Mais il y a un contraste à dresser: depuis la décolonisation il y a trois siècles, il existe "deux Achosie", deux mondes diamétralement séparés et opposés. Pourquoi ne pas nous adonner à un petit exercice de comparaison. A quel point ces deux pays ont-ils divergé l'un de l'autre depuis la séparation. Après tout, il n'y a qu'un fleuve qui sépare nos deux entités. Le climat est similaire, la qualité des sols est similaire, aussi on part d'office avec une économie agraire relativement pauvre des deux côtés du manche, et une contrainte à considérer la pisciculture comme la ressource primaire principale. Nous partons donc de loin dans les deux cas. A quoi ressemble l'Achosie au lendemain de l'indépendance ? C'est là, je pense, la question par laquelle il nous faut passer pour ce petit exercice. Au XVIIIème siècle, l'Achosie, du nord, comme du sud, sont des contrées ayant un profond retard économique, que l'on attribue avant tout, il est vrai, aux propriétaires terriens locaux qui ont mal géré le virage du mercantilisme au lendemain des grandes découvertes. Nous avons une société stratifiée foncièrement attachée à la terre comme principal moyen de production de valeur et de richesse. Les strombolains, du nom que l'on donne aux velsniens installés là bas, ne sont pas étrangers à cette réticence, de même que les achosiens, qui du reste, ne voient pas une grande différence entre la manière dont les strombolains gouvernement comparé à eux.
Du point de vue démographique et culturel, qu'en est-il en cette fin du XVIIème siècle ? A quoi ressemble Achos à cette époque ? Si du point de vue économique, on part avec deux chevaux boiteux, il en est tout autrement sur ce plan là. Achos est au vu de l'état de ses ressources agricoles, une contrée extrêmement peuplée à cette époque. On y compte à peu de choses près une population similaire à la plaine velsnienne à la même période. Mais il convient de noter des disparités relativement importantes suivant les régions. Ainsi, le territoire de l'actuelle Achosie du nord a toujours été moins peuplé que l'actuelle République d'Achos, dans un ordre de grandeur allant sur du 8 contre 1 au minimum. Aujourd'hui, le territoire de la République compte dans les 7,4 millions d'habitants, dont une très grande majorité vivent sur son territoire celtique. Quant à l'Achosie du Nord, elle n'en compte encore aujourd'hui que 300 000 à 400 000 suivant les derniers recensements électoraux.
Du point de vue de la culture, là encore, la situation au lendemain immédiat de l'indépendance du sud est similaire des deux côtés de la frontière. Nous avons là affaire au cas classique de deux cultures et deux populations contraintes de vivre ensemble par une situation géopolitique qui les dépassent, et qui est l'héritage d'un long conflit meurtrier ayant éclaté bien des siècles auparavant. Les deux populations sont réparties sur le territoire d'une manière plus ou moins homogène suivant l'endroit, mais là encore, au même titre que l'aspect purement démographique, nous pouvons résumer la situation des deux Achosie de la manière suivante: les strombolains, eu XVIIème siècle sont en minorité sur l'ensemble du territoire au lendemain de l'indépendance, même en Achosie du nord. Mais il est important de noter que ceux ci représentent déjà près de la moitié de la population d'Achosie du Nord, alors qu'ils ne comptent que pour le quart des habitants du sud. Cette différence est cruciale, car elle va conditionner l'action politique de l'ensemble des acteurs impliqués dans ce "drame de l'Achosie" dont on a tendance à éluder l'existence. Il va sans dire qu'une population est plus mieux pourvue et intégrée que l'autre dans les grands circuits commerciaux de l'époque, et c'est justement l'une des raisons de cette indépendance achosienne. Cause que l'on pourrait de prime abord considérer comme tout à fait légitime, qu'on se le dise.
