennes prennent alors l'initiative et percent de face la ligne velsnienne sans que ses navires ne soient capables de les intercepter. Les flutes, vent de dos, passent sur les arrières et harcèlent la ligne de réserve de la Marineri tandis que les deux flottes engagent leur ligne principale.


Drapeau
La bataille du Wetter, Pietro Garibaldi (1670)


Le combat dure deux longues heures. La difficulté de manœuvre, le débordement des flutes zélandiennes sur leurs arrières et la dispersion de flotte de la Marineri s'avère fatale. La ligne finit par se briser lorsque la nouvelle se répand parmi les navires que Umberto Salieri est mortellment touché par un tir d'arquebuse. C'est la débandade.

Le bilan est lourd: si l'Alliance Zélandienne a essuyé un lourd tribut d'une quinzaine de navires, ce n'est rien par rapport aux pertes de la Marineri. 71 des 103 navires de la République sont coumés ou capturés.

Les conséquences sont multiples. Plus jamais un roi ne menacera la Zélandia et l'installation au pouvoir des grandes compagnies est assurée. A Velsna, la défaite provoque la destitution immédiate du Conseil Communal en place.Sur le long-terme, cette défaite ferme la porte aux ambitions coloniales velsniennes qui ne limitera sa précence en Aleucie à quelques comptoirs, tandis que la Zélandia se dirige vers un âge doré. Cette bataille scelle ainsi un basculement de rapport de force dans la Manche blanche. Sur le plan militaire enfin, la bataille du Wetter est le dernier affrontement naval où Velsna solicite des galères. Peu après la défaite, la majorité des puissances de la région adotèrent le modèle de la flute zélandienne, Velsna y compris.
4416
Un jour dans l'Histoire, Episode 2 : la conjuration de Lorenzino, 11 janvier 1602




Nous sommes le 11 janvier 1602. La nuit est froide et humide. Les festivités du nouvel an ne sont pas encore très loin. Dans cette Velsna du début du XVIIème siècle encore meurtrie par la guerre qui a eu lieu entre la République et la Zélandia, un tyran s'est imposé au mépris de toutes les autres familles patriciennes de la ville. Le tyran dort, mais la fenêtre de son superbe endroit de logis est restée ouverte...par inadvertance ? Ou laissée de manière volontaire par un domestique qui ne savait que trop bien ce qui arriverait ? Nous ne saurons jamais. Mais toujours est-il qu'un Homme s'y glisse. Il est maigre et chétif, et porte des habits noirs et un masque de carnaval, le masque de la mort. L'intrus se porte à hauteur du somptueux lit à baldaquin du tyran. Il se fige au dessus de lui lorsqu'il voit son visage endormi: il lui ressemble tellement... L'assaillant hésite, mais finit par prendre son courage à deux mains. Il couvre le visage du tyran d'un épais oreiller. La victime se débat pendant près d'une minute, des coups de poing partent dans l'estomac et les côtes de l'assassin qui ne lâche pas prise. Il appuie aussi fort qu'il peut et son emprise est ferme. Mais il pleure. Ainsi s'achève la conjuration de Lorrenzino.

Drapeau
Le Palais du Patrice, peinture par Francesco Scaela (1633)


Qui est donc Lorenzino ? En premier lieu, ce n'est pas un prénom, plutôt un surnom péjoratif consacré à la petitesse et à la fourberie du personnage. Son véritable nom fut Lorenzo Squilacci. Membre d'une éminente famille patricienne de Velsna, Lorenzo est un jeune homme de l'extraction la plus favorisée qui soit. Rien ne lui est refusé en tant que fils de sénateur, surtout qu'il est le frère de l'un des plus grands personnages de la République, Giaccomo Squilacci. Ce dernier, sénateur lui aussi, connaît une ascension fulgurante au poste de Maître des Canaux. C'est un Homme ambitieux et assez intelligent pour gravir les marches du pouvoir de la République sans se faire assassiner en chemin. En comparaison, Lorenzo n'a rien de cette énergie. Son manque de volonté à vouloir s’élever, son goût pour les plaisirs vains et éphémères de la débauche lui valent bientôt d'être un sujet de moquerie parmi les grands de la cité, qui le surnomment bientôt ainsi: Lorenzino

Drapeau
Lorenzo Squilacci

Mais un événement extérieur allait précipiter son existence ainsi que celle de Giacommo. Le 12 octobre 1592, le Maître de l'Arsenal d'alors meurt au combat lors de la bataille du Wetter face aux zélandiens. Les patriciens enragés par la défaite destituent le reste du Conseil Communal et nomment de nouveaux magistrats. A la surprise générale, Giacommo Squilacci est nommé Maître de l'Arsenal. Les patriciens regrettent bien vite ce choix car Giacommo, en plus d'être ambitieux se révèle être un Homme cruel, qui s'arroge rapidement des pouvoirs extraordinaires, fait assassiner les sénateurs qui lui sont opposés avec l'appui d'une partie de la population qui à cœur de se débarrasser d'une élite dont la corruption a été pointée du doigt pour justifier le désastre du Wetter. Le 24 décembre 1601, jour de réveillon, le Patrice de Velsna est retrouvé étranglé dans ses quartiers. C'en est trop pour les sénateurs qui dés lors s’attellent à l'élimination de Squilacci. Mais à leur surprise, ils trouvent un allié de poids en la personne de Lorenzino, secrètement défenseur de la République malgré tous ses vices, quitte à devoir en finir avec son frère qui l'a méprisé toute sa vie.
Un plan se met rapidement en place : il faut retourner le peuple contre Giacommo, sans quoi il sera vulnérable. Lorenzino fit alors ce qu'il savait faire de mieux : être détesté. Le jeune homme précipita son frère dans un pente du vice, de la débauche et de la violence. L'invitant à toutes les soirées mondaines les plus sordides et étranges, aux plus grandes orgies, aux plus grandes célébrations du déclin de Velsna. Les deux hommes se rapprochent durant ces dernières semaines de la vie d tyran, plus qu'ils ne l'avaient jamais été. Très vite, les bruits fusent de plus en plus dans les rues de la ville, parmi les gens du commun. Giacommo Squilacci se serait enfoncé dans le stupre jusqu'à assassiner et violer ses servantes, jusqu'à agresser des individus de passage dans la rue pour son bon plaisir, maudire toutes les églises et basiliques qui étaient sur son chemin aviné. La campagne de dénigrement porte ses fruits, le Maître de l'Arsenal est de plus en plus isolé, il est temps de frapper.

Ainsi, c'est dans ces conditions que Lorenzino s'est glissé cette nuit dans la chambre de son frère et l'a étouffé dans son lit. Un fratricide, un des pires crimes. Pour la sauvegarde de la République. Mais la vie ne donnera aucune récompense à Lorenzino. Il gardera toujours cette image d'enfant-démon qui a secondé Giacommo dans ses pires vices. Pour le peuple de Velsna, il est aussi coupable que son frère. Voulant cacher leurs liens avec l'assassin, les sénateurs de Velsna choisirent alors de l'exiler malgré le fait qu'il eu sans doute sauver la République. Lorenzo Squilacci mourra dans l'exil et la misère, mais son suicide ne fit pas grand bruit dans la cité qu'il eut aimé.
4949
Un jour dans l'Histoire, Episode 3 : Une fondation qui n'en était pas une, 17 Aout 793




Nous sommes le 17 Août de l'an 793. Un petit groupe d'individus accoste dans une lagune marécageuse et inhospitalière. Autour d'eux, ce paradis pour moustiques n'a pas l'air l'endroit idéal où fonder une cité. Leurs premières constructions sont de simples maisons en torchis et en chaume bâties sur pilotis. Ils enfoncent de grands troncs dans le sol mouvant pour y faire office de fondation, technique de construction toujours utilisée de nos jours à Velsna. Très rapidement, ce petit groupe se dote d'institutions et élisent le premier Patrice de la cité dont les pouvoirs sont encadrés. Cependant, il ne faut pas réduire la fondation de Velsna à une simple date : ces gens ne sont pas les premiers latins du sud à fouler cette lagune et leur installation n'a rien d'un hasard. Penchons-nous donc plus sur cette histoire au delà de la symbolique des dates.

En réalité, cet acte de fondation cache une dynamique historique plus complexe, car la fondation d'une cité est bien souvent le résultat d'un processus long et lent. L'archéologie a démontré que les îlots de la lagune de Velsna sont occupés depuis au moins le Vème siècle à la suite de la baisse relative du niveau de la mer à cette période qui a permis à ces derniers d'émerger. Ses premiers occupants étaient de culture auccit dont la langue se rapprochait fortement des dialectes actuellement parlés dans le pays d'Auccitone et d'Aquitagne. Ils sont désignés par les premiers missionnaires de Catholagne traversant la région comme les « habitants des marais » qui vivent déjà en hameaux et exploitent les salines du bord de mer. Des fouilles archéologiques récentes suggèrent déjà une certaine densité de population, mais assument le fait qu'aucun centre de pouvoir notable y a été mis au jour. D'autres sites archéologiques situés aujourd'hui sous le niveau de la mer ont également confirmé l'existence de la cité auccit d'Aquilea, désertée au VIème siècle.


Drapeau
Reconstitution d'habitations sur pilotis du VIIIème-IXème siècle


Il ne faut pas y voir là une coïncidence. Le VIème siècle correspond à une grande série de bouleversements en Eurysie du nord, provoquée par des nouveaux arrivants venant du sud. Ce que l'on pourrait nommer improprement les ancêtres des velsniens modernes font donc leur entrée sur la scène politique de la région deux siècles avant la fondation historiographique de la cité. Cependant, on ne peut pas à proprement parler évoquer des « ancêtres ». L'installation des velsniens dans la lagune coïncide avec le déclin des cités auccit à proximité il est vrai. Mais les velsniens ne sont pas particulièrement nombreux et il y a fort parier que c'est une concurrence économique davantage que militaire ou territoriale qui a poussé les locaux à quitter leurs cités pour venir s’agréger au noyau urbain en train de se former sur la lagune. Velsna serait donc plus un creuset de population cosmopolite davantage que la descendance de cette population originelle largement minoritaire. Cependant, celle ci se constitue rapidement en élite politique qui impose son organisation du pouvoir et sa langue, si bien que dés le Xème siècle, l'auccit n'est plus parlé dans la région de la lagune.


Drapeau
Épée de type "velsnienne", répandue à partir des migrations du VIème siècle


La provenance de cette population « fondatrice » a longtemps posé question et ce n'est que depuis récemment que nous pouvons y trouver des réponses. La tradition veut que les velsniens soient issus d'une faction politique de la République de Fortuna qui a été chassée de la dite cité au VIIIème siècle. Une histoire romanesque fort séduisante mais entièrement fausse. Pour répondre à cette énigme en l'absence de sources écrites de l'époque pour les premières vagues migratoires, il faut faire appel à des linguistes. Le Velsnien est une langue latine du sud de toute évidence, avec de nombreux apports auccit, mais même en y retirant ces derniers, le velsnien présente des archaismes linguistiques qui ne sont pas propres à la langue principale de Fortuna. Il y a certes des expressions et des constructions grammaticales fortunéennes, mais le velsnien de manière générale présente plus de points communs avec les dialectes parlés en Manche Silice. Le siliquéen est ainsi considéré comme son plus proche parent, mais ce n'est pas tout. Si officiellement la cité est fondée en 793, elle ne se développe pas sur le plan territorial avant le Xème siècle. Comment expliquer cette période de latence ? En effet, jusqu'au Xème siècle, l'archéologie ne démontre pas un développement significatif mis à part la fusion urbaine des différentes communautés villageoises qui s'opère sous la houlette de ces migrants de Manche Silice qui étaient encore sous le contrôle politique de Fortuna.

La réponse se trouve à Léandre. Cette cité figure parmi les grandes perdantes de l'expansionnisme de Fortuna à partir de cette période. Les guerres entre les deux cités sont particulièrement bien connues des historiens, en particulier des sources fortunéennes. Et les apports linguistiques de Léandre au velsnien sont parfaitement vérifiables grâce à l'apparition de sources écrites au Xème siècle. Il y a donc fort à parier que ces conflits ont entraîner un exode massif de population vers Velsna qui n'était alors pas plus qu'un comptoir commercial. Après quoi la cité prend définitivement son indépendance de ses sœurs du sud.

Cet apport composite et progressif de population s'étalant du VIème au Xème siècle est certes moins attrayant qu'une fondation légendaire provoquée par des intrigues héroïques et tragiques, mais reflète mieux la réalité historique. Parfois l'Histoire est le domaine de nos déceptions...









7804
Un jour dans l'Histoire, Episode 4 : La bataille du bout du monde, 12 Novembre 1771




Nous sommes le 12 novembre d’une année chargée en évènements pour la Grande République. Un navire, perdu dans un océan de brume guette sa proie, tapie dans la brume. Au pays, la cité est de nouveau en guerre avec la Fédération de Zélandia, dorénavant dirigée par de grandes compagnies commerciales. Nous sommes alors en pleine « troisième guerre zélando-velsnienne », qui s’inscrit dans une série de conflits débutés à la fin du XVIème siècle entre les deux puissances et qui sont du XVème au XIXème siècle en rivalité commerciale constante. En effet, les deux nations présentent des points communs qui les condamne à être en concurrence : partage d’un même espace, mêmes ambitions commerciales et politiques et depuis la fin du XVIème siècle, deux régimes fondamentalement différents. La Zélandia est devenue une proto-démocratie dont les compagnies commerciales sont les puissances motrices tandis que Velsna demeure une République Oligarchique contrôlée par des patriciens aristocrates qui dirigent des flottes entières de commerçants. Bien que la bataille pour les colonies ait prit une tournure favorable aux zélandiens, la République n’a eu de cesse de parasiter le commerce de la Fédération en Aleucie, au point de tenter à nouveau l’implantation d’une colonie sur l’ïle du Nord, pourtant revendiquée par la Zélandia. Il n’en fallait pas plus pour déclencher ce qui sera la dernière guerre majeure entre les deux puissances, avant que d’autres acteurs n’éclipsent les deux pays dans la course à l’hégémonie de l’Océan de l’Esperance.

