20/07/2012
Présentateur – Chers habitués de notre journal, aujourd’hui nous nous retrouvons pour une occasion spéciale. Il y a peu, un documentaire nommé "Clandestins" a été présenté au Festival international de cinéma de Villablanca. Ce documentaire réalisé par l’Althaljir Farzeena Lomi aborde le sujet du nucléaire, plus particulièrement les possibles dérives et conditions de travail horribles auxquelles seraient soumis les travailleurs.
Afin de débattre de ce sujet, nous avons fait appel à deux personnes : Madame Tamara Valentynivna ainsi que Monsieur Valerij Artemenko. Même si je pense que vous êtes connus, pourriez-vous vous présenter rapidement ?
Tamara Valentynivna – Bonjour, je suis Tamara Valentynivna, j’ai 36 ans, et je suis responsable de la branche nationale d’Apex Energy.
Valerij Artemenko – Bonjour, je suis Valerij Artemenko, j’ai 28 ans, et je suis président du collectif Stop-Nucléaire Rasken.
Présentateur – Bien, avant de parler de ce fameux documentaire, j’aimerais que vous me donniez votre avis sur le nucléaire. Monsieur Valerij, vous avez la parole.
Valerij Artemenko – Le nucléaire est une énergie dangereuse qui sème la mort partout où elle est utilisée. C’est une énergie qui ne devrait pas être utilisée, étant donné tous les morts qu'elle provoque.
Tamara Valentynivna – En une phrase, vous venez de démontrer votre méconnaissance du sujet. Le nucléaire n’est pas une énergie dangereuse. Savez-vous combien de personnes sont tuées chaque année par cette énergie ? À quantité d’énergie produite égale, le nucléaire tue beaucoup moins que les autres sources d'énergie. Par térawatt-heure d'électricité, le nombre de morts est estimé à 0,02, soit bien moins que le solaire, qui est 1,5 fois plus élevé, et l’éolien, qui est 2 fois plus élevé. Par comparaison, le charbon, qui est aujourd’hui la deuxième source de production du pays, tue en moyenne 21 personnes par térawatt-heure. En remplaçant nos vieilles centrales au charbon par des centrales nucléaires, nous pourrons diviser le nombre de morts par 1050.
Valerij Artemenko – Même si les chiffres que vous avancez sont vrais, ce qui n’est pas forcément le cas, vous dites que le nucléaire est une énergie sûre ? Et l’accident de la centrale de Doumarov n'a jamais existé peut-être ?
Tamara Valentynivna essaya de retenir son rire face aux affirmations de son interlocuteur, mais cela n’échappa pas à Valerij, qui répondit d'une voix agacée
Valerij Artemenko – Cela vous fait rire peut-être ? Des personnes sont mortes à cause de l’énergie que vous défendez, je vous signale. On pourrait vous qualifier de meurtrière.
Tamara Valentynivna – Ça ne me fait pas du tout rire, cher monsieur, je peux vous l’assurer. Mais vous savez, chaque personne a des problèmes avec certaines choses, et vous, je crois que vous avez un problème avec les statistiques qui ne vont pas dans votre sens. Mais passons, que vous m’accusiez de meurtrière ne me fait pas grand-chose, vous savez. Ça me passe au-dessus, tellement les arguments utilisés sont bidons.
Vous mentionnez la centrale de Doumarov qui a effectivement subi un grave accident nucléaire. Cependant, cette centrale est tellement différente des nôtres qu'elle est incomparable avec elles. La centrale de Doumarov est une centrale de type RBMK, alors que les réacteurs raskenois sont des RPR, ou "Réacteurs Pressurisés Raskenois". De plus, les normes et la sécurité de nos réacteurs sont notre priorité.
Valerij Artemenko – Cela ne change rien. Un réacteur reste un réacteur. Si celui de Doumarov a pu exploser, les réacteurs raskenois le peuvent aussi. De plus...
Valerij n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’il fut interrompu par Tamara.
