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- Patrimoine Littéraire - Bibliothèque Sainte-Guenièvre - Page 2

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Norbert Limonier, De l'infinie liberté métaphysique de l'Homme, 1853.

Limonier est sûrement le philosophe le plus controversé du paysage littéraire clovanien. Sa pensée volontairement choquante continue de heurter les conceptions du monde de la plupart des lecteurs, mais elle s'appuie cependant sur des bases théoriques et logiques solides compatibles avec la pensée commune. La philosophie de Limonier peut être qualifiée d'existentialiste.

La thèse principale de Norbert Limonier est la suivante : l'homme est libre, entièrement et irrémédiablement, au sens métaphysique du terme. C'est-à-dire que l'homme est toujours l'entier décisionnaire de ses actions, et qu'il en demeure indéfectiblement le seul responsable. Ceux qui reportent la responsabilité de leurs actes sur d'autres facteurs comme le contexte social ou la pression d'autrui font preuve de mauvaise foi. Finalement, c'est toujours de notre propre chef que nous prenons la décision finale. Tel que l'écrit Limonier : "La liberté comme fatalité".

Mais la philosophie de Limonier s'écarte de la pensée du libre arbitre et de la vision moniste de l'âme humaine, qui considère l'Être comme une sphère à part entière, dissociée du monde extérieur et dont nous serions le souverain. Norbert Limonier représente l'Être comme un Vide. Cette conception est difficile à décrire en un texte aussi bref que ce format nous soumet. Nous sommes caractérisés par un Vide, et ce Vide est constamment en contact avec le monde extérieur, et c'est ce qui fait notre absolue liberté. Naissant avec un Vide, nous choisissons à chaque instant ce que nous sommes. Nous ne naissons pas avec une fonction et un être totalement fonctionnel : nous choisissons ce que nous sommes par nos actes. Ces derniers nous définissent. Par exemple, on ne nait pas lâche. Nous ne pouvons pas dire "j'ai fui parce que je suis lâche", car la vérité est que nous sommes lâche parce que nous avons fui. En décidant de ne pas fuir, nous aurions immédiatement été qualifié de courageux.

La "présence" de ce Vide en nous est prouvée par le dédoublement de notre conscience. En effet, lorsque nous tentons de nous caractériser nous-même, nous nous écartons de notre Être pour ne devenir qu'un simple regard sur ce que nous sommes. Ainsi, lorsque nous disons "je suis lâche", nous sommes certes lâche sur un plan de l'Être, mais nous ne sommes pas lâche sur un autre plan, puisque nous ne sommes qu'un regard pointé vers notre lâcheté. Ainsi, nous sommes ce que nous sommes et nous ne sommes pas ce que nous sommes. La sincérité (admettre que je suis lâche) n'a donc aucun sens, tout comme la mauvaise foi. C'est cet écart entre ces deux plans de la conscience humaine que Limonier appelle le Vide.

La pensée de Limonier n'est pas incompatible avec les autres philosophies plus traditionnelles, ni avec la foi en la religion ortholique. Seule la vision complexe de l'Être du philosophe peut entrer en conflit avec les autres conceptions, mais on s'aperçoit bien souvent qu'on peut facilement outrepasser cette dichotomie.
Jean-Christophe de Hestienne, La Belle Étrangère, 1475.

De Hestienne fait indéniablement partie des plus grands dramaturges du Printemps Clovanien (XVe siècle). Sous Albert II, la cour princière s'organise autour de représentations privées de danse, de musique, mais aussi de théâtre, qui peuvent être publiées et vendues si le Grand Prince les trouve à son goût.

Ainsi, la comédie, autrefois considérée comme un art de boulevard réservé aux pauvres, s'institutionnalise et parvient à s'introduire jusque dans la frange la plus élevée de la société clovanienne. Jean-Christophe de Hestienne en est le plus grand représentant, auteur de farces et de pièces humoristiques acerbes portant un regard critique et direct sur la société qui lui est contemporaine. Il s'en prend notamment à la montée des bourgeois qu'il considère comme de faux aristocrates, mais aussi aux aristocrates fainéants qui ne se battent pas plus que cela pour conserver leur statut.