Ce tableau néanmoins, ne saurait être complet sans son personnage principal : le capitaine Vincenzo Albertini. Né dans une famille modeste de marins, Albertini est chose rare au sein de la flotte velsnienne : il a gravi petit à petit les échelons de la hiérarchie militaire au nez et à la barbe des plus puissantes familles de la cité. Cela lui vaut un certain mépris et moult tentatives pour l’empêcher de prendre le contrôle de flottes importantes. Frustrant certes, mais qui n’empêche pas le capitaine de progressivement se distinguer dans des théâtres d’opération secondaires au déclenchement de la guerre. Après 7 années de guerre cependant, les deux puissances sont toujours dans un état de statuquo et la Zélandia n’est toujours pas parvenue à chasser la Grande République de son comptoir en Aleucie, renommé Nowa-Velsna. Des moyens certes limités, mais qui peuvent s’avérer efficaces sont déployés par la Fédération afin d’en finir avec cette situation : la naviire de ligne de premier rang, Zwarte Amstergraaf, l’un des plus imposants vaisseaux de la flotte zélandienne avec 90 canons, tout juste construit avec les meilleures techniques de charpentrie de l’époque comme une coque à compartiments qui réduit les conséquences d’une faille structurelle de cette dernière et empêche le navire de couler à moins qu’une bonne partie de ses compartiments soient inondés.


Drapeau
Le Zwarte Amstergraaf, peint par Helmaan Van Kierken (1770)


Face à lui, la « frégate de 32 » de Vincenzo Albertini paraît sortir d’un autre âge est n’est clairement pas dans la même catégorie. Son navire n’est censé qu’être un navire d’harcèlement et de soutien, pas un vaisseau de ligne qui peut tenir le feu. Malgré cela, Albertini est victime des manœuvres politiques, monnaie courante dans la cité sur l’eau. Un groupe rassemblant une partie du Conseil Communal et d’amiraux envieux s’entend pour faire désigner le capitaine comme l’Homme é qui l’on confie la mission de se débarrasser de la présence zélandienne en Aleucie aux portes de Nowa Velsna. Albertini largue les amarres le 1er juillet 1771, sans même poser de questions sur le pourquoi de ce choix, déjà au courant de la raison. Mis au pied du mur, trois choix se présentaient désormais à lui : se battre et mourir au combat, refuser le combat et tomber dans la disgrâce ou remporter la bataille qui se profile.

Drapeau
L'Oro blanco, peint par Pepe Arribas (1759)

Un mois plus tard, l’Oro blanco, arrive enfin en vie des côtes de l’île du nord. Cependant, il n’y a aucune trace du Zwarte Amstergraaf sur la ligne d’horizon. Se pensant en sécurité, le capitaine prit bon port à Nowa Velsna dont la garnison est déjà assiégée par des régiments coloniaux Zélandiens. L’erreur que va faire Albertini durant ce siège va être à un cheveu de mettre fin à cette expédition de manière prématurée. En effet, le capitaine fit le choix d’aider les colons et la garnison à se défaire de la force d’invasion. Remontant en eau peu profonde, le navire pilonne les redoutes adverses où l’artillerie zélandienne avait été placée. Si cette opération est un succès et contraint les assaillants à lever le camp, le navire se retrouve en position vulnérable. Dans le cœur de la nuit, c’est ce moment que saisit le Zwarte Amstergraaf pour surgir. Il n’aura fallu que trois bordées tribord pour mettre en déroute l’Oro Blanco. Cette évasion n’est dû seul qu’au sens de l’improvisation du capitaine qui parvient à fuir dans le brouillard à l’aide de canots tirant son embarcation dont le gouvernail a été complètement détruit. Le capitaine eu alors le bon sens d’en abandonner quelques-uns à la dérive lumière allumée tandis que l’Oro Blanco éteignait toutes ses flammes. Cette première confrontation est une défaite cinglante qui achève de convaincre le capitaine qu’un duel loyal sera impossible. Il faut changer de tactique.

Le navire descend péniblement les côtes de l’Aleucie vers le sud et parvient à se ravitailler en vivres auprès des indigènes locaux, car le navire avait été volontairement délesté du plus possibles de denrées en vue du combat, il ne fallait pas rendre ce dernier incontrôlable et aussi lourd qu’un troupeau d’éléphants, comme le disait Albertini. Il fallait néanmoins toujours réparer tous les dégâts infligés durant le premier combat. Hors, aucun banc de sable ni aucune rade ne se trouvait dans la région. Le 12 juillet 1771, l’Oro Blanco est contraint de mouiller dans la port de la colonie de Sicherkrik, appartenant au Caratrad, lui aussi ennemi de la République. Les velsniens usèrent donc de ruse afin d’amarrer, changeant son pavillon pour un Zélandien et mettant en avant des marins parlant cette langue, ce que par chance Albertini disposait. Après quelques jours, le navire pu repartir, plus vite que prévu car le navire avait éveillé les soupçons des autorités coloniales.

A cet instant, deux choix de posent à Albertini. Rentrer à Velsna puisque la colonie velsnienne en Aleucie ne court plus de danger direct, ou poursuivre la chasse du Zwarte Amstergraaf de façon à ce que le risque soit définitivement écarté. Après d’âpres disputes avec le reste de l’équipage, la deuxième décision s’impose, Albertini devra désormais composer avec des hommes dont le moral commence à baisser constamment.

Les mois suivants se constituent d’un jeu permanant du chat et de la souris. A plusieurs répliques, les deux navires paraissent sur le point de s’intercepter, dont une seconde tentative infructueuse du Zwarte Amstergraff de prendre la frégate velsnienne par surprise. Finalement, c’est au terme d’un plan audacieux du capitaine Albertini que l’issue du combat va se jouer.

Vaincre l’adversaire en combat frontal constituait du suicide. Il fallait adopter une autre approche. La vue de pécheurs au large des côtes de l’Aleucie occidentale, après avoir passé le Golfe Alguareno, inspira une ruse au capitaine. Ce dernier fit cacher le pavillon du navire et procéder à une transformation radicale du navire, de sorte à ce que les zélandiens ne le reconnaissent pas au premier abord. Au vu de la solidité de la coque, la seule chance consiste à laisser approcher le navire de la Zélandia à portée d’abordage.

Le 12 novembre 1771, l’Amstergraaf approche du « navire baleinier » pour en extorquer les denrées. Les gueules des canons surgissent du pont inférieur et en l’espace de quelques minutes de canonnade face à un équipage désorganisé, le grand mât du navire de ligne s’effondre, la bête est incapable de se mouvoir. L’Oro blanco passe sur l’arrière, détruit le gouvernail et le pilonne de plus belle sur l’autre flanc. Après une demi-heure d’abordage durant laquelle les velsniens menés en personne par Albertini ont dû grimper sur le mât effondré pour atteindre le navire de ligne, le Zwarte Amstergraaf finit par se rendre, achevant ainsi la guerre zélandio-velsnienne dans ces eaux. Même si ce théâtre d’affrontement fut secondaire et qu’Albertini ne récolta jamais les lauriers de ce succès, il était définitivement entré dans la légende des meilleurs marins que la cité ait connue, bien plus que n’importe quel patricien qui a payé pour sa charge.


Drapeau
La bataille du bout du monde

La paix entre les deux puissances fut signée, et Velsna regagna des places fortes perdues dans les colonies. Peu s’en doutaient à cet instant, mais ainsi s’achevait la dernière guerre entre la Zélandia et Velsna.














10922
Un jour dans l'Histoire, Episode 5 : L'épopée des 10 000, 5 janvier 1592




Introduction

Nous sommes le 5 janvier 1592, et notre histoire commence avec celle d’un riche sénateur et aventurier, Augusto Zeferelli. Ce dernier rassemble plusieurs semaines durant aux portes de la cité de Velsna plusieurs milliers de mercenaires. Hommes en armes de la cité en majorité certes, mais également des aventuriers occitans, tanskiens et d’autres nations d’Eurysie de l’ouest…Deux choses rassemblent ces Hommes si différents à cet endroit précis : leur difficile métier de mercenaire qu’ils ont choisi bon gré mal gré, et la perspective du gain associée à cette activité. Ils sont au nombre de 10 000, soit une véritable armée. Et si l’on tient compte de la date évoquée, on pourrait aisément croire qu’il s’agit d’une énième expédition punitive de Velsna contre les possessions zélandiennes qui se prépare. Mais ce jour-là, cette armée de fortune se met en marche en direction du sud, vers les terres contrôlées par la Royaume de Teyla. Pourquoi donc ?
Pour comprendre, il faut revenir à la figure d’Augusto Zeferelli. Portant de bonne naissance et issue de l’une des plus grandes familles sénatoriales de Velsna, Zeferelli développe très rapidement des talents d’Homme d’armes et de militaire dans le cadre des guerres incessantes que se livrent Velsna et la Zélandia depuis le début du XVIème siècle. Mais la guerre n’est pas son seul talent, la logistique des troupes et leur gestion n’ont également plus de secrets pour ce vétéran confirmé. Ce dernier finit ainsi par monter sa propre armée privée pour vendre ses services à diverses puissances eurysiennes comme beaucoup de sénateurs le faisaient à cette époque. Cette troupe officiellement sans souverain, active à partir des années 1580 acquiert une bien solide réputation sur les champs de bataille, mais également une triste réputation dans les régions qu’elle traverse. Les 10 000, comme ils commencent à se faire appeler, écument ainsi plusieurs années durant l’Eurysie de l’ouest jusqu’au contrat qui allait provoquer le début de notre histoire.


De la passe de Velathri au siège de Manticore


Le Royaume de Teyla des années 1590, est alors en proie à une crise de succession inextricable entre les membres de la fratrie de la famille régnante. En effet, le roi légitime de Teyla, Georges II, est en lutte contre son jeune frère, Victor-Emmanuel. Ce dernier, en position de faiblesse, recrute ainsi les 10 000 afin de tenter renverser le rapport de force de la guerre civile, d’autant plus que le roi Georges serait sur le point de nouer un pacte avec la Zélandia dans le cadre de sa guerre avec Velsna. Ce 5 janvier, Zeferelli se met donc en route vers le sud avec ses 10 000. L’armée de mercenaires traverse le 19 janvier la passe de Velathri qui marque la frontière entre Velsna et Teyla, et quitte son territoire d’origine dont elle mettra bien longtemps à fouler le sol de nouveau…
Après deux semaines de marche à partir de la passe de Velathri, les 10 000 font enfin leur jonction avec leur employeur à quelques kilomètres au nord de Manticore. Le prince Victor-Emmanuel les reçoit en grande pompe et leur fait la promesse de grandes largesses dans le cas où sa lutte avec son frère se conclurait par sa victoire. N’ayant pas les ressources financières nécessaires à la fidélité de ces derniers, il leur promet une part de butin au cours de la prise de la cité. Séduis, les 10 000 acceptent d’assister le prince dans la conquête de la plus grande citadelle du royaume. Le siège de Manticore dure trois mois, durant lesquels les armées du prince ne parviennent pas à prendre la ville malgré la famine qui sévit dans les rangs des assiégés. Les 10 000, frustrés par une promesse qui tarde à venir, deviennent de plus en plus indisciplinés et la cohésion au sein du groupe faiblit, si bien que certains s’adonnent au pillage des campagnes avoisinant Manticore. Ces derniers se font bien vite haïr de la population et cet élément aura des conséquences désastreuses pour la suite des évènements.


Drapeau
Le siège de Manticore, peinture teylaise de Pierre Barré (1621)


En effet, Le 3 avril 1592, l’armée du roi Georges parvient à briser le siège au cours de la bataille des Champs-Dolents. Le prince Victor-Emmanuel est tué au cours des combats et ses vassaux se dispersent. Les 10 000 de Zeferelli se retrouvent ainsi sans employeur et sans aucun ravitaillement dans un territoire peuplés d’individus hostiles dont ils ne parlent pas la langue ni ne connaissent les coutumes.


