Posté le : 01 avr. 2024 à 21:52:49
19905
PiÚce à conviction révélée par le média P-News dans le cadre de l'affaire de l'attentat par un jeune dans un collÚge d'Hernani-centre : son journal intime.
Le jeune terroriste a Ă©crit :LETTRE PREMIĂRE
Lundi 26 Septembre
ChĂšre âââââââ,
Toi que je nâexplique que par ma conscience, jâai besoin dâune amie et tu le seras. Toi que jâaime dans toutes les rĂ©alitĂ©s mais qui tâobstines Ă me fuir, tant que je dois tâimaginer pour tâavoir prĂšs de moi.
Aujourdâhui fut une belle journĂ©e. Il a plut tout du long ce qui mâempĂȘcha, servant en tant que distraction, de ne pas trop penser Ă toi. En effet aujourdâhui vous fĂźtes deux, les Ă©clairs et ton visage. Les avais-tu dĂ©jĂ contemplĂ©s longuement comme je le fis ? Si jamais tu ne lâas pas fait, alors sache que tu tâĂ©carte du monde de la magie. Leur bruit, leur forme, leur couleur, tout chez eux est sublime. Chaque instant oĂč les cieux se fendent, annonçant leur rugissement, je nâarrive Ă faire autre que de mâextasier devant ces forces dont je ne connais les propriĂ©tĂ©s et dont jâignore les causes. Ainsi, perdu Ă mes admirations, je nâentendis plus les autres humains de ma classe. Peut-ĂȘtre me parlaient-ils, peut-ĂȘtre Ă©tait-ce pour mâinsulter, ou peut-ĂȘtre mĂȘme que pour la premiĂšre fois de leur vie ils fermĂšrent leur bouche, dĂ©couvrant le monde du silence et lâodeur non-polluĂ©e de lâair du mĂȘme coup. Oui, tous parmi cet amoncellement de personnalitĂ© nâĂ©taient pas pourvus du mĂȘme nombre de neurone, je lâavais appris Ă mes dĂ©pends. Aussi mâĂ©tais-je fait la remarque que ceux parlant le plus Ă©taient ceux parlant le moins bien, comme pour ironiser lâhĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© de notre groupe. Sans nul doute, un jour, je mâĂ©nerverai et leur apprendrai les subtilitĂ©s de la langue française qui leurs sont inconnues, et les forcer Ă user dâun registre dont ils ne connaissent rien leur fera passer lâenvie de parler ou du moins leur montrera quâun cerveau vaut mieux que des muscles, bien quâaucun dâentre eux ne soit pourvu ni de lâun ni de lâautre.
Ainsi tu lâavais compris, cette journĂ©e bercĂ©e par le son de leur insupportable voix ne fut pas bien diffĂ©rente des autres. Ce quotidien, ornĂ© de bout en bout par lâineptie et leurs imbĂ©cilitĂ©s rĂ©currentes dâinfĂąmes ĂȘtres dĂ©finis par leurs organes gĂ©nitaux, est ce que je suis destinĂ© Ă vivre encore un an. Jâai peur, peur de cĂ©der et de tous les tuer dans un excĂšs de rage, de folie et dâincomprĂ©hension face Ă leur lenteur lorsquâils ne saisissent les choses les plus simples et faciles que nous verrons cette annĂ©e. Jâai peur que le temps soit long, si long que jâen perde ma patience. Ă comme si serait regrettable de les achever par colĂšre, car alors aveuglĂ© par ce que je ne sais contrĂŽler, je ne pourrai pas profiter pleinement du spectacle que je mâoffrirai. Dans ces humeurs que nul ne dĂ©chiffre, je serai inapte Ă Ă©prouver du plaisir en voyant le flot rubis sortant de leur poitrine lorsque jây enfoncerai puis retirerai lâune des lames de mes ciseaux . En toute sincĂ©ritĂ©, je ne sais pas si je les retirerai immĂ©diatement aprĂšs quâils pĂ©nĂštrent leur chair, car en les laissant logĂ© en leur plaie, le sang tachera progressivement le sol, et ainsi aucun dĂ©tail ne saura mâĂ©chapper, tandis que si je les retire brusquement aprĂšs lâacte, le rouge prendra place sans laisser le temps Ă mes