Voilà donc le tableau: une contrée séparée en deux, similaire dans son ensemble malgré quelques disparités territoriales et culturelles. A partir de là, nous pourrions donc mettre cette situation en parallèle à celle que nous connaissons en 2015, à l'heure où nous écrivons ces pages. Aujourd'hui, qu'est-ce que l'Achosie du Nord ? Nous pourrions la nommer "région", mais ce ne serait pas rendre justice à ses habitants. Je vois le terme de "région" comme profondément péjoratif, comme si ce n'était qu'une simple extension de Velsna en île celtique. Ce n'est pas le cas dans les faits, que ce soit politiquement, culturellement et économiquement. Et cela, n'importe quel de ses habitants, qu'il soit strombolain ou achosien vous le dira. Voyagez en Achosie du nord, et vous pourrez me rejoindre sur le portrait suivant. L'Achosie du nord est une entité, que l'on sépare bien souvent en deux sous-entités semi indépendantes, que l'on retrouve aussi sur le continent: l'organisation politique traditionnelle des velsniens que l'on nomme la cité. Et c'est là qu'est le hic: à cette organisation, on suppose que ce territoire n'est pas différent de la plaine de Velsna. En réalité, l'Achosie du Nord est une "région" dont les rapports sociaux sont très différents. Là encore, la propriété terrienne a moins été dévaluée, malgré la révolution industrielles du XIXème siècle, malgré la révolution numérique de ces dernières années, que dans le reste de la Grande République. Là encore, il y a le poids d'une aristocratie traditionnelle qui joué dans ce conservatisme. Pourtant, les achosiens du nord sont sortis de la pauvreté qui était la leur par le pragmatisme. Les achosiens du nord se sont adaptés aux grandes transformations affectant le reste du monde, ont su mettre de côté les structures économiques anciennes pour reconvertir leur lopin de terre en étape de passage indispensable pour le transport maritime. Le secteur de la pêche a vu son importance diminuer de manière significative au profit du fret et du transport naval, ainsi que de la construction navale civile ET militaire. De nos jours, l'Achosie du nord, malgré une population faible, malgré des ressources inexistantes, est une plaque tournante du grand commerce entre l'Eurysie et l'Aleucie. La quasi totalité des marchandises que vous pourrez voir décharger dans le Port de Nowa Velsna, en Aleucie, est passée au préalable en Achosie du Nord. Enfin, il faut noter l'essor progressif ces dernières années, d'un secteur de l'innovation et de la haute technologie, que l'on associe à l'essort économique fulgurant de Velsna en général.
En parallèle de cela, que dire des évolutions qu'on connu les achosiens du sud, dans cette quête éternelle du progrès économique ? Force est de constater que le pouvoir politique local, contrairement à aux acteurs d'Achosie du Nord, n'ont pas réussi à gérer la moindre grande évolution de la géopolitique mondiale ces trois derniers siècles. Si l'Achosie du Nord s'est appuyée sur un modèle politique décentralisé à l'image de Velsna, Achos est devenu un régime relativement centralisé où apparemment, les particularités de chaque territoire n'ont pas l'air d'être prises en compte. En 2015, il est temps de tirer le bilan lucide de la nation achosienne avec le recul de plusieurs révolutions industrielles: la situation économie achosienne est objectivement mauvaise, que ce soit en termes de de productivité et de diversification. En effet, le gouvernement achosien, bien loin de rechercher de nouvelles sources de revenus, s'est évertué à se concentrer sur des secteurs de l'économie traditionnelle à faible rendement. Dans quel pays peut-on décemment créer une crise diplomatique avec un autre pays sous prétexte d'une concurrence dans le secteur de la pêche au cétacé ? En République d'Achos. L'Achosie, en plus d'être dépendante à des secteurs instables, à rendement faible, est également en proie à un mal terrible en économie: la dépendance à un nombre extrêmement réduit de secteurs. En dehors de la pisciculture, Achos est resté un État dramatiquement sous développé au regard des standards eurysiens de l'ouest actuels. Que l'on se le dise: la situation n'est en rien dramatique comme en Eurysie de l'est ou en Afarée, mais le contraste entre l'évolution de la République d'Achos et la Strombolaine est des plus frappants.
Des explications à ce phénomène, il y en a plusieurs, comme dans toutes les situations complexes en Histoire, en économie ou en sociologie, et je pense que nous pouvons lier ces trois domaines afin de débusquer le profond malaise qui s'est emparé d'Achos ces trois derniers siècles. Pour cela, nous avons besoin de sortir du volet purement économique, et nous focaliser ce qui peut influencer cette situation: à savoir l'attitude des élites face aux grands changements, qui bien souvent préfigure celle du reste de la population, dans un phénomène que l'on connait bien sous le nom de "falsification sociale". Cette situation profondément passéiste dans l'économie est le reflet profond des comportements de cette intelligentsia au pouvoir depuis l'indépendance dans le sud du pays, qu'importe la formation aux commandes, qu'importe l'identité des consuls dans leur infernale et contre productive présidence tournante.
