LETTRE PREMIÈRE
Lundi 26 Septembre
Chère ███████,
Toi que je n’explique que par ma conscience, j’ai besoin d’une amie et tu le seras. Toi que j’aime dans toutes les réalités mais qui t’obstines à me fuir, tant que je dois t’imaginer pour t’avoir près de moi.
Aujourd’hui fut une belle journée. Il a plut tout du long ce qui m’empêcha, servant en tant que distraction, de ne pas trop penser à toi. En effet aujourd’hui vous fîtes deux, les éclairs et ton visage. Les avais-tu déjà contemplés longuement comme je le fis ? Si jamais tu ne l’as pas fait, alors sache que tu t’écarte du monde de la magie. Leur bruit, leur forme, leur couleur, tout chez eux est sublime. Chaque instant où les cieux se fendent, annonçant leur rugissement, je n’arrive à faire autre que de m’extasier devant ces forces dont je ne connais les propriétés et dont j’ignore les causes. Ainsi, perdu à mes admirations, je n’entendis plus les autres humains de ma classe. Peut-être me parlaient-ils, peut-être était-ce pour m’insulter, ou peut-être même que pour la première fois de leur vie ils fermèrent leur bouche, découvrant le monde du silence et l’odeur non-polluée de l’air du même coup. Oui, tous parmi cet amoncellement de personnalité n’étaient pas pourvus du même nombre de neurone, je l’avais appris à mes dépends. Aussi m’étais-je fait la remarque que ceux parlant le plus étaient ceux parlant le moins bien, comme pour ironiser l’hétérogénéité de notre groupe. Sans nul doute, un jour, je m’énerverai et leur apprendrai les subtilités de la langue française qui leurs sont inconnues, et les forcer à user d’un registre dont ils ne connaissent rien leur fera passer l’envie de parler ou du moins leur montrera qu’un cerveau vaut mieux que des muscles, bien qu’aucun d’entre eux ne soit pourvu ni de l’un ni de l’autre.
Ainsi tu l’avais compris, cette journée bercée par le son de leur insupportable voix ne fut pas bien différente des autres. Ce quotidien, orné de bout en bout par l’ineptie et leurs imbécilités récurrentes d’infâmes êtres définis par leurs organes génitaux, est ce que je suis destiné à vivre encore un an. J’ai peur, peur de céder et de tous les tuer dans un excès de rage, de folie et d’incompréhension face à leur lenteur lorsqu’ils ne saisissent les choses les plus simples et faciles que nous verrons cette année. J’ai peur que le temps soit long, si long que j’en perde ma patience. Ô comme si serait regrettable de les achever par colère, car alors aveuglé par ce que je ne sais contrôler, je ne pourrai pas profiter pleinement du spectacle que je m’offrirai. Dans ces humeurs que nul ne déchiffre, je serai inapte à éprouver du plaisir en voyant le flot rubis sortant de leur poitrine lorsque j’y enfoncerai puis retirerai l’une des lames de mes ciseaux . En toute sincérité, je ne sais pas si je les retirerai immédiatement après qu’ils pénètrent leur chair, car en les laissant logé en leur plaie, le sang tachera progressivement le sol, et ainsi aucun détail ne saura m’échapper, tandis que si je les retire brusquement après l’acte, le rouge prendra place sans laisser le temps à mes yeux de procéder à un observation convenable. Plus haut, j’ai parlé de ciseaux, mais là encore j’hésite. Un couteau ne les blessera-t-il pas davantage profondément ? Et si la blessure est plus profonde, mourront-ils plus précipitamment ? Je ne veux les achever directement, je veux qu’ils souffrent, aussi je pense donc sérieusement à renoncer aux dagues, poignards ou toute autre sorte d’armes avec lesquelles une exécution serait trop prompte car je les souhaite voués à mise-à-mort lente et douloureuse. Je veux qu’ils comprennent quel supplice m’obligent-ils à vivre à répétition. J’ai l’immense désir qu’ils comprennent que chaque matin je pleure avant de les rejoindre, et que chaque soir je pleure aussi pour d’autres raison, mas que les avoir quitté est mon unique consolation. Je désir que dans leur mémoire, mon nom se grave et que tel dans du marbre jamais il ne s’efface, pour que si par miracle ils restent vivant avec l’enfer que je leur aurais fait vivre ou qu’ils m’auront vu faire vivre à leurs jadis amis, ils me craignent et cessent de me regarder comme un animal, comme un objet sur lequel on peut délivrer son complexe d’infériorité en le jugeant.
