Je t'ai vu souvent parler du monde,
du vaste, de l'ample, de l'universel.
Tu tenais l'injuste entre deux doigts,
comme un papier fragile qu’on agite
mais qu'on ne froisse jamais.
Tu regardais loin,
très loin,
au point de ne plus voir
dans ton dos.
Tu étais toujours prêt à pleurer
pour ceux que tu ne rencontrerais pas,
jamais pour celui qui se taisait à côté.
Ton cœur était grand
mais il ne faisait pas le tour
de ta propre maison.
Tu m'as cru replié sur moi-même.
Tu disais que je manquais d’élan,
que mes pas étaient petits.
Mais j’ai commencé par moi,
non par orgueil,
non par oubli,
mais parce que nul ne peut verser
d’une coupe vide.
J'ai réparé des silences,
j’ai tenu la main qu'on oublie,
j’ai appris le poids d'un regard
quand il se pose, sans fuir.

Mais ce que j'ai donné a passé de main en main,
sans nom, sans drapeau.
Il est arrivé plus loin que moi,
sans nul besoin que je l’envoie.
Il y a des feux qui brûlent sans éclat,
et réchauffent pourtant.
Aimer n’est pas un grand geste
mais une suite de présences.
Ce que l'on donne vraiment
ne commence ni au sommet ni au lointain,
mais là où l'on est.
Et ce cercle,
s'il est tracé avec justesse,
s'élargit.
Charité bien ordonnée
ne regarde pas moins loin -
elle commence juste plus près.