Perdus à Teyla

Les Hommes sont partagés sur la route de retour à suivre. Les vassaux de Georges II et même d’anciens alliés du prince disparu se sont hâtés de bloquer la passe de Velathri où les mercenaires sont attendus de pied ferme. Ce chemin étant exclu, Zeferelli propose à ses soldats réunis en assemblée un plan audacieux : rallier Velsna en traversant le territoire teylais jusqu’à la frontière du Duché de Gallouèse, puis traverser le duché pour rallier les montagnes du Zagros qui séparent Gallouèse de Velsna. Beaucoup de comparses du sénateur qualifient cette approche de suicidaire. Autant par les embuscades que les teylais à leurs trousses pourraient leur tendre, que par la traversée des montagnes du Zagros dont la traversé au début du mois d’avril est extrêmement dangereuse. Il faudrait également négocier le passage libre avec la Gallouèse, qui n’allait certainement pas être ravi de voir une armée de mercenaires tenaillés par la faim traverser le duché. Le manque de cohésion de la troupe qui se ressentait déjà durant le siège éclate au grand jour lorsqu’un groupe de 2 000 mercenaires sous le commandement du chef de la cavalerie des 10 000, Goffredo Dangelo, refuse de suivre le plan et propose en lieu et place une idée en apparence plus prudente : partir vers le nord-est pour atteindre la façade côtière et négocier avec les habitants de la ville de Port-Adriland le voyage du retour par mer en direction de Velsna. C’est ainsi que le groupe se scinda dans la nuit du 5 avril 1592, les 8 000 hommes de Zeferelli de dirigeant vers l’ouest tandis que Dangelo tenta sa chance seul.


Drapeau
Carte de l'itinéraire des 10 000, en noir l'itinéraire de la troupe de Zeferelli, en bleu celui de la troupe de Dangelo


Malheureusement pour lui, le périple ne dura guère. Essuyant embuscade sur embuscade, les hommes de Dangelo parviennent tant bien que mal à passer la frontière de l’Adriland pour se rendre aux portes de la ville. Usant de ruse, se faisant passer pour de pauvres hères désœuvrés, les mercenaires réussissent à convaincre les magistrats locaux de les accueillir temporairement. Une fois dans les murs, profitant de la nuit, les mercenaires massacrèrent les habitants dans leurs lits et s’emparèrent de tous les vivres qu’ils purent trouver. Cependant, il n'y avait assez de navires que pour une centaine d’épées à louer et les troupes royales teylaises s’apprêtaient à arriver. Dangelo ordonna à autant d’hommes que possible de monter à bord des navires et de rejoindre Velsna, implorant en retour des renforts qui pourraient les sortir de leur situation. Lorsque les teylais arrivèrent sur place, il n’y eu pas la moindre négociation et le siège fut mis devant la ville. Dangelo et ses mercenaires furent battus et exécutés dans les jours qui suivirent leur reddition, après des combats d’une rare violence. Une centaine de mercenaires était parvenue à rallier Velsna sur les 2 000 que comptait l’expédition de Dangelo. Les sources historiques sur les « séparatistes » de Dangelo sont très parcellaires et principalement teylaises, en raison du fait que la principale source velsnienne de l’Epopée des 10 000, rapportée par l’aide de camp de l’expédition, Vito Morello, ne pas fait partie de ce corps. Un débat historique a toujours aujourd’hui cours pour déterminer les raisons du massacre des habitants de Port-Adriland. Certains commentateurs de l’époque à Velsna soulignent le fait que les embarcations des 100 survivants étaient chargées de butin, alors même que la place manquait sur les navires. On peut donc supposer que ces soldats ne sont pas partis avec l’accord de Dangelo, mais se seraient plutôt enfuis.

Pour les 8 000 hommes de Zeferelli, le trajet du retour ne faisait que commencer. Comme la troupe de Dangelo, l’armée de Zeferelli essuie embuscade sur embuscade sur tout son trajet entre Manticore et la frontière de Gallouèse. Mais l’armée, contrairement à leurs comparses partis à Port-Adriland, parvient à garder un sentiment de cohésion. Les quelques trains de ravitaillement sont déplacés de l’arrière-garde à l’avant-garde afin de garantir leur sécurité tandis que les troupes les plus lourdes les remplacent à l’arrière. Cependant, Zeferelli est contraint de vivre de la terre pour ne pas mourir de faim, ce qui signifie détrousser les locaux de leurs réserves de grain et de vivres. Ce ne sont donc pas seulement les soldats royaux teylais qui harcèlent la cohorte, mais également des paysans en quête de vengeance qui les suivent sur des distances plus ou moins longues. Les pertes restent toutefois acceptables grâce à la réorganisation opérée par le sénateur Zeferelli, et l’aide de camp Morello indique à la frontière de Gallouèse que l’expédition est encore composée d’environ 6 800 hommes à l’appel. C’est toutefois à ce moment précis que le voyage prend un tournant tragique.


De la trahison de Gallouèse au retour "triomphal"

Bien avant que la troupe n’ait atteint Gallouèse, Zeferelli s’empresse d’envoyer aux seigneurs locaux des demandes de laisser-passer jusqu’aux montagnes du Zagros, ce que l’un d’entre eux, le comte Marius d’Albo, accepta. Ce dernier invita Zeferelli à une rencontre à sa cour, dans le cadre d’un banquet somptueux où la plupart des chefs de l’expédition de rendirent. Vito Morello évoque cet évènement dans ses mémoires :

« Le comte nous traita avec les meilleurs égards. Il amena à nous les beaux plats que la Gallouèse pouvait nous offrir, à nous qui ne nous nourrissions que de céréales depuis des semaines. Même les hommes de notre troupe qui campaient aux pieds du château avaient été servis tels de grands seigneurs. Il endormit notre prudence en nous promettant des guides qui nous amèneraient au travers des monts Zagros. Je me sentis bien mal durant le repas et m’excusa auprès du Sénateur son excellence Zeferelli. C’est alors que je m’éclipsais que des soldats survinrent dans le dos de nos meilleurs officiers, et les égorgèrent. Les hommes du comte attaquèrent notre camp tandis que je m’enfuyais pour les rejoindre. Nous avions perdu tous nos meneurs et après notre fuite, on refusa de nous rendre leurs corps ainsi que celui de notre excellence sénateur. ».

Les « 10 000 » perdent environ 1 500 éléments dans ce massacre, que ce soit dans la tuerie ou la dispersion à la suite de la défaite. Il n’en revient qu’au seul survivant du corps des officiers, Vito Morello de rassembler autant de mercenaires qu’il peut dans une retraite précipitée vers le nord et les montagnes du Zagros, sans guide et en ayant perdu une grande partie de leurs provisions. Le trajet à travers les montagnes va s’avérer être la plus grande épreuve à traverser pour les « 10 000 ». La traversée qui débouche sur le retour en territoire velsnien s’étale sur 25 jours. Les relations avec les habitants des montagnes sont tout aussi difficiles qu’à Teyla et en Gallouèse. La colonne est harcelée à plusieurs reprises par ces derniers sur les hauteurs des chemins qu’ils parcourent, les traînards disparaissent par dizaines et les effondrements et éboulements coûtent un nombre important de soldats. Le froid fait également fondre l’effectif des survivants et la troupe ne doit son salut qu’aux talents de négociateur de Morallo avec des guides locaux qui finissent par le faire déboucher sur la plaine de Velsna.


Drapeau
La bataille du col du clapier face aux habitants des montagnes, peinture velsnienne de Timo Vinola (1617)


Le peuple de Velsna voit arriver le 12 juin 1592 une troupe dans un état pathétique, sans chef, amaigris et débraillés de leurs équipements usés et brisés. Ils ne sont plus que 2 900 sur les 10 000 ayant prit la route de la passe de Velathri. L’expédition des 10 000 constitue un échec financier et militaire absolu pour ceux qui y ont participé. Mais les « 10 000 » sont à leur retour célébrés dans toute la cité. L’expédition des 10 000, narrée par le récit de Vito Morello, « la Teylabase », demeure encore aujourd’hui un monument de la littérature velsnienne. Pendant longtemps, la figure de Zeferelli restera celle d’un aventurier malheureux et entreprenant et cette expédition, si elle n’a pas enrichit les mercenaires, a enrichi l’imaginaire de générations de velsniens.
7470
Grande Histoire des guerres celtiques
Lazziano Bertoldi di Canossa


Livre I : de la venue du peuple des Velsniens dans le nord et de leurs premières rencontres avec les « gens de l’île des celtes »



Je chante cette suite de combats qui ont porté aux cieux la gloire des fils de Fortuna et de Léandre, et forcer les gens des contrées celtiques d’Achosie à entrer sous leur joug éclairé.
Viens célébrer avec moi le plus noble effort de nos antiques héros, dis-moi combien de d’Hommes nobles découvrirent la plus grande des gloires, où l'on vit la perfide race des hommes peints, violatrice des plus élémentaires règles de la vie, se lever en armes pour lui disputer l'empire du monde. La fortune chercha longtemps dans lequel de ces deux peuples elle établirait le gouvernement de l'univers : deux fois malheureux dans les combats, les généraux achosiens jurèrent une alliance sur l'autel de la trahison. Deux fois ils violèrent la générosité du sénat, et, reprenant un glaive impie, se laissèrent entraîner à rompre la paix de dieu, objet de tous les vœux des velsniens.

Ce fut dans la plus grande de toutes les guerres, que l'on vit les deux peuples accumuler leurs biens pour mettre fin à la lutte et s'anéantir l'un ou l'autre. Quelle fut la cause de ces gigantesques fureurs, de cette haine éternelle couvant dans nos âmes, de ces armements, dont les pères confièrent l'héritage à leurs enfants. C'est à moi de le raconter, à moi de pénétrer les secrets des temps anciens : je vais dire l'origine de ces grands errements.

Tout commença par des temps lointains où les fils de Fortuna et de Léandre établirent le pomérium sacré de notre cité. Là, nos pères achetèrent aux rustres occitans, au poids de l'or, un territoire suffisant. Ils y bâtirent une ville nouvelle, dans toute l'étendue du rivage que lui permettait d'embrasser la limite qu’ils dessinèrent dans la terre. Sur la lagune qui était désormais cité, les velsniens cherchaient la paix de dieu et la tranquillité de leurs âmes.
Notre cité grandit prospère et les velsniens multiplièrent. Mais la jalousie et l’envie étaient le caractère dont la nature avait doté les gens occitans, qui prirent les armes contre les enfants de Fortuna à de grands et nombreux combats qu’ils remportèrent par la bravoure des antiques héros plutôt que par le nombre. Les velsniens donnèrent aux gens des contrées sauvages des occitans leur gouvernement et les firent grandirent en cités-libres, leur faisant un grand cadeau de l’amour de leurs institutions.

Commentaire : dans ce court passage, l’auteur fait une allusion évidente aux guerres occitanes qui s’étalent du IXème au Xème siècle. Au cours de cette période, Velsna entre dans une phase d’expansion agressive qui aboutissent à l’assimilation des populations occitanes de l’actuel territoire métropolitain de Velsna. L’établissement d’après l’auteur de « cités-libres » constitue une preuve du caractère achevé de la conquête. Les sources écrites étant lacunaires et les sources archéologiques incomplètes, il est difficile d’établir avec certitude la cause initiale de ces conflits larvés, ni même qui en est le fautif originel. Néanmoins, l’expansion démographique et économique de la cité de Velsna mentionnée par l’auteur constitue un indice penchant davantage vers une responsabilité velsnienne. La brieveté du passage peut également être perçue comme un aveu indirect du manque de sources auquel Lazziano a dû faire face, ce dernier se fondant sur des sources orales et mythiques.

La cité grandit si riche de l’amour de sa patrie que bientôt, les enfants de Fortuna et de Léandre cessèrent de se nommer ainsi, et lui préférèrent le nom de velsniens, ô expression de la perfection et de la justesse de ce monde.

Commentaire : Lazziano peut ici faire référence au détachement politique progressif entre Velsna et Fortuna à partir du XIème siècle, dont témoigne des sources écrites fortunéennes à la même période. En effet, bien que fondée à la fin du VIIIème siècle, la cité ne semble pas avoir jouit d’une indépendance politique jusqu’à cette date. Cet évènement semble avoir accéléré l’expansion velsnienne au-delà de ses rivages.

Bientôt par l’amour que dieu offrit à la cité, Velsna offrit au monde de bien grands navires brillants par la richesse de leurs biens et parcourant l’étendue de l’univers, et en fit don à leurs peuples de par toute la Manche Blanche. Mais quand les achosiens de la cité de Caelan Manor virent Velsna, lancer ses flottes par-delà les mers, et promener sur toute la terre ses drapeaux victorieux, alors, redoutant un danger de jour en jour plus certain, elle inspira à ses hommes la fureur de la guerre et la fourberie qui était leur propre. Dieu frappa les achosiens de la jalousie et de l’envie de tous ceux qui croisaient le chemin des navires velsniens, qui se lancèrent dans une cruelle piraterie assouvissant leurs pires desseins. Les sages de notre Sénat eurent à protéger nos navires de l’infamie de cette race en y envoyant sur leurs terres des occitans à louer service portant le nom de Strombolains.

Commentaire : Lazziano met là la piraterie achosienne comme étant l’une des causes de la 1ère guerre celtique. Cependant, il omet de préciser que le commerce entre Velsna et les cités qui forment la République d’Achos est extrêmement dynamique depuis le début du XIIème siècle. Les fouilles archéologiques mettent ainsi en évidence sur l’île celtique l’influence économique et culturelle déjà très présente de Velsna à cette période. La piraterie n’est sans nul doute pas le seul motif de cette guerre. De plus, il semble qu’Achos et Velsna partagent une organisation politique semblable dès le XIème siècle : la rencontre entre velsniens et achosiens n’a donc rien d’un fait « exotique » et ces deux populations semblent s’influencer mutuellement depuis une période relativement ancienne au moment où Lazziano écrit son récit.