Dans La Belle Étrangère, premier succès du dramaturge, la vie tranquille d'une riche famille bourgeoise est bousculée par l'arrivée d'une princesse étrangère qui trouve refuge chez ces gens suite à une guerre dans son pays. Le père de famille, cupide et avare, met tout en œuvre pour marier la noble visiteuse à son fils Cyrille. La jeune princesse est le comble de l'ingénuité mais elle est dotée d'un instinct aristocratique qui la pousse à éviter tous les pièges du père de famille. Cyrille est le stéréotype du garçon stupide et manipulé, tandis que sa sœur aide la Princesse à fuir le domicile. Tout un jeu de quiproquos et de rebondissements se met alors en branle, à travers lesquels Hestienne oppose la vertu innée des aristocrates à la cupidité vicieuse des bourgeois.

La pièce est écrite en alexandrins parfaits et divisée en cinq actes bien distincts, ce qui distingue la comédie de Hestienne de la farce populaire de boulevard, tendanciellement moins structurée et au langage plus oral et plus vulgaire.
Jean-Christophe de Hestienne, Occire les Sérieux, 1479.

Cette pièce de Hestienne diffère largement de La Belle Étrangère, sa plus connue. Quatre petites années séparent ces deux œuvres comiques du temps du Printemps Clovanien, mais ces années ont été très importantes pour le célèbre dramaturge. Le succès de La Belle Étrangère a propulsé ce dernier dans les plus hautes sphères du pouvoir, en faisant l'un des artistes favoris du Grand Prince Albert II. Ainsi, il occupe une place privilégiée dans les représentations organisées à la Cour et dispose d'une grande liberté d'expression dans ses écrits. Il peut davantage s'exprimer vis-à-vis de ses propres œuvres et même oser critiquer le Grand Prince.

Jean-Christophe de Hestienne emploie dans Occire les Sérieux un ton d'une plus grande liberté que dans ses pièces précédentes. Il y dénonce toutefois avec subtilité les vices qui occupent certains membres de l'aristocratie, avec un humour toujours plus efficace. Le dramaturge, comme dans toutes ses œuvres, écrit en alexandrins. La pièce décrit la vie d'une cour royale d'un pays étranger. Bien sûr, personne n'est dupe, et c'est bien la Cour princière de Clovanie qui est ici représentée. La vie dans cette cour est bien rangée et tout y est fort morose, comme si "Le Palais avait été endormi et revêtu de poussière", jusqu'à l'arrivée d'un nouveau bouffon nommé Scapandrin. Ce dernier, personnage central de la pièce, éveille peu à peu le Palais grâce à ses farces qui constituent le principal ressort humoristique de l'intrigue. Très vite, tout le Palais rit à ses calembours, jusqu'au Roi lui-même qui est souvent pris de fous rires convulsifs.

Cependant, un noble nommé Jean du Lys s'oppose à ces amusements. Il prétexte que ces derniers dévient le pouvoir politique de ses véritables fonctions pour mener un véritable combat contre Scapandrin. Il réunit des alliés qu'on appelle les Sérieux, et la lutte commence au sein de la cour, avec le Roi pour arbitre. Jean du Lys se bat avec des lois et des ruses, tandis que Scapandrin déjoue tous ses tours grâce à son humour, trouvant ainsi toujours les faveurs du Roi. La pièce se clôt sur une victoire éclatante de Scapandrin, qui fait suspendre Jean du Lys par un pied à la plus haute tour du Palais. L'antagoniste est ridiculisé et les Sérieux restants se fendent de rire, ce qui termine la pièce par une grande fête.