Tamara Valentynivna – Non, non, je suis désolée de vous couper, mais ce que vous dites est faux. Quand je vous dis que l’accident de la centrale de Doumarov ne peut pas se produire sur nos réacteurs, ce n’est pas parce que nous gérons mieux nos réacteurs. Si cet accident ne peut pas se reproduire, c’est pour des principes physiques. Les réacteurs de type RBMK ont du graphite dans leur cœur, tandis que nos réacteurs n’en ont pas, par exemple. Les barres de contrôle de ces types de réacteurs sont actionnées par des pistons, donc en cas de coupure de courant, les barres sont dans l’incapacité de remonter dans le cœur pour contrôler le réacteur, tandis que les nôtres sont contrôlées grâce au magnétisme, ce qui fait que, en cas de coupure de courant, les barres retombent directement dans le cœur.
Dans nos réacteurs, la température est liée à la réactivité du cœur. Si la température monte trop, elle a tendance à étouffer les réactions, tandis que dans la centrale de Doumarov, il y a un cas où quand la température augmente, la réactivité du cœur augmente, ce qui fait monter la température, etc. Ce qui conduit fatalement à un accident.
Nos centrales disposent de dômes de protection qui empêchent la radioactivité de s’échapper dans l’environnement, tandis que Doumarov n'en avait pas. Nos centrales disposent de réservoirs sous la cuve pour récupérer le corium en cas de fusion du cœur, tandis que Doumarov non. Donc, quand je vous dis que nos centrales n’ont rien à voir avec celles de Doumarov, ce n’est pas pour rien.
Valerij Artemenko – Une centrale nucléaire reste une centrale nucléaire. Elle peut toujours exploser, ce que vous semblez nier.
Tamara Valentynivna – Je n’ai jamais nié ce risque. Je dis simplement que l’exemple que vous prenez en mentionnant la catastrophe de Doumarov ne vaut rien pour toutes les raisons que j’ai mentionnées. Oui, il y a un risque avec les centrales nucléaires, et avant que vous ne sortiez cette phrase de son contexte, laissez-moi finir.
Toute chose que l’humain fait représente un risque. Ce qu’il faut faire, ce n'est pas de nier en bloc comme vous le faites, mais de choisir les solutions qui représentent le moins de risques. Le nucléaire est la solution qui en représente le moins.
Oui, une centrale nucléaire peut exploser, mais quelles sont les chances ? Une sur 1 milliard, sur 10 milliards ? Si vous avez peur du risque que représente une centrale nucléaire, vous devez aussi avoir peur de prendre la voiture, non ?
Valerij Artemenko – Quel est le rapport ? Nous parlons du nucléaire, pas de l’automobile.
Tamara Valentynivna – Chaque année, on dénombre 1300 morts sur les routes raskenoises. Cela signifie que quand vous prenez la voiture, vous avez statistiquement environ 1 chance sur 17 000 de mourir. Pourtant, cela ne vous empêche pas de conduire, je présume. Si le risque vous fait si peur, pourquoi ne pas déconstruire tous les barrages, quand un barrage cède cela fait une immense vague qui rase tout sur son passage, alors pourquoi ne pas les déconstruire? Pourquoi ne pas déconstruire toutes les usines ? Enfin, pourquoi ne pas interdire tout ? Ah, et n'oubliez pas le petit gâteau qu’on m’a proposé dans la loge.
Valerij Artemenko – Soyez sérieuse, quand même. Vous ne pouvez pas mettre sur le même plan le nucléaire et un gâteau.
Tamara Valentynivna – Vous rigolez ? Vous savez combien de personnes meurent de l’obésité chaque année ?
Le présentateur, voyant que la discussion s’éloignait un peu trop du sujet de base, décida de passer au sujet suivant.
Présentateur – Bien, je pense que nous avons compris vos opinions. Nous allons à présent passer au sujet principal : ce documentaire choc. Pour ceux qui ne l’ont pas vu, ce documentaire sera présenté au Festival international de cinéma à Villablanca cette année. Ce documentaire promet des révélations choquantes sur cette industrie souvent décriée.
Quel est votre avis sur la question, monsieur Artemenko ?