Les strombolains et leur chef Ménéon, belliqueux occitan vaincu par la reine des cités, qui avait tant apprit de notre langue et de nos mœurs furent le bras du Sénat en Achosie. Avec de grands bateaux firent le siège de Caelan Manor, perchée sur son île en son nord de l’île celtique. Forts désœuvrés furent-ils de perdre une première fois et de devoir imposer aux achosiens la fourberie que ceux-ci ont imposé à l’univers. Alors la nuit qui venue, Ménéon fut-il dans son obligation de se passer pour un chef de la cité voisine de Kheoles pour entrer dans la cité. Ces étrangers abandonnant enfin volontairement les armes, furent reçus à Caelan Manor comme amis et compagnons d’armes. Mais dès la nuit suivante, ils égorgèrent tous leurs gens et se rendirent maîtres de cette ville et la nommèrent Strombola, qui dans leur langue barbare fut le nom de l’un de leurs dieux de la guerre avant leur conversion par notre bonne cité.
Achos était en fureur et déclarait guerre et haine à Ménéon. Ils pleuraient leur cité de pirates et de gens de mauvaise fortune que la justice du destin avait frappé. Les achosiens jurèrent alors de se dresser contre la justesse de la cause des strombolains. Et les strombolains, dans la connaissance de cet amour de la justice que portait Velsna envers toute créature de la Terre, les appela à leur aide, qui n’arriva que l’été suivant. Les Strombolains qui s’étaient établis, s’y étant extrêmement accrus en nombre venant du continent, avaient muni de garnisons plusieurs forteresses de l’île dont ils avaient fait leur juste foyer. Et ayant levé leur armée de braves, ils se disposaient à défendre toute leur île d’une irruption dont elle était menacée. Mais Ménéon eut fait face et souffrit beaucoup des succès des achosiens qui répondirent à la lâcheté de leurs aimés pirate en affamant l’île de Strombola. Les achosiens dirigés par un chef portant le nom impie de MacDonagh prirent la cité de Miles, et fait prisonnier quinze cents strombolains, et après la conquête de quelques autres villes, marcha vers Henea, et Agyra, toutes des villes fondées par les strombolains. Agyra fût extrêmement forte et défendue d’ailleurs par une bonne garnison, il la prit, la rasa et en executa la garnison qui fut fort courageuse et généreuse face à la mort. De là, McDonagh prit ses lances de guerre et se mit en marche contre Strombola et réduisit toute sa campagne à la mort. Ces succès mirent d’abord les strombolains fort à l’étroit.

Les velsniens furent très émus des souffrances de Strombola et le peuple cria au Sénat à la guerre. Un messager de Ménéon eut fait un récit héroïque de ses compagnons à la mort, et beaucoup pleurèrent parmi les sages du Sénat. Velsna eut alors envoyer Géla Diatore auprès des achosiens pour déclarer la guerre à leur peuple.
7246
Grande Histoire des guerres celtiques
Lazziano Bertoldi di Canossa

Livre II : de la première guerre des celtes et de la médiocre fourberie de McDonagh





Dieu avait décidé de la cruauté du destin en ramenant les velsiens à la guerre, qu’ils avaient de tout cœur évité, peuple paisible que notre cité a toujours été.

McDonagh, fils de Gaenor, se portant aux portes de Strombola, et ayant assemblé des grandes troupes dont on disait qu’elles assemblaient beaucoup de peuples, s’avança sur l’île, et après avoir posé son camp auprès de cette ville, il y laissa son armée porter secours à ses amis pirates. De là venant lui-même de l’autre côté du rivage de l’île en sa République d’hommes peints, il y fit bâtir une citadelle, et en coinça tout bateau qui viendrait en aide à Ménéon. Il y reçut des ambassadeurs de tout Achos et leurs consuls : car, conspirateurs que leur peuple était toujours, ils étaient déjà convenus ensemble de se réunir contre les velsniens, si Ménéon se sortait pas incessamment de l’île dont il avait fait possession par le droit des armes. Les capitaines sonnèrent les trompes de guerre et leurs marées immenses de barbares auprès de Strombola. Mcdonagh posa son camp sur la colline qu’on appelait Yr Wyddfa et qui disaient les achosiens, était la tombe d’un ancien et grand chef de leur peuple. Les achosiens se portèrent sur un terrain aplani qu’on appelait les lits, après que leur flotte se fut saisie d’une tour placée dans l’eau près du rivage et qu’on appelait la monstrueuse, d’où ils battaient continuellement la ville des héros strombolains.

Dès que le peuple velsnien fut instruit de cette entreprise funeste et criminelle, il envoya le sénateur Géla Diatore, bien accompagné, qui arriva très tôt à Strombola. Le sage sénateur dispute à McDonagh et aux achosiens les héros de Velsna qui les somment de lever incessamment le siège de la cité, promettant de son côté et à la face de la Terre de ne point faire la guerre aux achosiens. Celui-ci répondit qu’il attaquait Ménéon pour avoir réduit à la mort toute la campagne de l’île, et pour s’être saisi de Caelan Manor par fraude et trahison. Il cria fort qu’il ne convenait point aux velsniens de protéger une nation qui foulait aux pieds toute fidélité humaine, et qui s’était souillée de meurtres qu’elle s’était facilités par la trahison. Qu’ainsi les velsniens continuant une guerre si injuste, feraient voir à toute la terre que sous prétexte de la protection des malheureux, ils ne tendaient en effet qu’à l’augmentation de leur puissance, et à s’emparer avant toute chose de l’Achosie. Diatore rappela aux achosiens la nature pernicieuse des gens de Caelan Manor et de leur race. Qu’ils étaient pirates et voleurs et que le mérite et la fortune de dieu a sourit à Ménéon, qui fut le héros qui leur amena la mort. Diatore avec un bâton dessina un cercle dans la terre autour des consuls achosiens et de leur chef qui apportait la guerre. Il dit aux achosiens : « Voici le cercle de la guerre que le Sénat du peuple de Velsna dessine autour de vous. Que vous le traversiez en ma présence et les trompes de guerre s’abattront sur ces terres. Que vous restiez en votre endroit et la paix sera si vous enlevez vos hommes des remparts de Strombola. ». McDonagh piétina le cercle dans son mépris de la paix, et la plus grande de toutes les guerres fut alors face aux héros de Velsna.

Commentaire : Ce passage tranche radicalement avec le reste du récit. En effet, il s’agit de l’un des rares moments où Lazziano adopte le point de vue des achosiens (qu’il tempère avec l’intervention de Diatore qui doit être en partie inventée). Cela peut s’expliquer par le fait qu’en absence de source fiable velsnienne sur les évènements du siège, l’auteur a été contraint de se saisir de témoignages achosiens, en les remaniant bien évidemment. Cela peut transparaître également du fait du changement radical du style d’écriture, beaucoup plus synthétique et moins marqué de références culturelles exclusivement velsniennes.


Peu de temps après, les achosiens eurent été vaincus dans un combat qu’ils hasardèrent contre les strombolains et l’armée de notre République, encore faible en nombre sur ces terres, mais déjà constitué de nos héros. Diatore reprit toutes les contrées de l’île de Strombola, mais ne s’aventura pas au-delà du détroit qui la séparait de l’Achosie. Car l’hiver était un cruel maître qui paralysait les hommes et les cœurs, et le nombre des velsniens vaillants était dans l’attente des navires innombrables de notre République, piégés par les mauvaises tempêtes de la Manche Blanche. Le sénateur Diatore passa alors ses garnisons d’hiver à assurer la justice de notre cité auprès des achosiens de l’île passés sous le joug de sa générosité.

McDonagh avait fui dans la lâcheté et l’inconstance qu’il est connu de son peuple. Il conspira alors en ses terres avec les consuls achosiens pour rassembler toute la misère que le monde pu offrir à Velsna en vue de l’été, amena de Kheoles, trente mille hommes de pied, six mille hommes de cheval, et de grandes machines dont il caressait l’espoir qu’elles brisent les murs de Strombola. Je me rapporte à la parole de mon compatriote Philinus de Velcal pour ces mots. McDonagh parcouru toute l'Achosie et alla même à Caratrad, usant de mots vils pour se rallier toutes les tribus et les cités de son univers, jusqu’à ce que les consuls d’Achosie lui accordent leur fidélité. McDonagh sur ces avantages poursuivit la guerre contre les enfants de Fortuna et de Léandre. Mais l’été d’après perdit en deux combats quinze mille fantassins, deux cents cavaliers, et l’on fit sur lui trois mille cinq cents prisonniers de guerre.

Commentaire : Il faut noter la mention d’un autre auteur antique contemporain de la 1ère guerre celtique, ce que Lazziano n’est pas. On ignore à quel point ce dernier a pu reprendre son travail car malheureusement, toute trace écrite du travail de Philinus de Velcal a disparue. On peut à notre avis, lui attribuer les chiffres l’exactitude des évènements qui suivent dans le récit du Livre II.


Les héros de Velsna en plus grande multitude que l’année précédente, avaient débarqué au printemps et firent le siège de la citadelle de Caerwys, sur la pointe du nord d’Achosie que McDonagh avait armé de la plus grande détermination que sa faiblesse naturelle le permettait, et pour faire du grand mal aux strombolains de Ménéon. Les velsniens du sénateur Diatore se portèrent au secours et inspirèrent la vaillance à leurs compagnons qui firent cet été la connaissance de l’île celtique. Ils infligèrent dommage et mort à McDonagh et à sa troupe. Enfin velsniens, après un siège de dix mois se rendirent maîtres de Caerwys, où ils firent plus de vingt-cinq mille captifs. De leur côté ils avaient perdu dix mille hommes de pied et quatre mille cinq cents cavaliers. Leur fatigue et leur courage avaient été dérobées par la férocité des combats et la sauvagerie des achosiens, et ils devinrent tributaires de la terre car dieu infligea aux velsniens une défaite dans les eaux de Stromboli lorsque les achosiens détruisirent une grande part de notre flotte et de notre grain, et que les tempêtes de la Manche Blanche emportèrent leur reste. Ils élevèrent des murs et des tentes pour faire de Caerwys leur ville, et ils changèrent son nom en Velathri pour y faire venir leurs femmes, leurs enfants et leurs pères.

Les achosiens étaient en grande fureur auprès de McDonagh et lui donnèrent une punition en argent, après l’avoir dégradé dans sa dignité de chef. Et ils donnèrent à Merwyn Gwyndel le commandement de leurs guerriers que la fortune avait abandonné depuis plus d’une année. Ils construisirent autant de navires que pouvait contenir l’horizon pour réduire les velsniens qui hivernaient à Velathri à la famine, et pour empêcher les enfants de Fortuna et de Léandre de se porter à leur secours.

Les velsniens étaient portés par la fortune et la victoire sur les terres, mais les mers appartenaient toujours à l’ignominie des achosiens qui avaient fait forteresses de leurs endroits de repos des navires. Les héros de Velsna passèrent alors le nouvel hiver à les déloger pour ne plus donner de repos aux marins que sur les flots. Les velsniens ne pourraient pas ramener de bateaux d’ici le printemps et les sages du Sénat étaient entrés dans la crainte que la nouvelle flotte ne subisse les foudres de la trahison coulant dans les veines des achosiens.
7058
Grande Histoire des guerres celtiques
Lazziano Bertoldi di Canossa

Livre III : de la mise au pas de l'océan et du triomphe de notre justice





Nos ancêtres sont arrivés par la mer, tel que je l’ai dit dans notre Grande Histoire. Ils ont reçu le don de dieu de lire les étoiles et se repérer dans les flots infinis lorsque le rivage n’apparaît plus à l’horizon. Et ce dernier en fit de même avec les achosiens. Il revenait au destin de faire la part, de trier le bon grain et le mauvais dans la plus grande de toutes les guerres qui secouait la Manche Blanche. Celle de Velsna et d’Achos.

En Achosie, le sénateur Diatore envoya aux consuls d’Achosie une ambassade, pour parler des conditions de la paix, car pour lui, dieu avait décidé de confier la victoire aux velsniens. Les achosiens accueillirent ses offres avec grande rage et cruauté, et tuèrent les porteurs de la paix. Ils renvoyèrent un messager à Diatore, lui ordonnant dans leur orgueil de quitter l’île avant que ses velsniens ne meurent par la faim. Ils menacèrent les femmes et les enfants de Velathri, desquels ils ignoreraient les principes de la guerre en leur faisant grand mal. Les achosiens étaient maîtres de la mer, Diatore et nos héros pouvaient craindre de voir leurs communications coupées de tous côtés. Déjà ils vivaient de la terre et la troupe qui avait passé en en Achosie avait déjà souffert de la disette.