On pourrait croire ici que Jean-Christophe de Hestienne défend la liberté humoristique, et le nom de la pièce suggère un combat contre ceux qui ne veulent pas rire, contre les vieux aristocrates de la Cour clovanienne qui désapprouvent ses œuvres. Mais en réalité, c'est tout l'inverse qu'il faut comprendre, et c'est ce qui fait de Occire les Sérieux l'un des plus grands chefs d’œuvre de la littérature clovanienne. Cette comédie en apparence drôle et amusante constitue en fait une véritable tragédie. Le dramaturge dénonce fermement les amusements de la Cour du Grand Prince Albert II, qui distraient ce dernier de sa véritable fonction. Pour de Hestienne, le souverain est fait pour gouverner, et le Palais doit être le strict lieu de l'exercice de cette fonction. Ainsi, Scapandrin est le véritable antagoniste de cette histoire, qui vient introduire la zizanie, affaiblir le Roi, et déclencher la guerre civile, tandis que Jean du Lys est celui qui porte la voix du dramaturge.

De Hestienne mène donc une profonde réflexion sur sa propre condition de dramaturge au service de cette société du divertissement qui se met en place autour du Grand Prince à la fin du Printemps Clovanien. En effet, il exècre de plus en plus les représentations, particulièrement comiques, de la Cour, mais il en est la principale figure, et il ne peut pas vivre sans exercer sa profession de dramaturge comique. Comment exercer sa passion de la comédie tout en alertant sur les dangers de cette dernière ? C'est toute la question de Occire les Sérieux, à laquelle Jean-Christophe de Hestienne répond admirablement : faire rire aux éclats, en délivrant subtilement son message quant aux dangers que peut entraîner le divertissement à l'échelle d'un État.
Albert des Rameaux, Icare, 1481.

Tout comme Jean-Christophe de Hestienne, Albert des Rameaux incarne une immense figure dramaturgique du Printemps Clovanien, et surtout de la Cour du Grand Prince Albert II. Mais si de Hestienne est le maître incontesté de la comédie clovanienne, des Rameaux demeure le père unanime de la tragédie. Ainsi, le dramaturge, qui écrit invariablement en alexandrins, reprend des mythes antiques et des légendes gréco-latines afin de confectionner des œuvres aussi bouleversantes que cathartiques.

Les règles de la tragédie sont très strictes. Le dramaturge doit respecter la règle dite des trois unités (unité de lieu : l'action se déroule toujours dans la même pièce, le plus souvent une antichambre d'un palais ; unité d'action : une seule intrigue doit être suivie ; unité de temps : l'action doit s'étaler sur 24 heures). Les personnages doivent être membres de la très haute société et la bienséance doit être observée sur la scène (pas de mort sur scène, excepté pour le suicide). Surtout, le fil qui se déroule dans la tragédie est celui d'une fatalité, d'un destin inévitable qui conduit souvent les personnages à la mort. L'intrigue se noue toujours autour d'un problème relationnel inextricable, d'un amour impossible ou d'un amour à sens unique, d'un triangle amoureux... L'orgueil et les responsabilités sont aussi des thèmes récurrents de la tragédie.

Dans Icare, Albert des Rameaux narre la triste histoire du personnage éponyme de la mythologie grecque, fils de Dédale, architecte du célèbre Labyrinthe. Après que Thésée eut vaincu le Minotaure et pris la fuite en compagnie d'Ariane, la fille de Minos, ce dernier déversa sa colère sur Dédale. L'architecte et son fils furent donc enfermés. Les deux hommes tentent donc de s'enfuir en confectionnant des ailes faites de cires et de plumes. Parvenant à s'envoler, Dédale et Icare parcourent le ciel. Seulement, Icare s'approche trop du soleil, alors que son père lui avait donné l'ordre d'éviter de s'en rapprocher : il pourrait faire fondre la cire des ailes. Or, trop orgueilleux, Icare s'approche toujours plus de l'astre, et ses ailes fondent sans qu'il ne s'en aperçoive. La pièce se clôt sur la mort d'Icare qui tombe dans la mer.

Des Rameaux joue ici sur de nombreux aspects symboliques de la psychologie humaine, d'abord par le Labyrinthe, lieu de perdition de Dédale alors qu'il en est le fier architecte, puis par l'orgueil d'Icare. De nombreux psychologues étudient encore cette œuvre, fabuleuse illustration de la complexité de l'âme humaine.
Émile Mélinion, La Poule aux œufs d'or, 1735.