Valerij Artemenko – Pour moi, ce documentaire ne fait que montrer la réalité de cette énergie qui ne fait que tuer. Elle se cache derrière de belles paroles, mais dans la réalité, elle est prête à commettre des atrocités pour prospérer.
Présentateur – D’accord, je vois. Quant à vous, madame Valentynivna, quel est votre avis ?
Tamara Valentynivna – Pour moi, ce documentaire reflète juste l’idéologie de sa réalisatrice, qui n’a pas fait un film pour prouver quelque chose, mais qui est partie de son aveuglement idéologique et a essayé de le faire coller avec la réalité. Même si je vais regarder ce documentaire avec la plus grande attention, je sais déjà que ce n’est qu’un tissu de mensonges.
Valerij Artemenko – Comment pouvez-vous dire de telles atrocités et être si sûre de vous ? Des gens ont témoigné. Quelles preuves avez-vous pour contredire ces témoignages ?
Tamara Valentynivna – Des témoignages, vous dites ? Vous parlez certainement de l'utilisation de clandestins ou de sans-abris, que nous utiliserions ? Il n’en est rien. Le nucléaire est une industrie de pointe, chaque action est planifiée des mois à l’avance. Comment pouvez-vous croire que nous engagerions des personnes sans formation ?
Valerij Artemenko – Vous les utilisez pour des tâches ingrates, comme le documentaire le stipule. Vous utilisez des clandestins et des sans-abris pour nettoyer des sections et des conduites de vos centrales nucléaires à Rasken, mais aussi à Sylva.
Tamara Valentynivna – Ah, je l’attendais celle-là. Les fameuses centrales sylvoises exploitées par Apex. J'aurais aimé que vous fassiez vos recherches. Le contrat sur les centrales sylvoises exploitées par Apex a été signé il y a 1 mois. Ce contrat porte sur la construction d’une centrale avec 4 réacteurs de 1600MW, donc je ne vois pas vraiment comment nous aurions pu engager des clandestins et des sans-abris pour nettoyer des sections et des conduites de la centrale sachant qu'actuellement nous avons à peine commencé les fondations.
Suite aux déclarations de Tamara Valentynivna, Valerij Artemenko se sentit rapidement très bête, mais il tenta de répondre pour ne pas perdre la face.
Valerij Artemenko – La réalisatrice veut sûrement parler des réacteurs sylvois, étant donné que Sylva rejette massivement ses déchets dans l’océan.
Tamara Valentynivna – Non, la réalisatrice ne parle pas des réacteurs sylvois. Elle mentionne bien les réacteurs sylvois exploités par Apex. Quant aux rejets dans l’océan, je fais suffisamment confiance à Nicolas Lerouge sur le sujet. Je ne l’ai côtoyé que pendant 2 jours, mais cela m'a suffi pour voir qu’il est passionné et qu’il prend son travail très à cœur. De plus, réfléchissez 2 secondes. Pensez-vous vraiment que la première et la troisième puissance mondiale, que sont l’Alguarena et le Grand Kah, ne l’auraient pas remarqué ? Soyez sérieux un peu.
Valerij Artemenko fit semblant de ne pas entendre ce que Tamara disait et enchaîna directement sur autre chose.
Valerij Artemenko – Le documentaire ne parle pas uniquement de Sylva, que je sache. Parlons un peu de Rasken. Les centrales tournent depuis quelque temps, donc vous n’avez pas l’excuse que vous aviez pour Sylva.
Tamara Valentynivna – Une excuse ? Mais vous avez vraiment un problème avec le fait d’être contredit, ma parole. Ou alors, excusez-moi du terme, mais vous aimez passer pour un idiot. C’est pour cela que les anti-nucléaires sont minoritaires à Rasken. La majorité des habitants se renseigne avant de parler, mais il paraît que la méconnaissance d’un sujet permet de garder des groupes unis. C’est un conseil que je vous donne. Si vous ne voulez pas passer pour un imbécile, faites des recherches sur les sujets que vous défendez. Cependant, si vous commencez à faire des recherches, vous n’aurez plus d’arguments. Mais au moins, vous direz la vérité.