LETTRE DEUXIÈME
Jeudi 29 Septembre
Chère ███████,
Toi avec qui je ne parle que peu en vrai mais beaucoup en rêve. Toi dont j’aimerais connaître jusqu’aux secrets les plus enfouis, les plus cachés aux autres membres infâmes de notre espèce dont tu es sûrement la plus méritante de gloire et d’éloges, ainsi que la plus indigne des propos qui vont suivre, alors je te prie de m’excuser pour les généralités absurdes que je t’écris.
Ce matin, j’entrai en classe et, comme en chaque début d’heure, je fus ridiculisé par la moitié de ma classe, tous les garçons ou presque. La plupart ne sont que des porcs et c’est sans aucun doute le détail que je retins le plus. Effectivement, si tu ne tenais pas tant à l’innocence naturelle qui te fut offerte, je te suggérerais un jour de les observer minutieusement, et de constater que de leurs pâtes à leurs museaux, ils ne sont semblable en aucun point à l’humain parfait qu’ils sont censés être. Oui, j’ai osé les épier d’un long regard, tout aussi profond, perfide et insistant que leurs récurrentes insultes et autres bruitages sortant de leur gueule dont l’haleine même asphyxierait un mort. Alors, comme simple réponse à leurs propos dénués d’intellect et preuves d’idiotie, je gardai le silence, qui fut comme toujours ma meilleure arme et la plus intelligente. Les filles de la classe elles, avaient compris que la foule gesticulante et omniprésente attendait de leur beau comportement et illustre personnalité un effacement total. Je ne sais toujours pas à ces heures si est-ce de bon cœur qu’elles obéirent et se laissèrent dominer par les adeptes de l’ignorance. Ainsi donc, si elles furent absentes la scène en demeurerait inchangée, car en aucun cas elles n’osaient, comme certains autres garçons d’ailleurs, clamer avoir droit à la parole. Les professeurs quant à eux, bien que ni sourds ni aveugles, ne peuvent obliger une douzaine de soumis à s’élever dans les rangs d’autres supposés par eux-mêmes supérieurs à quiconque tentèrent de l’être. Les choses sont et les choses restent, c’est à peine si j’osai en parler ouvertement aux adultes encadrant notre troupeau de bestiaux tous les uns plus que les autres d’une incapacité cérébrale remarquable.
Comment, me diras-tu, un groupe de sauvages comme eux peuvent-ils faire régner ordre et admiration de leurs personnes ? Premièrement, nul n’admire sincèrement aucun animal, s’il mourrait on le remplacerait par un pire et ainsi de suite. Deuxièmement, leur autorité n’est pas comme telle, n’est pas ressentie de la sorte au sein du groupe. Leurs techniques ne sont composées que de jugement mêlées à des moqueries pour en obtenir réticence d’autrui à s’exprimer librement voir à s’opposer aux immondices recrachées par les répugnantes bêtes à longueur de journée, mais cet espoir d’insurrection contre la race dominante des porcs jamais ne fut assouvie, alors j’attends encore.