Les sages du Sénat avait fait leur la cause de construire des centaines de grands navires car les achosiens faisait indéfiniment pencher la balance d'un côté avec leurs propres bateaux, aussi rustres qu’ils étaient. Les achosiens vinrent plusieurs étés ravager les côtes de Velsna, sans qu’on ne pût jamais y faire quelque chose. Aussi les velsniens se décidèrent-ils à les affronter sur la mer par tout temps et toute saison. C’est dans cette grande histoire que les velsniens ont constitué leur première flotte parée pour la guerre. Les enfants de Fortuna et de Léandre équipèrent cent bâtiments à cinq rangs de rameurs et vingt à trois rangs. Mais ils n'avaient pas d'ouvriers assez expérimentés pour construire des bâtiments à cinq rangs, dont personne à Velsna ne s'était encore servi, aussi furent-ils dans un grand embarras. Mais c'est dans cet instant qu’on pût voir la hardiesse et l’audace de nos pères, car sans posséder les ressources nécessaires, que dis-je ? Sans en posséder aucune, sans avoir l’expérience de la guerre sur la mer, nos sages formèrent subitement ce projet et l'exécutèrent avec tant d'audace que du premier coup ils s'attaquent aux achosiens, maîtres de la mer depuis des temps fort anciens. Autre preuve de la justesse de fines réflexions et de la hardiesse inouïe de nos pères. Lorsqu'ils entreprirent de faire passer leurs troupes en Achosie, non seulement ils n'avaient pas un vaisseau ponté, mais pas un navire de course, pas une chaloupe, pas le moindre bâtiment. Ils empruntèrent aux cités de la Manche Blanche, chez les zélandiens et chez les tanskiens, et autres peuples barbares, et c'est sur ces vaisseaux qu'ils osèrent faire passer la mer à nos héros. C'est pendant cette traversée que, la flotte des achosiens les ayant attaqués, un navire ponté fonça sur eux avec trop d'impétuosité, s'échoua et tomba entre leurs mains. Il leur servit de modèle pour la construction de toute une flotte, mais, sans cet accident, notre inexpérience nous aurait évidemment empêchés de mener à bien notre entreprise de justice.

Commentaire : Il est difficile de spéculer sur l’étendue de l’expérience de la guerre navale que les velsniens possédaient avant cette guerre. Et il faut spéculer sur le fait que cette dernière devait se limiter à des opérations contre la piraterie, achosienne notamment. Toujours est-il que l’auteur semble volontairement minimiser le rapport qu’entretenaient les velsniens avec la mer afin de glorifier d’autant plus la victoire qui s’ensuivit.


Les héros de Velsna essuyèrent beaucoup de défaites sur l’eau pendant les premiers étés de la guerre, et dont je ne ferai pas état tant elles sont anecdotiques. Mais chaque combat devint de plus en plus à notre avantage. Pendant le cinquième hiver de la guerre, à la nouvelle que l'ennemi ravageait les côtes de notre République au large du cap de Velcal, le sénateur-capitano Erico Garibaldi se porta de ce côté avec toutes ses forces. Quand il fut en vue, les achosiens s'avancèrent, en hâte et tout joyeux, sur leurs cent trente vaisseaux. Ils méprisaient la jeunesse des velsniens et cinglaient tous vers l'ennemi, proue contre proue, tant il était pour eux inutile de se ranger en ordre de combat, comme s'ils allaient non au combat, mais au pillage avec la sauvagerie qui leur fut connue. Ils étaient commandés par Merwyn Gwyndel, le général qui avait pris la place de McDonagh, qui dans son échec avait été poussé à l’exil. Il montait un vaisseau à sept rangs de rames, qui avait appartenu à un grand seigneur de guerre ahcosien. En approchant, ils aperçurent des ponts dressés à la proue de chaque navire. Ils hésitèrent beaucoup, surpris par la vue de ces machines dont ces barbares n’avaient pas la connaissance, puis leur dédain l'emporta, et leur avant-garde fonça hardiment sur l'ennemi. Dès que leurs vaisseaux abordèrent nos vaisseaux, ils furent accrochés par les ponts qui s’abattirent sur leurs navires, dont les velsniens se servirent aussitôt pour envahir les navires achosiens et engager un corps à corps sur leurs ponts. Une partie des achosiens furent tués et les autres se rendirent, désorientés par l'imprévu de ce combat, où l'on s'était battu comme sur terre. Ils perdirent ainsi, avec tout leur équipage, les trente navires qui avaient engagé le combat, et parmi eux le vaisseau de leur général. Gwyndel fut heureux de pouvoir, contre tout espoir, s'échapper dans une barque. Le reste de la flotte des barbares s'avançait à l’attaque, mais quand ceux qui la montaient virent, en approchant, ce qui était arrivé à leur avant-garde, ils s'éloignèrent et se tinrent hors de la portée des ponts. Quelques-uns, se fiant à la légèreté de leurs esquifs, essayèrent de prendre les bâtiments ennemis, soit de flanc, soit en poupe, comptant ainsi les aborder sans courir aucun risque. Mais, menacés de tous côtés à la fois par les ponts, ne pouvant éviter d'être cramponnés par eux dès qu'ils en passaient trop près, les achosiens finirent par prendre la fuite, complètement déconcertés par l'étrangeté de cette aventure et laissant sur le champ de bataille cinquante de leurs vaisseaux. La bataille du Cap Velcal fut la démonstration incontestable de la supériorité de nos principes et de notre justice. Et les enfants de Fortuna et de Léandre étaient devenus les maîtres de la mer.

Commentaire : Il faut noter le passage sous silence par l’auteur des cinq années de guerre navale précédent cet affrontement qui virent Velsna subir une longue série de défaites sur mer qui ont failli réduire l’armée velsnienne en Achosie à la famine. Ce passage est également beaucoup plus épuré des digressions et figures de styles chères à l’auteur. Il faut donc partir du principe que ce dernier a peut-être utiliser le travail d’un autre historien, peut-être encore Philinus de Velcal.

Les achosiens, qui ne s'attendaient pas à cette défaite, auraient encore eu assez d'ardeur et de courage pour continuer la guerre, mais ils étaient à bout de ressources de leur médiocre petite île. Ils ne pouvaient plus s’opposer au courage de nos velsniens sur terre, maintenant que nous étions maîtres de la mer. Les achosiens partiront de l’île de Strombola, s'engageront de leur honneur à ne pas faire la guerre à Ménéon, à ne prendre les armes ni contre les strombolains ni contre leurs amis velsniens. Ils rendront sans rançon tous les prisonniers velsniens et verseront un trésor de deux mille deux cents talents d’argent velsniens, pour un temps de vingt ans.
Quand la situation fut désespérée, les achosiens, pétris de leur lâcheté, eurent la sagesse et l'habileté de céder aux circonstances et offrit aux velsniens de conclure la paix. Car le devoir d'un homme n'est pas seulement de songer à la victoire, mais de savoir quand il faut y renoncer. Nul ne doute que ce jour là, la justice a triomphé, et que dieu a sourit. Mais les achosiens ne renonceraient pas à leur fourberie naturelle avec cette défaite.

7537
Grande Histoire des guerres celtiques
Lazziano Bertoldi di Canossa

Livre IV : de la haine d'Erwys, prélude à la plus grande de toutes les guerres



De la première des guerres celtiques, les achosiens échouèrent à gagner la faveur de dieu. Le sort des armes leur fut contraire, leur flotte fut anéantie dans la Manche Blanche, mais la mauvaise foi qui les animait leur rendit des armes et les poussa à recommencer la guerre. Un seul chef prête ses bataillons au dessein que dieu a eu de bouleverser la terre et les mers.

Déjà le belliqueux achosien du nom d’Erwys Gwyndel s'est rempli de toute la fureur de par la défaite de son père vingt révolutions auparavant, et c'est lui seul qui s’opposa au destin de notre cité. Malheureux soient les velsniens, car il prévoyait tous les maux qui, pareils à l'ouragan furieux, fondirent sur la République des enfants de Fortuna et de Léandre: « oui, dit-il, qu'au mépris de ma vie, ces frêles marchands d’étoffes qu’on ait transporté dans le nord, sur la terres des occitans, et que leur dieu soit esclave et que leurs enfants ne connaissent point leurs pères. Pourvu que tes rives, ô Lavinium ! ne puisse contenir les cadavres des velsniens, que, dans les champs d’Umbra, l’Arna, rougie de leur sang, et roulant avec leurs armes les corps de leurs guerriers, remonte vers sa source, et que le lac Vadimon voit avec horreur le sang noir qui, comme un torrent, viendra se mêler à ses eaux. Pourvu que Drépane soit le tombeau de cette cité maudite, que ces plaines s'abreuvent du sang landrin, et que, des sommets du Zagros, je voie un jour les monceaux de morts réunir des rives de la Manche Blanche, dont le cours incertain trouvera à peine, à travers les boucliers, les casques et les tronçons humains, à s'ouvrir une issue jusqu'à l’océan ». Le coeur du jeune héros était enflammé de l'ardeur des batailles.

C'était un guerrier naturellement avide de combats, d'une insigne mauvaise foi, d'une ruse inconcevable, sans aucune équité. Armé, il bravait audacieusement le destin. Son courage indomptable lui faisait mépriser une paix avantageuse : tout son être, jusqu'au fond de ses entrailles, brûlait de la soif du sang velsnien. Il avait d'ailleurs toute la vigueur de la jeunesse, et voulait effacer l'affront reçu naguère à Velcal, et engloutir dans la Manche Blanche un traité honteux. Ses pairs achosiens excitent son âme et offre sans cesse à son coeur l'espoir du carnage. Ewys Gwyndel, dans ses songes, tantôt pénètre dans le Palais du Patrice, tantôt franchit les cimes du Zagros à pas précipités. Souvent ses gardes, à l'entrée de sa tente, témoins de son sommeil agité, entendirent en tremblant sa voix menaçante dans le profond silence de la nuit, et le trouvèrent, tout couvert de sueur, livrant des combats futurs et dirigeant une guerre imaginaire.

Fier de ses origines de la plus grande des aristocraties achosienne, son père Merwyn n'était pas moins illustre par ses exploits. Dès qu'Ewys sut parler, et put articuler des mots, son père s'appliqua à nourrir en lui le goût des fureurs de la guerre, et à exciter dans ce jeune coeur une haine profonde contre les velsniens.

Ewys lui fit faire une promesse. Un jour se rendit dans un lieu secret, conduit par Merwyn: le père examine la contenance et le visage de son fils, lui, sans pâlir, en contemple d'un œil tranquille les barbares cérémonies religieuses des achosiens, les parvis souillés d'un sang noir, et les flammes qui s'élancent, dociles aux chants, dès qu'ils se font entendre.

Merwyn passant alors une main caressante sur la tête de son fils, lui prodigue sa fierté, élève encore son courage, et le pénètre de cette exhortation.
« De la cendre de Léandre et de Fortuna ranimée, est sortie une nation qui nous tient asservie sous un injuste traité de paix. Si dieu refuse à mon bras d'effacer l'opprobre de la patrie, toi, mon fils, mets ta gloire à l'entreprendre. Tu m’entends ? du courage et de l’audace ! Jure ici une guerre à mort aux velsniens. Que la jeunesse de cette cité maudite tremble déjà en apprenant ta naissance : que les femmes se refusent à laisser une postérité, quand elles sauront, mon fils, que tu prends de l'âge ».

Ainsi l'anime Merwyn, et en même temps il lui dicte ce terrible serment : « Dès que les années me le permettront, je poursuivrai les velsniens, et sur terre et sur mer, j'emploierai le fer et le feu pour arrêter les destins de Velsna. Ni dieu , ni ce traité qui nous défend la guerre, rien ne me retiendra. Je triompherai des Zagros gigantesques, comme de la chair de Velsna. J'en jure par le puissant Dieu, qui me protége, j'en jure, ô roi du ciel, par tes mânes augustes »

Merwyn confiait ainsi ses plans de guerre à son fils, qui devait les nourrir dans son cœur. Peu après il passa à Caratrad, près d’un promontoire au plus près du continent. Mais, pendant qu'il faisait flotter les étendards achosiens sur ce dernier lors de moult guerres avec des tribus occitanes qu’il pensait conquérir, il périt d'une mort obscure.

Après lui, Ewys reçut le gouvernement de son armée au loin de son pays. Les riches contrées de l’Occitanie endurèrent les vexations les plus rudes sous ce général, coeur farouche et implacable ennemi. Le résultat du commandement fut d'augmenter sa férocité. Cruel et altéré de sang, son coeur aveuglé estimait l'autorité par la terreur qu'elle inspire, et son impatiente barbarie n'était satisfaite que par le raffinement des supplices.

Un prince d'une mâle contenance, aussi remarquable par ses grandes actions que par la noblesse de sa race. Pour se venger de l’affront des mercenaires occitans de Strombola, il fit de l’un des chefs de ce peuple une de ses victimes. Sans égard ni pour dieu ni pour les hommes, Ewys le fit mettre en croix et promener dérisoirement en triomphe au milieu de ses peuples consternés, après lui avoir refusé la sépulture. Ce prince était toujours le premier au combat, et le dernier à quitter ses armes. Quand, à demi levé, il lançait son coursier rapide, ni l'épée, ni, de loin, la javeline n'étaient capables de l'arrêter.
Les cœurs de ses guerriers s'enflamment, d'une part, au souvenir de la valeur du père qu'ils ont vu, de l'autre, au bruit, répandu dans la multitude, de la guerre éternelle jurée aux velsniens. Enfin, sa jeunesse vigoureuse, propre aux entreprises, sa noble vivacité, son esprit armé de ruses, son éloquence naturelle les transportent. C'est dans ces plaines d’Occitanie que l’achosien vagabond lance ses chevaux en premier lieu. Il sait que cette terre est la patrie d'un peuple guerrier, elle a produit des chefs redoutables, mais sans la ruse elle se fie rarement à son épée. Si une grande partie de son armée était riche de ses frères achosiens, Ewys voulait utiliser les armes que les velsniens avaient jeter contre son peuple vingt révolution auparavant. Ainsi, il avait sous son aile des cohortes occitanes, troupes auxiliaires venues en foule dans son camp, et que les trophées de son père lui avaient attachées pour siens. Ici les coursiers belliqueux font retentir la plaine de leurs hennissements.