yeux de procĂ©der Ă un observation convenable. Plus haut, jâai parlĂ© de ciseaux, mais lĂ encore jâhĂ©site. Un couteau ne les blessera-t-il pas davantage profondĂ©ment ? Et si la blessure est plus profonde, mourront-ils plus prĂ©cipitamment ? Je ne veux les achever directement, je veux quâils souffrent, aussi je pense donc sĂ©rieusement Ă renoncer aux dagues, poignards ou toute autre sorte dâarmes avec lesquelles une exĂ©cution serait trop prompte car je les souhaite vouĂ©s Ă mise-Ă -mort lente et douloureuse. Je veux quâils comprennent quel supplice mâobligent-ils Ă vivre Ă rĂ©pĂ©tition. Jâai lâimmense dĂ©sir quâils comprennent que chaque matin je pleure avant de les rejoindre, et que chaque soir je pleure aussi pour dâautres raison, mas que les avoir quittĂ© est mon unique consolation. Je dĂ©sir que dans leur mĂ©moire, mon nom se grave et que tel dans du marbre jamais il ne sâefface, pour que si par miracle ils restent vivant avec lâenfer que je leur aurais fait vivre ou quâils mâauront vu faire vivre Ă leurs jadis amis, ils me craignent et cessent de me regarder comme un animal, comme un objet sur lequel on peut dĂ©livrer son complexe dâinfĂ©rioritĂ© en le jugeant.
LETTRE DEUXIĂME
Jeudi 29 Septembre
ChĂšre âââââââ,
Toi avec qui je ne parle que peu en vrai mais beaucoup en rĂȘve. Toi dont jâaimerais connaĂźtre jusquâaux secrets les plus enfouis, les plus cachĂ©s aux autres membres infĂąmes de notre espĂšce dont tu es sĂ»rement la plus mĂ©ritante de gloire et dâĂ©loges, ainsi que la plus indigne des propos qui vont suivre, alors je te prie de mâexcuser pour les gĂ©nĂ©ralitĂ©s absurdes que je tâĂ©cris.
Ce matin, jâentrai en classe et, comme en chaque dĂ©but dâheure, je fus ridiculisĂ© par la moitiĂ© de ma classe, tous les garçons ou presque. La plupart ne sont que des porcs et câest sans aucun doute le dĂ©tail que je retins le plus. Effectivement, si tu ne tenais pas tant Ă lâinnocence naturelle qui te fut offerte, je te suggĂ©rerais un jour de les observer minutieusement, et de constater que de leurs pĂątes Ă leurs museaux, ils ne sont semblable en aucun point Ă lâhumain parfait quâils sont censĂ©s ĂȘtre. Oui, jâai osĂ© les Ă©pier dâun long regard, tout aussi profond, perfide et insistant que leurs rĂ©currentes insultes et autres bruitages sortant de leur gueule dont lâhaleine mĂȘme asphyxierait un mort. Alors, comme simple rĂ©ponse Ă leurs propos dĂ©nuĂ©s dâintellect et preuves dâidiotie, je gardai le silence, qui fut comme toujours ma meilleure arme et la plus intelligente. Les filles de la classe elles, avaient compris que la foule gesticulante et omniprĂ©sente attendait de leur beau comportement et illustre personnalitĂ© un effacement total. Je ne sais toujours pas Ă ces heures si est-ce de bon cĆur quâelles obĂ©irent et se laissĂšrent dominer par les adeptes de lâignorance. Ainsi donc, si elles furent absentes la scĂšne en demeurerait inchangĂ©e, car en aucun cas elles nâosaient, comme certains autres garçons dâailleurs, clamer avoir droit Ă la parole. Les professeurs quant Ă eux, bien que ni sourds ni aveugles, ne peuvent obliger une douzaine de soumis Ă sâĂ©lever dans les rangs dâautres supposĂ©s par eux-mĂȘmes supĂ©rieurs Ă quiconque tentĂšrent de lâĂȘtre. Les choses sont et les choses restent, câest Ă peine si jâosai en parler ouvertement aux adultes encadrant notre troupeau de bestiaux tous les uns plus que les autres dâune incapacitĂ© cĂ©rĂ©brale remarquable.