Enfin bref, revenons-en à ce début de cours où les seuls qui prirent la parole me dénigrèrent, ma conscience m’appela à passer outre ces mots insensés et les animaux se calmèrent jusqu’en fin de matinée. Sache que ce temps, calme et tranquille, fut plus agréable que nuls autres instants depuis le début de l’année. Malheureusement, comme pour gâcher ce matin-là, alors que nous fûmes dans un débat capital qui n’avait lieu d’être, ils prononcèrent des mots imprononçables et écorchèrent mes oreilles plus profondément qu’ils ne l’avaient, jusqu’alors, jamais fait. En y repensant, je souffre encore, alors je t’épargnerai la douleur qu’ils m’infligèrent et dont les idées qui correspondent m’affligent, me donnent d’avantage de raisons pour détester notre espèce plus que je ne le fis auparavant. Croie bien que dorénavant je déplore mon sexe et les principes affreux auxquels le monde d’aujourd’hui me fait porter un chapeau trop grand pour n’importe qui de mon genre. Oui ils prônèrent l’inégalité entre vous et nous, oui ils le firent impunément et oui je suis plus qu’horrifié de leur conduite honteuse. Pour seule consolation je ne pus qu’imaginer leur prendre leur tête un à un, pour les écraser contre le mur blanc qui reposait en face, après-quoi je regarderai attentivement se disséminer les morceaux de leur crâne au sol dans un véritable océan de sang. Lorsque le par terre sera devenu écarlate et que ma jouissance extrême dépassera les leurs dans leurs naguère euphorie guidés par la critique, peut-être les anges de cette classe se réveilleront, se rendant compte que le mal est le propre du mâle.
LETTRE TROISIÈME
Jeudi 6 Octobre
Chère ███████,
Ils ont recommencés ces abrutis. Ils clamèrent de nouveaux que les inégalités entre les sexes sont fondées et doivent être notre lendemain. Je fus alors pris de pulsions violentes mais je réussi à les calmer malgré tout. Voilà une semaine que je ne t’ai pas écrit alors je vais tenter de te décrire la beauté du monde plutôt que les pires êtres le peuplant.
Aujourd’hui, bien que je n’eus que sept minutes pour manger car je recopiais un texte pour mes options, j’en profitai pleinement car, pour une fois, la nourriture était bonne, excellente même, et de l’entrée au dessert. Pour bien commencer, je pris une salade de pâtes froides dans lesquelles reposaient quelques morceaux de tomates. Cela peut paraître complètement basique, mais j’en ai tout de même savouré chaque bouchée. Ensuite, j’ai pris du blé ; il était chaud, nature et bon. Dès que je l’eus fini j’entamai mon dessert , un yaourt à la vanille comme à mon habitude. Après ce repas, je suis allé en cours d’art plastique. Je ne m’y attendais absolument pas mais le prof ne m’a point exaspéré car j’eus le droit de faire tout ce que je voulais : il ne me dit rien. Ainsi je me levai, discutai, sortis, revins, allai au tableau, dessinai des gens pendus sur mon cahier et tout cela sans la moindre remarque. Il fut tellement généreux –ou simplement stupide, à voir – qu’il nous laissa même tous sortir de son cours entre cinq et dix minutes avant que la sonnerie ne retentisse réellement. Dans mon élan de gaieté qui aurait pu être confondue avec de l’euphorie, je quittai la pièce non pas par la porte menant au couloir, mais par celle menant au jardin devant le CDI avant de me diriger rapidement en direction de la cour où les élèves se réunissaient pour le sport. À partir de maintenant, je ne te raconte pas tout car, bien que tu sois passionnée par mes récits étant donné que c’est moi qui t’invente, deux heures de course ne valent pas la peine d’être écrites plus que lues. À la fin de la double séance, je rentrai chez moi puis me posai, seul dans mon lit afin d’écrire, complétant mon journal – écrivant donc ces mots également – puis je suis allé faire du piano. Comme rarement, je fus satisfait de ma manière de jouer.
LETTRE QUATRIÈME
Vendredi 7 Octobre
Ma très chère ███████,
Hier, je t’ai fait part de la beauté du monde, du moins la beauté que ma journée avait offert et qui, déjà, me paraissait irréelle. Après ce que la veille m’a offert, voici ce que m’a offert ce jour. Je suis profondément frustré par l’attitude inadmissible d’une professeure que je n’ai que dans le cadre d’une option.