Dès qu'Erwys voit toutes ces nations rangées sous ses drapeaux, et que le commandement lui en est confié, aussi adroit que son père, il sait gagner tous les esprits. Le décret de paix du Sénat velsnien, il le fait violer, soit par la crainte de ses armes, soit par des présents : il est le premier à tous les travaux, le premier à marcher à pied comme un fantassin, il sait prendre sa part de l'ouvrage, s'il est besoin d'élever un retranchement à la hâte, il n'omet rien de ce qu'il sait capable d'encourager à bien faire. Il était adoré par tous. Cédant à peine au sommeil, il passait la nuit sous les armes, souvent n'ayant d'autres lit que la terre. Vêtu du simple sayon des soldats, il luttait avec eux de fatigue et de privations. S'il marchait devant ses innombrables colonnes, son air martial imposait l’obéissance, alors, tête nue, il savait braver les fureurs de l'orage et les plus effroyables tempêtes.

Erwys pressa le destin par cruelle vengeance : et fermement résolu à rompre le traité fait avec Velsna, il sourit en même temps à l'idée qu'il peut l'envelopper dans une guerre terrible, et, des extrémités de la terre, ébranler le Palais des Patrices. Aula, triste cité occitane nichée aux pieds des flancs d’occidents des Monts Zagros, fut la première à entendre en tremblant le clairon devant ses portes : cette attaque était le prélude de la guerre plus sanglante que le général achosien brûlait de commencer.

Commentaire: Ce livre qui nous permet de retracer la jeunesse d'Erwys Gwyndel, de manière très subjective, paraît toutefois corroborer l'ascension de ce dernier au sein de l'Armée achosienne. De même, l'expédition dans les terres occitanes est également avérée dans plusieurs sources. Néanmoins, il faut passer outre cette romantisation du personnage affichée par l'auteur. Une fois ceci fait, nous pouvons reconstituer fidèlement le trajet de Merwyn, puis d'Erwys, jusqu'à la cité d'Aula.

Drapeau
Itinéraire de l'armée achosienne d'Erwys (1217)





7414
Grande Histoire des guerres celtiques
Lazziano Bertoldi di Canossa

Livre V : de la chute d'Aula et du franchissement du Zagros



On disait de la cité d’Aula que ses murs furent bâtis par un héros occitan dont il eut sauver sa patrie en de nombreuses occasions. Elle s'élevait près du flanc des montagnes du Zagros sur la douce pente d'une colline. On disait que les anciens d’Aula sentant leur fin proche allaient mourir sur la montagne, dans une coutume barbare mais de brave sauvagerie dont les occitans étaient capables. Ces peuples devaient être libres, selon le traité d’alliance fait avec Velsna : la gloire de leurs ancêtres était reconnue, et les achosiens devaient s'abstenir de paraître en maîtres sous leurs murs.
Erwys, ayant donc violé la paix, investit la ville de ses ardents bataillons, et la cavalerie ravage au loin la campagne. D'abord, secouant la tête, le terrible celte fait lui-même le tour des murailles sur un coursier rapide, et, mesurant de l'œil les habitations où règne la terreur, ordonne qu'on lui ouvre à l'instant les portes, et qu'on abandonne les remparts. Quel profit pour eux dans une alliance lointaine avec Velsna, quand l'ennemi les tient assiégés ? La République est si loin, et s'ils sont réduits de vive force, il n’y aurait pas d'espoir de percevoir nos armées avant sa prise.

Le destin que dieu avait donné aux velsniens, tout était dans le bras d'Annibal. A l'instant, le bouillant achosien confirme ses paroles en lançant un javelot contre les murs. Le fer atteint, à travers son armure, un soldat, debout sur le rempart, et qui s'y agitait en vaines menaces. Il tombe percé de part en part, et son corps roulant du haut des murailles rapporte, en mourant, au vainqueur le fer tiédi dans sa blessure. Les achosiens l'accompagnent de leurs clameurs, et, suivant l'exemple de leur chef, obscurcissent l'air d'une nuée de traits lancés sur la ville. Le nombre des combattants n'empêche pas de remarquer toutes les actions d'éclat : chaque soldat veut rendre son chef témoin de sa bravoure, comme s'il était seul à combattre. Celui-ci lance une grêle de balles de frondes contre Aula.

Ewys médite alors de ceindre la colline d'une circonvallation de tours, et d'enfermer la ville dans de nombreux bastions. O divinité si chère, et qu'on ne connaît plus que de nom, foi des serments ! Tu soutins dans sa fermeté cette jeunesse persévérante, alors même que tout espoir d'échapper lui était ravi à la vue de ces remparts élevés devant ses murs ! Oui, à leurs yeux, c'était une fin digne de Velsna, qu’Aula pérît en demeurant fidèle.
Bientôt Ewys s'écrie :
« Peuples innombrables d’Achosie, nés le fer à la main, resterons-nous à cette condition devant un ennemi captif ? Rougissez de vos premiers efforts: rougissez de ce présage, voilà donc cette rare valeur, ces prémices de courage qu'attendait votre chef. Est-ce par un tel exploit que nous nous préparons à remplir la République de Velsna de notre renommée ? Est-ce là le prélude des combats qu'il nous faudra livrer ? »

Enflammés par ce discours, les esprits s'animent. L'âme d'Ewys est descendue au fond des cœurs, elle les agite, les excite à l'idée de combats à venir. Soudain les assiégeants gravissent les murs, ils en sont précipités, et leurs mains coupées y restent cramponnées après leur chute. Alors un rempart s'approche, menaçant les murailles, et chargé de combattants qui dominent la ville. Ewys arma ces guerriers que protège la machine qui les renferme, et ils doivent, par les portes qu'on y a placées, repousser l'ennemi qui d'ordinaire met en jeu les cent bras de la phalarique. C'est un chêne d'une masse énorme, choisi sur la crête glacée des monts Zagros, et hérissé de mille pointes de fer. Cet épouvantable appareil renverserait seul des murailles. Ainsi, Aula tomba.

A Velsna, les sénateurs agitent des projets divers, et de profondes réflexions remplissent leurs âmes. Le sénateur Barbaro, croyant voir déjà les murs d’Aula embrasés, voulait qu'on appelât les chefs de la République des Achosiens pour punir l’impertinent Ewys, et qu'en cas de refus on ravageât le territoire d’Achosie, le fer et la flamme à la main.

Mais le sénateur Fabio Lauda, qui considérait l'avenir avec prudence, qui ne donnait rien au hasard, qui évitait de provoquer l'ennemi inconsidérément, Fabio, ce général habile, surtout à faire la guerre sans que le fer fut tiré, veut que dans une affaire aussi grave, on sache d'abord si c'est la fureur d'Ewys, qui lui a fait prendre les armes, ou si c'est de l'avis des chefs achosiens qu'on a porté les drapeaux en avant. Il conseille de choisir une députation qui rapporte une réponse formelle.

Le sénat nomme des émissaires : ils se rendront au camp ennemi. Si Ewys, au mépris des traités, persiste dans son entreprise hostile, ils iront droit en Achosie et se hâteront de déclarer la guerre à ce peuple parjure, qui méconnaît dieu.

Les ambassadeurs sont à peine entrés dans les eaux occitanes, les voiles repliées, qu'Ewys a été instruit depuis les contrées qu’il occupe du message dont ils sont chargés. Au milieu de la guerre, le sénat réclame bien tard le châtiment de celui qui la fait, et le maintien de la paix et du traité. Aussitôt le chef achosien ordonne à ses escadrons armés d'agiter sur le rivage d’Occitanie leurs étendards menaçants, leurs boucliers encore tout ensanglantés, et leurs piques rougies dans le carnage. « Il n'est plus temps de s'expliquer, s'écrie-t-il, quand le son de la trompe de guerre, quand les cris des mourants retentissent de toutes parts. Tandis qu'ils le peuvent encore, que ces émissaires se rembarquent, et n'aillent pas s'enfermer inconsidérément avec les assiégés d’Aula. Ils n'ignorent pas ce que peuvent des soldats animés par le carnage, à quels excès s'emporte la colère, et ce qu'ose le glaive une fois tiré ». Ainsi parle Ewys. Les émissaires, chassés du port où on leur interdit de s'arrêter, reprennent la mer, et cinglent vers la cité de Culan pour s'adresser à leurs chefs, qu’ils essuyèrent la même bravade qui les conduisit à la guerre.

Folie et audace, Ewys voulait semer la mort à Velsna en traversant les montagnes du Zagros. Cependant les cimes, qu'ils contemplent de plus près, leur inspirent une terreur capable d'effacer le souvenir de leurs travaux passés. Des gelées, des grêles éternelles y accumulent des glaces séculaires. Les flancs escarpés de la montagne, qui se perd dans les cieux, en sont hérissés, et le soleil, au feu duquel elle se présente, ne peut en dissoudre les cristaux endurcis. Autant l’enfer, ce gouffre du royaume des âmes damnées, s'étend dans des profondeurs souterraines, autant en ces lieux la terre s'élève dans les airs au-dessus de sa surface, lui dérobant le ciel par la hauteur de son ombre.

Jamais on n'y voit de printemps, jamais d'été avec sa parure : l'affreux hiver habite seul ces montagnes et s'y est fixé éternellement. C'est là qu'il rassemble de loin les nuées sombres, et les orages accompagnés de grêle, que les tempêtes et tous les vents en fureur ont établi le siége de leur empire. Le spectateur est pris de vertige au sommet de ces roches altières dont la cime se perd dans les nues.

Mais Ewys, que les monts du Zagros ne sauraient arrêter, et que rien ne trouble et n'épouvante, soutient et ranime par ses exhortations le courage de son armée abattue par tant d'objets terribles. « Quoi ! las de la ferveur de dieu et de vos succès, après vous être couverts de gloire dans les combats en Occitanie, vous tourneriez le dos à des montagnes blanchies par la neige? Vous seriez assez lâches pour déposer les armes au pied de ces rochers? Oui, compagnons, oui, croyez-le, c'est sur les murs de l'orgueilleuse Velsna, et sur les marches du Palais des Patrices même que vous aller monter. Cet effort va vous donner Velsna et vous soumettre le pays des enfants de Fortuna et de Léandre.» Soudain l'armée s'ébranle à ces grandes promesses, elle s'élève sur le flanc des montagnes. Ewys ordonne de quitter le chemin qu'ont ouvert les pas de son armée, il veut qu'on avance par des lieux inexplorés, et que chacun monte par la route qu'il se sera frayée. En même temps il se fait jour lui-même à travers des défilés inaccessibles, franchit le premier les pics ardus, et de là il appelle ses cohortes. Lorsque le mont, couvert d'une glace épaissie par un froid éternel, lui laisse à peine un endroit où poser le pied sur ses flancs qu'ont blanchis les frimas, il fait entamer ces glaces qui résistent en vain. La neige fondue s'entrouvre et engloutit les soldats, et, se précipitant d'en haut en masse humide, elle couvre dans sa chute des bataillons entiers.

Les supplices de l’armée des achosiens n’étaient pas terminées, et les montagnes n’auraient de cesse d’être leurs plus grands bourreaux jusqu’à leur passage de l’autre côté, dans les plaines verdoyantes du pays des velsniens.




8076
Grande Histoire des guerres celtiques
Lazziano Bertoldi di Canossa

Livre VI : du franchissement du Zagros aux berges de l'Arna



Pendant l’hiver, et alors que les enfants de Fortuna et de Léandre pensaient le Zagros infranchissable, on apprend aux cités épouvantées des vallées fertiles de Velsna, que ces montagnes, séjour des orages, que ces pics qui menacent le ciel, ont subi le joug, que les achosiens ont franchi les précipices, et qu'Erwys, qui aspire dans son orgueil à égaler les exploits de nos pères, est enfin descendu dans la plaine.
La nouvelle sème la plus terrible alarme, accroît la panique dans sa marche, et, plus rapide qu’un javelot lancé, fait retentir de ses rumeurs les citadelles effrayées.

Ces bruits grossissent en se transmettant par cet effet de la peur, qui se plaît à ajouter des chimères aux vagues appréhensions. Chacun s'empresse, et se prépare aux rudes soins de la guerre. L’esprit de la guerre remplit tout à coup de ses clameurs Velsna tout entière, et demande des soldats et des armes. On restaure les lames, on dérouille le fer, qui reprend un éclat menaçant: les blancs panaches sont replacés au haut des casques, les piques sont garnies de leurs courroies, et l'on forge de nouvelles lances. On dispose des cottes de mailles impénétrables, des cuirasses à l'épreuve de tous les coups. Les uns apprêtent les arcs, les autres domptent les chevaux rétifs aux manœuvres, on aiguise le tranchant des épées. Ici on se hâte de relever les murs qu'a rongés le temps, on charrie des pierres, on répare les tours endommagées par les ans. Là, on garnit d'armes les citadelles, on s'empresse de tirer des forêts les poutres dont on fera des portes et des obstacles sûrs. On creuse des fossés autour des remparts. La crainte, ce maître qui ne connaît pas de lenteurs, hâte les travaux, et tout s'agite au loin dans les campagnes. Le citoyen abandonne sa famille : le fils intimidé emporte sur ses épaules sa mère languissante, son père chargé d'années et qui touche à la fin de ses jours. Devant lui marche sa femme, la chevelure en désordre, de la main droite et de la gauche, ils entraînent leurs enfants qui doublent le pas pour les suivre. Chacun communique ainsi à d'autres la crainte dont il est saisi, sans même remonter à sa source.