Comment, me diras-tu, un groupe de sauvages comme eux peuvent-ils faire rĂ©gner ordre et admiration de leurs personnes ? PremiĂšrement, nul nâadmire sincĂšrement aucun animal, sâil mourrait on le remplacerait par un pire et ainsi de suite. DeuxiĂšmement, leur autoritĂ© nâest pas comme telle, nâest pas ressentie de la sorte au sein du groupe. Leurs techniques ne sont composĂ©es que de jugement mĂȘlĂ©es Ă des moqueries pour en obtenir rĂ©ticence dâautrui Ă sâexprimer librement voir Ă sâopposer aux immondices recrachĂ©es par les rĂ©pugnantes bĂȘtes Ă longueur de journĂ©e, mais cet espoir dâinsurrection contre la race dominante des porcs jamais ne fut assouvie, alors jâattends encore.
Enfin bref, revenons-en Ă ce dĂ©but de cours oĂč les seuls qui prirent la parole me dĂ©nigrĂšrent, ma conscience mâappela Ă passer outre ces mots insensĂ©s et les animaux se calmĂšrent jusquâen fin de matinĂ©e. Sache que ce temps, calme et tranquille, fut plus agrĂ©able que nuls autres instants depuis le dĂ©but de lâannĂ©e. Malheureusement, comme pour gĂącher ce matin-lĂ , alors que nous fĂ»mes dans un dĂ©bat capital qui nâavait lieu dâĂȘtre, ils prononcĂšrent des mots imprononçables et Ă©corchĂšrent mes oreilles plus profondĂ©ment quâils ne lâavaient, jusquâalors, jamais fait. En y repensant, je souffre encore, alors je tâĂ©pargnerai la douleur quâils mâinfligĂšrent et dont les idĂ©es qui correspondent mâaffligent, me donnent dâavantage de raisons pour dĂ©tester notre espĂšce plus que je ne le fis auparavant. Croie bien que dorĂ©navant je dĂ©plore mon sexe et les principes affreux auxquels le monde dâaujourdâhui me fait porter un chapeau trop grand pour nâimporte qui de mon genre. Oui ils prĂŽnĂšrent lâinĂ©galitĂ© entre vous et nous, oui ils le firent impunĂ©ment et oui je suis plus quâhorrifiĂ© de leur conduite honteuse. Pour seule consolation je ne pus quâimaginer leur prendre leur tĂȘte un Ă un, pour les Ă©craser contre le mur blanc qui reposait en face, aprĂšs-quoi je regarderai attentivement se dissĂ©miner les morceaux de leur crĂąne au sol dans un vĂ©ritable ocĂ©an de sang. Lorsque le par terre sera devenu Ă©carlate et que ma jouissance extrĂȘme dĂ©passera les leurs dans leurs naguĂšre euphorie guidĂ©s par la critique, peut-ĂȘtre les anges de cette classe se rĂ©veilleront, se rendant compte que le mal est le propre du mĂąle.
LETTRE TROISIĂME
Jeudi 6 Octobre
ChĂšre âââââââ,
Ils ont recommencĂ©s ces abrutis. Ils clamĂšrent de nouveaux que les inĂ©galitĂ©s entre les sexes sont fondĂ©es et doivent ĂȘtre notre lendemain. Je fus alors pris de pulsions violentes mais je rĂ©ussi Ă les calmer malgrĂ© tout. VoilĂ une semaine que je ne tâai pas Ă©crit alors je vais tenter de te dĂ©crire la beautĂ© du monde plutĂŽt que les pires ĂȘtres le peuplant.
