
Direction du Renseignement d'Etat (DRE)
CLASSIFICATION : CONFINEE
DIFFUSION : RESTREINTE OND
DRE-3SD-POPS
SAT-STR
le 18/06/2013
à Bandarhan
Le document est issu d'une note interne à la Direction du Renseignement d'Etat (DRE), sa diffusion à l'Organisation des Nations Démocratiques a été autorisée par le pôle partenariats. Cette note reste propriété intégrale de son créateur, ne pas diffuser sans autorisation préalable de la DRE.
Cette note vise à évaluer le concept d'emploi des technologies hypersoniques et plus spécifiquement d'un drone hypersonique évoluant à très haute altitude. On montre que sa mise en œuvre ouvre la voie à une importante classe d'information qui est difficilement accessible par d'autres moyens. On montre également que le choix des senseurs est fortement couplé avec le dimensionnement du véhicule, et doit, à ce titre, être pris en compte dès le stade de l'avant-projet pour finaliser les grandes options.
Les applications actuellement revendiquées pour les drones visent le plus souvent le renseignement tactique sur le champ de bataille, ou la surveillance sur zone frontière en stand-off. Ces concepts subsoniques sont assez vulnérables, et ne disposent pas de capacités de pénétration suffisantes pour survoler des zones profondes bien détendues. En revanche, un véhicule hypersonique dispose par nature de ces capacités, qui le démarquent sensiblement des autres systèmes.
Pour préciser son potentiel d'emploi dans le domaine stratégique, nous proposons de distinguer le renseignement statique et le renseignement dynamique, selon le rapport de chacun d'eux avec le temps (durée d'acquisition et d'exploitation, durée de vie de l'information, capacité de rendez-vous, effet de surprise, permanence en vol...). L'analyse des missions correspondant à cette classification, menée en examinant les capacités offertes par les moyens actuels (drone tactiques, HALE, avions de reconnaissance, satellites) fait apparaître des besoins non couverts pour lesquels un drone hypersonique pourrait constituer un atout significatif.
Dans le domaine des résolutions comprises entre 1m et 30m. les drones actuels ou en projet ct les satellites constituent des systèmes complémentaires, pour des missions permanentes de surveillance en zone proche des frontières (menace rapidement variable avec effet a court terme), et l'observation en profondeur de menaces à moyen et long terme (activité de sites, aménagement d'infrastructures).
Toutefois, aucun de ces systèmes ne permet actuellement de recueillir avec de courts temps de réponse des renseignements de type image à des résolutions sub-métriques, ou de type électromagnétique en zone profonde. Par ailleurs, l'écoute des réactions des systèmes de défense lors d'une intrusion ne pourraient être envisagée, par principe, que par un véhicule disposant de fortes capacités de pénétration et d'un long rayon d'action. Ces missions, qui ne peuvent pas être correctement accomplies aujourd'hui, pourraient être couvertes à coût modéré par un drone hypersonique.
Un radar à synthèse d'ouverture devrait constituer l'équipement de base pour la reconnaissance tous temps. L'emploi alternatif (équipement modulaire) ou bimode (synergie), de l'imagerie passive est également possible, mais son potentiel est limité notamment par le calibre du véhicule, qui fixe la taille maximale des pupilles qui peuvent être intégrées.
II est vraisemblable qu'un véhicule de taille modérée (6 à 8 m), employée sous avion d'arme ou depuis un gros porteur, pourrait offrir, pour le renseignement stratégique. un excellent compromis entre l'adaptation aux besoins opérationnels et les coûts de développements.
Annexe : Mise en œuvre opérationnelle d’un drone hypersonique
La propulsion par statoréacteur, parfaitement adaptée aux profils de mission comportant une croisière à haut Mach, impose des contraintes dans les phases basses vitesses, car la poussée que peut délivrer le moteur n'est significative qu'à partir d'une vitesse assez élevée (Mach > 2+). Pour atteindre ces conditions de fonctionnement du statoréacteur, on doit mettre en place un moyen d'accélération initial.
La solution d'un accélérateur intégré permet d'exploiter pleinement le volume de la chambre de combustion en la remplissant de poudre. La structure de la chambre doit alors être dimensionnée pour résister aux fortes pressions qui apparaissent dans cette phase. Par ailleurs, les opercules d'entrée d'air doivent être éjectés en fin d'accélération.
Un accélérateur largable permet de s'affranchir de ces deux derniers points (seule la structure du booster est soumise aux fortes pressions, mais le volume alloué à la poudre est plus réduit.
Ces deux concepts sont applicables lorsque l'incrément de vitesse à communiquer n'est pas trop grand (choix des conditions de largage).
Dans le cas d'un tir depuis le sol, la quantité de poudre nécessaire n'est plus compatible avec le volume interne de la chambre, et on utilise un booster externe.
Une alternative aux accélérateurs à poudre peut être offerte par l'emploi d'un mode fusée à effet éjecteur, notamment dans le cas d'un véhicule de grande taille intégrant le réservoir supplémentaire nécessaire. Le reconditionnement après retour de mission pourrait être grandement simplifié par rapport à une solution à accélérateur intégré.
La récupération du drone est une phase indispensable pour limiter les coûts.
