Musique (obligatoire, kamarades)
L'UNIDEP Icamien au défi de l'après-Lorenzo Geraert-Wojtkowiak
QG de l'UNIDEP, parti devenu en Icamie, depuis l'accession au poste de Secrétaire Général d'Adelino Avermelhado, l'antenne officieuse du Leader de Lyonnars en Icamie.
Rio Formosa
Elections de mi-mandat à la Diète Fédérale Icamienne."
Les résultats prévisionnels montrent une percée de la Ligue du Renouveau à Zõ'sen et Stanopolis. Nous savons également de source sûre qu'ils ont grignoté de manière substantielle notre avance dans la banlieue nord de Rio Formosa. Les sondages d'opinion montrent également la probable pertes de nos fiefs historiques dans l'Est, à Cucapolis, Mãlh et Gilbués. "
L'ambiance, dans ce qui était devenu de facto la "salle de commandement et d'opération" du "Premier Parti d'Opposition d'Icamie" était pesante. Tout l'état-major du Parti était rassemblé, ainsi que des personnalités de premier plan sur lesquelles s'étaient appuyées la campagne, comme
Lassana Diouf, le chef cuisinier icamo-diambéen particulièrement présent dans la sphère médiatique icamienne - et vocal, en faveur du Parti, en plus d'être un ami personnel du Secrétaire Général -.
Toutes les fenêtres avaient été closes et doublement couvertes de rideaux, et tous les téléphones avaient été laissés à l'entrée de la salle : la peur paranoïaque de l'espionnage intérieur revenait hanter celui qui, dans sa jeunesse, avait pu être confronté à la brutalité des milices listoniennes autant que de celles des combattantes cannibales icamiennes. On ne l'y reprendrait pas.
Dans la pénombre éclairée péniblement par de vieilles ampoules crachotantes, dans la fumée des cigarettes enchaînées au bon plaisir des espaces privés, Adelino Avermelhado siégeait tel un chef de guerre. Il était assis là où tout le monde devait rester debout, incliné sur cette toute nouvelle table interactive montrant une carte des résultats prévisionnels en temps réel, ajustable et déplaçable sur la surface de toute l'Icamie. L'un des joyeux de la technologie moderne du terroir, fruit de la cotisation de nombreux adhérents ... Et des fonds étrangers.
"
Pas d'inquiétudes, " émet Adelino, en balayant tout cela d'un moulinet de la main, "
Nous reprendrons tout cela grâce à notre campagne financée par le Camarade Lorenzo. "
Un silence de mort tombe sur l'assemblée, déjà peu loquace.
Une voix s'élève, c'est le coordinateur du District Fédéral :
" Camarade Secrétaire-Général, Lorenzo ... Lorenzo ... ""
Lorenzo a été victime d'un attentat. " enchaîne le chef du cabinet d'Avermelhado, "
Des traîtres l'ont lâchement abattus avant de fuir, dispersé par les commandos loduariens. "
Le Secrétaire Général de l'UNIDEP est préoccupé ... pendant un instant, avant de se reprendre, après avoir dégluti de manière sonore :
"
Pas d'inquiétudes alors. Nous sécuriserons le financement du prochain Guide de la Révolution ... La nouvelle est terrible, mais le Camarade Lorenzo a sûrement pris soin d'avoir un plan de contingence. De pouvoir pallier à cette triste éventualité. Il a dû nommer un successeur digne en cas de disparition subite. Quelqu'un qui sera à même de garder la flamme prolétarienne vivante en Eurysie et dans le Monde ! "
"
Il a été succédé par Aube Thora, camarade Secrétaire-Général. " explique le chef du cabinet.
Après l'espoir fugace - mais réel -, la désillusion. Les traits d'Adelino Avermelhado se durcissent. Il baisse le regard. De sa main droite, si habile dans les moulinets, si dextre dans la manipulation du stylet, il attrape méthodiquement ses lunettes.
"
Abe, Mourão, de Arruda et Irupé restent. " énonce-t-il, en pliant méthodiquement les branches de ses lunettes qu'il pose sur la table, "
Les autres, dehors. "
Le chef du cabinet et le coordinateur du district, ainsi que deux comparses, restent. Malgré l'ordre, Lassana Diouf et une autre personne au ventre prééminent restent. Tout le reste se précipite vers la sortie, pour ne pas se risquer à encourir la fureur du Secrétaire Général.
Tout le monde se regarde. Personne n'en mène très large. Le Secrétaire Général est toujours prostré sur sa chaise.
Soudain, il explose.
"
Il me l'avait promis ! "
Quoi ? Quand ? De quel manière ?
"
Il m'avait promis qu'il allait m'aider à répandre la Révolution en Icamie ! "
Personne dans la salle - ou même dans le Parti - n'était bien capable d'affirmer ou d'infirmer cette information. Adelino Avermelhado s'était entretenu - semblait-il - avec le Camarade Lorenzo en privé, mais personne n'avait connaissance de ce qu'il s'était dit.