Vingt-quatre heures plus tôt, comme je pris le temps de t’en faire part, je copiais un texte. Je copiais certes, mais travaillai avec la dizaine d’élèves et les deux professeurs présents dans la salle, dans la description d’une œuvre. Bien qu’un fragment des écrits furent envoyés par une professeure de Français qui nous aidait le Vendredi par correspondance et dont je ne donnerai le nom, preuve de mon respect et ma maturité, je jugeai nécessaire, ou du moins pertinent de modifier les mots « jardin fleuri rempli de fleures » – car c’est ainsi qu’elle avait formulé sa phrase et orthographié le dernier mot– par « jardin fleuri rempli de végétaux ». J’aurais pu, il est vrai, laisser les mots initiaux et laisser ces termes écorcher, un petit peu, mes oreilles. Néanmoins, nous – car je n’étais seul, le travail était collectif – prîmes la décision d’opter pour les changements.
Pour en revenir à aujourd’hui, lorsque je vins toquer à la porte de la salle des professeurs dans l’espoir d’y trouver un élève ainsi que son AVS – ou tout autre personne ayant pour missionde l’aider –, la professeure qui nous avait envoyée le texte comprenant la répétition ci-dessus me fit signe d’entrer ce qui, déjà, était inhabituel. Là, elle se posa devant moi, partiellement en colère, partiellement fière de me reprendre et commença à beugler d’immondes calomnies, devant le regard fuyant d’une professeure d’Anglais. Elle clamait haut et fort qu’il était une honte que je me fusse cru supérieur à ceux dont le métier consistait à être irréprochable dans leur domaine et où je suggérai plus tôt une alternative à une légère faute – et encore le mot est grand – sans doute due à un instant d’inattention. Ainsi, durant quelques minutes qui me parurent une éternité, on m’aboya que j’étais d’un total irrespect, alors que je n’avais fait ce que nous fîmes seul. Une fois mon honneur exterminé auprès de la personne présente mais qui se fichait sans nul doute de la véracité des propos, elle me congédia d’un grossier signe de la main. Je m’en retournai donc, comme j’étais censé le faire, auprès des deux autres professeures – ceux que je site parmi ceux qui modifièrent le texte – qui avaient participés à l’élaboration de la sculpture dont on faisait un scandale de sa présentation. Je leur avoua avoir renoncé à trouver le garçon que j’étais parti chercher, et leur confessa que je venais d’être incriminé pour un acte juste et que donc, elle autant que moi et autant que d’autres, étions responsables de ce qu’on me reprochait. Elle trouva ahurissant, d’autant plus que des adultes n’étant concerné en furent témoins, que malgré mon investissement, moi débordant d’innocence, soit accusé de faire obstruction à l’harmonie d’un texte pour lequel j’œuvrais entièrement. Elle prétendit, aussi, que je mentais : il n’y avait pas de végétaux, simplement des fleurs. Je la laissai parler, acceptai ma soumission hiérarchique et ne rétorquai pas, bien que l’envie fusse grande, que les fleurs étaient des végétaux. Elle disait de moi que je faisais des erreurs, alors que c’était celle au cœur de ces rumeurs qui se trompait. Après, je continuai ma journée comme si de rien n’était, ce n’était d’un désaccord et il ne fallait se laisser anéantir par simple mésentente. Je ne m’attendais pas à avoir à reparler du même sujet avec cette même personne, mais à ma sortie du latin, alors que je me rendais à une autre de mes options – autre que le latin lui même ou que l’option présentée en partie par la professeure avec qui j’étais en contradiction –, on m’interpella. Alors que cette professeure m’interpellait de l’autre bout du couloir, je ne me retournai, sincèrement agacé de remettre ces querelles déjà oubliés de mon côté sur le tapis. Elle me dit, alors que je m’attendais à recevoir de sa part quelques excuses, qu’elle avait été réellement agacée ce midi. Ne pouvant retenir les injures qu’il me démangeait de lui communiquer afin qu’elle se rende compte que son jardin n’était pas la seul chose au monde qui sache être fleuri, je partis sans un mot, interrompant le flot infect de paroles qui sortait de sa bouche afin qu’elle n’entende pas le mien. Connais-tu ces instants où, par haine, tu souhaites contempler la mort de quelqu’un ? As-tu déjà affronté ces pensées, ces images dans ta tête où tu vois la personne que tu déteste sur le moment, faire sortir de son ventre un flux continu de sang jusqu’au décès ? Bien que cela semble enthousiasmant, je t’assure que ça ne l’est pas. Je me revois, les mains écarlates, souillées d’un crime impardonnable et dont je sais que même la pensée ne se pardonnerait s’il arrivait malheur à personne visée. Je regrette d’être comme je suis, je regrette tant d’être cruel et de n’être comme les autres, de devoir enfouir tout ce qui fait de moi ce que je suis et de ne pouvoir laisser en surface que ce qui me répugne le plus, uniquement ce que les gens regardent.