Émile Mélinion est le dramaturge le plus célèbre du théâtre de boulevard. Ce genre de comédie populaire mêle comique de geste et comique de situation, et s'adresse aux franges les plus modestes de la société clovanienne. Le théâtre de boulevard a longtemps été marginalisé des beaux-arts en Clovanie, jusqu'à ce que Mélinion y ajoute ce qui lui manquait pour toucher le public lettré : une belle langue. Même si Mélinion n'écrit pas en alexandrins comme les géants du théâtre clovanien qui le précèdent, il emploie des mots recherchés et son humour repose en grande partie sur le comique de langage. Dans ses pièces, les répliques fusent à toute vitesse, avec des stichomythies qui éblouissent tous les types de spectateurs. Les personnages sont doués d'une répartie de haute voltige, tout en combinant ce phrasé par d'ingénieux gestes burlesques. Le comique de Mélinion repose aussi en grande partie sur l'architecture scénique de ses pièces. On compte effectivement de nombreuses portes cachées, des étages ou encore des passages secrets à la vue du public qui contribuent fortement à l'avancée de l'intrigue. De plus, les personnages entrent et sortent des pièces avec une précision orchestrale, ce qui laisse souvent le public dans une admiration et une frénésie électriques.

La Poule aux œufs d'or est incontestablement la comédie la plus célèbre d'Émile Mélinion, contenant toutes les qualités évoquées précédemment. Écrite en milieu de carrière, cette pièce narre l'histoire d'une mère de famille bourgeoise âgée, d'une grande stupidité. Tous s'éloignent progressivement de cette bonne femme qui approche de la mort, tant sa conversation est plate et son degré d'intelligence faible. Ses gestes lents énervent tous les personnages, d'autant plus qu'elle n'a plus grand chose à offrir, son mari étant parti avec la femme de ménage et avec tout l'argent du foyer. Mais un jour, cette femme reçoit un courrier qui l'informe qu'elle est la dépositaire directe d'un grand héritage d'un lointain parent. Stupidité oblige, la vielle dame n'a même pas rédigé son propre héritage. La voilà donc sans héritier et dépositaire d'une immense fortune, ce qui pousse tous les autres membres de la famille à revenir vers elle pour rentrer dans ses faveurs, afin qu'elle les nomme dans son héritage. D'innombrables ressorts comiques vont découler de ce nœud, dans cette grande maison bourgeoise du XVIIIe siècle.
Isabelle de Mortemart, Les Roses duales, 1631.

Sans ambigüité, Isabelle de Mortemart incarne la plus grande figure romanesque du XVIIe siècle clovanien. Sa littérature permit un véritable bouleversement dans l'art du roman, qui commençait à s'essouffler à cette époque. En effet, l'ère des preux chevaliers était terminée, ou bien réservée aux jeunes enfants, mais la plupart des gens de lettres réclamaient des histoires plus complexes, et surtout plus proches d'eux. L'identification aux personnages romanesques était alors impérative, et de Mortemart le comprit très bien.

Cette aristocrate à la vie méconnue ne publia qu'un seul roman dans sa courte vie qui s'arrêta à l'âge de 32 ans, des suites d'une maladie inconnue. Dans ce roman d'un genre tout à fait novateur pour l'époque, un jeune Prince fictif de la famille Clovanienne nommé Léon Fiodorovitch se prend d'amour pour une femme fatale qu'il poursuit à tous les bals et à toutes les occasions. Or, cette jeune Lise de Strepinski est promise à Grégoire de Joukov, un homme aigri, vieux et méchant, qui n'a pour seule qualité que son immense fortune. Ainsi, Lise et Léon se tournent autour durant tout le roman, s'enlisant de plus en plus dans la souffrance d'un amour impossible, jusqu'à ce que Léon ne meure en tentant d'assassiner Grégoire de Joukov. Lise se suicide en l'apprenant.

Dans la fatalité qui entraîne progressivement et inéluctablement les deux protagonistes vers l'abîme de la mort, Les Roses duales sont largement empruntées à la tragédie (voir la section théâtre : Albert des Rameaux). Le titre exprime la dangerosité de l'amour, qui peut apparaître séduisant et doux au premier abord, mais qui s'avère en réalité fourbe et épineux, comme une rose.