Concernant les centrales raskenoises, oui, elles fonctionnent. Cependant, ce n’est pas pour ça que le documentaire dit la vérité. Premièrement, pour que ceux qui nous regardent comprennent de quoi on parle, je vais donner quelques explications.
Le documentaire parle d’utiliser des clandestins et des SDF pour nettoyer des conduits, et que ces prétendus travailleurs auraient été irradiés.
Un réacteur nucléaire raskenois est composé de 3 circuits.
Le circuit primaire, c’est là où se trouve le cœur du réacteur et donc les radiations. Ensuite, la chaleur du circuit primaire est transmise au circuit secondaire, où la vapeur est générée. Puis la vapeur fait tourner les turbines, qui font tourner les alternateurs qui produisent notre électricité. Enfin, le circuit tertiaire est là pour refroidir la vapeur qui refait un tour pour se faire revaporiser, et ainsi de suite.
Si ces potentiels travailleurs ont été irradiés, cela veut dire qu'ils ont travaillé dans le circuit primaire, car c'est l'endroit où la radioactivité est concentrée. Or, la majorité des conduits du circuit primaire ne sont même pas de taille humaine. Donc, premier problème. Ensuite, l’eau du circuit primaire n’est pas une eau normale. Elle est traitée pour avoir le moins d’impureté et donc limiter l’apparition de calcaire dans le circuit. Mais j’ai bien dit limiter, pas empêcher. Donc, oui, du calcaire apparaît au bout d’un moment, mais cela se fait sur plusieurs années. Or, le plus vieux réacteur raskenois en service n'a même pas un an, donc les dépôts de calcaire n’ont pas encore eu le temps de se former.
De plus, quand nous nettoyons le circuit primaire, cela se fait par injection de vapeur avec des additifs. Ce n’est pas une personne qui rentre dans le circuit et qui nettoie le circuit avec une brosse à dents. Pour finir, j’ajouterais trois choses. Premièrement, travailler dans le nucléaire requiert des compétences particulières qui demandent des années d’études. Un SDF pris au hasard en serait incapable. On ne nettoie pas une centrale comme on ramone une cheminée. Deuxièmement, ce que vous dites me confirme que vous ne connaissez pas la mentalité raskenoise du travail. Et cette mentalité, nous l’avons à Apex. On ne peut pas concevoir de faire du mauvais travail. Engager un SDF sans compétence dans le nucléaire pour nettoyer des conduits, c’est inconcevable pour nous et troisièmement, je dirais juste qu’un cancer de la thyroide ne se déclenche pas en 6 mois, mais en plusieurs années.
Valerij Artemenko était furieux, tellement qu’il se leva et quitta la pièce sans dire un mot, ce qui surprit le présentateur et Tamara Valentynivna.
Présentateur – Eh bien, c’était pour le moins inattendu. Je m’excuse, madame Tamara, pour ce qui vient de se passer.
Tamara Valentynivna – Ne vous excusez pas, il ne peut s’en prendre qu’à lui-même.
Présentateur – Voulez-vous dire autre chose avant de finir ?
Tamara Valentynivna – Eh bien, je dirais juste que l’équipe derrière le film a payé des frais d'hôpitaux à des arnaqueurs qui se font passer pour des victimes. De plus, j’aimerais dire quelques mots sur la réalisatrice de ce film. La liberté de la presse est quelque chose de formidable, pouvoir débattre avec quelqu’un qui n’a pas les mêmes idées que nous. C’est quelque chose que je chéris particulièrement. Mais utiliser cette liberté pour faire ouvertement de la propagande pour faire passer son idéologie m’énerve au plus haut point, car cela revient à dire : vous pouvez mentir, cela n’a pas d’importance.
C’est sur cette phrase que se termina le débat. Bien qu’un peu mouvementé sur la fin, celui-ci fut apprécié par les téléspectateurs et eut aussi l’effet de faire pencher Rasken encore plus dans le camp des pro-nucléaires.