Les sages sénateurs de notre bonne cité, bien qu'ils envisagent avec terreur la hardiesse de l'entreprise, cette guerre portée au sein de notre territoire, le Zagros traversé et les glaciers franchis contre leur attente, opposent néanmoins à l'adversité une âme fière et un courage intrépide. Résolus de marcher à la gloire à travers les dangers, c'est par la plus noble vaillance qu'ils veulent se faire un nom tel que la fortune n'en donna jamais aux hommes les plus heureux.

Erwys, retranché dans son camp, laisse à ses troupes le temps de se reposer en sûreté de leurs fatigues, et de ranimer leurs membres engourdis par l'excès du froid. Pour les consoler, pour ramener la joie dans leur âme, il appelle leurs regards sur les plaines unies qui leur restent à traverser jusqu'à Velsna, désormais livrée à leurs coups. Mais loin de faire trêve aux soins vigilants, aux méditations de la guerre, seul il ne se livre point au repos.
La nation belliqueuse des occitans avait jadis envahi le territoire de notre cité que nous avions vaillamment défendu, au point qu’ils parlaient et s’habillaient comme des velsniens en nos jours. En s'ouvrant par la terreur ces heureuses contrées. Le Palais des Patrices et les Velsniens assiégés connurent leur valeur jadis. Et dés qu’il eut arrivé en nos plaines, Erwys gagna, par ses présents, les faveurs de ce peuple inconstant et léger, et le réunit à ses armes. Le Maître de la Garde Stilio Balbo revenait des plages par lesquels il comptait embarquer pour envahir l’Achosie quand il entendit la nouvelle, lui qui abordait au rivage en brûlant de découdre dans la terre de ce peuple maudit. Il fit demi-tour et se porta à la rencontre de l’achosien sur les berges de la rivière de l’Arna. Ainsi ces deux grands capitaines, diversement éprouvés par les fatigues d'un voyage, l'un sur terre, l'autre sur mer, venaient camper l'un près de l'autre et rapprochaient le danger.

Déjà les ombres de la nuit disparaissaient devant l'éclat naissant du jour, et le Sommeil avait parcouru les heures laissées à son empire. Le Maître de la Garde allait reconnaître tes lieux, le site de la colline voisine et la surface de la plaine.

Les mêmes soins occupaient le général achosien. Ils se trouvent donc en présence, accompagnés de quelques cavaliers occitans et achosiens.
La nuée de poussière qui s'élève de part et d'autre les avertit tous deux que l'ennemi s'avance. La terre retentit de plus en plus sous le pied sonore des chevaux et leur hennissement terrible ne permet pas d'entendre le son des trompettes qu'il a couvert. Aux armes ! Soldats, aux armes ! crient les deux généraux. Tous deux ont un courage aussi bouillant, la même soif de gloire, une aussi violente ardeur de combattre.

Les deux armées en viennent aux mains, un horrible tumulte fait retentir la plaine. Les cavaliers ajustent leurs rênes si court, que les chevaux sont comme suspendus avant d'être lancés. Ils rendent la main, le coursier retenu s'emporte, et, volant avec toute son impétuosité, laisse à peine sur le sol l'empreinte de ses pas. Jusque-là les achosiens n'avaient pu se faire place dans le combat. Les occitans seuls remplissaient la plaine de leur fureur. Aucun d'eux ne lance inutilement son javelot, tous leurs traits s'arrêtent dans le corps ennemi. Au milieu du désastre, Balbo veut tenter un exploit décisif. Jamais il n'a fui: son âme inébranlable sourit à l'idée de recevoir la mort dans ce cruel revers. Soudain il presse son cheval de l'éperon, pare de son bouclier les traits qui l'accablent, et, le fer à la main, tente de s'ouvrir un passage jusqu'au chef des occitans. Toute cette jeunesse, ces nourrissons de la belle Velsna, marchaient donc à la mort par l'ordre de dieu, et ne devaient plus revenir.

Tantôt, les héros de Velsna sont repoussés et prennent la fuite ; tantôt, la frayeur fait reculer les bandes achosiennes qui sont entrées en fureur à notre contact. Ici, sur la droite, les velsniens, après bien des détours, présentent leurs lignes en forme de croissant, là, vers la gauche, les achosiens déploient leurs ailes en cercle. Ils se forment tour à tour par pelotons pour courir à nous et, bientôt après, ils se rompent avec art en paraissant se débander. Ewys, tout éclatant de pourpre, vole à son tour, ayant à ses côtés la crainte, la terreur et la rage. Dès qu'il lève ce bouclier étincelant, œuvre de son peuple, et qu'il inonde la plaine des rayons de feu qui en jaillissent, l'espoir et le courage manquent aux velsniens, et, glacés d'effroi, ils ne rougissent plus de tourner le dos à l'ennemi. Ils ne mettent plus leur gloire à périr. La fuite est le seul parti qu'ils prennent, ils souhaitent même que la terre s'entrouvre sous leurs pas.

Balbo essaie d'arrêter ses troupes dispersées dans la plaine de leur désespoir, et emploie tout ce que sa voix a de force à les rappeler. « Où reportez-vous ces drapeaux ? Quelle frayeur subite vous dérobe à vous-mêmes ? Représentez-vous Velsna vous tendant les bras, de ses murs flanqués de tours, et implorant votre aide ! Je vois les enfants arrachés avec violence des bras de leurs parents immolés, et le feu sacré de notre cité s'éteindre dans des torrents de sang, éloignez de vous ces calamités et revenez à moi ! ».

Les guerriers de l’infâme achosien avaient déjà enveloppé Balbo, et allaient faire un nouveau présent de sa dépouille et de sa tête sanglante au chef du peuple maudit : le héros tenait ferme, bien résolu à ne point céder à la fortune, et sa fureur croissant avec le carnage, il repoussait avec une force terrible les lances qui le menaçaient. Déjà ses membres sont baignés de son sang et de celui des ennemis : son panache est abattu. Un achosien l'emprisonne dans un cercle, le presse de plus près, le javelot levé, et lui lance un fer dont la pointe cruelle va le percer.

Il n’a fallu que l’intervention de son fils Pietro Balbo pour préserver la vie de son père. Balbo vit le trait plongé dans le corps de son père, et la frayeur le saisit en premier lieu. Il pâlit et frappe le ciel de sa rage. Deux fois il fut près de devancer la mort de son père, en tournant, ses armes contre lui-même pour laver l’affront de cette défaite. Mais dieu détourna son chagrin contre les achosiens. Le jeune guerrier s'élance avec fureur à travers les traits et les bataillons, et marche au devant d’un de ces groupes de héros qui n’existent plus en nos jours. Soudain les bandes qui enveloppaient son père se retirent, et il aperçoit sur la terre une large traînée de sang. Couvert de son bouclier, il fauche l'ennemi sous ses coups, renverse sur les armes et les cadavres des morts l'audacieux qui a blessé le Maître de la Garde, et immole sous les yeux paternels une multitude d’infames, victimes d'une expiation désirée. Alors il arrache précipitamment le trait qui avait pénétré jusqu'aux os, prend son père sur ses épaules, et s'éloigne avec fierté. Les bataillons, stupéfaits à ce spectacle, suspendent le combat. Les farouches achosiens s'éloignent devant lui. Tant de piété unie à tant de jeunesse impose aux combattants un silence d'admiration.

C’est sur cet acte d’une bravoure immortelle que la bataille de l’Arna s’achève. La défaite eut semé un vent de panique parmi nous, dont Ewys se délectait, mais, ce ne fut que le départ d’une lutte que dieu nous dictait de mener jusqu’à notre mort ou le triomphe de la volonté de nos pères, comme Balbo porta le sien sur son dos.





7543
Grande Histoire des guerres celtiques
Lazziano Bertoldi di Canossa

Livre VII : de la bataille du lac Vadimon à la providence accordée par le Triumvirat d'Idilmo



A la veille de notre premier hiver dans la guerre, le désastre de l’Arna n'avait pas abattu la fierté velsnienne. Sur un affreux monceau d'ennemis égorgés, nos enfants, dont les blessures montraient assez la cruauté des combats, avaient à peine pu lever leurs têtes. Ils traînaient leurs membres mutilés à travers le carnage, succombant sous le poids de leurs corps. Sa blessure encore vive, le Maître de la Garde Pietro Balbo laissa dans son chagrin et sa peine, la place de l’armée au sénateur Lario Pedicini. Les velsniens repoussés se préparent de nouveau à la guerre, convoquant toutes les classes censitaires de toute qualité d’hommes dans ses rangs. Ewys, peut-être intimidé par Velsna, et désespérant de battre un jour ses murs, se retirait vers les collines et les champs d’Umbra, aux lieux où la ville est comme suspendue au sommet d'une montagne: il gagne ainsi les vastes plaines où la ville s’étend, exhalant d'épaisses vapeurs, et où paissent les énormes taureaux destinés à dieu. De là il se jette dans la passe de Saliera, et y fait un riche butin de vivres et d’argent, puis il mène ses troupes vagabondes partout où l'attire l'amour du pillage.

Commentaire : Encore aujourd’hui, les historiens ont du mal à concevoir les objectifs d’Eewys Gwyndel dans cette stratégie de pillage qu’il adopte une fois l’armée velsnienne vaincue à l’Arna. Beaucoup spéculent sur une démonstration de force auprès des cités libres alliées de Velsna dont le but est de les convaincre de renverser leur allégeance. Si tel est le cas, cela n’a fonctionné qu’auprès des alliés occitans de Velsna, les cités libres étant dans l’ensemble restées fidèles durant toute la durée de la guerre.

Enfin il arrête sa course fatale aux abords du lac Vadimon, qui reçoit la guerre dans son sein sans défense, là où les héros du sénateur Lario se portent à eux pour la seconde fois. Cette fois-ci, Ewys ne brille pas par la brutalité mais par la fourberie et la nuit. O passe de Vadimon, piège idéal et tragique d’un achosien gagné par la ruse et la cruauté, pourquoi nous a tu infligé pareil chagrin dont je vais dire l’histoire ?
Je vois les achosiens cachés les feuillages et la nuit, je les vois bondir sur le sénateur Lario pour le poignarder. Je vois les corps de nos citoyens, noyés dans les eaux froides. Les achosiens serrèrent les velsniens tout du long des berges en les empêchant de s’étaler, les pressant les uns contre les autres, épaules contre épaules. Eux, achosiens, qui ne laissèrent s’échapper trois mille d’entre nos frères, et nous forçant à laisser quinze mille dans le fond du lac.

J’entends toujours aujourd’hui de mes jours de vieil homme la complainte du sénateur Appius, survivant des combats, lorsque fut appelé un Triumvirat pour sauver notre cité :
O dieu ! Si les enfants de Fortuna et de Léandre n'ont point encouru ta haine, si notre cité n'est point condamnée sans retour, vois où en est-elle réduite. Regarde la terre de Velsna qui s'écroule, et que ton visage propice détourne la tempête qui menace les restes de notre peuple. Les montagnes du Zagros ne nous protègent plus, l'adversité nous accable. Le fleuve de l’Arna, les plaines d’Umbra, noircies de notre sang, la rivière de Lavinium devenue fameuse par les trophées que ramassèrent les achosiens, ô contrées désastreuses. Mais pourquoi rappeler ces souvenirs ? N'en est-il pas de plus affligeants ? J'ai vu les eaux du lac Vadimon grossies de notre sang, et chargées des cadavres de nos enfants. J'ai vu le Maître de la Garde tomber sous les traits ennemis. Esprits de nos pères, que j'adore à l'égal de dieu, je vous atteste ! J'ai cherché dans le carnage des ennemis une mort digne de la grandeur de votre sacrifice, mais les destins jaloux m'ont refusé comme à eux de mourir sous les armes. Car nos pères m’ont confié, que ma mort ne sauverait pas la cité, qu’il faille donc trouver trois hommes forts pour s’acquitter de ce grand devoir. Nos pères m’ont dit d’aller voir sur la terre de Manche Silice, de là où leurs propres pères étaient nés. Car c’est là que nous y trouvâmes le Triumvirat.

Parmi les triumvirs, Idilmo, vieillard parmi les veillards du Sénat fut le seul espoir d’une Velsna tremblante, et s’empressa d’armer à nouveau nos cités libres fidèles et notre République épuisée par les défaites. Et ce vieillard, endurci aux fatigues de la guerre et à la perte de son fils à Vadimon, marche une nouvelle fois à la rencontre des infames. Son âme n’était pourtant pas guerrière mais sagace, et il enseigna cette sagesse à ses héros.
C'est lui seul qu'il va opposer à tant de milliers d’achosiens, à un général invincible, à tant de rangs serrés : toutes ses armes, toutes ses troupes ne sont qu'en lui. C'en était fait de Velsna sans la force admirable, sans la fermeté de ce vieillard qui sut arrêter, en temporisant, les coups que pouvait encore nous porter la fortune. Il mit des bornes à la faveur accordée par dieu aux armes du peuple des hommes peints, et fixa le terme des victoires de l’Achosie. Enfin; par ses prudentes lenteurs, il joua Erwys, qu'avaient enflé les défaites de des fils de Fortuna et de Léandre. O le plus grand des sénateurs ! Toi qui soutins notre République, prête à tomber dans le plus grand des drames, qui sauvas notre terre sacrée et nos ancêtres accablés; toi qui préserva le Palais des Patrices, va, tu l'as mérité, va placer ta tête sacrée dans le ciel. Le chef des infames, voyant que des noms nouveaux avaient été créés en même temps que ce Triumvirat, pensa que ce brusque changement dans la forme de l'autorité devait avoir de grandes et impérieuses raisons.
Il voulut savoir quelle illustration, quels exploits avaient parlé en faveur de cet Idilmo : comment ce vieil homme rachitique pourrait être pour les velsniens l'ancre de salut, et pourquoi, après tant de catastrophes, Velsna osait penser qu'il égalât Erwys. Cet âge mûr, exempt de témérité, l'inquiétait : il ne serait pas possible de faire tomber un vieillard dans les pièges qu’il tendait à chaque bataille à tous ces adversaires. Il fait venir à l'instant un prisonnier, pour connaître la trempe de ce chef, ses habitudes et ses exploits.