Aujourdâhui, bien que je nâeus que sept minutes pour manger car je recopiais un texte pour mes options, jâen profitai pleinement car, pour une fois, la nourriture Ă©tait bonne, excellente mĂȘme, et de lâentrĂ©e au dessert. Pour bien commencer, je pris une salade de pĂątes froides dans lesquelles reposaient quelques morceaux de tomates. Cela peut paraĂźtre complĂštement basique, mais jâen ai tout de mĂȘme savourĂ© chaque bouchĂ©e. Ensuite, jâai pris du blĂ© ; il Ă©tait chaud, nature et bon. DĂšs que je lâeus fini jâentamai mon dessert , un yaourt Ă la vanille comme Ă mon habitude. AprĂšs ce repas, je suis allĂ© en cours dâart plastique. Je ne mây attendais absolument pas mais le prof ne mâa point exaspĂ©rĂ© car jâeus le droit de faire tout ce que je voulais : il ne me dit rien. Ainsi je me levai, discutai, sortis, revins, allai au tableau, dessinai des gens pendus sur mon cahier et tout cela sans la moindre remarque. Il fut tellement gĂ©nĂ©reux âou simplement stupide, Ă voir â quâil nous laissa mĂȘme tous sortir de son cours entre cinq et dix minutes avant que la sonnerie ne retentisse rĂ©ellement. Dans mon Ă©lan de gaietĂ© qui aurait pu ĂȘtre confondue avec de lâeuphorie, je quittai la piĂšce non pas par la porte menant au couloir, mais par celle menant au jardin devant le CDI avant de me diriger rapidement en direction de la cour oĂč les Ă©lĂšves se rĂ©unissaient pour le sport. Ă partir de maintenant, je ne te raconte pas tout car, bien que tu sois passionnĂ©e par mes rĂ©cits Ă©tant donnĂ© que câest moi qui tâinvente, deux heures de course ne valent pas la peine dâĂȘtre Ă©crites plus que lues. Ă la fin de la double sĂ©ance, je rentrai chez moi puis me posai, seul dans mon lit afin dâĂ©crire, complĂ©tant mon journal â Ă©crivant donc ces mots Ă©galement â puis je suis allĂ© faire du piano. Comme rarement, je fus satisfait de ma maniĂšre de jouer.
LETTRE QUATRIĂME
Vendredi 7 Octobre
Ma trĂšs chĂšre âââââââ,
Hier, je tâai fait part de la beautĂ© du monde, du moins la beautĂ© que ma journĂ©e avait offert et qui, dĂ©jĂ , me paraissait irrĂ©elle. AprĂšs ce que la veille mâa offert, voici ce que mâa offert ce jour. Je suis profondĂ©ment frustrĂ© par lâattitude inadmissible dâune professeure que je nâai que dans le cadre dâune option.
Vingt-quatre heures plus tĂŽt, comme je pris le temps de tâen faire part, je copiais un texte. Je copiais certes, mais travaillai avec la dizaine dâĂ©lĂšves et les deux professeurs prĂ©sents dans la salle, dans la description dâune Ćuvre. Bien quâun fragment des Ă©crits furent envoyĂ©s par une professeure de Français qui nous aidait le Vendredi par correspondance et dont je ne donnerai le nom, preuve de mon respect et ma maturitĂ©, je jugeai nĂ©cessaire, ou du moins pertinent de modifier les mots « jardin fleuri rempli de fleures » â car câest ainsi quâelle avait formulĂ© sa phrase et orthographiĂ© le dernier motâ par « jardin fleuri rempli de vĂ©gĂ©taux ». Jâaurais pu, il est vrai, laisser les mots initiaux et laisser ces termes Ă©corcher, un petit peu, mes oreilles. NĂ©anmoins, nous â car je nâĂ©tais seul, le travail Ă©tait collectif â prĂźmes la dĂ©cision dâopter pour les changements.