Classiquement, les senseurs constituent un poste très important, de même que les équipements de navigation Pour un drone évoluant à très grande vitesse, la structure du véhicule représente également un coût sensible, notamment si des matériaux absorbants radar haute température devaient être mis en place. La longévité de la chambre de combustion (en nombre de mission réalisable) est plus difficile à estimer, et dépend fortement des technologies mises en œuvre (puits de chaleur, chambre refroidies…). elles-mêmes liées aux impératifs de trajectoire (flux, directs) et aux dimensions du véhicule. II en va de même pour les éléments externes comme les entrées d'air ou les gouvernes, pour lesquelles on conçoit que la récupération pourrait être à l'origine d'impacts locaux sur la structure. II est donc certain que l'emploi d'un drone hypersonique, dédié au recueil de renseignements ponctuels à haute valeur, nécessitera d'une part de le récupérer, et d'autre part d'effectuer un certain nombre de contrôles entre deux missions successives.
Plusieurs modes de récupération peuvent être envisagés:
a - retour autonome sur une piste
Pour les véhicules capables d'un décollage autonome, le retour sur piste est une solution naturelle. Cette solution laisse toutefois posés les problèmes suivants:
- contraintes sur la trajectoire, la portée, les manœuvres finales
- contrôle de l'approche ä basse vitesse (efficacité des gouvernes, stabilité, degré d'automatisation…), puis pendant le ralentissement au sol (impact, glissement ou roulement)
- Intégration dans le trafic aérien, notamment en vol supersonique
Cette solution serait particulièrement bien adaptée pour un véhicule disposant d'un très grand rayon d'action, peu contraint par la localisation des pistes utilisables. En revanche, un drone "minimal" ne devrait pas disposer de toutes ces qualités de vol.
b - récupération par parachute
Ce mode de récupération permet a priori de tirer un meilleur parti de la portée du véhicule, car il peut être envisagé dès le retour en zone amie, en s'affranchissant des contraintes sur la localisation des pistes d'atterrissage et les trajectoires d'approche.
Le dimensionnement de la chaine parachutale et d'un éventuel dispositif d'amortissement sur coussin gonflable est toujours possible, mais il pénalise directement le volume alloué au carburant ou aux équipements.
L'utilisation d'un hélicoptère pour recueillir en vol le véhicule sous son parachute semble un mode de récupération plus avantageux:
- élimination des risques associés à l'impact (senseurs préservés, même peu durcis)
- suppression du problème d'intégration de dispositifs d'amortissement
- le choix du taux de chute, qui ne dépend que des performances de l'hélicoptère et du savoir faire des pilotes, permet de réduire la taille du parachute
- guidage/pilotage rudimentaire en phase terminale (vol rectiligne)
- choix de la zone au sol sans importance (récupération aérienne)
- le recueil en mer ne change rien au procédé
La possibilité de prolonger aussi loin que possible le vol aux basses vitesses permet de réduire les spécifications concernant l’ouverture du parachute de freinage. II est donc utile, même si on ne cherche pas à poser le véhicule sur une piste, d'en évaluer le comportement dans ce domaine de vol inhabituel.
Les échanges d'information entre un drone et une station de contrôle nécessitent la mise en place d'une liaison de données dont les caractéristiques diffèrent fortement selon le sens du transfert. La station transmet vers l'engin les données concernant la trajectoire et la gestion des modes des senseurs. Ce mode de contrôle est indispensable pour des missions de longue durée (comme la surveillance), notamment si elles doivent pouvoir être reconfigurées. II s'agit généralement d'une liaison à faible débit.
Inversement, le drone transmet en retour les données issues des senseurs, qui peuvent conduire à des débits très importants, et qui doivent être protégés contre le brouillage (compression des données, étalement du spectre de transmission, antennes directionnelles). Dans le cas de drones réalisant des images en continu, la transmission est une nécessité, car le stockage serait impossible.
Le vol à haute altitude est favorable à une bonne transmission à grande distance, en raison des faibles atténuations atmosphériques. II est alors possible d'utiliser des fréquences élevées, autorisant l'emploi d'antennes de petite taille. Toutefois, le bénéfice de cette bonne transmission n'est exploité que si la station de réception se trouve également à haute altitude (avion relais, satellite). En revanche, un transfert direct vers le sol ne semble pas possible à très longue portée car les signaux doivent traverser des couches basses de l'atmosphère: ils sont plus fortement attendus, et peuvent être brouillés par un émetteur situé entre le drone et la station sol.
De plus, même dans le cas favorable d'une station aéroportée à 12000 m d'altitude (cas d'un gros porteur qui pourrait également constituer la plate-forme de lancement du drone), les portées radioélectriques avec un véhicule évoluant ä 30000 m sont de l'ordre de 1100 km, ce qui peut constituer une limitation d'emploi lorsque de très grandes distances doivent être parcourues. Le transfert par satellite relais s'impose alors, mais il introduit de fortes contraintes géométriques pour assurer le pointage des antennes.
La mise en place d'une liaison de données pose donc un problème assez complexe, couplant très fortement le véhicule (masse, aérodynamique, pilotage) et son concept d'emploi.
Les contraintes opérationnelles imposent généralement une trajectoire complexe, avec au minimum la contrainte d'une récupération en zone amie. Les grandes vitesses de croisière imposent des rayons de courbures importants, et guident fortement le tracé du profil de mission. II est donc clair que le rayon d'action est nettement inférieur à la moitié de la portée sur trajectoire rectiligne, et qu'il existe une manœuvre de demi-tour optimale maximisant la pénétration. Par ailleurs, l'intérêt d'utiliser des trajectoires traversantes en dissociant lancement et récupération est d'autant plus grand que la vitesse est élevée.
LE DOCUMENT EST DISPONIBLE AUX PROCEDURES DE DECLASSIFICATION A PARTIR DU 18/06/2116