"
Comment peut-il me faire ça ? " continue-t-il à vociférer, à tel point que tout l'étage peut l'entendre, "
Comment peut-il me faire ça à moi ?!
Est-ce donc à cela qu'on en est réduit ? Que le communisme international en est réduit ?
Une bonne femme ?! "
Dans cet éclat, on reconnaît les idéaux profonds d'Adelino Avermelhado. On reconnaît les inquiétudes - qu'il considère légitime - à l'égard de la République Fédérative d'Icmaie, de son fonctionnement et de son héritage historique. L'Icamie - ce qui constitue l'Icamie historique, ce que l'on nomme "Icamiaba" - était un assemblage de cités-états et de royaumes en leur grande majorités matriarchiques. Les femmes étaient au pouvoir en Icamie. Les femmes dictait la marche de l'Icamie. Les femmes avaient coulé la légitimité de l'Icamie tant dans son armée - avec les exactions commises pendant la guerre - que dans sa diplomatie - avec ses absurdes démonstration misandres où elles refusaient de parler à des hommes, dans le passé - que même jusqu'à sa religion - avec le cannibalisme rituel qui attirait les railleries et quolibets dans le monde entier -.
Pour Adelino Avermelhado, les femmes étaient la source du problème.
Et voilà que la Loduarie était dirigé par une femme.
"
Il m'a menti ! Ils m'ont menti ! Vous m'avez tous menti ! Vous !
Des féministes !
Vous ! Vous, les Loduariens ! Les Militants !
Rien qu'un ramassis de féministes ! "
Le coordinateur du District Fédéral, Mourão, interpose sa parole :
"
Camarade Secrétaire-Général, je ne peux pas vous permettre d'insulter nos militants ... "
"
Féministes ! Incompétents ! Des socio-traîtres ! Tous ! "
"
Camarade Secrétaire-Général, ce que vous dites est complètement faux !.. "
"
Et vous, les "cadres", les "coordinateurs"... " l'interrompt Adelino sans vergogne, en se levant l'index pointé rageusement, "
Vous êtes la lie du peuple Icamien !
Vous n'avez aucun courage ! Aucun sens moral ! Aucune fiabilité ! "
Il jette le stylet sur la table, laissant une fissure crépitante sur la dalle lumineuse.
"
Vous vous pensez mieux que tout le monde parce que vous avez fait de grandes études dans des "grandes universités", surtout à Akahim et Akakor !
Tout ce que vous avez appris, c'est à chatouiller le clito des décideuses !
Ca fait des années que vous me mettez des bâtons dans les roues ! Que vous me freinez ! Je le vois maintenant ! Tous ! Même Lorenzo ! Tout ça pour plaire à une bande de gonzesses ! Je n'aurais pas dû me contenter de les dégager du Parti ... Oh non. J'aurais dû faire exécuter tout le monde ! Tout le monde ! Comme Lorenzo ! "
Adelino Avermelhado a le souffle court. Il halète. Il doit se rasseoir ... mais il ne se calme pas pour autant. Il est ferme, et il continue de gesticuler.
"
Je ne suis pas allé à l'université, moi ! " se congratule-t-il en frappant sa poitrine, "
et c'est moi qui ait permis au peuple Icamien de s'exprimer ! C'est moi, l'Opposition ! C'est moi, la seule véritable alternative pour l'Icamie ! Moi ! "
Il repose ses coudes sur la table lumineuse, et pose sa tête dans le creux de ses mains.
"
Des traîtres ... " soupire-t-il, "
des féministes ...
On m'a menti ... depuis le début. On m'a trahi ... depuis le début.
Quelle drame pour le peuple d'Icamie ... Quelle trahison !
Mais vous allez tous payer ... Tous les traîtres vont payer ... "
Il relève la tête. Il toise méthodiquement un à un chacun des cadres à qui il a demandé de rester, sans viser Lassana ou son comparse ...
"
De leur propre sang ! Oui ! Vous allez tous payer de votre propre sang ! Vous allez voir quand vos femmes chéries vont débarquer ! Elles vont vous violer, et vous manger !
Et quand leurs dents déchireront votre chair, vous réaliserez votre folie ! "
Il se penche, se recroqueville. Il renifle. On peut voir perler des larmes à ses yeux, et de la morve à son nez. Il utilise sa manche pour s'essuyer.
"
Tous mes ordres ont été ignorés ... Comment est-ce que je peux être "Secrétaire-Général" dans ces conditions ?
C'est fini.
Ces élections sont perdues. Tout ça à cause des femmes, partout.
Mais si vous pensez que je vais prendre ma retraite, que ça signifie ma fin ... Ah, vous vous trompez. Je préférais me faire sauter la cervelle. "
D'un geste de la main presque théâtral, il congédie la maigre assemblée.
"
Faites comme bon vous semble, mais attendez-vous à voir le Parti changer très bientôt. "