Pour en revenir Ă aujourdâhui, lorsque je vins toquer Ă la porte de la salle des professeurs dans lâespoir dây trouver un Ă©lĂšve ainsi que son AVS â ou tout autre personne ayant pour missionde lâaider â, la professeure qui nous avait envoyĂ©e le texte comprenant la rĂ©pĂ©tition ci-dessus me fit signe dâentrer ce qui, dĂ©jĂ , Ă©tait inhabituel. LĂ , elle se posa devant moi, partiellement en colĂšre, partiellement fiĂšre de me reprendre et commença Ă beugler dâimmondes calomnies, devant le regard fuyant dâune professeure dâAnglais. Elle clamait haut et fort quâil Ă©tait une honte que je me fusse cru supĂ©rieur Ă ceux dont le mĂ©tier consistait Ă ĂȘtre irrĂ©prochable dans leur domaine et oĂč je suggĂ©rai plus tĂŽt une alternative Ă une lĂ©gĂšre faute â et encore le mot est grand â sans doute due Ă un instant dâinattention. Ainsi, durant quelques minutes qui me parurent une Ă©ternitĂ©, on mâaboya que jâĂ©tais dâun total irrespect, alors que je nâavais fait ce que nous fĂźmes seul. Une fois mon honneur exterminĂ© auprĂšs de la personne prĂ©sente mais qui se fichait sans nul doute de la vĂ©racitĂ© des propos, elle me congĂ©dia dâun grossier signe de la main. Je mâen retournai donc, comme jâĂ©tais censĂ© le faire, auprĂšs des deux autres professeures â ceux que je site parmi ceux qui modifiĂšrent le texte â qui avaient participĂ©s Ă lâĂ©laboration de la sculpture dont on faisait un scandale de sa prĂ©sentation. Je leur avoua avoir renoncĂ© Ă trouver le garçon que jâĂ©tais parti chercher, et leur confessa que je venais dâĂȘtre incriminĂ© pour un acte juste et que donc, elle autant que moi et autant que dâautres, Ă©tions responsables de ce quâon me reprochait. Elle trouva ahurissant, dâautant plus que des adultes nâĂ©tant concernĂ© en furent tĂ©moins, que malgrĂ© mon investissement, moi dĂ©bordant dâinnocence, soit accusĂ© de faire obstruction Ă lâharmonie dâun texte pour lequel jâĆuvrais entiĂšrement. Elle prĂ©tendit, aussi, que je mentais : il nây avait pas de vĂ©gĂ©taux, simplement des fleurs. Je la laissai parler, acceptai ma soumission hiĂ©rarchique et ne rĂ©torquai pas, bien que lâenvie fusse grande, que les fleurs Ă©taient des vĂ©gĂ©taux. Elle disait de moi que je faisais des erreurs, alors que câĂ©tait celle au cĆur de ces rumeurs qui se trompait. AprĂšs, je continuai ma journĂ©e comme si de rien nâĂ©tait, ce nâĂ©tait dâun dĂ©saccord et il ne fallait se laisser anĂ©antir par simple mĂ©sentente. Je ne mâattendais pas Ă avoir Ă reparler du mĂȘme sujet avec cette mĂȘme personne, mais Ă ma sortie du latin, alors que je me rendais Ă une autre de mes options â autre que le latin lui mĂȘme ou que lâoption prĂ©sentĂ©e en partie par la professeure avec qui jâĂ©tais en contradiction â, on mâinterpella. Alors que cette professeure mâinterpellait de lâautre bout du couloir, je ne me retournai, sincĂšrement agacĂ© de remettre ces querelles dĂ©jĂ oubliĂ©s de mon cĂŽtĂ© sur le tapis. Elle me dit, alors que je mâattendais Ă recevoir de sa part quelques excuses, quâelle avait Ă©tĂ© rĂ©ellement agacĂ©e ce midi. Ne pouvant retenir les injures quâil me dĂ©mangeait de lui communiquer afin quâelle se rende compte que son jardin nâĂ©tait pas la seul chose au monde qui sache ĂȘtre fleuri, je partis sans un mot, interrompant le flot infect de paroles qui sortait de sa bouche afin quâelle nâentende pas le mien. Connais-tu ces instants oĂč, par haine, tu souhaites contempler la mort de quelquâun ? As-tu dĂ©jĂ affrontĂ© ces pensĂ©es, ces images dans ta tĂȘte oĂč tu vois la personne que tu dĂ©teste sur le moment, faire sortir de son ventre un flux continu de sang jusquâau dĂ©cĂšs ? Bien que cela semble enthousiasmant, je tâassure que ça ne lâest pas. Je me revois, les mains Ă©carlates, souillĂ©es dâun crime impardonnable et dont je sais que mĂȘme la pensĂ©e ne se pardonnerait sâil arrivait malheur Ă personne visĂ©e. Je regrette dâĂȘtre comme je suis, je regrette tant dâĂȘtre cruel et de nâĂȘtre comme les autres, de devoir enfouir tout ce qui fait de moi ce que je suis et de ne pouvoir laisser en surface que ce qui me rĂ©pugne le plus, uniquement ce que les gens regardent.