LETTRE CINQUIÈME
Samedi 8 Octobre
J’ai honte, et cette honte grandissante ne me quitte plus malgré l’heure tardive à laquelle je t’écris. Depuis voilà tellement de temps que je me confie à toi d’un coup que j’en suis contraint à changer de date. J’ai sommeille mais je n’ai pas fini de te narrer le récit de ma journée alors j’essayerai d’être bref.
Toujours, comme à son habitude, la déraison guida les personnes de ma classe. L’ennui dans la moitié des cours et l’incompréhension dans les autres accompagnèrent mon esprit qui, ne souhaitant que la solitude, être loin de ces abrutis, ne me fit pas toujours faire les bons choix. Peut-être dis-je juste ça pour me déléguer de ce qui en réalité est entièrement ma faute. J’évolue dans une angoisse permanente, car j’ai l’impression que l’on se moque de moi sans cesse. Mes professeurs disent proscrit de porter tout jugement, mais cela n’est écouté par personne, pas même pas eux. Je ne leur fait là aucune reproche au contraire, ils font leur travail, mais cette impression constante qu’on nous observe, qu’on nous note sur tout ce qu’on étudie, me donne l’impression que l’ont veut que je rentre dans une ou des cases. J’ai très peur qu’à l’avenir on me force à plonger dans l’une d’elle. Beaucoup se contentent d’accepter le point de vu de la société et de continuer dans cette voix. Nombre dans ma classe restent des idiots ou n’arrêtent de l’être car quoi qu’ils fassent ils paraîtront toujours les mêmes à nos yeux. Les gens ne permettent de seconde chance comme si leurs idées préconçues formaient la réalité, la vérité universelle. Moi qui n’aime aucune des cases car je ne suis que moi même et que je n’accepte que l’ont me définisse autre que cela, je ressens cette pression que l’on exerce sur tous pour trouver qui nous sommes et savoir parfaitement quels critères remplissons-nous ou non. Peut-être mes camarades ne sont bestiaux qu’uniquement car des gens comme moi les pensent ainsi.
LETTRE SIXIÈME
Lundi 10 Octobre
Chère ███████,
Je n’ai cessé, depuis deux jours, de méditer à la manière dont la société traite chaque individu. En vérité, je suis assez paradoxal, car je déteste le fait que l’ont nous classe, tel des objets dans des boîtes, elles-mêmes réparties dans des tiroirs. Rangés sans le moindre consentement dans des catégories toutes plus répugnantes les unes que les autres. Je pense tout cela, mais malgré tout ma curiosité me pousse à savoir qui je suis réellement. On me dit que je suis bizarre, on rit de cet adjectif en me pointant du doigt. Alors plutôt que de me dire que je le suis, je préfère me dire que je suis simplement différent, et comprendre pourquoi. Je veux comprendre pourquoi je ne suis pas comme les autres, et plus que tout pourquoi je ne suis pas comme toi.