Ce roman a bouleversé le monde de la littérature, introduisant un nouveau genre romanesque, moins spectaculaire et plus personnel. Isabelle de Mortemart joue sur l'identification : cette œuvre n'est lue que par des aristocrates oisifs, qui passent la plupart de leur temps dans les bals et les salons. Le roman s'introduit alors dans la sphère privée et dans le domaine du divertissement.
Julian Skalitsyy, Essai sur la modernité, 1851.

L'Essai sur la modernité de Skalitsyy a eu l'effet d'un véritable bouleversement dans la mentalité de la population clovanienne. Philosophe et fils de prêtre, Skalitsyy écrit dans un contexte crucial d'effritement des mœurs dans la société. À son époque, de nombreux courants anti-religieux et à tendance révolutionnaire voient le jour, comme le communisme, le socialisme, ou encore le féminisme. Les intellectuels rejettent les traditions fondamentales et prônent un changement de régime, plus égalitaire et respectueux des minorités. Certaines franges de la classe bourgeoises expriment des opinions très extrêmes, allant jusqu'à la détestation de la race humaine en tant que telle. Tout doit être déconstruit, et tous les déterminismes naturels sont pointés comme sociaux, ce qui en fait des facteurs d'inégalités que l'on peut, et doit, déconstruire. En bref, comme dans beaucoup d'autres nations, la Clovanie entre au XIXe siècle dans une période de grande détestation de soi, qui donne lieu à un certain foisonnement intellectuel, dans un contexte d'alphabétisation de la société.

En réaction à ce chaos de l'intellect, Skalitsyy publie son essai, un texte magistral qui dénonce tous les vices de ces mouvements et pointe la bonne marche à suivre pour évoluer vers une patrie meilleure. Le philosophe divise son ouvrage en deux parties.

Premièrement, il analyse en profondeur les maux qui traversent la Clovanie du point de vue idéologique. Skalitsyy remonte aux fondements de la religion chrétienne pour montrer que toute la pensée de la déconstruction, le communisme, le féminisme et tous leurs affiliés découlent directement de cette religion. La morale chrétienne imprègne jusqu'aux os l'idéologie moderne, et on peut la retrouver point par point dans tous les mouvements décrits précédemment.
Skalitsyy distingue la morale antique de la morale chrétienne. Dans la morale antique, dite aristocratique, les plus forts sont récompensés, et les plus faibles méritent leur place dans la société. Il coule de source que le fort batte le faible, puisque sa force est inscrite dans sa nature. La morale chrétienne instaure au contraire un ressentiment chez les faibles, et elle punit donc le fort d'être fort. Le philosophe prend l'image d'un aigle et d'une proie. La morale aristocratique considère normal que l'aigle tue sa proie : c'est dans sa nature. La morale chrétienne, elle, reproche à l'aigle de tuer sa proie et récompense la proie d'être faible. En effet, selon le raisonnement du faible, ce qui est mauvais est ce qui lui nuit. L'aigle nuit à la proie, il est donc mauvais. Or, qu'est-ce qui s'oppose au mauvais ? Le bon. Alors, la proie, le faible, c'est celui qui est bon.
La morale chrétienne inverse donc totalement les valeurs, et c'est ce qui se retrouve dans le socialisme, le communisme, ou le féminisme. On oppose le fort et le faible, pour glorifier ce dernier.
Dans le même temps, cette analyse montre un délaissement de l'Ortholicisme au profit du catholicisme.
Skalitsyy pose les définitions fondamentales de nombreux concepts fréquemment utilisés aujourd'hui, comme le nihilisme ou le wokisme. Ses définitions font référence de nos jours, même dans les textes de loi.

Dans la seconde partie de l'ouvrage, Julian Skalitsyy montre la marche à suivre. Il explique d'abord que, bien que le catholicisme ait donné lieu à la pulsion du ressentiment et à l'inversion des valeurs moderniste, il a su développer au cours des siècles une certaine discipline et a opéré un retour à la morale aristocratique. La société d'ordres de Prima en est un exemple. Il s'agit d'un royaume catholique qui a toujours reposé sur une division des tâches s'appuyant sur le mérite. Les bellatores méritent leurs avantages, car ils se battent pour les autres, car ils sont plus forts. Skalitsyy prône donc un retour à la foi ortholique, très disciplinée, mais teintée de christianisme, afin de dévier les pensées nihilistes des modernistes vers un chemin plus traditionnel, mais dans lequel ils se retrouveront tout de même.