LETTRE CINQUIĂME
Samedi 8 Octobre
Jâai honte, et cette honte grandissante ne me quitte plus malgrĂ© lâheure tardive Ă laquelle je tâĂ©cris. Depuis voilĂ tellement de temps que je me confie Ă toi dâun coup que jâen suis contraint Ă changer de date. Jâai sommeille mais je nâai pas fini de te narrer le rĂ©cit de ma journĂ©e alors jâessayerai dâĂȘtre bref.
Toujours, comme Ă son habitude, la dĂ©raison guida les personnes de ma classe. Lâennui dans la moitiĂ© des cours et lâincomprĂ©hension dans les autres accompagnĂšrent mon esprit qui, ne souhaitant que la solitude, ĂȘtre loin de ces abrutis, ne me fit pas toujours faire les bons choix. Peut-ĂȘtre dis-je juste ça pour me dĂ©lĂ©guer de ce qui en rĂ©alitĂ© est entiĂšrement ma faute. JâĂ©volue dans une angoisse permanente, car jâai lâimpression que lâon se moque de moi sans cesse. Mes professeurs disent proscrit de porter tout jugement, mais cela nâest Ă©coutĂ© par personne, pas mĂȘme pas eux. Je ne leur fait lĂ aucune reproche au contraire, ils font leur travail, mais cette impression constante quâon nous observe, quâon nous note sur tout ce quâon Ă©tudie, me donne lâimpression que lâont veut que je rentre dans une ou des cases. Jâai trĂšs peur quâĂ lâavenir on me force Ă plonger dans lâune dâelle. Beaucoup se contentent dâaccepter le point de vu de la sociĂ©tĂ© et de continuer dans cette voix. Nombre dans ma classe restent des idiots ou nâarrĂȘtent de lâĂȘtre car quoi quâils fassent ils paraĂźtront toujours les mĂȘmes Ă nos yeux. Les gens ne permettent de seconde chance comme si leurs idĂ©es prĂ©conçues formaient la rĂ©alitĂ©, la vĂ©ritĂ© universelle. Moi qui nâaime aucune des cases car je ne suis que moi mĂȘme et que je nâaccepte que lâont me dĂ©finisse autre que cela, je ressens cette pression que lâon exerce sur tous pour trouver qui nous sommes et savoir parfaitement quels critĂšres remplissons-nous ou non. Peut-ĂȘtre mes camarades ne sont bestiaux quâuniquement car des gens comme moi les pensent ainsi.
LETTRE SIXIĂME
Lundi 10 Octobre
ChĂšre âââââââ,
Je nâai cessĂ©, depuis deux jours, de mĂ©diter Ă la maniĂšre dont la sociĂ©tĂ© traite chaque individu. En vĂ©ritĂ©, je suis assez paradoxal, car je dĂ©teste le fait que lâont nous classe, tel des objets dans des boĂźtes, elles-mĂȘmes rĂ©parties dans des tiroirs. RangĂ©s sans le moindre consentement dans des catĂ©gories toutes plus rĂ©pugnantes les unes que les autres. Je pense tout cela, mais malgrĂ© tout ma curiositĂ© me pousse Ă savoir qui je suis rĂ©ellement. On me dit que je suis bizarre, on rit de cet adjectif en me pointant du doigt. Alors plutĂŽt que de me dire que je le suis, je prĂ©fĂšre me dire que je suis simplement diffĂ©rent, et comprendre pourquoi. Je veux comprendre pourquoi je ne suis pas comme les autres, et plus que tout pourquoi je ne suis pas comme toi.
Ainsi, je sais que je suis dans certaines cases et non dans dâautres. Je sais quâelles existent et tout ce que je veux est dĂ©couvrir vraiment qui je suis et non me donner des Ă©tiquettes. Pour me connaĂźtre un petit peu mieux, jâavais demandĂ© Ă mon ancien professeur de physique â avec lequel je mâentends excellemment bien â de passer un test pour connaĂźtre la raison de mon Ă©trangetĂ©. Finalement câest mon professeur principal qui a repris le flambeau â ou plutĂŽt ma professeure principale, professeure dâAnglais pour qui je conçois un immense respect et un grand attachement.