Ainsi, je sais que je suis dans certaines cases et non dans d’autres. Je sais qu’elles existent et tout ce que je veux est découvrir vraiment qui je suis et non me donner des étiquettes. Pour me connaître un petit peu mieux, j’avais demandé à mon ancien professeur de physique – avec lequel je m’entends excellemment bien – de passer un test pour connaître la raison de mon étrangeté. Finalement c’est mon professeur principal qui a repris le flambeau – ou plutôt ma professeure principale, professeure d’Anglais pour qui je conçois un immense respect et un grand attachement.
Aussi, alors que je mangeais comme à mon habitude avec une amie chez la CPE, elle me raconta qu’elle s’était faite disputée par la même professeure que celle qui m’avais précédemment horripilée. Outré, je réfléchis toujours à quel hauteur pourrais-je durant la semaine, provoqué un scandale car, de mon point de vue, ces actes en méritent bien un. Figure-toi, bien que tu t’en doutes déjà sûrement, que la raison pour laquelle elle se fit disputer est pire que la mienne, elle n’avais strictement que suivie les ordres qu’on lui avait donnés. Tu ne sais pas combien il m’est difficile de ne pas décrire précisément ce que je souhaitais faire à la pauvre vieille femme, mais je ne veux pas que mes mots souillent ta pensée si délicate alors je saurais m’abstenir de te clamer la description des honteuses idées qui me viennent à l’esprit.
LETTRE SEPTIÈME
Mardi 11 Octobre
Bien chère ███████,
Je suis profondément scandalisé, profondément outré et meurtri par les propos qui m’arrivèrent. Mon amie de la dernière fois, alors que nous mangions encore une fois dans la même salle isolée, m’avoua qu’il arrivait de temps à autre à ce qu’elle te parle et se plaignent de moi. Comment ? Pourquoi ? Qu’ai-je fait pour que l’on me trahisse ainsi ? Elle qui était la seule personne à qui je parlais encore, car je commençais à l’apprécier. Elle me plante un couteau dans le dos et la plaie n’est pas près de se refermer. Comment ? Par quel procédé a-t-elle pris conscience qu’il existait de si cruels affronts ! Quelle offense me fit-elle, de plus en venant me le confesser ! À moi ! Il n’en sera pas ainsi, lorsqu’elle s’y attendra la moins, moi aussi saurai la faire souffrir, pleurer et saigner. Ce crime envers l’étique amicale, envers moi, ne restera impuni. Je suis châtier par les gens qui ont cessés m’être fidèles. Qu’ai-je bien pu faire pour mérité pareil supplice ? Quel ami, quel diable pourrait faire cela ! Quelque part j’ai honte d’ailleurs, de vouloir lui me faire mal pour passer le temps et la douleur. Je veux me pendre. Véritablement, je sens les idées noires me revenir, idées dont j’avais presque oublié l’existence. Je pleure en écrivant ces mots et sur le papier, au contact de mes larmes, s’efface mon écriture et la haine qui en dégage. Est-ce donc cela le bon chemin à suivre ? Tromper la haine par la tristesse ?
NOTE AU LECTEUR
Vous qui avez tout lu de ce journal, n’avez vous de vie pour vous intéresser à celle-ci qui n’est, malgré tout ce qui est racontable à son sujet, absolument pas captivante ? Si vous n’avez de vie, alors comment, vous cadavre, arrivez-vous à lire ? Sincèrement je me pose la question.
Autre possibilité : vous allez au bout de ce que vous commencez. Si c’est le cas je vous admire énormément et espère que nous adhérons aux mêmes valeurs, agissons pour les mêmes causes et aspirons à un idéal commun, à savoir une société où hommes et femmes seraient égaux et où l’intelligence dominerait, par son illustre grandeur et sa lumière, sur l’ignorance qui aux heures où j’écris ces lignes, reste une bien trop noire idée dont les adeptes forme une bien trop sombre proportion de l’effectif humain de notre époque.