Pour illustrer cette situation, prenons deux situations. Que se passe t-il lorsqu'un problème éclate en Achosie du Nord, indépendamment de sa nature ou de ce qu'il affecte ? On règle le problème, tout simplement. A contrario, que se passe t-il lorsqu'un problème éclate en République d'Achos, selon les mêmes modalités ? On cherche des excuses pour se dédouaner de sa responsabilité. En l’occurrence, l'élite achosienne a acquis cette insupportable habitude, quelque soit la nature des problématiques auxquelles elle fait face, de reprocher l'intégralité de leurs problèmes à leurs voisins du nord. Cette entreprise de victimisation à outrance, cette manie à rouvrir des plaies qui sont supposées être fermées depuis trois siècles d'indépendance, tout cela est non seulement contre productif, car les achosiens du nord sont passés outre ces enfantillages depuis bien longtemps, mais c'est également profondément néfaste pour ceux qui continuent à se fonder sur ces souffrances originelles pour gouverner. Achos est comme un endroit où rien a changé en 300 ans, finalement, un endroit où pour légitimer son pouvoir, il suffit de dire que tout est de la faute des velsniens, qui du reste, sont relativement indifférents à leur existence. Systématiquement, la République d'Achos se sert depuis tout ce temps de la question de l'Achosie du Nord pour exister sur le concert des nations, car c'est là bien le seul capital politique dont ce pays dispose, à défaut d'avoir pu développer quoi que ce soit d'autre sans sa quête d'identité nationale. Il y a bien des initiatives secondaires, bien sûr, comme la supposée création prochaine d'une ligue celtique. Mais ce genre de manœuvre n'a qu'un seul but en réalité, et qui s'avérera aussi contre productif que le reste: nuire de façon systématique aux relations avec leurs voisins du nord. La République d'Achos a fait le sacrifice de sa conception de l'économie et de la construction de son identité en tant que nation sur l'autel d'une haine séculaire de la réussite de leurs voisins d'Achosie du Nord. La jalousie et l'envie ont empoisonné toute une nation, de par ses élites qui y ont vu le moyen de justifier leurs actions politiques, et ce depuis l'époque du financement de l'AIAN par ce gouvernement, qui était encore une réalité il y a un siècle.
Pour finir cet article, quoi de mieux que d'illustrer cette triste histoire par un drame, dont on a peu coutume de parler tant nous sommes passés à autre chose, parmi les achosiens du nord, et en particulier les strombolains. Souvenez vous de ce qui a été dit sur la composition sociale et démographique d'Achos au lendemain immédiat de l'indépendance. nous avions fait part des disparités dans la répartition des deux populations au nord et au sud, et qui ont grandement contribué à cette situation d'un pays divisé en deux entités distinctes. En Achosie du Nord, on reproche souvent une politique pseudo coloniale qui a animé les rapports entre strombolains et achosiens. Du reste, il y a du vrai...mais surtout une exagération amplifiée par les trois malheureux siècles de misérabilisme chronique des élites achosohones. Car pour elles, il vaut mieux parler de l'assimilation progressive et inéluctable de la minorité achosophone, et sa soit disant condition misérable (du reste, on constate que les achosiens du nord bénéficient d'un niveau de vie moyen largement supérieur à leurs voisins, mais passons), que de se focaliser sur les zones d'ombres de leur propre Histoire. Ce qu'ils oublient souvent, c'est de signaler que la langue achosienne a fait objet d'interminables démarches de préservation, que l'église d'Achos a été maintenue dans son autonomie et son indépendance et que ses citoyens peuvent depuis des années, faire acte de leur mariages, de leurs naissances et de leur morts dans leur langue auprès des administrations locales.
Du reste, question de parallèle: qu'est donc devenue cette population strombolaine qui composait autrefois le quart de l'Achosie du sud, celle qui était, malgré son conservatisme, malgré ses défauts, l'épine dorsale de l'économie locale. Celle qui cultivait la terre, celle qui détenait pour majorité les productions ? Il est difficile, souvent, d'imaginer que l'Achosie velsnienne a autrefois comporté plus deux cités états que sont Velathri et Strombola. Ce fut pourtant le cas: l'Achosie du sud était soumise au même modèle économique que le nord. Parles t-on encore du massacre de cette population au lendemain de cette indépendance, parles on de la disparition de cette culture, avec ses spécificités propres et ses rites ? Non, car les strombolains sont passés à autre chose, car ils ont été déterminés à ne pas se laisser dicter leur conduite par des attitudes passéistes et contre productives. Du reste, il est intéressant de constater que le retard dramatique prit par la République d'Achos est en grande partie leur fait, de par l'expulsion ou l'exil forcé de cette population, qui détenait une bonne part des moyens de production, de l’expérience et du savoir faire nécessaire au bon fonctionnement de l'économie. Plutôt que de chercher la conciliation, cette opposition ouverte, orchestrée par le pouvoir achosien, a provoqué un drame, coûté des vies, et maintenu le sud du pays dans état de détresse économique plus grand qu'il ne l'aurait été si cette indépendance eut été menée correctement.