On lui amène Patrizio DiMaria, un patricien illustre natif de la cité d’Umbra. Lui qui était aussi guerrier, le destin s’était joué de lui à la bataille de l’Arna, où, tombant de son cheval blessé, il avait été pris et jeté dans les fers par les achosiens. Dans sa captivité, le plus grand de ses maux, il désirait ardemment la mort. Patrizio, en proie à l’interrogation cruelle des celtes, répondit avec un grand panache que nul velsnien n’égalait le vieil homme en sagesse du combat, que ses ancêtres fortunéens étaient plus illustres que tous les individus réunis de sa race, et que le glas d’Erwys sonnerait tôt au tard de la main de cet Homme sage.

Erwys brûle d’en découdre avec Idilmo. Il cherche à ranimer le feu de son âme et de sa colère, il détruit tout un pays et sa campagne durant un été pourtant si beau. Il n’est pas de ferme, de ville ou de villages de la République qui n’ait pas subit son outrage. Mais Idilmo, habile à temporiser, reste spectateur de cette vaine furie, et du haut des montagnes, il dompte cette âme impatiente, et fatigue ces impuissantes menaces par le refus de combattre. Tel, durant les ténèbres de la nuit, le pasteur goûte un sommeil exempt d'inquiétudes, entouré de ses brebis qu'un parc bien fermé met à l'abri de toute atteinte. La troupe achosienne devient affamée, tels des loups féroces hurlant alentours, et par de vaines morsures qui tâche de forcer l'obstacle.

Erwys dépité se retire, et traverse la République à petites journées. Tantôt il se cache au fond d'un vallon dérobé, essayant d'y attirer Idilmo pour l'accabler s'il vient à l'y suivre, tantôt, à la faveur des ténèbres, il lui tend des embûches sur son passage, feignant de fuir avec terreur, tantôt il abandonne son camp en toute bâte, y laissant un butin dont la richesse puisse tenter son ennemi. Ainsi le général promène sa colère dans toute la contrée. L’achosien épuise toutes les ruses, prodigue tous les stratagèmes, poursuit par tous les moyens le but de ses efforts. Tel un rayon de soleil réfléchi dans l'eau fait flotter sur les murailles de la maison une lumière tremblotante, et semble battre les lambris d'une ombre sans cesse agitée.
Erwys change de chemin, laissant derrière lui le pays d’Umbra en ruibes, il revient ravager la passe de Saliera. A peine est-il entré dans les riches campagnes, terre féconde qui n'a jamais trompé l'espoir du cultivateur, que les vignobles sont, par ses mains ennemies, réduits en cendres.
Idilmo temporisait toujours, il retardait éternellement ce que Erwys désirait le plus : la bataille. Mais bientôt, la fortune allait de nouveau sourire aux celtes.






7883
Grande Histoire des guerres celtiques
Lazziano Bertoldi di Canossa

Livre VIII : La bataille de Velcal et comment notre cité sombra ce jour



Le premier des velsniens et le plus grand des triumvirs, Idilmo tenait les barbares à bonne distance de son armée, eux qui désespéraient de combat. On le regarde comme l'unique sauveur de l'armée de nos héros, et Erwys voit en lui son seul adversaire. Tant de délais le font frémir d'impatience. « Quoi ! Pour obtenir l'occasion d'en venir aux mains, il me faudra, sous les armes, attendre la mort d’Idilmo et implorer l'aide du dieu des catholans ! Où est pour moi l'espoir de verser le sang des enfants de Fortuna et de Léandre, tant que respirera ce vieillard ? ». L'union régnait dans le camp des velsniens depuis que les drapeaux du Triumvirat étaient rapprochés, et que les guerres intestines entre les Maîtres de Bureaux avaient cesser. Erwys n'a à lutter que contre le seul Idilmo. Une autre cause de chagrins et d'inquiétudes ne cessait de l'agiter. En prolongeant la guerre, au lieu de la précipiter, le dictateur, outre plusieurs avantages, avait obtenu celui de réduire, par ses habiles lenteurs, l'armée achosienne à manquer de tout, car bientôt il ne restait plus rien à piller tant la campagne avait brûler. Quoique la lutte n'eût pas été décidée par un combat, il avait déjà vaincu son ennemi par sa rigueur et sa tempérance digne des velsniens.

Mais les mânes du destin firent bientôt de nouveau pencher la balance au profit des infames. Le Triumvirat devait bientôt toucher à sa fin, et la jalousie, sans doute transmise comme une maladie par les achosiens infestant nos terres s’était emparée de nos sénateurs, qui la renvoyèrent sur Idilmo. Jaloux et ivres de combats qu’Idilmo refusait de livrer, ils conspirèrent et suspendirent le Triumvirat.
C'est le nouveau Maître de la Garde Ignacio Varda qu’Erwys devra combattre, c'est avec Varda qu'il devra se mesurer. Prêtant sa voix à la fureur, il cria au Sénat : « qu'il porte ses drapeaux où les destins l'appellent, j'y serai : qu'il passe dans les champs d'Umbra, il y verra recommencer les grands jours de notre cité et se rappellera au souvenir de la capitulation de son père dans son pays de paysans. ».
Tandis que les achosiens partent plein d'ardeur, et se portent sur la cité de Velcal, à un jet de peirre de Velsna, Varda, qui venait de revêtir les atours de sa fonction par la faveur du peuple. Il exhale sa fureur ) toutes les classes censitaires, et hâtant le jour d'une horrible catastrophe, il pousse Velsna au bord de l'abîme.

Cet homme sans illustration, né de parents obscurs, avait la langue hardie, et la parole sonore et inépuisable. Parvenu à une brillante fortune, et prodigue des trésors dus à la rapine, il caressait la populace, et déchirait le Sénat. Ce fut ainsi que s'éleva dans Velsna, ébranlée par tant de défaites, cet homme parvenu au point de se croire le régulateur et l'arbitre du sort de la cité, tandis que la République aurait rougi de devoir son salut à ses victoires. Les suffrages aveugles d’un peuple manipulé par la peur imprimèrent cette tâche de la guerre, de le placer entre les mains de Varda. Les intrigues qu’il avait orchestré fomentaient en lui la terrible défaite de Velcal.

Autant il était habile à semer le trouble et à susciter l'envie, hostile et dur pour le Sénat, autant. il était lâche sous les armes, et ignorant dans l'art des combats. Sans avoir jamais brillé le fer à la main, il espérait gagner par ses discours la palme du courage, et faisait la guerre en déclamant du haut du Palais des Patrices. Il ne tarde donc pas à accuser les lenteurs d’Idilmo, et à parler insolemment du Sénat devant le peuple. «Vous, disait-il, en qui réside la souveraine autorité, je vous demande, moi Maître de la Garde, comment je dois faire la guerre. Me faudra-t-il rester oisif dans mon camp, errer dans les montagnes, tandis que les achosiens, ces animaux, mettront le feu à nos terres ? Ou bien dois je me servir de l'épée que vous m'avez confiée ? Écoute donc, Triumvir, ce que veulent les enfants de Fortuna et de Léandre : ils m'ordonnent de chasser l’achosien, de délivrer Velsna de ses ennemis. »
Après cet arrogant discours, Varda, que rien n'arrête, fait sortir impétueusement ses troupes. Tel un cocher fougueux s'élance à toute bride hors de la barrière qui s'ouvre; suspendu en avant sur la pointe de ses pieds tremblants, frappe ses chevaux, qui l'emportent sans qu'il les puisse diriger : l'essieu fume dans sa course téméraire, et les rênes en désordre flottent sur le char incertain. Idilmo, que les velsniens avaient injustement mis à l’écart, dans son autorité et son commandement à l'armée, voyait l'abîme où s'allait précipiter la République sous un aussi funeste chef, mais il craignait le ressentiment d'un peuple inconstant et furieux, et l'ancienne blessure dont son cœur portait l'empreinte réprimait l'élan de son indignation.

Dès que l'armée parvint aux environs de Velcal, petite ville qui n’a jamais connu le statut de cité libre, elle planta ses étendards malheureux sur le fatal retranchement. Toutefois, à la veille du désastre qui menaçait les velsniens, dieu ne ménagea pas ses efforts pour se montrer à nous. On vit avec effroi des lances en feu briller au milieu des bataillons : les créneaux de tout un rempart de la cité s'écroulèrent, et l’orage s'agitant renversa les forêts de sa cime ébranlée. Des animaux féroces se jetèrent pendant la nuit au milieu des retranchements, jusque dans le camp même, et dispersèrent dans les champs voisins les membres de la sentinelle, enlevée sous les yeux des soldats épouvantés.

Malgré les prodiges qui effrayaient les velsniens, malgré les signes que donnait dieu d'une défaite imminente, Varda, comme si les plus heureux présages eussent conseillé de combattre sur-le-champ, passa la nuit sous les armes et lança des traits dans les ténèbres, tantôt accusant ses propres hommes de timidité, tantôt ordonnant. Que les trompettes sonnassent vivement la charge et que les clairons se fissent entendre avant le jour. Erwys ne désirait pas avec moins d'ardeur qu'on en vint aux mains. Des deux côtés on sort du camp, ainsi le veut la fortune ennemie. Le combat s'engage.
Au centre, en face d’Erwys qu'il voit diriger lui-même son corps de bataille, Varda se tiendra présent, pour se porter à sa rencontre.
Le Maître des Universités, Fabrizio Garini, est chargé du commandement de l'aile droite. Enfin, le jeune Pietro Balbo, déjà présent à la bataille de l’Arna, doit marcher contre les rapides cavaliers occitans, et prévenir leurs stratagèmes si les escadrons, employant l'artifice et la ruse, viennent à se débander, il a ordre de diviser ses troupes pour soutenir l'engagement.

Déjà les deux armées s’approchent : la course rapide du soldat, le hennissement des chevaux qui s'animent, le cliquetis des armes qui se mêlent, répandent un sourd murmure à travers les bataillons troublés. Ainsi, lorsque les vents commencent à se heurter sur les mers, l'onde en travail retient encore dans son sein la fureur et les tempêtes qui vont l'élever jusqu'aux cieux : agitée enfin jusque dans le fond de ses abîmes, elle pousse à travers les rochers d'horribles mugissements, s'élance de ses cavernes et bondit courroucée en tourbillons écumants.

Chez un si grand nombre de combattants, il n'y eut pas un premier javelot lancé avant tous les autres. Une nuée de traits partit de toutes ces mains furieuses, et bien des guerriers altérés de sang tombent de part et d'autre dans cette double tempête. On n'a pas encore tiré du fourreau l'épée furieuse, que des milliers de soldats mordent déjà la poussière. Les autres se tiennent sur les cadavres, et, avides de carnage, ils foulent aux pieds leurs compagnons gémissants.

L'espace manque déjà pour lancer les javelots, les mourants pressés dans la foule peuvent à peine tomber. Les casques étincellent en s'entrechoquant avec fracas : le bouclier abat le bouclier, l'épée brise l'épée. Le pied foule le pied, le soldat écrase le soldat. On ne distingue plus la terre sous le sang qui l'inonde. Les traits qui traversent les airs ont produit une nuit épaisse qui dérobe les cieux et la clarté du jour. Ceux que le hasard a placés au second rang prennent part à la mêlée, de la pointe de leurs longues piques, comme s'ils combattaient au front de la bataille. Le troisième rang, auquel la gloire est encore interdite, s'efforce avec le javelot d'égaler l'ardeur des premiers.

Longtemps indécise, dieu accorda ce jour les faveurs de la guerre à Erwys. Les velsniens furent si serrés par les ailes achosiennes, se refermant sur eux telles des pinces, qu’ils ne purent bientôt plus se saisir de leurs propres épées. Voyant la défaite devenir de plus en plus imminente, Varda, semblable à l'animal qui, cerné par les dards, se jette au devant du fer, et va saisir son ennemi à travers les blessures, s'élance au milieu des bataillons, se précipite au devant du danger, et cherche de tous côtés l'épée qui lui donnera la mort. Enfin une aile a plié, et recule frappée de terreur.
La première ligne fuit en désordre. L'armée perd tout espoir et tout courage. Elle demeure abattue, comme un tronc sans tête, sous le fer cruel de l'ennemi, et l'Achosie victorieuse parcourt toute la plaine avec furie. Trente mille des enfants de Fortuna et de Léandre restèrent couchés dans les blés de Velcal, et à cet instant, la cité semblait perdue…





Haut de page