Aussi, alors que je mangeais comme Ă mon habitude avec une amie chez la CPE, elle me raconta quâelle sâĂ©tait faite disputĂ©e par la mĂȘme professeure que celle qui mâavais prĂ©cĂ©demment horripilĂ©e. OutrĂ©, je rĂ©flĂ©chis toujours Ă quel hauteur pourrais-je durant la semaine, provoquĂ© un scandale car, de mon point de vue, ces actes en mĂ©ritent bien un. Figure-toi, bien que tu tâen doutes dĂ©jĂ sĂ»rement, que la raison pour laquelle elle se fit disputer est pire que la mienne, elle nâavais strictement que suivie les ordres quâon lui avait donnĂ©s. Tu ne sais pas combien il mâest difficile de ne pas dĂ©crire prĂ©cisĂ©ment ce que je souhaitais faire Ă la pauvre vieille femme, mais je ne veux pas que mes mots souillent ta pensĂ©e si dĂ©licate alors je saurais mâabstenir de te clamer la description des honteuses idĂ©es qui me viennent Ă lâesprit.
LETTRE SEPTIĂME
Mardi 11 Octobre
Bien chĂšre âââââââ,
Je suis profondĂ©ment scandalisĂ©, profondĂ©ment outrĂ© et meurtri par les propos qui mâarrivĂšrent. Mon amie de la derniĂšre fois, alors que nous mangions encore une fois dans la mĂȘme salle isolĂ©e, mâavoua quâil arrivait de temps Ă autre Ă ce quâelle te parle et se plaignent de moi. Comment ? Pourquoi ? Quâai-je fait pour que lâon me trahisse ainsi ? Elle qui Ă©tait la seule personne Ă qui je parlais encore, car je commençais Ă lâapprĂ©cier. Elle me plante un couteau dans le dos et la plaie nâest pas prĂšs de se refermer. Comment ? Par quel procĂ©dĂ© a-t-elle pris conscience quâil existait de si cruels affronts ! Quelle offense me fit-elle, de plus en venant me le confesser ! Ă moi ! Il nâen sera pas ainsi, lorsquâelle sây attendra la moins, moi aussi saurai la faire souffrir, pleurer et saigner. Ce crime envers lâĂ©tique amicale, envers moi, ne restera impuni. Je suis chĂątier par les gens qui ont cessĂ©s mâĂȘtre fidĂšles. Quâai-je bien pu faire pour mĂ©ritĂ© pareil supplice ? Quel ami, quel diable pourrait faire cela ! Quelque part jâai honte dâailleurs, de vouloir lui me faire mal pour passer le temps et la douleur. Je veux me pendre. VĂ©ritablement, je sens les idĂ©es noires me revenir, idĂ©es dont jâavais presque oubliĂ© lâexistence. Je pleure en Ă©crivant ces mots et sur le papier, au contact de mes larmes, sâefface mon Ă©criture et la haine qui en dĂ©gage. Est-ce donc cela le bon chemin Ă suivre ? Tromper la haine par la tristesse ?
NOTE AU LECTEUR
Vous qui avez tout lu de ce journal, nâavez vous de vie pour vous intĂ©resser Ă celle-ci qui nâest, malgrĂ© tout ce qui est racontable Ă son sujet, absolument pas captivante ? Si vous nâavez de vie, alors comment, vous cadavre, arrivez-vous Ă lire ? SincĂšrement je me pose la question.
Autre possibilitĂ© : vous allez au bout de ce que vous commencez. Si câest le cas je vous admire Ă©normĂ©ment et espĂšre que nous adhĂ©rons aux mĂȘmes valeurs, agissons pour les mĂȘmes causes et aspirons Ă un idĂ©al commun, Ă savoir une sociĂ©tĂ© oĂč hommes et femmes seraient Ă©gaux et oĂč lâintelligence dominerait, par son illustre grandeur et sa lumiĂšre, sur lâignorance qui aux heures oĂč jâĂ©cris ces lignes, reste une bien trop noire idĂ©e dont les adeptes forme une bien trop sombre proportion de lâeffectif humain de notre Ă©poque.