Une fois publié, l'Essai sur la modernité influença en profondeur la classe intellectuelle qui se réorienta pour beaucoup dans son mode de pensée, même si certaines valeurs de cette période ont profondément marqué la société clovanienne. Le clergé ortholique trouva dans la philosophie de ce fils de prêtre un remède à la crise qu'il traversait depuis de nombreuses années, et son aura reprit sa vigueur. Certains poussent même sa philosophie plus loin encore en se convertissant au christianisme. La pensée de Skalitsyy a été plus tard embrassée par le pouvoir politique, qui s'appuie encore aujourd'hui sur ses écrits.
Elian de Jourdain, Éloge de la Méthode et du Méthodisme, 1779.

Elian de Jourdain est considéré comme le chef de file du Méthodisme, mouvement philosophique ayant éclos sous le règne de Augustin II, à l'aube du XIXe siècle. Les principes posés par les philosophes méthodistes font depuis lors office de pierres inébranlables soutenant l'architecture complexe de la recherche scientifique, philosophique et théorique. Jourdain prône un avènement de la Méthode, c'est-à-dire d'une nouvelle manière de procéder à la recherche de connaissances, uniquement par la voie de la raison.

Ne constituant pas réellement un ouvrage de philosophie à proprement parler, l'Éloge de la Méthode et du Méthodisme s'apparente davantage à un plaidoyer s'appuyant sur une expérience personnelle, l'expérience d'une vie. Jourdain narre le cheminement philosophique l'ayant mené à la conception d'une nouvelle manière de philosopher. Peu à peu au cours du livre, le philosophe étend l'application de la Méthode à d'autres domaines que la philosophie, notamment au domaine scientifique. La première étape de la pensée de Jourdain est une remise en doute totale des savoirs acquis tout au long de sa vie. Tout ce qui n'est pas formellement prouvé n'est pas certain. En second lieu, le philosophe parvient à prouver l'existence d'une âme humaine séparée du corps et d'un Dieu tout puissant et parfait. Il joint par là la pensée de l'Austérité, la plus répandue en Clovanie à l'époque, ce qui lui évite les tourments qu'une telle remise en doute de tout savoir aurait pu lui causer.

L'infinie supériorité de l'âme immortelle et l'existence de Dieu constituent les deux axiomes de la pensée Méthodiste, et vont être repris par les contemporains de Jourdain ainsi que par ses successeurs. Parmi ceux qui suivront ses préceptes dans la fin du XVIIIe siècle, on peut citer les penseurs Hillaire et Mornier, ou encore le biologiste Fridertski.

Jourdain dénombre ensuite trois règles qui vont constituer la fameuse Méthode, fondement de tout savoir humain. La première règle est de ne reconnaître pour vrai que ce qui découle logiquement des deux premiers axiomes. La seconde règle et de toujours, pour analyser un corps, le diviser en parties, afin de transformer la complexité en plusieurs éléments simples qu'il est aisé de rassembler. Enfin, la troisième règle est de toujours procéder par ordre dans la recherche d'un savoir. Jourdain explique ensuite qu'il consacrera sa vie à l'application de cette Méthode, mais que la durée d'une seule existence ne suffirait pas à explorer tous les domaines du savoir. Il faut donc transmettre la Méthode et ses acquis, et propager le Méthodisme dans tous les domaines du savoir, aussi bien dans la philosophie que dans la science, en passant par la théologie. Certains artistes s'imprègnent même du Méthodisme pour revoir leur conception de l'art, engendrant toutefois des résultats peu fructueux.

Elian de Jourdain meurt deux ans après la publication de son ouvrage, et les philosophes qui l'entouraient reprennent son projet. La pensée Méthodiste se propage avec succès dans la société clovanienne, et ses acquis restent profondément ancrés dans nos méthodes actuelles.
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